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Daran : l’itinérant [Interview]

Insatiable voyageur, c’est dans ce « Grand Hôtel Apocalypse » à l’atmosphère toujours aussi sincère et délicate que DARAN a posé ses valises pour un onzième et très attendu nouvel album, sept ans après « Endorphine ». Aussi discret que sa musique est d’une finesse rare, le musicien se livre sur de nouvelles chansons aux textes forts et aux mélodies limpides. De retour dans une formule en trio, c’est l’aspect Rock qui ressurgit à travers onze morceaux intemporels d’une grande clarté. L’occasion de parler de leur réalisation et de leur création entre la Bretagne, la Californie, Montréal et le Mexique.

– Avec « Grand Hôtel Apocalypse », tu fais un retour à un Rock assez épuré, peut-être pas aussi vigoureux qu’il y a quelques années, mais en tout cas plus électrique que tes derniers albums. Tu avais le besoin et l’envie de retrouver un style plus direct et plus relevé aussi ?

En fait, j’aime bien partir avec un tuyau. Je pense que de la contrainte naît souvent des choses intéressantes. Là, je me suis dit que l’idée de départ était le power trio, c’est-à-dire guitare-basse-batterie. Pas de pédales non plus, en direct sur les amplis et sans overdubs. En fait, un album qu’on peut amener sur scène sans toucher à rien. C’était le but. Quelque chose où l’on fait une balance de cinq minutes et ça marche dans un bar ou dans un stade… ou au Bar du Stade ! (Rires)

– Tu as enregistré l’album seul en studio, ce qui donne une production intime, dont on a l’habitude, et également très dynamique. « Grand Hôtel Apocalypse » a aussi été réalisé en peu de temps. Il te fallait une espèce état d’urgence pour capter aussi une certaine fraîcheur ?

L’autre partie de ma vie professionnelle est de faire de la production en studio pour les autres. Et puis, « Endorphine » datant d’avant le Covid, je ne concevais pas de faire d’album sans faire de la scène. Or, après la pandémie, les salles avaient déjà épongé tout ce qu’elles avaient mis de côté durant cette période et j’avais aussi énormément de travail et plus une minute à moi. Il s’est trouvé qu’un projet s’est déplacé. Un projet de trois semaines. Ça m’a libéré de façon soudaine un peu de liberté et je me suis dit que c’était le moment ou jamais. Tout s’est donc fait durant cette période.

– Plus étonnant, c’est la batterie qui a été enregistrée et jouée à Los Angeles par Norm Block, dont on connaît le travail avec Alain Johannes et Mark Lanegan notamment. Justement, il a un jeu très imprégné de Desert Rock, qui correspond parfaitement à l’album. Il est par ailleurs également producteur. Comment a eu lieu cette rencontre si évidente finalement ?

Je travaille de temps en temps à Los Angeles et il avait été le batteur sur un album que j’avais produit là-bas. J’avais été tellement impressionné que je m’étais dit qu’il fallait le prendre ! C’est vraiment un batteur de Rock avec énormément de finesse et de musicalité. Et comme il est producteur, il a aussi une vision plus globale et il possède un studio incroyable. C’est un fou de matériel et il a des micros hallucinants. J’étais amoureux de son son et il m’a paru évident de faire l’album avec lui.

– Et vous l’avez produit ensemble ?

C’est assez amusant, parce que je savais que je voulais lui demander de faire les batteries. Alors, je lui ai envoyé les morceaux avec tous les instruments, dont la batterie avec ses sons à lui. Je lui ai envoyé tout ça en lui demandant s’il souhaitait refaire en vrai tout ce que j’avais fait en faux ! (Rires). Il a été surpris, honoré et amusé. On s’est mis d’accord et il a fait le travail.

– J’ai lu que tu avais écrit, réalisé et enregistré l’album entre Montréal, la Bretagne, le Mexique et la Californie. Cela peut paraître étonnant compte tenu de la différence supposée des atmosphères, et pourtant il y a une réelle unité sonore et musicale sur l’album. Finalement, dans quel endroit as-tu été le plus inspiré ?

Tout a été fait en Bretagne : guitare, basse, batterie et chant. Ensuite, les voix définitives ont été enregistrées à Montréal, les batteries ont été réalisées à Los Angeles et je l’ai mixé au Mexique. C’est juste que c’était en plein hiver et que, pour mixer l’album et comme j’en avais un autre à mixer aussi, partir au soleil était une bonne idée. C’est pour ça que ça a l’air aussi international, mais tout est parti de Bretagne sur cet album… (Rires)

– Il y a aussi une chose surprenante sur l’album, c’est le déroulé des chansons. Même si elles ne sont pas directement liées entre elles, à l’instar d’un album-concept, le disque donne vraiment l’impression d’avoir un début et une fin. C’est assez rare. Tu avais le désir de raconter une sorte d’histoire, de mener l’auditeur au gré de quelques épisodes ?

C’est aussi parce que j’aime bien jouer l’album dans son intégralité sur scène. Un peu façon Pink Floyd : il y a un nouvel album, alors on le joue. Je réserve les anciens morceaux à une deuxième partie. Sachant que j’allais jouer tout ça d’une traite, j’ai évidemment pensé aux enchaînements scéniques. Il a été construit comme une setlist de concert finalement. C’est peut-être ce qui créé ce chemin lisible. J’avais déjà fait des albums ‘tout-attaché’ comme « Le Petit Peuple Du Bitume » et « Endorphine » avec un fil conducteur. Ils ont d’ailleurs été joués comme ça sur scène.

– Toujours à tes côtés, on retrouve ton ami et parolier de longue date, Pierre-Yves Lebert. Tout d’abord, j’aimerais savoir de quelle manière vous travaillez ensemble. Le plus évident semble être que tu te bases sur ses textes pour composer les mélodies, le climat et le tempo des chansons. Vous fonctionnez comme ça, ou il n’y a pas de processus fixe entre-vous ?

En règle générale, on travaille comme ça. On a de grandes discussions préalables, où on commence à tomber des textes et ensuite, je démarre. Mais là, comme la période s’est libérée de manière assez soudaine, j’ai fait tout l’album en yaourt ! (Rires) Il a donc du faire des textes sur des mélodies déjà ciselées et faire rentrer tout ça au chausse-pied, ce qui demande beaucoup de travail. Cela dit, je lui apporté des bribes et j’avais aussi couché du texte qu’il a évidemment amené à un niveau poétique que je n’aurais jamais tout seul. Ca a été notre façon de travailler. On fait une sorte d’auteur-compositeur à deux !

– Pour écrire ce genre de textes aussi intimes et dans lesquels tu te reconnais aussi forcément, vous devez très, très bien vous connaître. Est-ce qu’il vous arrive tout de même de faire quelques petits ‘brainstorming’ ensemble autour de la structure de l’album, par exemple, et de son contenu au niveau des paroles ? Ou lui laisses-tu entièrement carte blanche la plupart du temps ?

Il y a toujours un ‘brainstorming’ préalable et il arrive aussi parfois que j’amène un sujet par chanson. J’ai même couché des phrases. Je mets une empreinte. Sur ce nouvel album, j’avais aussi le désir d’abandonner mon côté ‘social’, car rien ne change (Sourires), et de faire des choses dont je suis peut-être plus proche. Il y a de moi dans presque toutes les chansons.

– Justement, tu as eu plusieurs paroliers, dont bien sûr et en premier lieu Alana Filippi, Miossec aussi sur quelques morceaux (« Gala, Gala, Etc… », « Le Hall De L’Hôtel », « Le Monde Perdu ») et donc Pierre-Yves Lebert dernièrement. Comme Alana et lui se connaissaient également, est-ce que tu y vois une certaine continuité, même lointaine ? C’est une sorte de cercle finalement…

Ils se connaissaient et c’est par Alana que j’ai connu Pierre-Yves, car son frère est comédien. Elle avait fait le Conservatoire d’Arts Dramatique à Nantes avec lui. Et c’est lui qui m’avait dit qu’il avait un frère qui faisait de la musique. Et quand on s’est séparé avec Alana, elle ne voulait plus trop continuer à écrire avec moi. Donc, je me suis tourné vers Pierre-Yves, dont j’avais remarqué la plume à une époque où je l’avais aidé à faire des maquettes. Cela a été une transition en douceur. Un jour, je l’ai rappelé en lui demandant s’il faisait toujours des chansons, car il faisait un milliard de choses. Il m’a renvoyé un paquet, dans lequel il y avait à peu près tous les textes de « Pêcheur de Pierres ».

– Et puis, ce qui est une grande chance aussi, c’est qu’au bout de onze albums, on te reconnaît, et on t’a toujours reconnu d’ailleurs, au niveau des textes. Il y a une certaine continuité chez les auteurs…

J’ai un autre exemple comme ça. C’est le nombre de personnes qui ont bossé pour Alain Bashung et c’était toujours du Alain Bashung ! Je pense qu’inconsciemment, on doit projeter quelque chose qui oriente. Je ne sais pas…

– J’aimerais que l’on dise aussi un mot de la pochette de l’album, qui me rappelle celle du « Petit Peuple Du Bitume » (2007). Y a-t-il un petit côté nostalgique ? Et de quelle manière reflète-t-elle l’atmosphère de ce nouvel album pour toi ?

C’est une photo qu’a prise mon père quand j’avais dix ans. On sortait des cartons avec ma grande sœur, où il y avait de vieilles photos. On est tombé là-dessus et elle m’a dit : voilà, tu l’as ta pochette ! Et c’est resté ! (Rires) Oui, il y a une vraie ressemblance avec celle du « Petit Peuple Du Bitume », sauf que ce n’est pas moi sur celle-là. C’est vrai qu’à l’époque, ma mère a eu un doute et m’a demandé si c’était une photo de moi ! (Rires) Ce petit garçon me ressemblait un peu quand j’étais petit. Voilà, maintenant, les gens ont vraiment la tête que j’avais petit.

– Il s’est aussi passé sept ans depuis « Endorphine ». Outre les concerts qui ont suivi, les moments passés aux Rencontres d’Astaffort en tant qu’intervenant, tu travailles aussi avec des artistes au Québec notamment. Comment es-tu venu à cette autre facette du métier ?

Je fais beaucoup de choses en production, oui. J’ai toujours aimé et je n’ai jamais conçu la musique sans toucher aux boutons. Donc, me voilà ingénieur du son, mixeur, arrangeur, producteur artistique… Je fais beaucoup d’albums pour les autres et dans des styles extrêmement variés. C’est ce qui m’amuse le plus ! Et je fais beaucoup d’artistes émergents. D’ailleurs, cela m’ennuierait que, si un jour l’un d’eux marche très fort, on ne vienne plus me chercher que pour un style précis. J’adore faire énormément de choses et le renouvellement est une source de jouvence pour moi.

Le nouvel album de DARAN, « Grand Hôtel Apocalypse », sort le 11 octobre chez Pineapple French Pop/Believe France/Kuroneko Medias.

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France Metal Rock

[No One Is Innocent] : l’avenir en pointillé… [Interview]

Si NO ONE IS INNOCENT reprendra la route l’an prochain, son avenir discographique est, quant à lui, plus qu’incertain. L’engagement que cela demande en termes d’investissement personnel a fait naître chez Kemar et Tranber, historiques frontman et bassiste du groupe, cette réflexion sur l’avenir de leur énergivore combo. En attendant, c’est donc avec un ‘Best Of’ un peu particulier, que le quintet revient dans les bacs en proposant quelques inédits et surtout deux nouveaux titres, « L’Arrière-Boutique du Mal » et « Ils Marchent », qui ouvrent et ferment « Colères ». Au total, ce sont 16 morceaux qui ont marqué les esprits et la scène française durant ces 30 ans de combat musical. L’occasion de discuter avec Kemar de cette belle aventure, de ce disque, de notre époque et d’une suite tant espérée…   

– Sans entrer dans les détails des problèmes judicaires qui t’ont touché, NO ONE IS INNOCENT a vu son line-up éclater à ce moment-là. Comment est-ce que tu l’as ressenti et de quelle manière as-tu reconstruit le groupe ?

Avec Tranber, on a senti qu’émotionnellement, les autres l’avaient mal vécu. Et dans ces moments-là, il y a un peu d’animosité et certaines choses qui refont surface. Ça ne nous a pas plu et nous a même un peu refroidis. Il y a aussi eu des désaccords sur la façon de revenir, c’est-à-dire la date, les concerts et certains voulaient aussi lever le pied. Bref, trop de trucs lourds et au-delà de ça, le fait d’arrêter n’était pas vraiment au rendez-vous pour Tranber et moi. A un moment donné, il ne faut pas se forcer à remonter dans un bus et, finalement, faire croire aux gens qu’on est de super potes et qu’on aime jouer ensemble. Ça ne marche pas comme ça dans NO ONE ! Ensuite, ils ont décidé d’eux-mêmes de quitter le groupe. Et puis, on s’est dit aussi que ce n’était pas la première fois qu’on vivait ça. Les lines-up ont souvent été difficiles dans le groupe, parce que cela implique beaucoup d’énergie, de la fatigue, … Il faut pouvoir supporter tout ça aussi. Et puis, on ne raconte pas des choses anodines, non plus, et ça peut déboucher sur des débats un peu houleux. On s’est très vite retourné pour trouver d’autres musiciens, et voilà.

