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Post-HardCore

Junon : viscéral

Sorte de mariage forcé entre souffrance et colère et entre mélodies et brutalité, « Dragging Bodies To The Fall » se lit comme une plaie que la formation de Béthune ne cherche d’ailleurs pas forcément à refermer ou à panser, mais plutôt à extraire. Les morceaux sont combatifs, jamais résignés, ils prennent aussi de la hauteur dans des sphères plus élevées laissant passer un halo de lumière dans cette noirceur, parfois abyssale. Tout en contrôle, JUNON met la pression, impose son style et son jeu avec autant de force que de précision.  Un véritable modèle du genre !  

JUNON

« Dragging Bodies To The Fall»

(Source Atone Records)

La tension est loin d’être retombée chez JUNON. Il y a deux ans, les Nordistes nous avaient livré avec l’EP « The Shadow Lenghten » (2021) un avant-goût de son Post-HardCore à travers quatre morceaux, qui avaient déjà fait l’effet d’une bombe à fragmentation. Aussi changeants qu’insaisissables, ils se présentent cette fois sur la longueur avec « Dragging Bodies To The Fall », un premier album où ils se déploient dans une certaine fureur. Avec Francis Castre du Studio Sainte-Marthe aux commandes, les ex-General Lee ont mis toutes les chances de leur côté et l’ensemble bénéficie d’une production massive et équilibrée.

Parce que sans un son irréprochable, impossible de saisir toutes les subtilités à l’œuvre ici. JUNON dispose toujours de ce mur de guitare, formé par ses trois six-cordistes, qui trouvent vraiment l’harmonie dans ce dédale de riffs. Mais on est loin du chaos. Personne ne joue sa partition dans son coin, et chacun œuvre à une même dynamique. Là aussi, toute la pertinence du jeu du sextet se trouve dans les détails… et ils sont nombreux. Le sextet articule ses compos sur des rythmes à géométrie variables, tantôt fulgurants ou plus aériens. La rythmique basse/batterie s’avère redoutable et donne le cap de manière magistrale.

L’univers de JUNON est obscur, parfois terrifiant et oppressant à l’instar du chant d’Arnaud Palmowski, rugueux et tenace. En ouvrant avec « Segue 1 – The Final Voyage », sorte de capsule, dont on retrouve une seconde partie un peu plus tard (« Segue 2 –Dragbody »), le groupe fait dans la nuance et scinde ce nouvel opus en deux parties distinctes. Les émotions se bousculent, s’entrechoquent et se percutent sans jamais perdre le fil. Les déchirures sont nombreuses, mais la solidité et le refus d’abdiquer aussi. Il y a dans ce « Dragging Bodies To The Fall » beaucoup plus de résistance que de résilience, et ça : c’est bien ! Bravo !

Photo : Emmanuel Poteau

Retrouvez la chronique du premier EP, « The Shadows Lenghten » :

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Thrash Metal

Anthares : d’attaque !

Au terme ‘Old School’, je préfère nettement celui d’originel car, à l’écoute de la nouvelle réalisation d’ANTHARES, la production soignée et moderne vient fracasser cette image ‘vintage’ qu’on trouvait, c’est vrai, sur celles des années 80 et 90. Et si le Thrash Metal des Français va chercher sa source chez les pères fondateurs du style, nous sommes bel et bien au XXIème siècle et cela s’entend sur cet « After The War » à la fois technique, sauvage et qui alterne habillement les moments percutants et les titres mid-tempos. Un disque qui fait du bien à la scène hexagonale ! 

ANTHARES

« After The War »

(M&O Music)

Le temps s’écoule paisiblement sous le viaduc de la cite finistérienne de Morlaix et même au rythme de trois albums en près de 30 ans pour ANTHARES. Pour autant, la virulence et la puissance affichées sur « After The War » ne laissent pas vraiment penser que la vie soit un long fleuve tranquille pour lui. Loin de là ! Cela dit, le temps a aussi fait son œuvre, puisque la formation reste ancrée dans un Thrash Metal des origines du registre, celles qui forgèrent un style finalement hors-mode et intemporel… et c’est tant mieux ! On y retrouve autant de sonorités propres à Slayer, Exodus, Kreator et même Annihilator. L’éventail est donc large ! 

Si le troisième opus des Bretons ne sort qu’aujourd’hui, n’allez pas croire qu’ils se la coulent douce. Non, comme quelques autres, ANTHARES a connu des départs, un split et a sorti une démo et « Pro Memoria » dans sa première vie, entre 1996 et 2001. C’est depuis 2013 que le quintet a entamé sa marche en avant avec un EP, « 2 My Last Breath », puis « Addicted To Chaos », un second effort qui est venu confirmer sa vitalité. Des débuts, seul son emblématique frontman François ‘Fanfan’ Voisin reste solidement accroché à l’entité et la bonne dynamique de son groupe. Et le résultat est plus que palpable sur « After The War ».

