Si le Blues coule dans la peau de la jeune artiste belge GHALIA VOLT, c’est aux Etats-Unis et notamment à la Nouvelle Orléans que son style s’est révélé. Avec déjà trois albums au compteur, elle a joué avec des pointures du genre tout en affirmant un style très personnel. Rencontre avec une artiste qui n’a pas froid aux yeux.
– Tout d’abord, quel a été le déclic qui t’a décidé à traverser l’Atlantique et te poser à la Nouvelle Orléans ? Sachant que la ville compte un grand nombre de talentueux musiciens, tu n’as pas été trop intimidée en arrivant ? Et est-ce que ton adaptation s’est faite facilement ?
En 2014, je pars pour la première fois aux Etats-Unis dans l’idée d’aller visiter les villes dont parlent les chansons que j’écoute. A 21 ans, avec mon sac à dos et mes petites économies construites par une multitude de séries « Busking » au centre de Bruxelles. Je commence par New Orleans, puis je traverse toute la Louisiane, le Texas, le Mississippi, le Tennessee, l’Arkansas le Missouri et enfin l’Illinois. Si je décide de m’installer ici, c’est qu’il n’y pas deux endroits comme cela. Je tombe sous le charme directement. Marcher dans New Orleans, c’est comme marcher dans un recueil de poésie. Oui, l’intégration s’est faite facilement grâce à mes contacts et diverses expériences. Comme d’habitude pendant tout le voyage, je suis vite montée sur scène, j’ai rencontré des groupes, des musiciens et j’ai enregistré… J’ai fait une démo, à la base pour le fun, avec un groupe nommé les « Mama’s Boys », qui a attiré l’attention de mon label, Ruf Records, et qui m’a demandé d’y retourner enregistrer l’album complet. C’est ainsi qu’après quelques aller-retours entre l’Europe et les USA, je me suis installée en 2016. Effectivement à New Orleans, il y a 20.000 musiciens. Ce n’est pas une légende. Avant le Covid, je pouvais facilement faire 5 à 6 concerts par semaine, quand je ne suis pas en tournée. Mais comme dans la vie en général, il faut se démener pour se faire une place.
– J’imagine que tu es arrivée aux Etats-Unis avec des certitudes et surtout une vision personnelle de ta musique. As-tu changé ton jeu, ou est-ce qu’au contraire le contexte l’a fait évoluer ?
Absolument, à tous les niveaux. Je suis arrivée aux USA avec beaucoup de passion pour la musique et un certain bagage culturel. Tout a bien sûr évolué, de mes connaissances à mes compétences. Tu grandis facilement, car tu es entourée de talents dont tu t’inspires et apprends comme de bons amis tels que Watermelon Slim, Sean Bad Apple et bien d’autres. Mais j’ai aussi évolué rapidement car je joue tout le temps. J’ai toujours une guitare en main, une situation qui me pousse à écrire, l’envie de chanter, une jam… Et puis, ces fameux concerts dans les clubs qui durent jusqu’à 4 heures. Si tu fais le compte : 4 heures, cinq fois semaines, ça fait pas mal d’heures de performance. Chaque rencontre, chaque expérience, chaque voyage offre un apprentissage important.
– Tu as sorti rapidement « Let The Demons Out » puis « Mississippi Blend », deux albums que tu as enregistrés avec des pointures du genre. Qu’est-ce qui a été le plus enrichissant humainement et artistiquement ?
Les deux albums sont deux expériences tout à fait différentes. « Let The Demons Out » enregistré à New Orleans avec les Mama’s Boys était magique. Ils sont devenus comme ma famille et ils le sont d’ailleurs toujours. Nous nous retrouvons encore pour fêter Thanksgiving, ou lors de simples occasions pour boire une bière. On a vécu de très beaux moments ensemble. L’un des souvenirs mémorables a été la Norvège pendant l’une des tournées européennes. Avec l’album « Mississippi Blend », c’est un autre rêve qui s’est réalisé. On a enregistré au Zebra Ranch Studio, dans le Hillcountry du Mississippi, fondé par Jim Dickinson qui a accueilli des pointures allant de Bob Dylan à Robert Plante ou aux Cramps, en passant par R.L Burnisde ou Othar Turner. J’ai coproduis l’album et j’ai invité mes comparses des Mama’s Boys, Smokehouse Brown et Dean Zucchero, mais aussi mes chers amis Watermelon Slim et Lightnin’ Malcolm qui m’ont fait l’honneur de quelques morceaux. Collaborer avec Cedric Burnside et Cody Dickinson a été magique. Le Mississippi n’est pas très grand et tout le monde se connaît. Depuis 2014, je parcours toutes les villes et festivals de la région. J’ai vite rencontré Cedric qui m’a toujours fasciné. C’est un honneur de l’avoir sur l’album et un réel plaisir de travailler avec lui. Son groove a donné une autre dimension à mes compositions, et je suis heureuse d’avoir pu capter ça en studio.