– On te sait combatif, mais est-ce que l’idée de mettre fin à l’aventure NO ONE IS INNOCENT t’a tout de même traversé l’esprit ?

Oui ! Avec Tranber, elle nous avait déjà traversé l’esprit. J’ai commencé à lui en parler bien avant. Nous sommes vraiment très liés et même au début de la composition d’« Ennemis », j’ai senti quelque chose. Il y aussi le fait de devoir assumer ce que demande physiquement NO ONE quand tu joues un concert parfois quatre fois par semaine. Tu perds des ‘points de vie’ et c’est une chose qu’on avait déjà abordé. Ce n’est pas forcément une question artistique, car on avait encore des morceaux et on n’avait pas envie de se freiner. Mais l’assumer sur scène, c’est vraiment différent ! On ne triche pas ! Faire un concert avec un pied de micro, c’est carrément impossible ! Je recherche une transe, c’est-à-dire l’inattendu et voir ce qu’il va se passer. Chaque concert est différent et cela demande une énergie énorme. Et puis, il y a aussi cette idée de faire l’album de trop. C’est quelque chose qui m’angoisse total ! Je n’ai pas envie d’être Kiss, Deep Purple ou Alice Cooper ! (Rires) On a peut-être une exigence scénique plus forte qui joue sur certains membres et c’est normal. Et c’est vrai qu’avec les gars qu’on a choisi, eux seraient partants pour continuer, sortir des albums et repartir sur la route ! Mais, ils ne sont pas à notre place.

Kemar & Tranber, piliers du groupe

– A en juger par les deux inédits « L’arrière-boutique Du Mal » et « Ils Marchent », NO ONE IS INNOCENT repart sur de solides bases. Il y a toujours cette culture du riff et ce son qui vous caractérise tant. J’imagine que les nouveaux membres connaissaient le groupe, puisque la ligne directrice est respectée et l’ADN très perceptible. Comment se sont  passées les discussions au moment de composer ?  

Si tu prends Fred Mariolle (guitare – NDR), il a toujours gravité autour de NO ONE, il a même fait des concerts avec nous et il a surtout co-écrit deux titres de « Propaganda » à l’époque. C’est la première personne qu’on a appelé ! Ensuite il nous a présenté Mathys (Dubois, batterie – NDR) qu’on avait déjà vu jouer en concert avec un autre groupe et il nous avait tapé dans l’œil. Et puis Marceau (guitare – NDR), c’est Mathys qui l’a rencontré dans un festival et qui lui a dit qu’on cherchait un guitariste. Et c’est parti comme ça ! C’est génial ! (Rires)

– Dans votre large discographie, il manquait un ‘Best Of’, c’est vrai. Est-ce que, justement, ce retour sous un nouveau line-up était l’occasion de marquer le coup, et surtout d’amorcer une nouvelle ère chez NO ONE INNOCENT, sans parler de nouveau départ ?

C’est vrai qu’un ‘Best Of’, ça pose une cloison et c’était voulu. Après les concours de circonstance font que cela se fait avec un nouveau line-up. Mais avec Tranber, on avait déjà décidé de mettre une fin au chapitre. Mais c’est peut-être aussi tant mieux que cela se fasse comme ça ! Il y a une espèce de fraîcheur. Lors du dernier concert qu’on a donné cet été en Belgique, on a eu l’impression avec Tranbert qu’on n’avait pas ressenti un tel enthousiasme depuis longtemps ! C’était vraiment cool !

– « Colères » balaie plusieurs périodes de vos 30 ans d’activités bien sûr, et présente aussi plusieurs titres live. C’était important pour un groupe de scène comme vous d’en mettre autant ? Et puis, l’énergie sur ces versions est incroyable…

En fait, ces morceaux ont beaucoup évolué sur scène par rapport à ce qu’ils pouvaient raconter sur les versions studio. Et puis, ce sont des titres qui marquent aussi une période de l’histoire du groupe. Je pense à « Nomenklatura », par exemple, qui nous figent dans notre combat contre les extrêmes que ce soit politiques ou religieuses. « Chile » est le fruit de notre voyage au Chili et en Argentine avec cette phrase de Pablo Neruda qui est scandé : « Nous gagnerons même si tu ne le crois », qui est pour moi très emblématique de ce qu’est NO ONE, en fait. Mettre ces versions-là avait beaucoup de sens.

– Et puis, il y a cette version de « Massoud » revisitée avec le Lahad Orchestra, ce qui lui donne un aspect encore plus oriental. Peux-tu nous en dire plus sur les conditions d’enregistrement et surtout la démarche en elle-même ?

C’est venu d’une rencontre faite par hasard avec un groupe de musiciens influencés par les musiques orientales et qui donnent des cours aussi. Leur répertoire est aussi constitué de chansons qui ne sont pas anodines et qui donnent même lieu à des débats un peu houleux. On leur a proposé de travailler avec nous sur la réorientation orientale de trois/quatre titres. Ils ont été super enthousiastes, d’autant que les morceaux de NO ONE ne sont pas forcément ce qu’ils écoutent tous les jours. Il y avait une espèce de challenge très intéressant et cela nous permettait aussi d’entendre nos chansons différemment. Et surtout, on a eu la chance de les jouer avec eux et ça a été magique ! C’est une seconde jeunesse pour ces morceaux. A un autre niveau bien sûr, il y a un petit côté Led Zep quand Page et Plant ont joué « Kashmir » avec The Egyptian Orchestra (dirigé par Hossam Ramzi – NDR).

– L’ombre de ‘Charlie Hebdo’ plane aussi sur « Colères » avec notamment un discours très poignant d’une des journalistes. Les conditions ce soir-là, à la Cigale à Paris, étaient très spéciales. Comment se sent-on à ce moment-là sur scène ? Entre émotion et colère ?            

Il y a tout qui se mélange à ce moment-là… Je sais que j’ai craqué ce soir-là avec le discours de Marika Bret de ‘Charlie Hebdo’. Et puis, c’était en plein concert, cela faisait déjà une heure qu’on jouait et nous étions en tension totale. L’adrénaline était à son max. Alors, quand elles sont venues parler… Et puis, il y a tout ce que cela a représenté pour nous aussi avec « Charlie ». Tous ces sentiments-là se sont mêlés. Avec Tranbert, c’est aussi notre génération et il y avait tous ces gens qui renvoyaient tellement d’affection en scandant ‘Charlie’. C’était une ode à la résistance, c’est peut-être dix fois plus fort que de jouer un morceau !

– C’est ce que j’allais te dire,  car ce n’est pas un morceau, mais un discours. Et puis, il est présent sur le ‘Best Of’ entre les chansons sans préparer de suite au disque…

C’était important ! Avec Tranber, on s’est dit qu’il fallait qu’on le mette, parce que c’est aussi un moment crucial de notre carrière. C’est tout ce qu’on a essayé de construire avec ce groupe. Et il exorcise l’horreur également, tout en étant un instant de résistance. C’est tout ce qu’on a toujours voulu faire avec NO ONE !

– Un mot quand même sur l’actualité, qui est un sujet viscéral chez NO ONE IS INNOCENT. Entre le FN (appelons-les par leur nom !) en France, l’extrême droite partout en Europe, les meurtres à Gaza et ailleurs, certaines chansons de votre répertoire ressurgissent. J’imagine qu’en ce moment les idées de textes ne manquent pas… Qu’arrive-t-il à nos sociétés ?

J’ai l’impression que le mot ‘Colère’ n’a jamais été aussi scandé, hurlé et évoqué qu’en ce moment. Il y a tellement de carences au niveau judiciaire, économique, sociétal… Tout s’entremêle et il y a une espèce de dérèglement. On parle de dérèglement climatique, mais il y a aussi celui-là dans nos sociétés. C’est ce dont je parle dans « Ils Marchent » et qui fait vraiment flipper. (Silence) Pour être honnête avec toi, j’ai l’impression qu’on est en sursis. Ce morceau est un témoignage qui dit ça, que nous sommes en sursis du pire ! Il faut que les lignes bougent… C’est aussi pour cette raison qu’on a décidé de l’interpréter de cette façon-là, sans mettre les watts à 12 pour le dire. Ce sont les gars qui m’ont dit spontanément que ce texte-là n’avait pas besoin d’être scandé. Et dans l’histoire du groupe, il y a aussi eu des morceaux très forts qui n’avaient pas besoin d’être joué les potards à fond. On avait envie de dire des choses et là, il y a une menace et une peur qui transpirent du morceau. Je pense que nous sommes très nombreux à le ressentir. J’espère que la chanson fera un peu mouche chez les gens qui sont sensibles musicalement et aussi au niveau du texte. Vraiment, cela fait 30 ans que NO ONE est là et je n’ai jamais ressenti ça… Et on a été de tous les combats pour lutter contre les extrêmes, le racisme, les blitzkriegs sociales, les fous de religions, … Mais ça là, ce sursis du pire, je ne l’ai jamais autant ressenti.

– Pour conclure et rester un court instant sur le sujet, il y a une question que je pose à certains groupes quand l’évidence est manifeste : est-ce qu’on peut écouter et apprécier NO ONE IS INNOCENT et être de droite ?

Ouais, bien sûr ! NO ONE n’est pas seulement un groupe à texte. Pourquoi un mec de droite n’aura-t-il pas envie de kiffer juste la musique ? En concert, je ne suis pas sûr que les gens devant nous soient tous de gauche…

– Vous leur mettez quand même plein la gueule…!

Oui… Mais je pense qu’il y a une façon de dire les choses. Si on était un groupe Punk premier degré, genre ‘Macron enculé !’ etc…, ce serait le cas, bien sûr. Il y a des mecs qui m’ont déjà dit : ‘je suis de droite, mais je vous écoute’. Alors, pourquoi je vais commencer à l’emmerder ? (Rires) C’est Kurt Cobain qui disait : « Je ne suis pas gay, même si j’aimerais bien, juste pour faire chier les homophobes ». Alors, que tu sois de droite ou de gauche, j’ai envie de dire que si tu viens nous voir, c’est avant tout parce que tu aimes la musique. Il ne faut pas oublier que NO ONE est un groupe qui fait de la musique et, après, qui dit des choses. Tu sais, à certains moments, je me suis trouvé un peu déstabilisé, parce qu’on ne me parlait presque plus de musique. Effectivement, il y a dans les textes des sujets souvent tellement lourds et importants. Alors forcément, cela rebondissait et les gens avaient envie de parler de ça. C’est quelque chose que je ressens encore. Et pour être complètement honnête avec toi, les politiques culturelles des mairies de droite sont parfois plus cool que celles de gauche. Ça nous ait arrivé des dizaines de fois en parlant avec des directeurs de salle qu’on nous dise qu’avec des maires de droite, on leur donnait les clefs et on faisait le point dans un an. Alors qu’avec la gauche, c’est souvent : ‘Attention, on veut avoir la main sur la programmation’. Une façon de dire que la culture, c’est nous. Ca existe et ce n’est pas une légende ! C’est aussi un détail qui veut dire beaucoup de choses…

Le ‘Best Of’ de [NO ONE IS INNOCENT], « Colères », est disponible chez Verycords.

Photos : Guihal Nicko (2), Erwan Raphalen (4) et zOz (5).

Retrouvez l’interview de Kemar à la sortie de « Ennemis » et la chronique de l’album :

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Classic Rock France Heavy Blues

Armellino : groovy pleasure [Interview]

Autour de la fratrie ARMELLINO, Yann à la guitare et Alban à la batterie, sont venus se greffer Vincent Martinez à la guitare et au chant, et Jacques Mehard Baudot à la basse pour donner vie à un quatuor au groove très 70’s et à l’énergie très actuelle. Fort d’un premier album, « Heritage Blend », qui en dit déjà long sur le niveau et les intentions des quatre musiciens, c’est avec un grand plaisir qu’on replonge dans l’âge d’or du Heavy Blues et du Classic Rock, preuve s’il en est que dans l’hexagone, on sait aussi y faire en matière de Rock…. Et sans nostalgie ! Entretien avec Yann et le plus discret Vincent autour de ce premier opus, qui en appelle déjà d’autres.

– Tout d’abord, j’aimerais que vous reveniez sur la création d’ARMELLINO. Certes, il y a cette réunion de guitaristes, mais vu le nom du groupe, il s’agit aussi d’une histoire de famille, non ?