Bien aidé par une expérience acquise au fil des années, nos thrashers affichent un son massif et tranchant, parfaitement mis en valeur par une production compacte, musclée et pleine de relief. Ici, les riffs sont racés et aiguisés au mieux pour servir des compos véloces et rageuses (« Invaders From The Outer Space », « Burning Light », « Lost », Trance Thrash », « Pain »). Jamais ANTHRARES ne donne dans la demi-mesure, le combo est sûr de sa force et est parvenu à moderniser son jeu en offrant des compos variées, alternant aussi les tempos au gré du chant de son fondateur, véritable pierre angulaire du groupe. Bien joué !   

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Ambient Progressif Soft Rock

North Sea Echoes : la puissance du calme

L’avantage de se connaître depuis de longues années permet de se trouver les yeux fermés. Forts d’une expérience commune conséquente, le très prolifique guitariste Jim Matheos et le génial frontman Ray Alder se sont une fois encore réunis autour d’un projet parallèle, né de la très féconde créativité du multi-instrumentiste et de sa fascination pour les musiques progressives évidemment, mais aussi Ambient. NORTH SEA ECHOES se dévoile avec « Really Good Terrible Things » dans univers pas si tranquille qu’il n’y parait.

NORTH SEA ECHOES

« Really Good Terrible Things »

(Century Media Records)

Piliers indissociables de Fates Warning depuis des décennies, le chanteur Ray Alder et le guitariste, compositeur et producteur Jim Matheos ne se quittent plus. Au départ destiné à Tuesday The Sky, son projet très instrumental et Ambient, ce dernier a eu la certitude que ses morceaux auraient un tout autre relief avec une voix. Le duo s’est donc remis à l’ouvrage pour un album aussi étonnant que parfaitement réalisé. Avec NORTH SEA ECHOES, les deux hommes sortent de leur zone de confort avec brio.

Au risque que leurs fans ne les suivent pas dans cette nouvelle aventure, où le Metal est totalement absent, Alder et Matheos mènent ce projet de main de maître et cela mérite vraiment d’être souligné. Dans des atmosphères plus douces et feutrées, NORTH SEA ECHOES conservent un petit côté progressif dans un esprit Soft Rock apaisant, mais non sans émotions, bien au contraire. Brillamment composé, « Really Good Terrible Things » séduit aussi par la qualité des textes du songwriter. Et Alder sait y faire.  

Dès « Open Book » en ouverture, le ton est donné sur un rythme contemplatif, assez dépouillé, mais qui capte d’entrée l’attention. Assez sombres, les morceaux de « Really Good Terrible Things » n’en restent pas moins positifs, grâce aux paroles d’Alder. Avec le raffinement comme leitmotiv, les deux artistes nous embarquent dans un voyage souvent intime, parfois secret, et l’on se perd avec plaisir dans les méandres de ce Rock aux saveurs Ambient (« Flowers In Decay », « Empty », « Unmoved », « Where I’m From » « No Maps »).

Photo : Jeremy Saffer
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Doom Heavy metal Old School

The Obsessed : le cinquième monument

Depuis sa création il y a près de cinq décennies, THE OBSESSED n’a jamais trahi la cause : elle sera Heavy et Doom, ou ne sera pas ! Et l’inflexible Wino, père fondateur de l’institution, veille au grain. « Gilded Sorrow » s’inscrit donc dans cette tradition, cette patte qui a fait des Américains l’un des précurseurs du genre, mais aussi l’un de ses plus fidèles représentants. Sur une production ténébreuse, on se laisse porter par ce chant si particulier, ses guitares imposantes et cette rythmique lourde et massive…. avec la même délectation.

THE OBSESSED

« Gilded Sorrow »

(Ripple Music)

C’est en 1976 à Potomac, Maryland, que Scott ‘Wino’ Weinrich a posé les fondations de THE OBSESSED, encore baptisé Warhorse. Quatre ans plus tard, le groupe fait sa mue et s’apprête à marquer les esprits, malgré un parcours pour le moins atypique. Un EP en 1983, « Sodden Jackal », puis un premier album éponyme, qui ne sortira finalement qu’en 1990, suffiront à façonner le mythe. Deux autres disques suivront en 1991 et en 1994 avant la séparation. Mais le trio était déjà entré dans la légende et il se pose alors dans l’inconscient Metal collectif.