– Alors que sur les albums précédents tu jouais en groupe, sur « One Woman Band », tu es seule aux commandes. Comment la transition s’est-elle passée et cela t’a-t-il obligé à changer certaines choses dans ton jeu et dans l’approche des morceaux ?
Disons que c’est un challenge différent, mais l’approche créative des morceaux est plus ou moins identique. J’écris les paroles, les mélodies et les grooves, et puis je les répète. Il a fallu énormément de pratique et de répétitions pour pouvoir enregistrer ce set-up live en studio. Se rappeler des paroles, les chanter, faire attention à la prononciation tout en jouant de la guitare et battre le rythme avec les deux pieds sur trois éléments de batterie différents était un vrai défi à relever !
– Justement, ton jeu est très roots avec un son de guitare très rugueux et massif. On n’a pas vraiment l’impression d’écouter une Européenne. Comment t’es-tu appropriée cette façon si singulière de jouer ? Tu l’avais déjà en arrivant en Louisiane ?
Non effectivement, j’ai appris sur le tas. Je n’ai jamais été une élève très assidue. Mon jeu de guitare s’inspire des vinyles que j’écoute et de mes voyages. Au niveau du son, j’adore le son traditionnel d’un bon Elmore James ou Magic Sam : simple, gras et efficace. Pas de pédales nécessaires, juste un bon vieil ampli dont tu peux faire craquer la membrane. Au niveau du jeu de guitare, cela s’est effectivement fait en me baladant à droite à gauche, en regardant pendant des heures des musiciens passionnants et en allant à leur rencontre. Ce n’est pas mon style de regarder des vidéos sur YouTube ou d’apprendre des partitions… A travers mes voyages, j’ai pu observer, rencontrer, échanger et partager avec des personnes qui ont eux-mêmes appris de cette façon-là. Par exemple, Sean Bad Apple, qui est devenu un ami proche ou Jimmy Duck Holmes, m’ont montré des licks et tricks, qu’eux-mêmes ont appris par Jack Owens qui a appris aux côtés de Skip James. C’est cette approche que j’aime dans mon apprentissage.
– D’ailleurs, peux-tu parler de ton jeu de slide, qui est presque saturé et omniprésent ? C’est d’autant plus surprenant car la slide est habillement utilisé de manière limpide et cristalline. Ton Blues est finalement très Rock en plus d’être roots…
Oui, il y a deux écoles pour la slide. Il y a le son clean comme les Allman Brothers, Derek Truck, etc… Que j’aime beaucoup et dont j’admire la technique. Et puis, il y a le côté plus Delta Blues avec des personnes comme Son House, Fred McDowell, Robert Johnson, Elmore James, Muddy Waters, etc… qui au contraire se veut dirty, gras et pas bichonné. Je pense que, pour l’instant, c’est ce qui me parle le plus, mais ça pourrait changer d’un morceau à l’autre.
– Tu as composé ce nouvel album en parcourant une grande partie des Etats-Unis en train. Cela t’a inspiré au niveau musical ou plutôt dans le contenu des textes avec des thèmes que tu n’abordais pas auparavant ?
Je dirais surtout dans le contenu des textes. Il était facile de se retrouver dans un rêve éveillé à la vue tous ces paysages. 18 états, un bon paquet de villes, des déserts, des montagnes, l’océan, etc… Puis, les aventures et les expériences vécues pendant le trajet ou le fait aussi et surtout d’être un mois toute seule, confrontée à mes pensées, ma solitude et ma créativité. Et puis beaucoup d’heures de train, où je me suis retrouvée face à mon cahier et collée à ma guitare.
– Pour conclure, comment qualifierais-tu le son de « One Woman Band » ? Plutôt américain ? Européen ? Ou à mi-chemin entre les deux ?
Cela ne ferait pas partie de ma définition. Peu importe. Je crois que même si j’y travaille, ma prononciation laisse entendre que je suis Européenne. Pour parler du son de « One Woman Band », comme sur mes autres albums, j’aime aller vers quelque chose d’organique sans fioritures. Le son se veut ’raw’ avec une distorsion naturelle et une voix chaleureuse mise en avant. L’album a été enregistré en grande partie en live et sans multipiste. Je chante, je joue de la guitare et de la batterie, le tout simultanément et cela s’entend. Je cherche une approche traditionnelle tout essayant d’innover. La seule chanson enregistrée en deux étapes est « Espiritu Papago ». J’ai enregistré la guitare rythmique et la batterie en une fois et suis revenue enregistrer la voix séparément, car c’était plus excitant pour moi de me concentrer uniquement sur la partie vocale. Sur cet album, j’ai aussi invité Dean Zucchero et Monster Mike Welch, qui ont fait des overdubs sur deux chansons chacun… C’est la cerise sur le gâteau !
3 réponses sur « Ghalia Volt : roots, organique et sans fioritures [Interview] »
Perso je me suis arrêté à « Robert Plante » (sic)
La honte…
Là, je crois qu’on tient notre vainqueur ! Bienvenue dans le « Hall Of Shame » ! 😉
[…] Ghalia Volt : roots, organique et sans fioritures [Interview] […]