Yann : Je connais Vincent depuis longtemps, cela remonte à 2006 lorsqu’il était déjà guitariste et chanteur du groupe Jakes. A l’époque, je faisais partie du label ‘Why Note’ (Nocturne Distribution). Nous avions organisé une release party pour la sortie de l’album « I Have A Dream » de The Reverend au Hard Rock Café à Paris. C’est Jakes qui a ‘chauffé’ la salle et par la même occasion m’a retourné la tête ! J’ai été tout de suite séduit par l’énergie et les compositions, une claque ! Je leur ai proposé de les signer sur le label, mais cela n’a pas abouti, car le groupe s’est séparé peu de temps après… J’ai toujours gardé une oreille attentive à ce que faisait Vincent artistiquement, notamment avec Carousel Vertigo, que je trouvais vraiment très chouette. Quand il a quitté le groupe, nous avons pensé que c’était le bon moment pour commencer à travailler ensemble (enfin !). Il y a des évidences qui mettent du temps à se concrétiser. Quand nous avons terminé le travail de composition, il a fallu trouver un nom. Une étape toujours un peu délicate. Comme tu le soulignais dans ta question, mon frère Alban est à la batterie, donc oui, c’est aussi une histoire de famille. C’est Vincent qui a eu l’idée de se présenter tout simplement sous le nom d’ARMELLINO et ça nous a semblé être la meilleure option.

Vincent : De mon coté, j’ai toujours suivi les productions de Yann. Depuis notre rencontre, il m’a toujours supporté et j’ai toujours gardé dans un coin de la tête l’idée qu’on ferait quelque chose ensemble à un moment donné.

– Vous vous côtoyez depuis quelques années à travers vos différents projets et dans des registres assez différents. Le Heavy Blues et/ou le Classic Rock ne sont malheureusement pas très répandus en France, pourtant ARMELLINO est la preuve qu’on sait y faire. Comment expliquez cette absence dans l’hexagone et qu’est-ce qui vous a finalement convaincu de vous lancer ?

Yann : Quand on s’est décidé à travailler ensemble, nous n’avons pas parlé de ‘direction artistique’ ou de choix de style. Cela s’est fait naturellement. On avait juste envie de passer de bons moments à écrire, jammer… bref, jouer ! Et notre langage commun est ce mélange de Heavy, de Blues et de Rock avec une dose de Soul. Effectivement, ce style n’est pas très répandu en France mais, avec Internet, les artistes souffrent moins des ‘barrières frontalières’ comme c’était le cas il y a quelques années. Aujourd’hui, j’observe que ça bouge pas mal par ici. Il y a de nombreux artistes et groupes vraiment chouettes comme les Red Beans & Pepper Sauce, Rozedale, Jessie Lee & The Alchemists (et oui !), Nico Chona, Little Odetta, Mat Ninat…. et pas mal d’autres.

– Même si « Heritage Blend » ne laisse pas planer le doute quant à  vos références, quelle était votre ambition première, même avec un registre qui s’impose de lui-même dès le départ ?

Yann : Notre première ambition était de se faire plaisir et de partager un genre musical qui perdure malgré les modes. Comme je te le disais précédemment, nous n’avions pas de ligne directrice, ce qui donne à l’arrivée des titres assez variés où l’on peut retrouver pas mal de styles différents. C’est une liberté artistique très éloignée des formats que l’on peut imposer en Pop, en Rap, etc…

Vincent : Et Yann étant très prolifique, c’est très excitant de le suivre dans ses propositions.

– La première chose que l’on remarque chez ARMELLINO est cette complicité entre vous deux au niveau des guitares. Est-ce que c’est quelque chose que vous avez particulièrement travaillé et comment vous répartissez-vous les rôles, notamment au niveau du lead ?

Yann : Quand on s’est retrouvé guitare en main, c’était un peu comme si on avait toujours travaillé ensemble, tant musicalement qu’humainement. Je trouve que Vincent a un phrasé, un groove et une expression musicale digne des plus grands. C’est un cadeau de jouer avec lui. Et en plus, il a une voix Blues Rock Soul, qui sert parfaitement le style. Nous n’avons pas vraiment réfléchi au partage des rôles concernant les lead. C’est pour cela que, suivant les titres, nous ‘chorussons’, si je puis dire, parfois seul ou alors à deux. Ca se fait vraiment au feeling…

Vincent : D’ailleurs, en live, il nous arrive d’étendre certaines plages de guitares et parfois d’échanger nos solos par rapport à l’album.

– Au-delà de l’aspect guitaristique et purement technique d’ARMELLINO, vous avez également le talent de composer des chansons mélodiquement efficaces et entêtantes. Comment cela se passe-t-il au niveau de l’écriture ? Vous échangez d’abord sur des idées de riffs, ou partez-vous aussi d’une ligne vocale ?

Yann : On part très souvent d’une idée de riff que l’on fait tourner. Et quand on sent qu’il se passe quelque chose, on laisse mûrir et ça évolue doucement. Il y a des titres qui ont mis un certain temps à être finalisés, je pense notamment à « These Bones ». On avait le riff d’intro, qui peut évoquer « Oh Well », mais le refrain est venu bien après. C’est d’ailleurs un morceau qui a failli passer à la trappe (ce qui aurait été un véritable sacrilège ! – NDR).

Vincent : Notre but, c’est d’abord la chanson et son ambiance.

– On l’a dit, vous œuvrez dans un registre qui prend racine dans les années 70/80, ce qui offre une saveur vintage délicate. Pourtant, « Heritage Blend » sonne très actuel et ce n’est pas qu’une question de matériel ou de technique. L’idée est-elle de prolonger ce style en lui insufflant une touche moderne, ce qui voudrait aussi dire que le chapitre de ces années-là n’est pas clos…

Yann : Je crois que le chapitre de ces années ‘bénies’ n’est pas près de se refermer. Tout est parti de là et les productions de l’époque n’ont quasiment pas vieilli. C’est loin d’être le cas sur les productions des années 80/90, sur lesquelles il y avait excès de vitesse sur les réverb’ et le traitement des batteries, qui donnait la migraine. C’est dommage, car il y avait de très bons albums aussi pendant cette période. Mais de par leur production, on a du mal à les réécouter aujourd’hui, ce qui n’est pas le cas des Led Zeppelin, Kiss, Cream, Bad Co, etc… On est revenu depuis pas mal de temps à des productions qui ne dénaturent pas le son à proprement parler, un ‘sonner vrai’, qui caresse plutôt les oreilles.

– Un petit mot aussi au sujet des très bonnes parties d’orgue Hammond de Fabien Saussage et de celles de Little Magic Sam à l’harmonica. Elles apportent à ARMELLINO une couleur Southern et beaucoup de chaleur à l’album. Vous aviez besoin de cet équilibre entre Rock et Blues pour construire votre répertoire ?

Yann : Assez vite, on a entendu d’autres instruments sur différents titres. L’orgue, le piano et l’harmonica se sont imposés naturellement, c’est une vraie valeur ajoutée. Fabien et Little Magic Sam ont fait un travail remarquable, c’est un cadeau de les avoir avec nous. Ils ont eu une totale liberté pour s’exprimer. C’est pourquoi, sur certains titres, il y a de l’orgue et du piano, car Fabien le sentait comme ça et il a eu raison ! Sur « Hardly Yours », on avait demandé à Little Magic Sam de rentrer au moment du chorus de guitare. Et à l’arrivée, il a eu envie de jouer sur tout le morceau : une super idée et une belle inspiration avec ses phrases qui répondent au chant de Vincent. Merci à eux.

– « Heritage Blend » contient onze chansons, dont deux reprises, d’ailleurs très bien produites par Didier Théry qu’on connait pour son travail avec Gaëlle Buswel notamment. Il y a d’abord « Fire » d’Etta James chantée par Jessie Lee Houllier de ‘Jessie Lee & The Alchemists’. Le choix paraît très spontané vu le reste de l’album. Mais pourquoi chante-t-elle seule ? Un duo ne vous a pas tenté ?

Yann : Vincent, qui a déjà travaillé avec Didier Théry, a tout de suite pensé à lui pour réaliser l’album. C’est quelqu’un de très patient, à l’écoute des artistes et qui s’est impliqué dans le projet en y ajoutant ses idées de chœurs, de percus et de batterie. C’est une belle rencontre. Concernant « Fire », l’idée de proposer un featuring à Jessie s’est vite imposée, car elle est parfaite pour rendre cet hommage à Etta James. Un duo aurait été chouette, mais nous n’avons pas eu l’occasion de le mettre en place. Peut-être une prochaine fois ?

Vincent : J’adore quand Yann rend hommage à la Soul et au R’n B. Et avec Jessie, la version est géniale ! On s’est bien éclaté !

– Et il y a cette reprise acoustique du classique de Thin Lizzy, « Dancing In The Moonlight ». Je comprends parfaitement votre choix, car la chanson est géniale, et j’aimerais savoir comment vous l’avez imaginé dans cette version assez épurée et lumineuse…

Yann : On avait envie de faire une autre reprise et Thin Lizzy est l’un des nombreux groupes qui nous rassemble. Il restait à trouver le bon titre. On s’est dit que reprendre un morceau plus Rock serait un peu trop ‘attendu’, donc le choix de « Dancing In The Moonlight » est venu assez naturellement. A l’inverse de la chanson d’Etta James, on l’a tout de suite pensé en acoustique. J’aime beaucoup l’interprétation tout en finesse de Vincent sur ce titre, qui n’est pas facile à chanter. J’aurais bien également tenté « The Sun Goes Down », mais ça nous semblait plus acrobatique en acoustique. Le répertoire de Thin Lizzy est une vraie mine d’or.   

Vincent : C’était super quand Yann a commencé à jouer « Dancing In The Moonlight » en acoustique… Et on adore Thin Lizzy.

– Enfin, vous êtes tous les quatre des musiciens aguerris et très occupés et j’espère que « Heritage Blend » n’est pas un simple one-shot. Comment envisagez-vous l’avenir d’ARMELLINO ? Avec de la scène et aussi une suite discographique ?

Yann : Nous l’espérons aussi ! (Sourires) On va essayer de tourner le plus possible jusqu’à fin 2025. Ça va aussi dépendre de l’accueil des médias et du public. Concernant la suite discographique, nous avons déjà quelques idées ‘sous le coude’. Donc oui, il y en aura une, ce n’est pas un one-shot !

L’album d’ARMELLINO, « Heritage Blend », est disponible chez May I Records/Pias.

Photos : Yann Armellino à la guitare (2), Alban Armellino à la batterie (3), Vincent Martinez à la guitare et au chant (4) et Jacques Mehard Baudot à la basse (5).

Et une fois n’est pas coutume, découvrez le clip de la chanson « I’m Only Me » :

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Silmarils : une identité indélébile [Interview]

SILMARILS représente le son et la fougue de la scène française du milieu des années 90 et début 2000, celle où l’on osait encore fusionner les genres et rassembler au-delà des chapelles. 25 longues années après « 4 Life », le combo remet les gants et revient à la charge avec « Apocalypto ». Histoire de garder intacte cette fraîcheur qui a fait sa réputation, c’est à Los Angeles, et sous la houlette de Segal Huredia, que la plus américanisée des formations de l’hexagone a mixé son explosif cinquième album. Toujours aussi incisif et percutant, il fracasse les codes, se meut en brûlot et promet de renverser les foules dès le printemps prochain. Entretien sans filtre avec David Salsedo, frontman du groupe, à l’œil affûté qu’il s’agisse de sa musique comme de notre société.

– Qu’est-ce qui fait qu’un groupe de votre notoriété dans son pays décide de se mettre tout à coup sur pause ? Vous aviez le sentiment d’avoir été au bout de quelque chose ? Que peut-être l’énergie commençait à manquer, d’autant que le line-up n’a pas changé ?

Ce n’est pas tant une histoire d’énergie. On a démarré ensemble avec ce même line-up quand on avait 15 ans. Ca commençait à faire longtemps et il y a eu une espèce de tourbillon : album, tournée, album, tournée, etc… Et au bout d’un moment, les mecs avaient envie d’essayer autre chose. On s’est dit que plutôt que de faire un mauvais disque, c’était bien que chacun arrive à faire des choses hors du groupe, même si j’avais déjà fait un peu d’écriture et de prod’ de mon côté. C’était donc le bon moment pour le faire avant de ne plus en avoir envie et attendre que ça nous manque à nouveau. Alors, le projet en tant que tel a été mis sur pause.

– Justement en 2008, tu sors « Wine & Pasta » en solo dans un registre différent de SILMARILS. Comment est né le projet à l’époque ? Tu avais des morceaux plus personnels qui ne convenaient pas au groupe et que tu souhaitais vraiment sortir ?