Après avoir rejoint la Californie pour Saint Vitus, Wino fonde Spirit Caravan, puis Shine. C’est en 2017 que THE OBSESSED renaît de ses cendres et dans une formule en quatuor. « Sacred » remet le groupe sur de solides rails plus de 20 ans après « The Church Within » et s’impose sur la scène Metal underground américaine. Basé sur un Heavy Metal radical et des ambiances Doom écrasantes, ces réalisations sont devenues des classiques et c’est dans cette même veine que se déploie « Gilded Sorrow », le cinquième monument. Le morceau-titre est d’ailleurs un modèle du genre et presqu’une signature.

La recette est restée identique. Old School et hargneux, le Heavy Metal de THE OBSESSED évite le superflu pour aller à l’essentiel sur des riffs acérés et bruts dont l’objectif est une efficacité de chaque instant. Epais, groovy et sombre, « Gilded Sorrow » garde toujours cet esprit vintage, mais avec beaucoup de fraîcheur dans le jeu. Rugueux et massifs, les neuf titres nous propulsent sans ménage dans des atmosphères saisissantes et obscures (« Daughter Of An Echo », « The Obsessed », « Stone Back To The Bomb Age », «  Wellspring-Dark Sunshine », « Jailine »). Déjà essentiel !

Photo : Jessy Lotti
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Doom Doom Rock France Stoner Doom

Witchorious : dans les pages du grimoire [Interview]

WITCHORIOUS, c’est un trio composé d’Antoine Auclair (guitare) et des frère et sœur Paul (batterie) et Lucie (basse) Gaget, qui s’est forgé un univers Doom autant Metal que Rock et débordant à l’envie dans des atmosphères Stoner. En quelques années, les Franciliens ont su façonner un son et une identité très personnelle, au point de taper dans l’œil du label italien Argonauta Records. Antoine se fait porte-parole du groupe pour revenir sur ce premier album plus que réussi. Entretien.  

Photo : Cred Faallaway

– Avant de parler de ce premier album éponyme, j’aimerais que l’on revienne sur la création du groupe, qui est aussi une histoire de famille… Quel a été le déclic ?

On avait déjà joué ensemble avec Lucie, au sein de différents groupes. Au moment de créer ce nouveau projet, on a naturellement pensé à Paul pour nous rejoindre. On savait qu’il aurait beaucoup à apporter à ce nouveau projet de part ses influences et son jeu de batterie. Et puis, quand tu montes un groupe avec des gens, tu vas passer énormément de temps avec eux et ce n’est pas toujours pour rigoler, donc autant le faire avec des gens que tu aimes.

– WITCHORIOUS a vu le jour il y a cinq ans et vous aviez commencé par sortir un single avec les titres « 3 AM » et « Evil Creature ». Malheureusement, la pandémie a brisé ce premier élan. Quelle a été votre réaction à ce moment-là. Car, comme pour beaucoup, de nombreux espoirs et investissements se sont envolés…

On avait prévu d’enregistrer un EP au moment où le premier confinement est tombé. On a naturellement été déçu de devoir le repousser. Mais avec le recul, c’est ce qui nous a permis d’affirmer notre projet en travaillant davantage nos morceaux et notre identité. On en a profité pour travailler sur d’autres riffs, d’autres thèmes. C’était un moment très propice à la réflexion, notamment sur la vie avec cette ambiance de fin du monde, et de ce point de vue là, ça tombait plutôt bien. On a aussi évolué pendant ce temps, et donc on a intégré d’autres influences. Au final, l’album qu’on a produit ressemble vraiment à la proposition artistique qu’on rêvait de sortir, et je pense qu’il est beaucoup plus riche et abouti que le potentiel EP qu’on aurait pu sortir à la base. De toute façon on n’a pas eu le choix, il a fallu laisser faire le karma !

Photo : Brian Downie

– Après votre single, vous aviez donc en tête de sortir un EP de 5 titres. Finalement, vous avez revu vos ambitions à la hausse et décidé de vous lancer dans un album complet. Souvent, les groupes sortent des formats courts par manque de moyens, ou pour jauger leur following essentiellement. Cette étape ne vous a finalement pas paru nécessaire ?

C’est vrai qu’on s’est d’abord posé la question de ce qui serait le mieux stratégiquement : EP ou album ? En discutant avec les gens, les points de vue étaient tellement divergeants qu’on n’a pas trouvé de réponse, et comme chaque parcours est particulier, on a choisi de plutôt faire comme on le sentait. Avec cette histoire de pandémie, qui nous a donné un répit sur les répétitions et les enregistrements et donné beaucoup de temps pour écrire, c’est devenu limpide. Alors c’est vrai que ça a été un plus gros investissement, autant en efforts que financièrement, mais on ne regrette pas du tout. On adore écouter des albums où le propos peut être complètement développé, et on avait trop envie de faire un LP. Les conditions étaient réunies, alors on n’allait pas se priver.