Oui, c’était plus comme un concept-album. Je me suis dit qu’il y avait deux aspects chez moi avec un premier plus rentre-dedans à l’image de SILMARILS, que j’adore au niveau des textes comme de la musique et qui est vraiment mon truc. Et puis, dans mes goûts musicaux, j’ai une autre sensibilité qui est plus Pop indé, plus arrangée. Alors, à un moment donné, je me suis dit que cela faisait longtemps que j’avais envie de faire un truc comme ça. C’était le bon moment et je ne voulais pas avoir de regrets par rapport à mon autre rêve. Je l’ai fait et j’en suis très content. Et une fois que c’était fini, je n’avais pas forcément envie de continuer dans cette voie-là, mais j’étais heureux de l’avoir fait. C’était une très bonne expérience, on y a passé beaucoup de temps et dans un registre totalement différent. Et puis, je ne me voyais pas faire quelque chose qui ressemble de près ou de loin à SILMARILS.

– Et vous avez refait surface en 2020 avec le « Live In Confinement », un EP de quatre titres en digital. On sait que SILMARILS a toujours été un groupe en réaction à la société, c’est la situation sanitaire et politique de l’époque qui y avait poussé ?

En fait, ce qui s’est passé, c’est qu’on a décidé de reformer le groupe trois jours avant le confinement ! (Rires) On s’est un peu retrouvé comme des cons. On est tous partis, pour ceux qui ont pu, se planquer à la campagne et un pote du groupe nous a appelés pour nous dire qu’il montait un gros truc : le « Live In Confinement ». On s’est donc dit qu’avant le Bataclan, c’était une bonne façon de faire quelque chose ensemble pour raccrocher les wagons. Finalement, cela nous a remis le pied à l’étrier et c’était une super expérience. On a tous travaillé séparément et d’arrache-pied. Ca nous servi de déclencheur un peu plus vite que prévu.

– C’est donc en 2022 que vous officialisez vraiment votre retour avec un concert d’anthologie au Bataclan. Là aussi, vous prenez un peu tout le monde à contre-pied, car en général, les groupes sortent un album, puis seulement enchaînent les concerts. Comme vous êtes vraiment un groupe de scène, vous ne pouviez pas imaginer votre retour sans voir si le désir était toujours là et surtout vos fans ?

En fait, le contexte de tout ça était de fêter les 25 ans du premier album et de se retrouver. On y avait d’ailleurs joué « Welcome To America », le premier single d’« Apocalypto ». Ca a aussi été l’occasion de voir si on existait encore et si ça intéressait encore du monde, s’il y avait toujours des gens qui nous suivaient. Finalement, ça a été un concert d’anthologie, comme tu dis, parce que c’était ultra-complet et on a même fait plus de monde que 25 ans avant ! C’était incroyable ! (Rires) Ca nous a donné l’énergie de sortir « Welcome To America », qui était d’ailleurs déjà prêt, puis de repartir.

–  Ensuite, au printemps 2023 donc, « Welcome To America » sort et on retrouve le SILMARILS qu’on aime et qu’on connait à savoir rageur, provocateur et surtout fédérateur comme au premier jour. Comment se sent-on à ce moment-là et est-ce que le choix du morceau vous a alors paru évident ?

Pour nous, il était évident, car il contient vraiment d’ADN de SILMARILS. Mais on voulait aussi trouver un nouvel angle. On ne voulait pas arriver avec le son de 1995. Il fallait une évolution dans la production, tout en gardant notre style avec le riff, le texte et le phrasé. On a aussi choisi un parti-pris un peu plus Hip-Hop avec un marqueur évident tout de suite, dès le premier single. Si certains ont trouvé qu’il y avait moins de guitare, le titre a très bien marché. Et pour moi, c’était la façon dont SILMARILS devait se repositionner en 2025 sur un nouvel album. Il fallait reconnaître le groupe tout de suite, sans que ce soit ringard dans le son. En gros, je ne voulais pas sonner comme Limp Bizkit aujourd’hui.

– « Au Paradis », « Oublie-Moi » et « No Pain  No Gain » suivent dans la foulée, et force est de constater que vous n’avez pas changé. La fraîcheur est intacte, le son aussi et les textes sont toujours aussi percutants. Le sentiment qui domine alors, c’est qu’en fait, vous étiez simplement sur pause. Alors, qu’est-ce qui a tout réenclenché ?

En ce qui me concerne, c’est lorsqu’on a travaillé sur la réédition du premier album. Je ne l’avais pas écouté depuis sa sortie quasiment. Je me suis replongé dans différentes versions et dans les prises studio, j’ai du vraiment entrer dans les archives. Et en faisant ça, l’ADN du groupe et son identité sont devenus évidents. Notre objectif a toujours été de ne jamais se répéter au fil des albums, c’est notamment pour ça qu’on a fait « Vegas 76 », sans grosses guitares et beaucoup n’ont d’ailleurs pas aimé. Mais on l’assume. Avec le recul, je comprends que les gens aient été un peu perdus. Ils ne sont pas dans nos têtes, ils ne savent pas forcément comment on a envie d’évoluer. Mais, on ne voulait pas servir le même truc pendant 20 ans. Après, il y en a qui le font. Ac/Dc le fait très bien, et c’est très bien ! Au bout d’un moment, on était arrivé au bout de nos expérimentations. En fait, je me suis servi du premier album comme base pour faire le nouveau, tout en faisant évoluer le son, bien sûr, en le rendant plus actuel. On voulait que ça fasse bouger la tête et que ça puisse s’écouter en voiture ! (Sourires)

– Dans ce nouvel album, on retrouve des textes qui collent parfaitement à ce qu’est la société d’aujourd’hui avec des travers aussi variés que nombreux. Vous posez le doigt sur ce qui fâche et ce ne sont pas les dérives qui manquent. Ce qui est plus étonnant, c’est que beaucoup de morceaux ont un fond assez pessimiste. La situation se prête moins aujourd’hui à la dérision qu’il y a quelques années ?

Le nouvel album reste dans la lignée des deux premiers. Alors pessimiste, oui, ce n’est pas très joyeux, en effet. Je trouve que l’époque ne donne pas de place à la dérision. Clairement ! C’est mon point de vue, bien sûr. Sur ces textes, j’ai voulu rester frontal et pas dans la métaphore. Il fallait de la punchline, que ce soit percutant et qu’on comprenne le propos sans passer par des prismes stylistiques. C’est dans ta gueule, voilà ! Je l’ai vraiment écrit avec les tripes et avec ma vision du monde. Je ne suis même pas désabusé. Il y a de la colère, bien sûr, mais pas seulement. C’est une façon de dire : « Arrêtez de nous prendre pour des cons, on a compris ! On vous voit ! ». L’époque est tragique à tous les niveaux et je n’arrive pas à lui trouver des trucs positifs.

– D’ailleurs, puisqu’on parle d’engagement et de revendication : est-ce qu’on peut être de droite et écouter et apprécier SILMARILS ?

(Silence)… C’est une bonne question ! A la base, je dirai non quand même. Tu m’as surpris ! (Rires) Si on veut entrer dans le détail, ce qui me déprime, c’est le positionnement de certains politiques. Quand tu vois le Front National (oui, appelons-le par son nom – NDR) qui prétend faire du social et s’adresse aux prolétaires, ce n’était pas le cas il y a 30 ans. Maintenant, je pense que certaines personnes venant de la droite de la droite et de milieux populaires peuvent se retrouver dans certains textes… malheureusement ! (Rires) Dans « Welcome To America », je parle de poujadisme, ce qui pose le curseur assez haut tout de même. Et aujourd’hui, je pense aussi qu’il y a aussi des réacs de gauche. C’est une bonne question que tu poses là…

J’ai des amis de droite qui se marrent en écoutant mes textes et qui me disent que je suis d’extrême gauche. Mais c’est plus compliqué que ça. Même si j’en viens, je ne peux pas adhérer à celle d’aujourd’hui. Je me définirai plus comme un anarchiste, voilà. Et encore, je ne sais même plus ! (Rires) Maintenant, la tonalité de SILMARILS n’est pas de droite, soyons sérieux. Un titre comme « Oublie-moi » est très clair quand même. Cela dit, les frontières sont de plus en plus floutées. De mon point de vue, avant on savait où étaient les méchants et où étaient les gentils. Aujourd’hui, c’est un peu plus compliqué ! Donc globalement, je ne pense pas que les gens de droite puissent aimer les textes de SILMARILS. Après, on ne va pas se mentir, on vient tous de banlieue et de familles de gauche. Mais, pour conclure et sans dire que c’était mieux avant, est-ce qu’on a le droit de dire qu’il y a une dérive grave, une baisse culturelle aussi sans pour autant qu’on nous foute une étiquette de réacs ? Je ne sais pas… Si pour ne pas l’être, il fait tout trouver magnifique, alors tout est magnifique, ouais…

– « Apocalypto » contient beaucoup de titres forts, fédérateurs et vraiment impactants. On a presque l’impression d’écouter le ‘Best Of’ de 20 ans d’absence. C’est aussi ton sentiment ?

Ce n’est pas à moi de le dire, mais puisque tu le fais… (Sourires) Mais je trouve que c’est un excellent disque avec dix bonnes chansons. Il n’y a rien à jeter. J’en suis très fier et j’adore tous les morceaux. Pour avoir commencé à les répéter et en avoir joué quelques uns en festivals, je peux te dire qu’ils défoncent !

– En ce qui concerne l’écriture, tu pars plutôt d’un déroulé qui peut être assimilé à une histoire, ou est-ce que tu construis plutôt autour de punchlines, car ce n’est pas ce qui manque sur l’album ?

En fait, je prends titre par titre et chacun est une épreuve. Pour « Welcome To America », c’était presque miraculeux, parce que c’était comme si j’avais retrouvé une recette que je pensais avoir oublié. Une chanson de SILMARILS ne s’écrit pas comme une chanson Pop. C’est une alchimie, un mélange entre le Metal et le Hip-Hop, c’est-à-dire que ce ne sont pas des trucs forcément mélodiques. Chaque morceau est un combat et je souffre quand j’écris et quand je compose. D’abord avec la musique et une fois que c’est fait, il y a les paroles et ça recommence, c’est même encore pire ! Il n’y a donc pas de déroulé global, je l’ai fait titre par titre. Je me suis beaucoup écouté en termes de textes, en essayant de ne pas trop réfléchir. Au départ, je n’avais pas de thèmes précis, j’ai laissé parler les sentiments. J’ai essayé de capter ce qui m’entourait, de savoir quel était mon feeling, mes ressentis, mes frustrations, ma colère et d’en faire des chansons. Je me suis même dit que je n’avais jamais autant écrit au premier degré qu’ici et j’ai livré la matière aussi brute que possible. J’ai tout fait pour être compris et percutant.

– J’aimerais aussi qu’on évoque cet écart entre vos prestations live et studio. Pour vous avoir vu un nombre incalculable de fois en concert, ils sont toujours plus Rock et Metal, et moins Hip-Hop que les versions du disque. C’est l’énergie de la scène qui donne ce résultat, ou est-ce que ce sont finalement deux exercices que vous aimez séparer ?

On ne se dit pas qu’on va faire des versions différentes. A 95%, les arrangements sont les mêmes que sur le disque. Si tu prends le premier album, c’est juste une captation live de SILMARILS. Il n’y avait pas un gros travail de production. Maintenant avec l’expérience, on a aussi un plaisir à façonner les shows, à avoir de la prod’, des grosses basses, des gros beats… Sur disque, j’ai aussi envie qu’on comprenne ce que je raconte. Après, sur scène, tu es aussi emporter par l’énergie du groupe et du public. Et c’est bien, tant mieux ! C’est vrai que l’expérience est différente.

– Je disais tout à l’heure qu’on vous retrouve comme si on ne vous avait jamais vraiment quitté et avec ce son, qui est la marque de fabrique de SILMARILS. Et « Apocalypto » est aussi passé entre les mains de Segal Huredia (Dr Dre, Eminem, Green Day, …). Il était votre premier choix ? Et lui avez-vous fait écouter vos anciens albums pour garder une certaine continuité dans l’approche et la dynamique, même s’il sonne résolument actuel ?