– Ensuite, vous avez cherché un label, ce qui n’est jamais une mince affaire. Vous faites votre entrée sur le très bon label italien Argonauta Records, dont le catalogue est de grande qualité. Comment cette signature a-t-elle eu lieu et les avez-vous facilement convaincus ?

On trouvait le roster d’Argonauta excellent, il travaillait déjà avec quelques groupes français qu’on apprécie comme Conviction, Goatfather et Oaks. Au moment de chercher un label pour préparer la sortie de l’album, on l’a contacté et le projet l’a tout de suite emballé. On est très heureux de travailler avec Argonauta pour ce premier album. Gero, qui gère le label, est un passionné et il sait parfaitement nous conseiller.

Photo : Cred Faallaway

– J’aimerais que l’on parle de l’univers de WITCHORIOUS qui, forcément, tourne autour du personnage de la sorcière qui endosse d’ailleurs de multiples rôles. Est-ce que vous pensez que cela deviendra récurrent, ou voyez-vous plutôt « Witchorious » comme un album-concept ?

On ne voit pas vraiment ce premier album comme un album-concept, mais plutôt comme un recueil de morceaux présentant notre identité. On aime bien utiliser des métaphores dans nos textes et on trouvait intéressant de développer celle de la sorcière car, pour nous, c’est une figure à la fois rebelle et oppressée, qui effraie et fascine. Ce personnage de la sorcière est présent jusque dans le nom du groupe et fait fortement partie de notre identité, je pense qu’on continuera à la faire vivre par la suite. Et puis, c’est aussi un cliché dans le genre du Stoner Doom, et ça nous amuse beaucoup d’en jouer.

– Musicalement, votre Heavy Doom oscille entre Metal et Rock et j’y vois même un certain parallèle avec Candlemass et Avatarium. Est-ce que leur parcours et leur histoire commune et respective ont pu avoir une influence dans votre processus de création et d’exploration de ce vaste registre ?

Ce sont des groupes qu’on adore, et je trouve que le Doom d’Avatarium a un côté particulièrement grandiloquent, qui m’a toujours fasciné. Les deux font clairement partie des groupes qui ont influencé certains de nos morceaux, parce qu’ils ont exactement cette démarche d’un Doom qui reste très traditionnel dans les riffs et l’approche, mais avec des structures et des esthétiques qui apportent vraiment du renouveau. Le travail vocal incroyable d’Avatarium, le ton en permanence hanté de Candlemass, ce sont des sons qu’on a directement en tête quand on écrit, quand on cherche des modèles d’ambiance… We are bewitched !

Photo : Brian Downie

– L’une des particularités de WITCHORIOUS réside aussi dans le fait que vous soyez deux au chant et surtout qu’il y ait une voix féminine et une autre masculine. C’est quelque chose qui s’est imposé dès le début ? Sans compter que cela ouvre de nombreuses possibilités…

On a toujours apprécié ajouter des chœurs. Les deux voix, et mêmes les alternances entre voix chantées et criées, nous permettent de jouer sur les nuances. C’était important pour nous de mettre les deux voix en avant sur ce projet. Cela nous permet d’avoir deux présences en travaillant sur nos différents personnages. Et c’est quelque chose qu’on aimerait travailler davantage à l’avenir.

– Un petit mot aussi sur la production de « Witchorious », qui est puissante et équilibrée, ce qui est toujours une belle performance pour un premier album. Comment s’est déroulé l’enregistrement ?

On a enregistré l’album avec Francis Caste au studio Sainte-Marthe et on est vraiment très contents du résultat. Le travail en studio nous a permis d’affirmer notre son, notre identité, et Francis, qui avait très bien compris où nous voulions aller avec ce premier album, nous a parfaitement guidés. C’était un vrai plaisir de travailler avec lui, il nous a beaucoup apporté sur la définition des ambiances. Nos morceaux étaient déjà très matures, alors il nous a fait réfléchir à l’histoire globale qu’on voulait raconter, faire en sorte que les morceaux forment un tout cohérent. Il nous a fait gagner en efficacité en nous aiguillant pour renforcer certaines structures. Il y a aussi eu un gros travail sur l’identité sonore des instruments et des voix, sur lesquels on a vraiment pris le temps d’explorer. Le but était que ça sonne hanté.

Photo : Brian Downie

– Outre la qualité sonore, il se dégage beaucoup de maîtrise de vos morceaux. Vu le soin apporté aux arrangements et à la structure des titres, j’imagine que cela est dû à un travail minutieux et de longue haleine pour apporter aussi du renouveau à un style comme le Doom ?