Non, pas du tout. Je ne sais pas s’il a fait un travail de son côté. On avait déjà travaillé ensemble sur d’autres projets qui n’avaient rien à voir avec SILMARILS. C’est aussi grâce à DJ Swift, notre DJ qui bosse à Los Angeles. Et puis, la façon dont on a fait le disque appelait aussi à ça, en termes de savoir-faire et de son. On a aussi travaillé sur les fréquences. On voulait beaucoup de volume et comme il a aussi œuvré dans le Rock, il cochait toutes cases, en fait. Il a fait du Rock, du Punk Rock et aussi du Metal, car il est proche de Deftones, House Of Pain, Everlast, Linkin Park et Cypress Hill aussi… Il sait tout faire finalement ! En écoutant les maquettes, il m’a dit qu’il n’y manquait que le ‘West Coast Sound’ et c’est ce qu’il nous a apporté. Un son qu’on retrouve aussi chez les Red Hot. Et puis, même si on chante en français et qu’on y tient, je pense que notre musique est aussi très inspirée des Etats-Unis. C’est intrinsèque pour eux et ça lui a paru normal qu’on finisse l’album chez eux. Il m’a dit que le disque devait être mixé en Californie, qu’il n’y avait pas le choix en fait… Et ça nous a fait marrer ! (Sourires) C’est vrai que de se retrouver aujourd’hui avec des mecs comme ça en studio est un rêve.

(David, B-Real & Segal Huredia)

– Un petit mot aussi sur le morceau « No Pain No Gain » avec B-Real de Cypress Hill. Si la surprise est de taille, elle est parfaitement en phase avec SILMARILS et le titre est l’un des moments forts de l’album. Comment se sont effectuées la rencontre et votre collaboration ? Et est-ce qu’on dirige et donne la voie à suivre à B-Real dans un studio ?

En fait, l’album est déjà fini et mixé. L’un d’entre-nous a pensé que ce sera bien d’avoir un featuring et on a tous réfléchi en se demandant qui est-ce qu’on kiffait le plus. On parlait déjà de Cypress Hill dans une chanson de « Vegas 76 ». Comme on était déjà allé à Los Angeles, on les avait vus jouer et on avait aussi croisé du monde de ce milieu. On savait également que Segal avait beaucoup bossé avec lui et qu’il le connaissait. Je lui en ai parlé en lui demandant de faire passer le morceau. J’ai fait une démo où je chante le premier couplet et je lui ai demandé que s’il pouvait écrire un truc pour le second, ce serait mortel ! Il m’a dit que B-Real était très occupé, qu’il produisait beaucoup, qu’il ne l’avait pas vu depuis un petit moment et que le groupe n’arrêtait pas de tourner.

Trois mois après, il me rappelle pour me dire qu’il n’avait rien, aucune réponse positive ou négative. Et début mars, je me lève un matin et je reçois un texto de Segal. C’était une capture d’écran de celui de B-Real. Il disait que c’était fait, qu’il avait déjà écrit le texte et qu’il était prêt à l’enregistrer dans quatre jours ! Ensuite, ça a été un peu le coup de speed pour gérer l’avion, l’hébergement, l’argent… On est parti à plusieurs et tant qu’à être là-bas, on s’est dit qu’on allait faire des images, donc on a pris des caméras. Et quatre jours après, on était en studio avec B-Real !

On s’est fait un petit barbecue mexicain ensemble avant, puisque c’était l’été. C’était vraiment en toute décontraction, entre potes. Il était très pressé, mais il a passé du temps avec nous. On a parlé du morceau bien sûr. Je lui ai demandé si ça lui plaisait et il m’a répondu qu’il ne serait pas là sinon. J’ai écouté ses paroles, j’ai traduit en français, car il était parti sur le même thème et j’ai tout fait d’une traite. Le plus impressionnant a été lorsqu’il a commencé à balancer le flow, car son texte est super fort. Il parle de ses parents, de ses origines. Et là, quand il envoie : tu as des frissons ! Même les Ricains et Segal nous ont dit : « Tu as du grand B-Real aujourd’hui ! ». Il crie avec ses tripes et surtout son flow et la performance ont emmené le morceau ailleurs.

C’était vraiment la cerise sur le gâteau, alors que l’album était fini ! Très belle expérience et beaucoup d’Américains présents, qui travaillent avec Dr Dre, nous ont dit qu’il ne s’était vraiment pas foutu de notre gueule ! Et encore une fois, ce n’est pas un feat pour un feat, il a emmené le morceau à un autre niveau et ça, c’est grâce à lui.

– J’aimerais qu’on dise un mot de « Tu Nous Mérites Pas », dont on comprend évidemment à qui il s’adresse. Je n’ai pas pu m’empêcher d’y voir un clin d’œil à « L’Homme Providentiel »  et « Tant Que Parle l’Economie » sur « Original Karma ». Depuis 1997, on a le sentiment que rien n’a changé et que c’est même de pire en pire et que plus c’est gros, plus ça passe… C’est ce que tu avais en tête en l’écrivant ?

C’est exactement le texto que j’ai envoyé à mon manageur il y a deux jours. Et c’est vrai aujourd’hui que plus c’est gros, plus ça passe… Et ça ne dérange plus personne, en fait. C’est quand même un truc de dingue ! « Tu Nous Mérites Pas » vient du fait qu’à un moment donné, on inverse la charge de la preuve. C’est-à-dire qu’on demande aux gens de prouver qu’ils ne sont pas coupables, alors que ça devrait être l’inverse. Et c’est pareil avec le pouvoir. J’ai le sentiment qu’il y a une liquéfaction totale. Avec Macron, on est arrivé à un summum managérial déshumanisé, cynique et ironique de banquier d’affaires. Et intrinsèquement, c’est ce qu’il est. En général, je n’aime pas trop parler de politique, car tout est dans mes textes. Mais, en gros, la vente à la découpe de la France a commencé sous Sarkozy. Hollande a déçu aussi, car l’homme qui lui murmurait à l’oreille était déjà Macron. Et il est arrivé en disant que c’était à nous de le mériter, et non le contraire. Et là, je me suis dit qu’on avait un gros problème ! (Sourires) On demande toujours aux mêmes de faire les efforts, alors qu’ils sont déjà sur la corde raide.

Et c’est vrai, pour en revenir à « Original Karma » qui date quand même de 1997, il y avait déjà « Tant Que Parle L’Economie » et « L’homme providentiel », … Lors des manifs contre la réforme des retraites, sur les camions de la CGT, ils les passaient. On m’avait envoyé une vidéo et j’ai halluciné. Alors il y a peut-être une forme de reconnaissance, c’est vrai, mais surtout on avait quand même mis dans le mille à l’époque. On pointait des choses, car nous ne sommes pas trop dans le jugement. On faisait des constats en chanson et avec le phrasé et les paroles en disant : vous voyez ça ? Et après cet album-là, tout s’est réalisé… en pire ! On avait mis des warnings, j’essaie de me dire ça. Et « Tu Nous Mérites Pas » est une façon de dire : ça suffit ! Il n’y a que juste une symbolique du pouvoir au final. Une ancienne prof de philo m’avait expliqué un jour que si tu enlèves les drapeaux sur la voiture présidentielle, il n’y a plus de symbolique du pouvoir et là, les gens le dévorent. Ils arrêtent la voiture et ils le mangent. C’est aussi ce que veut dire la chanson. A un moment donné, il va falloir arrêter de tirer sur la corde. Depuis sept ans, il y a un cynisme assumé et un tel mépris… Tu vois, là, on est encore à parler de ta question si les gens de droite peuvent aimer SILMARILS, ou pas ! (Sourires)

Un dernier mot au sujet de la production d’« Apocalypto », qui paraît sur votre propre label et qui sera distribué par PIAS. C’était une évidence, voire une nécessité, pour vous de le sortir vous-mêmes, et ainsi garder le contrôle de ce nouvel album de bout en bout ?

Vu le disque que l’on faisait en termes de format, mais aussi des paroles : on s’est dit qu’il ne pourrait pas avoir sa place en major. Déjà, parce qu’il n’y a plus de Rock en maison-de-disques. On ne signe plus d’artistes, mais on signe des marques. On fait du business avec ça. On rachète un groupe qui marche une fois qu’il tourne bien. Il y a aussi une histoire de cohérence par rapport au propos. On est assez grand, on sait le faire et on va y aller tout seul sans rien demander à personne. Et on ne nous fera pas chier pour une pochette comme cela nous est déjà arrivé. On y va, mais je ne te cache pas que je n’avais pas mesuré la charge de travail et financière que ça représente, si tu veux faire ça bien. Mais nous sommes super contents et très fiers.

Le nouvel album de SILMARILS, « Apocalypto », sortira le 27 septembre.

(Photos : Florent Schmidt, sauf 3 et 6)

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France Hard Rock

Last Temptation : un appétit pour le changement [Interview]

On en va pas se mentir, la France n’est pas vraiment le pays du Hard Rock, mais cela ne lui empêche pas de réserver quelques belles surprises, et LAST TEMPTATION en est une très belle. Le groupe de Peter Scheithauer, guitariste et compositeur, sort « Heart Starter », dans les jours qui viennent, après deux premières réalisations plutôt Hard’n Heavy. Une sorte de retour aux sources pour le fondateur du combo qui a fait ses premières armes à Los Angeles à une époque très créative. Sur ce troisième album, le groupe se présente également avec un nouveau frontman, le Québécois Loup Malevil, et Fabio Alessandrini à la batterie. De quoi rebattre les cartes et s’offrir un bel élan dans un style plus chaleureux, aéré et positif aussi. Entretien avec un musicien qui se fie à son instinct et ses envies avec un bon feeling…

– Votre troisième album, « Heart Starter », sort dans quelques jours. Deux ans se sont écoulés depuis « Fuel For My Soul » durant lesquels vous avez fait de prestigieuses premières parties et de beaux festivals. Est-ce que, dans ce cas-là, tu attends que tout ça retombe un peu ou la composition ne s’arrête jamais ?

Ca ne s’arrête jamais, en fait. Il y a quand même des moments off où pendant deux/trois semaines, je n’ai pas envie de bosser et je laisse venir. Mais en général, je n’arrête jamais, car il y a toujours des idées qui arrivent à droite, à gauche. Bien sûr, je ne finis pas le morceau d’un seul coup. Je garde beaucoup d’idées et ensuite il faut trouver vers quelle direction tu veux aller et trouver une cohésion dans tout ce que tu fais. Sur cet album, on a été assez éclectique et l’objectif était justement de combiner tout ça en un seul style. Que tout sonne LAST TEMPTATION finalement.

– Difficile de ne pas évoquer les changements de line-up assez fréquents chez LAST TEMPTATION. Si la rythmique bouge souvent beaucoup, changer de chanteur après deux albums est toujours assez délicat. Sans entrer dans les détails, est-ce que cela a remis en question certains morceaux déjà composés, par exemple ?

On a tout refait. Cela n’a rien à voir avec ce qui avait été réalisé au préalable. Cet album a  vraiment été composé pour nous. Je crois qu’il y avait un morceau qui était présent sur les démos avec l’ancien line-up. Mais tout le reste est complètement nouveau.

– C’est donc le chanteur Loup Malevil, plus habitué à la Country Music qu’au Hard Rock qui officie derrière le micro. Comment vous êtes-vous trouvé et de quelle manière son intégration s’est-elle déroulée ?

En fait, j’ai cherché un chanteur qui soit plus dans la lignée de ce que je voulais avec une direction un peu plus ‘joyeuse’, plus Hard Rock en tout cas. En cherchant, je suis tombé sur une vidéo de Loup et j’ai trouvé que ça sonnait bien. J’ai appris qu’il était québécois, qu’il habitait à Toulouse et je l’ai contacté. Je lui ai ensuite envoyé des démos et, finalement, il est vraiment à fond dans ce qu’on voulait faire.

– La rythmique est désormais composée de Franz OA Wise toujours à la basse et de Fabio Alessandrini derrière les fûts en remplacement de Farid Medjane. Est-ce que chacun participe à la composition, ne serait-ce qu’en apportant son feeling à travers son jeu personnel, ou y a-t-il une ligne directrice préétablie ?

Fabio aime vraiment ce style et il a vraiment une vision claire de sa façon de jouer. Il y a peut-être une ou deux fois où je lui ai dit que ça n’allait pas. Mais il a une telle finesse dans son jeu, une telle compréhension des morceaux que je le laisse faire. Il apporte tellement. D’ailleurs, souvent, je lui envoie les démos sans batterie pré-enregistrée avec juste la guitare et un clic, puis il fait ce qu’il veut. C’est la même chose avec Franz, qui a vraiment un jeu de basse très riche. Et avec Fabio, il peut vraiment mettre des lignes de basse plus fournies. Il y a une réelle symbiose entre eux deux et ils s’amusent… Et c’est le plus important ! Et puis, il y a beaucoup plus de vibes 70’s dans leur jeu, ce qui donne un groove très intéressant.

– Ce qui est aussi assez étonnant chez LAST TEMPTATION, c’est que vos trois albums ont des couleurs musicales différentes, tout en conservant une identité évidente. Est-ce que vous vous cherchez toujours en termes de son et de production, ou est-ce justement cette diversité qui fait votre force ?