Lorsqu’on a créé le groupe, l’idée était vraiment de faire un groupe de Doom. Si on ne peut pas nier leur influence, on ne voulait pas cloner Black Sabbath ou Monolord. Assez naturellement, d’autres influences sont venues se greffer à nos compositions. Un côté Stoner, mais aussi des influences plus modernes de post-Metal ou de Black Metal. On était aussi assez friand d’ajouter des voix et des guitares d’ambiance, des sons bizarres… On voulait vraiment garder le côté brut des morceaux joués sur scène en trio, en ajoutant un vernis de studio ensorcelé.

– Enfin, vous allez probablement partir sur la route défendre ce bel album. Avez-vous prévu une certaine scénographie, afin de restituer au mieux ses ambiances et ses atmosphères saisissantes ?

Oui bien sûr, on a déjà une quinzaine de dates de prévues et on travaille à rallonger la liste ! Pour l’instant, on a beaucoup travaillé sur la fluidité et l’efficacité du set, notre jeu de scène, comment on donne vie à nos personnages en étant le plus authentique possible. Et on essaie de rajouter des éléments au fur et à mesure. On a beaucoup d’idées qu’on voudrait tester sur les prochains mois.

Le premier album éponyme de WITCHORIOUS est disponible chez Argonauta Records.

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Post-HardCore Post-Metal

20 Seconds Falling Man : obsédant

Pour pouvoir jouer sur autant de textures sonores et d’ambiances musicales différentes, 20 SECONDS FALLING MAN englobe dans son post-HardCore des éléments de Noise, de Fuzz, d’un post-Black Metal ultraviolent et d’un Hard-Core radical. Introspectif et souvent céleste, les Français dévoilent un univers particulier, où des rythmiques pachydermiques côtoient des parties de guitares d’une grande finesse, et dans lequel le frontman se fait très versatile. « Resilience » domine les abîmes à travers de multiples climats avec beaucoup d’élégance.  

20 SECONDS FALLING MAN

« Resilience »

(Independant/Blood Blast Distribution)

La suite de « Void », sorti en 2021, nous est enfin livrée par le quintet nantais. Avec « Resilience », 20 SECONDS FALLING MAN boucle son diptyque avec une maestria déjà très largement perçue sur son précédent album. Très polymorphe, le post-HardCore du groupe est toujours aussi insaisissable et imposant. D’une incroyable lourdeur sur son premier opus, il est cette fois peut-être plus aérien, même si les fulgurances Metal, Hard-Core et Noise s’entrechoquent avec toujours autant de puissance et de volume. Cela dit, il semble tout de même que la noirceur omniprésente auparavant ait levé l’un de ses voiles dans cette obscurité dense et épaisse.

Baigné dans une nébulosité parfois terrifiante, « Void » se voulait sombre, écrasant et presqu’étouffant, tandis que « Resilience » montre déjà plus de teintes différentes et s’aère aussi, reprend son souffle et laisse même entrer quelques passages lumineux… une note d’espoir qui se traduit par des cris perçants et volontaires. 20 SECONDS FALLING MAN semble investi d’une quête et il la mène à bien. Les ombres parcourent cette nouvelle réalisation, dont la production est d’ailleurs à la hauteur du travail fait sur les arrangements et dans la complexité des morceaux, qui avancent tels des tableaux mouvants et évanescents.

Avant de se replonger dans « Resilience », l’idéal est de réécouter « Void », afin de mieux saisir l’ambitieuse entreprise et toute la détermination mise dans la création de ces deux réalisations, qui se complètent de manière étonnante. Ténébreux sur « In The Gloom » en ouverture, 20 SECONDS FALLING MAN poursuit avec force sur le morceau-titre, puis suspend son élan à l’envie comme pour mieux exploser quelques instants plus tard (« Shadow Of The Past », « Our Life Is Now »). Le combo joue très habillement sur les atmosphères (l’instrumental « New Moon ») et surprend jusqu’au bout, grâce aussi à un chant tout en contraste. Aussi libérateur que déchirant.

Photo : Gregory Dutein
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Speed Metal Thrash Metal

Artillery : sans sommation

Fondé au début des années 80 par Michael Stützer, seul rescapé de la formation originelle, ARTILLERY a laissé une trace sur la scène Thrash Metal européenne et si sa route avait été moins sinueuse, elle serait même aujourd’hui bien plus importante. Qu’importe, en 2022 et après deux ans de pandémie, le combo est remontée sur scène, chez lui dans la capitale danoise, pour ce qui restera pour lui un concert d’anthologie. « Raw Live (In Copenhell) » est autant un hommage qu’il ouvre une nouvelle ère pour le groupe.

ARTILLERY

« Raw Live (In Copenhell) »

(Mighty Music)

Après 40 ans de carrière et un parcours assez chaotique avec une mise en pause assez conséquente au début des années 2000, ARTILLERY n’a pourtant jamais lâché l’affaire. Surmontant également de nombreux changements de line-up, le quintet est toujours d’attaque et ce « Raw Live (In Copenhell) » vient démontrer à quel point les Danois ont laissé une solide empreinte dans le monde du Thrash Metal. Enregistré à domicile il y a deux ans, ce live est aussi un beau témoignage.

Car malheureusement, « Raw Live (In Copenhell) » est aussi le dernier enregistrement avec le batteur Josua Madsen, disparu l’année suivante dans un accident de voiture. Depuis, les thrashers ont aussi remercié Michael Bastholm Dahl, leur frontman au chant très Heavy, et le guitariste Kraen Meier. C’est d’ailleurs Martin Steene (Iron Fire, Force Of Evil) qui se tiendra dorénavant derrière le micro. ARTILLERY se renouvelle en permanence, ce qui doit être un signe de vitalité chez lui.

Porté par un public entièrement acquis à leur cause et aussi sûrement par le fait de partager l’affiche avec le gratin du Metal mondial, les Scandinaves se donnent corps et âme dans une prestation qui frôle le sans-faute, notamment celle du batteur, exalté et rugueux comme jamais. Et ARTILLERY a également peaufiné sa setlist. Onze titres musclés et rageurs qui ne laisseront personne de marbre (« Devil’s Symphony », « The Face Of Fear », « Bomb Food », « In Thrash We Trust », « Legions », « Terror Squad »).

Retrouvez la chronique de leur album précédent :

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Doom Extrême International Label/Webstore

M9Music : les sillons du Metal extrême [Interview]

Activiste de longue date dans le monde du Metal underground, avec une grosse préférence pour les styles extrêmes, Denis Halleux a décidé d’unir ses forces à celles de Serge Manzato et Jean-François Galler pour créer un webstore unique en son genre : M9Music. Le (power) trio belge s’est spécialisé dans le Doom Metal, mais d’autres courants comme le Black et le Death y sont aussi représentés. Egalement à l’œuvre chez Metallian, Meuse Music Records et dans l’organisation de divers festivals, ce propagateur de l’extrême nous en dit un peu plus sur cette nouvelle entreprise. Entretien.

– Tout d’abord, quand et comment est née l’idée de la création du webstore M9Music ? Il y avait un manque de ce côté-là concernant le Metal extrême ?

L’idée est venue autant d’un constat que d’une envie personnelle. Comme tu le sais, je suis aussi fan de Doom… Et bien qu’il existe une multitude de mailorders et de labels spécialisés en Metal extrême, ils sont très souvent orientés Black ou Death, et ils ne proposent conséquemment que quelques disques de Doom ‘accessoires’. Par ailleurs, la guerre a privé les labels Doom russes de leur clientèle européenne (dont je faisais partie), et l’augmentation des frais de douane a rendu très onéreuses les commandes auprès de labels hors-UE comme Aesthetic Death, Weird Truth… J’ai eu envie d’y remédier, tout en croisant les effluves avec Meuse Music Records.

– Dans un certain sens, M9Music est le prolongement de Meuse Music Records. Le label ne pouvait pas gérer cette partie au sein de sa propre structure ?

Cela aurait été possible, bien entendu, mais des structures distinctes ont aussi des avantages, ne fut-ce que dans la gestion quotidienne. M9Music est le webshop officiel de Meuse Music Records, mais pas que. Et ce ‘pas que’ est important à l’heure actuelle. Travailler en parallèle favorise l’autonomie et permet à chacun de se concentrer sur sa partie, en prenant des risques financiers différemment.

De gauche à droite : Serge Manzato, Jean-François Galler et Denis Halleux composent l’équipe de M9Music

– Le webstore met en avant la collaboration entre Meuse Music Records et Tragedy Productions. C’est une manière de peser un peu plus sur le secteur du Metal extrême, et/ou de proposer un catalogue plus conséquent également ?

En réalité, il n’y a pas d’ambition particulière derrière ces partenariats. On a beaucoup parlé de l’augmentation des coûts Bandcamp ou Discogs récemment, mais pour les petits labels, un problème assez similaire se pose avec la distribution. Pour avoir ses produits disponibles en disquaires (même si ceux-ci se raréfient également), cela signifie presser plus de copies, accepter les conditions tarifaires imposées par le distributeur, attendre parfois longtemps les relevés de vente et devoir investir dans des campagnes de promotion de plus en plus coûteuses. Tout cela réduit la marge évidemment, ampute les revenus des artistes et génère le risque de récupérer un stock important d’invendus, parfois abîmés… M9Music n’a pas la prétention de remplacer les distributeurs, mais plutôt de proposer une rémunération correcte pour les labels partenaires, avec un contrôle absolu des quantités, etc. Ce qui permet aussi aux artistes d’avoir une vision claire sur les ventes et une rémunération juste.