Ah ! (Rires) Le fait que ce soit toujours la même personne qui compose les riffs donne une certaine continuité, même s’il y a toujours quelques différences. C’est vrai que j’aborde les choses de la même façon quand je joue, puisque c’est mon jeu. Cette fois, j’ai voulu donner un côté plus Hard Rock et moins Heavy. C’est aussi dans l’esprit des groupes avec lesquels grandi, c’est-à-dire Van Halen, Dokken, … Il y a toujours eu ce mélange. Ca reste des riffs LAST TEMPTATION et au niveau de la production, on est allé chercher un gros son, mais avec cette fois-ci, plus d’affinité dans le groupe et surtout plus de finesse basse/batterie.

– Revenons à « Heart Starter », dont le contenu est nettement plus varié, même si les fondations et les fondamentaux restent les mêmes. Est-ce que justement Loup vous permet d’explorer de nouveaux horizons ?

Ah complètement ! Il est capable de beaucoup de choses et il a une approche très fun des morceaux. Avec ses capacités vocales, y compris au niveau des chœurs, il apporte beaucoup et avec une grande liberté. Il est également très à l’écoute et il a une touche très personnelle, qui lui permet de vraiment bien sentir les chansons.

– L’approche est également plus Classic Rock dans l’ensemble et donc moins Heavy qu’auparavant. Est-ce qu’il y a une volonté de toucher un public plus large, ou ce sont plus simplement les références musicales de chacun qui ressortent plus facilement cette fois ?

C’est beaucoup plus au niveau des références, en effet. Ce sont vraiment les riffs qui me sont venus avec une couleur différente. Et puis, le chant de Loup ensuite a vraiment confirmé cette intuition. Il a un côté très fédérateur dans le chant et ça m’a rappelé beaucoup de choses. Donc, en plus des riffs plus Rock et une voix comme la sienne, tu donnes tout de suite une autre couleur à l’album. Il y a peut-être plus de chaleur et l’ensemble est aussi plus positif, notamment au niveau des paroles qui contiennent beaucoup plus d’humour et qui sont aussi plus pointues.

– « Heart Starter » a été enregistré dans trois studios différents et mixé pour l’essentiel par Jordan Westfall, qui a récemment travaillé avec Black Stone Cherry, et tu l’as accompagné pour le mastering. C’était important pour toi d’avoir le final-cut sur le son de ce nouvel album ?

Oui parce que, parfois, il manque deux/trois petites choses. Cela dit, je ne suis peut-être pas le meilleur pour le faire surtout avec mon petit problème d’oreille ! (Rires) Mais je détecte certains détails, comme une basse à ajouter, par exemple, et donc oui, c’est important pour moi.

– Un petit mot aussi au sujet du single « Get On Me », qui a été mixé par le grand Mike Fraser. J’imagine qu’une telle collaboration a un caractère assez unique. Qu’est-ce que tu en retiens, dans quelles circonstances cela a-t-il pu se faire et pourquoi n’a-t-il pas mixé tout l’album ?

En fait, cela a surtout été une question de timing pour le mix complet de l’album. A ce moment-là, tout n’était pas encore enregistré de notre côté, non plus. En fait, l’enregistrement ne s’est pas fait en une seule fois, en raison de morceaux qui sont arrivés en toute fin. Et puis, il était très occupé une semaine ici, une semaine là. En fait, on s’est souvent parlé et on voulait faire quelque chose ensemble depuis un moment. Et en dernière minute, il y a aussi eu une question de budget avec notamment un studio au Canada qui était plus cher que ce que l’on croyait. Puis, on a aussi écouté ce que Jordan a fait et j’adore. J’aime beaucoup sa façon de travailler et lorsque j’ai écouté ce qu’il avait réalisé pour Black Stone Cherry, j’ai trouvé ça parfait. Au final, c’était plus une question de timing qu’autre chose.

– Puisqu’on en est à évoquer les grands noms présents sur l’album, on y retrouve Billy Sheehan à la basse sur « I Won’t Love You », Vinny Appice à la batterie sur « All In All Out » et « Wildfire » et Don Airey de Deep Purple sur ces deux mêmes morceaux. Et il faut ajouter Kenny Aronoff (John Mellencamp, John Fogerty) à la batterie sur un titre, tout comme Rudy Sarzo (Dio, Ozzy, Quiet Riot) à la basse sur « Wild Fire ». C’est important aussi d’avoir des guests de ce calibre sur un album, ou il s’agit juste d’un petit plaisir personnel ?

En fait, c’est venu comme ça à travers diverses sessions. On voulait travailler ensemble et les mettre sur l’album. D’avoir Kenny et Billy sur un titre était aussi un peu mon petit Graal. Au niveau basse/batterie, ils sont incroyables. Je croisais très régulièrement Billy à Los Angeles à une certaine époque. Pour Kenny, qui ne veut pas faire un titre avec lui ? (Rires) C’est quelqu’un plein de force, de tellement joyeux et qui un personnage assez impressionnant aussi. Quant à Don, il est tout simplement monumental !

– Enfin, avec trois albums, vous avez de quoi constituer de jolies setlists. Allez-vous vous concentrer sur « Heart Starter », ou essayer de trouver un équilibre avec l’ensemble de votre répertoire ?

Non, on va axer nos concerts sur le nouvel album. Et puis, on ne va pas se le cacher, la direction musicale actuelle est différente. Lors d’un récent concert, on avait juste un ancien titre du deuxième disque. On va peut-être réadapter certains morceaux, qui colleront au set que l’on veut donner. La ligne artistique est plus claire aujourd’hui et j’ai d’ailleurs déjà en tête celle du prochain. Donc on va rester sur cette dynamique.

L’album de LAST TEMPTATION, « Heart Starter », sortira chez Metalville.

Photos : Benjamin Hincker (1, 2,5) et Greg H Photographer (3)

Retrouvez l’interview de Peter Scheithauer lors de la sortie de « Fuel For My Soul » :

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Manu Lanvin : l’histoire d’une amitié [Interview]

13 ans après sa disparition, la musique de Calvin Russell résonne toujours chez les amateurs de Blues aux saveurs Folk, Country et Rock. Ayant trouvé l’Eldorado en France dans les années 90/2000, le Texan n’a bien sûr pas manqué de créer de solides liens d’amitié, parmi lesquels on retrouve MANU LANVIN. Le leader des ‘Devil Blues’ avait d’ailleurs enregistré avec lui « Dawg Eat Dawg » en 2009, un moment fort dans sa carrière. Aujourd’hui, le chanteur et guitariste lui rend un magnifique hommage avec ce « Tribute », qui voit se succéder des artistes au horizon divers pour redonner vie à des chansons pour beaucoup inoubliables et dans tous les cas toujours très touchantes. Entretien avec ce ‘Frenchy’, qui redonne toutes ses lettres de noblesse au musicien d’Austin.

Photo : Tamara Pienko

– On connait la genèse de l’album qui date donc de ce concert donné il y a deux ans à ‘La Traverse’ de Cléon, près de Rouen. De là à vouloir ensuite réaliser un disque, il y a un pas à franchir. Quel a été le déclic ? Y a-t-il eu une demande particulière, ou cela reste personnel ?

Non, il n’y a eu aucune demande. Cela aurait d’ailleurs pu être orchestré par des maisons de disques ou des éditeurs, mais ce n’est pas le cas. Cela fait suite à ce concert, qui m’avait été demandé, à ‘La Traverse’ qui est une salle que j’aime beaucoup. Il y a une programmation  très qualitative avec beaucoup d’artistes anglo-saxons de Classic Rock, notamment, et de grands bluesmen. Ils m’ont demandé si je voulais faire revivre, le temps d’une soirée, la musique de Calvin Russell. J’ai accepté en leur disant que je souhaitais le faire avec des invités. On a la chance en France d’avoir des artistes très intéressants et qui sont américains. Ils sont donc plus légitimes pour défendre ce répertoire. Je pense à Neal Black, Beverly Joe Scott, qui est à côté en Belgique, Janet Martin… J’avais envie de personnes qui partagent ce langage-là et je voulais aussi que sa femme et sa belle-famille soit là et se sentent concernées. C’était une soirée très, très émotionnelle, en plus d’afficher complet. Il s’est passé quelque chose de très fort et c’est là que je me suis rendu compte que la musique de Calvin était encore inscrite dans le cœur des gens qui l’avaient connu. D’ailleurs, lors de mes concerts quand je vais au merchandising signé des albums, il n’y a pas une seule fois où on ne me parle pas de sa musique. Elle est toujours là et elle m’accompagne. Je trouvais que c’était un peu frustrant pour les gens qui n’avaient pas pu assister à ce concert-là de ne pas leur proposer une nouvelle lecture de certaines de ses œuvres. C’est donc ce que je me suis mis en tête de faire après ce concert. Je suis entré en studio avec mes musiciens, en reprenant d’ailleurs plus ou moins la même setlist qu’à ‘La Traverse’ et j’ai commencé mon petit casting dans ma tête.

– Tu avais un lien très fort et spécial avec Calvin Russell, qui était aussi un personnage atypique et attachant. Est-ce qu’il t’a fallu prendre un peu de recul lors de l’enregistrement pour mieux contrôler et canaliser ce flux d’émotion, ou au contraire l’immersion a-t-elle été totale ?

Je pense que le temps a joué en notre faveur. Je n’aurais pas pu faire cet album juste après sa disparition. Là, on a pu se détacher d’une forme d’emprise émotionnelle. Cela dit, bizarrement, cela m’est arrivé plusieurs fois pendant l’enregistrement. Juste à côté du studio ‘La Chocolaterie’, j’ai une petite maison de ville mitoyenne, où j’ai accueilli Calvin juste avant et pendant l’enregistrement de « Dawg Eat Dawg ». Ensuite, il y a eu la tournée et il dormait ici. Il y avait malgré tout son fantôme qui était là ! (Sourires) Il m’a d’ailleurs laissé quelques plumes qui sont toujours là, elles aussi. Ensuite, le travail est différent, car je suis le directeur artistique du projet. La question s’est donc posée de faire ou non du plagiat de Calvin Russell, ou est-ce qu’on allait essayer d’aller plus loin ? Ce qui était intéressant, c’était de moderniser certaines versions, de leur offrir une deuxième lecture et aussi de prendre certaines choses à contre-pied. Par exemple, personne ne s’attendait à ce que ce soit une femme (Beverly Joe Scott – NDR) qui chante « Crossroads », qui est le morceau emblématique de Calvin. Il fallait faire une sorte de passage de relais, car il a laissé un super catalogue. Il était très fort au niveau du songwriting et en me replongeant dans tout ça, j’ai retrouvé des trésors que je ne connaissais même pas à l’époque où je le côtoyais. Il y a vraiment des pépites ! Et les faire interpréter par d’autres artistes, c’est vraiment ça qui me plait dans ce genre d’hommage.

Photo : AFP

– La tracklist contient 14 chansons. Certaines s’imposaient comme bien sûr « Crossroads », « Trouble » ou « Soldier ». Pour les autres, comment s’est effectué le choix ? Certains artistes ont-ils proposé des morceaux qui les touchaient plus particulièrement, par exemple ?

En fait, je me suis beaucoup inspiré de la magie qui avait opérée à ‘La Traverse’. La tracklist n’a pas tellement bougé. Parfois, ce sont les circonstances qui décident. Il y a un équilibre avec des passages plus lents, d’autres plus Folk qu’on connait bien chez Calvin. Et puis, c’est aussi très Rock’n’Roll, car il avait vraiment ça en lui. Il aimait les morceaux avec de grosses guitares un peu sales, le Boogie aussi… Et c’est un aspect que je connais bien de lui, car j’ai eu la chance de l’accompagner sur scène. Il vibrait littéralement lorsque tu commençais à envoyer des décibels. J’aime aussi ce côté-là chez lui, ainsi que l’aspect très dépouillé, très acoustique, très intimiste et très introspectif finalement, tout comme des choses beaucoup plus brutes de décoffrage qui font bouger les gens. C’est ce que j’ai essayé de faire pour avoir cet équilibre sur l’album.

– Parlons des interprètes et d’abord des Américains qui, comme Calvin, ont aussi un lien très fort avec la France. C’est apparu comme une évidence dans le choix, car ils le connaissaient tous ?

Beaucoup de choses ont pesé dans la balance, en fait. J’ai d’abord trouvé ça intéressant que ce soient des amis de Calvin qui lui rendent hommage comme Beverly Joe Scott. Nous avions d’ailleurs donné son dernier concert ensemble dans le Sud, près de Manosque, sur les hauteurs. Elle était venue chanter le tout dernier morceau, « Ain’t Leaving Your Love », dont je me rappelle très bien, puisque c’était moi qui l’avait accueilli sur scène. C’était important pour moi qu’elle accepte de venir sur cet hommage. Pareil pour Popa Chubby, qui est un autre ‘exilé’ des Etats-Unis comme il le dit très bien. Ils auraient d’ailleurs tous voulu avoir la même carrière chez eux qu’ils ont eus en Europe, mais les circonstances ont fait que c’est ici que ça leur a souri. C’est ce qui s’est passé pour Calvin, qui a été ‘star’ sur le tard. Et contrairement à chez lui, c’est chez nous que ça a pris, et c’est exactement pareil pour Popa Chubby. C’est vrai aussi qu’on doit beaucoup à Patrick Mathé (fondateur du label New Rose – NDR), qui était un véritable découvreur de talents qui ne prenaient pas aux Etats-Unis et qu’il ramenait en France sur son label. Et ça fonctionnait plutôt pas mal. J’ai donc pris des gens qui le connaissaient et qui font aussi partie de mon réseau. Et puis, ça raconte une histoire. Si j’avais pris des artistes anglo-saxons, qui ne connaissaient pas l’histoire de Calvin, ça ne m’aurait pas paru intéressant pour cet hommage. Mais c’était aussi important d’avoir des gens qui ne connaissent pas forcément très bien son répertoire comme Théo Charaf, Craig Walker, Haylen et même Hugh Coltman. Et comme Calvin était une voix, il me fallait vraiment des chanteurs à voix. Je ne pouvais pas m’amuser avec des guignols ! (Rires) Il fallait que ce soit séduisant et il y ait certaines évidences aussi.

Manu Lanvin & Calvin Russell en 2009 – Photo :Eric Martin

– Pour rester sur la France, il y a aussi des choix chez les interprètes qui peuvent surprendre, car ils ne viennent pas directement de l’univers du Blues. Je pense bien sûr à CharElie Couture, Axel Bauer et à ton père Gérard. C’est une manière de dire que Calvin ne touchait pas seulement les amateurs de Blues ?

Oui, je pense. Ce serait dommage de le classer comme un artiste destiné à quelques ‘happy fews’ et aux ayatollahs du Blues. D’ailleurs, Calvin n’aimait pas le Blues plus que ça. Il avait fait sa propre recette avec ce mélange de Rock, de Folk et de Blues. Le plus important pour moi était d’avoir des personnalités et des grains de voix, et peu importe le style musical d’où ils viennent. Après, il y a quand même beaucoup de similitudes. Quant à mon père, il a écrit « 5m² ». Ils étaient amis et, même s’il vient du cinéma, c’est une chanson qui raconte beaucoup de choses. C’est l’histoire de Charlie Bauer (militant révolutionnaire d’extrême gauche et ancien complice de Jacques Mesrine – NDR) que mon père a rencontré quand il a été consulté pour le film sur Mesrine. On sait très bien les années de prison que Calvin a fait de son côté et il y avait donc une belle histoire qui s’écrivait en enregistrant ce « 5m² » ensemble.

– D’ailleurs, « 5m² » qui est chanté par ton père et toi, et « Soldier » par Axel Bauer, le sont en français. C’est assez inattendu. D’où l’idée est-elle venue de traduire le texte de Calvin ?

C’est vraiment Axel Bauer qui m’a soufflé cette idée. Je ne pensais pas enregistrer « Soldier » en français. Et puis, face à ce qu’il m’a balancé le lendemain, j’ai trouvé ça bien et je me suis dit que cela pouvait ouvrir l’album à d’autres gens sans s’enfermer et qu’il ne soit pas écouté uniquement par celles et ceux qui connaissent déjà Calvin. Cela peut aussi ouvrir la porte au public d’Axel Bauer, par exemple, qui pourrait peut-être s’intéresser à qui est derrière tout ça. Ca remet en lumière l’artiste, mais aussi le songwriter qu’il était.

Photo : Patrick Swirk

– L’album est donc très varié dans les ambiances avec même trois duos, ce qui le rend très collégial d’ailleurs. L’intention était-elle de dévoiler le plus possible l’univers de Calvin, qui était assez vaste, malgré certaines apparences ?

Oui, c’est ce que je pense avoir décodé chez lui. Il y a aussi tous les aspects de sa musique telle qu’elle était présentée. Je voulais être fidèle à ça, à ce côté collégial également qui apporte beaucoup de puissance à cet hommage quand tu as plusieurs interprètes qui échangent sur un titre. Cela dit, les chansons de Calvin ont déjà fait leur travail en termes d’émotion, bien avant cet album. On peut en récréer une autre, intacte, avec une nouvelle histoire, puisqu’elle est interprétée par plusieurs personnes. Je trouve que cela apporte une richesse de plus à l’album.

– Pour rester sur l’héritage laissé par Calvin Russell, ce qui me surprend vraiment, c’est de ne pas entendre souvent son nom revenir dans les influences de certains artistes, surtout américains d’ailleurs. Comment est-ce que tu l’expliques ? Il n’était pourtant pas si ‘confidentiel’ que ça…

Il l’était en tout cas aux Etats-Unis. J’allais souvent le voir là-bas à Austin. Quand je me baladais le soir sur la ‘5th Street’, on me demandait ce que faisait un Français ici. Quand je disais que je produisais et que j’étais le collaborateur artistique de Calvin Russell, on me répondait : ‘Ah oui, c’est le Texan qui fonctionne bien en France et en Europe !’. Ca s’arrêtait à ça. Il faisait quand même partie de cette communauté de musiciens des années 70/80 qui ne tournaient qu’à Austin, mais ça n’allait pas plus loin que les frontières de la ville. C’est vrai que c’est étonnant. Pour tout te dire, il y a une chose que j’ambitionne, ou que j’adorerai, c’est que l’histoire de cet album, qui fait lumière sur Calvin, puisse donner envie à la création d’un film ou d’un documentaire. On peut continuer l’histoire musicale d’un artiste après sa disparition. C’est peut-être jouable. J’ai beaucoup fait écouter l’album à des musiciens américains avec qui je travaille en ce moment. Ils sont sidérés et ils se demandent comment ils ont pu louper ça ! Et ils s’intéressent maintenant à l’original. Je ne suis qu’un relai avec ce disque. D’ailleurs, je pars jouer à New-York fin juillet et j’ai trois titres de Calvin dans ma setlist. Je continue à jouer sa musique dans son pays d’origine, qui ne le connait même pas. C’est insensé !

Nicolas ‘Nikko‘ Bonnière, Calvin Russell et Manu Lanvin en 2009 – Photo : Eric Martin

– Tu chantes également sur trois morceaux (« Wild Wild West », « Ain’t Leaving Your Love » en duo avec la chanteuse Haylen et « 5m² » avec Gérard). C’était important aussi pour toi d’interpréter tous ces titres de ce projet que tu portes depuis le début ?

Au début, mon équipe pensait que j’allais chanter tout l’album ! Comme l’idée était de faire un hommage, tout le monde avait imaginé que ce serait ‘Manu Lanvin chante Calvin Russell’. Pour moi, ça n’avait pas beaucoup de sens. A mon avis, plus il y a de participants, plus l’hommage est beau ! Et c’est ce qui m’a plu dans ce projet, que ce soit quelque chose de collectif. C’est ce qui me semblait intéressant. Pour l’anecdote, j’ai fait toutes les voix témoins des morceaux avant de les envoyer aux artistes. Quand Beverly Joe Scott a écouté « Crossroads », elle m’a dit que je devais le chanter, que c’était à moi de le faire ! Il y a eu une gentille petite bataille ! Il a fallu négocier ! (Rires)

– Un mot enfin au sujet de Popa Chubby qui livre d’ailleurs une version incroyable de ce « All We Got Is Rock And Roll », qui lui va si bien, et avec cette trompette quasi-cosmique et incroyable de Boney Fields. On le sait actuellement malade. Est-ce que tu as des nouvelles rassurantes sur son état de santé ?

On s’est vu récemment lors de son dernier Olympia (le 17 mars – NDR), où il m’a invité à monter sur scène avec lui pour un titre. Il répond moins depuis quelques temps, bien sûr. En tout cas, l’opération s’est bien passée. Maintenant, il faut que les résultats soient bons et que la convalescence aille bien aussi. Cela dit, Ted (son prénom – NDR) est très présent sur les réseaux sociaux et tant que je le vois poster des choses, je suis rassuré. Et puis, c’est un mec balaise. Il n’en donne peut-être pas l’impression avec ce poids imposant et sa béquille, mais c’est quelqu’un de très vif dans le regard. Il a malgré tout une énergie de dingue, il y a le feu chez lui dans les yeux et dans le regard. Il fait partie des guerriers et je pense qu’il va s’en sortir. J’ai toute foi. C’est quelqu’un qui a envie de vivre, il n’a pas envie de se laisser tomber. Ce n’est pas du tout le caractère de ce mec-là ! (Sourire)

« Tribute To Calvin Russell », orchestré par Manu Lanvin est disponible chez Gel Prod/Pias.

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Hrafngrímr : songes et mythes nordiques [Interview]

Après de nombreux singles et un EP, l’univers pagan de HRAFNGRÍMR (prononcez Ravengrim) se dévoile enfin sur la longueur avec un premier album, « Niflheims Auga », très réussi et captivant. Cette plongée onirique dans l’imaginaire viking et païen se déploie à travers une néo-Folk à la fois intemporelle et d’une modernité bluffante. Entre légendes nordiques et spiritualité, c’est en vieux norois que s’exprime le groupe et l’immersion est garantie. Guidé par son duo vocal composé de Christine Roche et Mattjö Haussy, ils reviennent tous les deux sur les étapes franchies depuis les débuts de la formation à quelques jours d’une prestation très attendue au Hellfest de Clisson. Entretien.

– En l’espace de quatre ans, vous avez été très prolifiques et productifs en sortant, notamment, 14 singles ce qui est assez inhabituel. Ce sont des morceaux plus anciens que vous avez peut-être réarrangés, ou est-ce juste une sorte de frénétique créativité ?


Mattjö : A l’époque, je venais d’être invité à quitter le groupe Skáld (fin décembre 2019). Reconstituteur et amateur d’archéologie vivante, je suis aussi empreint d’une spiritualité et d’une philosophie de vie, qui s’inspire largement des mythes nordiques. J’avais donc comme un sentiment d’inachevé. J’avais besoin de faire quelque chose de plus personnel et de plus authentique tout de suite ! D’où cette frénésie créative. Et puis, on s’est retrouvé plongé dans la pandémie. Il me semblait important d’apporter un peu de divertissement tous les mois à la communauté des mélomanes, un peu de poésie et de résilience. J’ai donc travaillé nuit et jour sur des compos originales. A l’origine, j’avais prévu de sortir tour à tour un titre plutôt Nü-Nordic, puis un titre plus Nü-Metal pour HRAFNGRÍMR. Et l’accueil du public m’a finalement incité à composer davantage de morceaux comme ceux qu’on connaît aujourd’hui. Mais on a des surprises pour bientôt !

– Vous avez aussi sorti un EP, « Hólmganga » il y a deux ans. Avec autant de titres à disposition, vous n’avez pas été tenté de sortir directement un album complet ? A moins que vous ayez choisi cette voie pour alimenter les réseaux comme cela se fait beaucoup aujourd’hui ?

Christine : J’ai intégré le groupe peu de temps avant la sortie d’« Hólmganga ». J’ai une voix assez différente de ce que l’on peut entendre dans ce style de musique. Par conséquent, il fallait dans un premier temps trouver nos marques, ce qui était vrai pour chacun d‘entre nous d’ailleurs. Nous avions depuis longtemps parlé de faire un album, mais il était important de trouver un équilibre, tant sur la sphère artistique que personnelle. 

Mattjö : Alimenter les réseaux oui, c’est sûr qu’on participe à ce jeu dans une certaine mesure, mais il s’agissait plus de la maturité du groupe, de l’implication et de la participation des membres. Et puis, cela aurait fini en recueil de singles. Là, on a un véritable album !

– Entre vos nombreux singles, l’EP et ce premier album « Niflheims Auga », il y a une réelle évolution dans la structure des titres, du son et dans l’inspiration également. Est-ce que cela vient du fait que, dorénavant, vous écrivez des textes originaux ?


Mattjö : Sans doute ! Mais cela vient surtout du fait que tous les membres du groupe participent à la composition et la construction des chansons. On puise donc dans les influences et les émotions de chacun, qui ne sont pas forcément relatives à l’univers néo-Folk, Viking, etc…

Christine : Outre les influences de chacun et de notre implication, il y a aussi la participation de nombreux amis. Anatoly de Nytt Land, Johan de Det Var, Louis Ville, Stan d’Arrün, etc… Cela ressemble beaucoup plus à l’esprit du groupe, celui de jouer de la musique entre amis, de s’amuser, de s’enrichir les uns les autres et de partager cette énergie avec le public !

– En parlant de la production, celle de « Niflheims Auga » est nettement plus élaborée et montre beaucoup plus de brillance également. Il vous aura fallu ce laps de temps pour trouver votre identité artistique et votre son, sachant que sur des thématiques ancestrales, cela peut compliquer aussi les choses ?