– Et il y a aussi ce partenariat avec le magazine Metallian, dont tu es aussi le rédacteur en chef. Au-delà de ce conflit d’intérêt flagrant, en quoi consiste cette belle collaboration ?

Il n’y a pas vraiment de conflit d’intérêt… (Sourire) Je travaille bénévolement pour Metallian depuis 2008. Je n’ai jamais perçu un centime du magazine pour des milliers d’heures de travail… A l’inverse, M9Music me permet de trouver des solutions de financement complémentaires pour le magazine, à une époque où il en a grand besoin, en proposant aux petites structures de trader leurs pubs, comme on le faisait dans les années 90 avec AblaZine. Et je te promets que je ne soudoie pas l’équipe quand je leur soumets des sorties Meuse Music Records à critiquer ou à travailler ! (Rires)

Meuse Music Records et Tragedy Productions font cause commune

– Concrètement, qu’est-ce que l’on trouve chez M9 Music qu’on ne trouve pas ailleurs, car vous n’êtes pas les seuls dans la place ?

Comme évoqué plus tôt, j’essaie de construire un catalogue principalement Doom, et de rassembler/importer les sorties Doom de labels hors-UE ou de labels pour qui le style n’est pas une réelle priorité. Bien sûr, il y a aussi du Black, du Death, de la Dungeon Synth… Mais l’axe principal reste Doom. Mon but n’est pas l’utopie de tout avoir en stock, mais au moins de proposer aux doomers du choix et des prix justes.

– D’ailleurs, M9Music ne distribue que du Metal extrême. Il existait un vrai manque, ou alors c’est peut-être aussi l’envie de pratiquer une politique tarifaire différente des autres sites ?

La politique tarifaire, c’est certain ! A quelques rares exceptions, les albums en digipacks sont à 13€ et à 12€ en jewel cases, au maximum ! Pour l’orientation musicale, c’est une question de goût, mais aussi de logique : quel serait l’intérêt de vendre du Sabaton ou du Powerwolf que tu trouves facilement chez Napalm, Nuclear Blast, Amazon ou même Carrefour ? Sérieusement, qui aurait envie de tenter de concurrencer ces géants sur leur propre terrain ? Cela n’aurait aucun sens. Et puis, je crois qu’on ne peut vendre que ce qu’on aime et ce en quoi on croit. La scène underground a toujours été ma motivation, et j’ai toujours fait de mon mieux pour la soutenir, que ce soit en écrivant (AblaZine, Metallian), en organisant (AZ Live ASBL) ou en produisant et distribuant.

Denis Halleux

– Le webstore propose un large choix de CD, vinyles, tapes, merchandising, ainsi que de l’occasion et pour mon plus grand plaisir, rien en numérique. Alors que c’est le support qui domine le marché, pourquoi vous en priver ? A moins que le public de Metal extrême ne préfère surtout le physique dans sa majorité ?

On pourrait disserter des pages sur l’importance de l’objet, de l’album physique, de l’appréhension complète de tout un travail artistique, jusqu’à sa compréhension et son appréciation. Je pense que les fans de Metal restent attachés à tout cela et ils ont envie de soutenir les artistes, de savoir que leur travail n’est pas vain. C’est dans cette logique-là que je vais en tout cas, on verra si j’ai raison.

– Un petit mot aussi que les nombreuses promos du site. De quel type d’albums s’agit-il ? Des pièces devenues rares ou en fin de stock, car l’idée est vraiment bonne et le choix important ?

Il y a de tout… il y a des fins de stock, des surplus de stocks, des doublons de ma propre collection… Essentiellement des disques qui ne rentreront plus en stock une fois écoulés, parce qu’épuisés définitivement, ou un peu hors scope.

– Enfin, comment envisagez-vous le développement du webstore ? Peut-être dans la production de groupes ou de concerts, voire peut-être même une ouverture vers d’autres styles ?

La production restera aux mains de Meuse Music Records, c’est sa raison d’être, et avec Jean-François et Serge, on essaie de le faire bien.  Pour les concerts et festivals, AZ Live ASBL reste pour l’instant le vecteur avec une cinquième édition du ‘Haunting The Castle’ (festival Doom) prévue le 17 février 2024, et une seconde édition du ‘Dark Dungeon Festival’ (festival de Dungeon Synth) prévue les 12 et 13 avril 2024. A chacun son métier dit l’adage… Le développement se fera naturellement, en étoffant le catalogue et en proposant toujours plus de choix aux amateurs de musique sombre…

Pour en découvrir d’avantage, une petite visite du site s’impose : www.m9music.eu

Helllight et Gévaudan, deux belles productions disponibles chez M9Music
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Alternative Rock Atmospheric Post-HardCore post-Rock

Codeseven : la renaissance

Après un long sommeil, la formation de Caroline du Nord réapparait enfin avec ce « Go Let It In » d’une grande classe et bénéficiant d’une somptueuse production. Assez éloigné de la lourdeur du son de ses premières réalisations, CODESEVEN n’en a pourtant pas perdu de son identité. Moins post-HardCore, plus Rock et progressif, et jouant sur les ambiances avec habilité, technique et feeling, ce retour est exceptionnel.

CODESEVEN

« Go Let It In »

(Equal Vision Records)

Si vous aviez tendu l’oreille au milieu des années 90 jusqu’en 2004, vous avez probablement un souvenir de CODESEVEN, un quintet qui bousculât un peu les codes en s’attelant à l’élaboration d’un post-HardCore mélodique mâtiné d’Alternative Rock. Depuis « Dancing Echoes/Dead Sounds », les Américains s’étaient mis en veille, une longue pause de 19 ans. Et c’est avec le même line-up et sur le même label qu’ils sont de retour et « Go Let It In », qui mérite que l’on s’y penche de très près.

A chacun de ses albums, six avec celui-ci, le groupe s’est toujours évertué à proposer quelque chose de différent et c’est encore le cas près de deux décennies plus tard. Bien sûr, CODESEVEN n’est pas resté figé dans une époque aujourd’hui presque lointaine. Toujours aussi mélodique, il peut compter sur la voix de Jeff Jenkins, qui s’est même bonifiée avec le temps. Apportant beaucoup de douceur, tout en restant capable de se montrer plus féroce, le frontman est un vrai guide et il illumine « Go let It In ».

Très atmosphérique, ce sixième opus livre un aspect très cinématographique en combinant des sonorités électroniques mesurées avec des guitares omniprésentes, à la fois musclées et aériennes. Naviguant entre post-Rock et Space Rock avec un fond progressif, CODESEVEN fait l’équilibre entre légèreté et force sur des morceaux souvent très captivants et hypnotiques (« Fixated », « Hold Tight », « Starboard », « A Hush… Then A Riot », « Mazes And Monsters », « Suspect » et le morceau-titre). Brillant !

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Dark Gothic Metal Indus Modern Metal

Daemon Grey : color of sin

Grâce à un songwriting racé et efficace, ce nouvel album de DAEMON GREY est un mix très équilibré entre un Metal Indus très Dark et des atmosphères où le Heavy croise la New-Wave sans sourciller. Originaire du Canada, le musicien a habillé des marqueurs très 90’s d’une enveloppe moderne, un brin sophistiquée, qui rend « Daemonic » très fédérateur grâce à des mélodies entêtantes.

DAEMON GREY

« Daemonic »

(Out Of Line Music)

Après « Follow Your Nightmares » sorti il y a deux ans, le Canadien poursuit son ténébreux et horrifique périple avec « Daemonic », un deuxième opus toujours aussi bien produit et bien écrit. Si DAEMON GREY se nourrit de nombreux styles du Heavy au Nu Metal en passant par le Gothic et avec un soupçon de New-Wave et d’Indus, ce sont surtout les années 90 qui semblent avoir eu une forte emprise le chanteur de Toronto. Avec le revival actuel, c’en est presque à se demander si le début des années 2000 a vraiment existé.

Bien que démoniaque à bien des égards, DAEMON GREY a mis de côté les histoires liées à Dieu ou au Diable pour plonger sans un univers où Satan se tient au coin de la rue. Il est question d’amour, de douleur, de sexe, d’obsession, de pouvoir et de courage et chaque titre de « Daemonic » est un tableau dressé par le frontman. Musicalement très Heavy, les influences sont plutôt bien digérées, même si l’on pense inévitablement à Zodiac Mindwarp, Marilyn Manson, Seether, Rob Zombie ou Ministry.

Avec des arrangements qui font la part belle aux machines, mais tout en gardant des guitares très présentes et des riffs bien tranchants, DAEMON GREY fait le choix d’une production finalement très organique. Pêchu et mordant, il nous embarque dans un climat houleux et sombre, mais aussi très accrocheur et dynamisant (« Gothy Love », « Still A Slut », « Dear Vampire », « Daemonic »). Et si l’on excepte la pauvre ballade « To My Grave » et le navrant bluesy « Trouble », le Dark Metal du musicien tient la route.

Photo : Rich Misener