Mattjö : On a travaillé avec quelqu’un d’autre tout simplement ! Louis Ville ne vient pas du tout de cette scène. Du coup, il a un regard neuf et a pu mettre sa longue expérience à profit et représenter au mieux la diversité du groupe dans le mixage et la production. Il nous a épaulés également en tant que réalisateur et arrangeur sur certains titres pour leur donner le son qu’ils ont aujourd’hui.

Christine Roche


– Justement, vous avez commencé le groupe en vous inspirant et en puisant dans le ‘Hávamál’, cette œuvre didactique de l’« Edda Poétique », légendaire recueil de poèmes en vieux norrois. A quel moment vous êtes-vous décidés à écrire vos propres textes et quel a été le déclic ?


Mattjö : Quand je me suis rendu compte qu’on chantait la même chose que tous nos amis de la même scène et qu’on avait la même source d’inspiration. On s’est dit qu’on manquait d’originalité et d’authenticité. Et puis, quand on écrit les paroles soi-même pour évoquer des émotions ou un regard sur les choses, tout devient vraiment plus personnel.

Christine : D’autant plus que cette culture littéraire et historique fait partie tout particulièrement du bagage de Mattjö, ce qui n’est pas le cas de tout le monde dans le groupe. Il était important pour nous aussi de prendre part à la construction des titres avec nos propres codes et nos émotions et sans dénaturer le projet de départ. L’idée était d’y apporter quelque chose de personnel, et tous ensembles !

– A propos des textes, ils sont donc en vieux norrois et vous faites appel au traducteur Jules Piet pour vous assister. Quel est précisément son rôle et le considérez-vous même indirectement comme un membre de HRAFNGRÍMR ?


Mattjö : Jules participe aussi à l’écriture, autant dans la forme que dans les sonorités. Il n’est pas juste un traducteur, en fait. Il apporte aux textes sa sensibilité et son expérience de cette langue. Il est sans aucun doute un membre du groupe, un acteur de l’ombre. Son travail permet de rendre notre univers musical immersif et épique. 

Mattjö Haussy

– A travers vos chansons, vous combinez textes anciens et modernes dans vos compositions, ainsi que des instruments traditionnels et d’autres actuels. L’idée avec HRAFNGRÍMR est-elle de créer une sorte de passerelle entre ces deux époques éloignées de plusieurs siècles ? Et peut-être aussi d’assurer une continuité ou une espèce de renouveau de ces temps lointains ?

Mattjö : L’idée est de s’inspirer du meilleur du passé comme du présent. Le mot tradition, signifie ‘transmettre’. Ce qu’on appelle la tradition orale pour les peuples anciens était de transmettre la culture, la philosophie et les croyances à travers la musique et les chants. Les notions de ponts, de portails et de liens entre les mondes du présent et du passé sont incontestables dans notre travail, en effet.

Christine : Cela permet aussi à chacun d’entre nous d’apporter son expérience et son savoir-faire avec ses propres outils. Mus se débrouille vraiment bien à la guitare électrique et j’aime pour ma part travailler avec des loopers et des synthés. Ça s’est donc fait naturellement.

– En vous inspirant et en prenant comme référence le Folk Païen, à l’instar de Wardruna notamment, est-ce que vous exprimer en vieux norrois était essentiel et même naturel ? Cela n’aurait pas pu se faire dans une autre langue que celle-ci ? Sans compter que cela vous aurait peut-être aussi éloigné de la culture viking…


Mattjö : Le folk Païen est un de nos nombreux outils parmi le Rock, le Metal, l’Electro et tant d’autres styles, qui nous influencent beaucoup. Les mythes scandinaves et germaniques font partie de mon bagage culturel et artistique. Ils ont été à l’origine de HRAFNGRÍMR, qui propose un voyage musical onirique, une aventure collective, mais aussi personnelle. Cela constitue une excellente base pour explorer d’autres horizons à l’instar de ces voyageurs, marchands, guerriers et poètes. Je veux dire par là que cela ne nous enferme en rien et ne nous empêche pas du tout de faire l’usage d’instruments et de techniques venant des quatre coins du monde. Et de laisser surtout chaque membre du groupe laisser aussi son empreinte, alors qu’ils ne sont pas forcément aussi intimes que moi avec cet univers. Au contraire, cette langue nous permet de nous détacher un court instant du réel et on est là pour ça !

– La musique de HRAFNGRÍMR met en avant la variété des rythmes autour du chant à plusieurs voix essentiellement. C’est un registre qui peut paraître assez épuré de prime abord.  L’authenticité est donc au cœur de votre style. De quelle manière la cultivez-vous et cela passe-t-il aussi par cette immersion que vous transmettez ensuite ?


Mattjö : Ca se fait naturellement, avec le cœur et les tripes ! C’est honnête et sincère !

Christine : Je ne peux pas vivre sans musique, ni sans chanter ! Nous avons très facilement trouvé un équilibre avec Mattjö et le duo vocal s’est imposé de lui-même. Nous sommes en couple et nous avons souvent l’occasion de chanter ensemble. Nous partageons, entre autres, le fait que nous ne pouvons pas chanter sans être authentiques et sincères. C’est une complicité qu’on cultive au quotidien.

– L’aspect théâtral du groupe peut aussi faire penser à certains groupes Metal. D’ailleurs, vous serez au Hellfest dans quelques jours. Pourtant les différences musicales sont flagrantes et même opposées. Comment percevez-vous le fait d’être assimilés à cet univers ?

Mattjö : On vient aussi de la scène Rock/Metal ! Mus avec Arkan, Arnaud avec Othargos, Nesh avec Azziard et Nydvind et moi avec Madonagun, etc… Et Christine avec aussi tous ses projets. On construit nos chansons avec les mêmes codes, les mêmes intentions et sans le faire exprès. On est donc très fiers d’être reconnus comme des métalleux!

Christine: Carrément ! J’ai l’habitude depuis plus de 30 ans de m’amuser dans des styles très crossover! Avec mon premier groupe Westing*House, puis Both et même mon projet solo The Black Lion Theory, qui mélange Pop, Rock, variété et Electro. Il y a aussi mon autre groupe Our Queen Liberty, qui mélange un style Grunge et aussi très Power Rock. Je me rends compte qu’en fait je ne fais que ça : métisser et explorer les choses. C’était donc un défi pour moi d’intégrer HRAFNGRÍMR et d’y apporter ma voix.  

– Enfin, HRAFNGRÍMR fait partie d’une niche musicale même si certains, comme Wardruna surtout, bénéficient d’une plus grande notoriété. L’objectif est-il de faire de plus en plus d’adeptes, ou au contraire de conserver une certaine confidentialité à l’instar du ‘Dungeon Synth’, par exemple ?

Mattjö : Je pense que c’est quelque chose que l’on ne maîtrise pas du tout. On est déjà très heureux de toucher un aussi large public ! C’est minuscule par rapport à d’autres groupes, mais déjà gigantesque pour nous. On ne se rend pas compte de ces choses et on est toujours très surpris d’avoir des fans et de constater leur émotion quand ils viennent nous voir après les concerts. C’est émouvant et irréel à la fois. D’un autre côté, il faut faire preuve d’honnêteté : avoir la chance de jouer sur des scènes comme celles du Hellfest est une expérience unique, pleine d’émotions et de satisfaction. Sans dénigrer les plus petites scènes au contraire, car elles représentent un vrai plaisir aussi. C’est juste une différence d’intensité.

Christine : Tant qu’on s’amuse, qu’on prend du plaisir, qu’on se respecte… Si en plus, on peut partager ça avec un large public, que demander de plus !

Le premier album de HRAFNGRÍMR, « Niflheims Auga », est disponible depuis quelques semaines. Retrouvez également l’ensemble des productions du groupe sur son Bandcamp :

https://hrafngrimr.bandcamp.com

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France Post-Metal Progressif

Maudits : l’énergie de la liberté [Interview]

C’est toujours un plaisir de pouvoir suivre la progression d’un groupe en qui l’on croit depuis ses débuts et de voir où il en est quelques années plus tard. Depuis son premier effort éponyme sorti juste avant la pandémie, MAUDITS suit son chemin et affine un style original déjà perçu à l’époque. Le trio ne cesse de bousculer son post-Metal instrumental, le parant de cordes notamment, et évoluant dorénavant dans des sphères encore plus progressives et cinématographiques. L’occasion de faire le point avec son guitariste et compositeur, Olivier Dubuc, et d’évoquer avec lui le très bon « Précipice », sorti il y a quelques semaines maintenant chez Source Atone Records.

– J’ai le plaisir de vous suivre depuis vos débuts en 2020 et je trouve votre ascension assez exemplaire. Vous en êtes à votre deuxième album, vous avez sorti un EP, un split avec SaaR et le live à l’Opéra de Reims. Vous n’êtes si MAUDITS ça au final !

Non, non ! On avance ! (Rires) On travaille sur notre truc, on prend du plaisir. Je pense que, quelque soit le domaine, quand tu fais les choses de manière relâchée, ça se passe bien et le résultat est plutôt bon. En tout cas, chez MAUDITS, c’est ce que l’on fait et tout va bien.

– D’ailleurs, ce qui est remarquable, c’est qu’en quatre ans, vous avez pu expérimenter tous les formats existants, à savoir l’album, l’EP, le Live et le split. Est-ce que l’approche dans la composition est toujours la même, ou les exercices sont vraiment différents ?

Ca peut être différent, oui. Au niveau de l’évolution du projet et des sorties, il y a eu des choses assez similaires, mais où l’on a mis autant d’énergie à chaque fois. Et il y a eu des sorties de circonstances. Si tu prends le premier EP, « Angle Mort », nous n’avions pas prévu forcément de le sortir dans ce format-là. Ce sont des recompositions de morceaux déjà existants. Mais comme on avait sorti le premier album entre deux confinements, on s’est dit qu’on allait attendre, car personne ne savait ce qui allait se passer et on voulait vraiment le défendre en live. L’approche peut donc être différente suivant les circonstances. Mais elle n’est pas forcément moins libre. On peut garder une ligne directrice déterminée en fonction de ça.

– Vous venez de sortir votre deuxième album, « Précipices » il y a peu, et la première chose qui m’a frappé, c’est que je vous trouve moins ‘timides’, beaucoup plus sûrs de vous dans l’élaboration de votre style. J’ai le sentiment que vous faites enfin ce que vous avez en tête depuis le départ. C’est le cas ?

Oui, on peut le percevoir comme ça. Ca n’a pas forcément été ressenti de notre côté. On a fait ce que l’on avait à faire sur le moment. Nous n’avons pas eu de pression et au contraire, l’expérience acquise depuis les débuts nous a permis de trouver notre ton et notre son. En tout cas, de mon point de vue, c’est la meilleure réalisation que j’ai sortie et j’en suis content à 100%. Je pense que c’est très abouti et c’est le résultat de ces dernières années de travail. On a fait ce que l’on avait envie t’entendre, sans se préoccuper de donner dans tel ou tel style et sans aucune pression extérieure.

– Je ne sais pas si le titre va dans ce sens, mais il y a un vrai gouffre entre vos deux albums, si on ne tient pas compte des EPs. Sans aller jusqu’à dire que vous êtes méconnaissables, il y a une touche qui se précise et qui tient d’ailleurs aussi peut-être à la présence depuis quelques temps de Raphaël Verguin au violoncelle. L’apport des cordes distingue vraiment MAUDITS de la scène post-Metal française. De quelle manière est-ce qu’il intervient dans la composition ? Sur vos propositions, ou plutôt ses idées personnelles ?

C’est vrai qu’au niveau du style, le fait de mettre du violoncelle, d’en mettre beaucoup, et aussi de le laisser s’exprimer sur les morceaux, nous distingue du reste de la scène post-Metal. Elle n’en met pas la plupart du temps, ou alors juste sous forme d’arrangement et pas forcément avec de vrais instruments. C’est souvent noyé dans la musique du groupe. C’est vrai que Raphaël a vraiment mis sa patte. Et comme nous faisons tout à fond, et en vrai, ce nouvel album prend cette ampleur. On a aussi cherché à se marquer clairement dans un esprit de musique de film. On n’hésite pas et on ne s’enferme pas, non plus. On suit nos envies, sans aucune retenue. On essaie toujours de faire du mieux possible. Entre les deux albums, on a poussé les curseurs plus haut et cela s’entend probablement. On maîtrise vraiment notre sujet et on sait où on veut aller. Les choses se font de manière fluide et naturellement. Avec le recul, je pense que MAUDITS est également aujourd’hui plus marqué par le Rock Progressif dans les structures et la liberté de faire. Il y a un esprit 70’s, plus riche et plus travaillé.

– MAUDITS reste toujours ancré dans le post-Metal, mais les variations sont beaucoup plus nombreuses sur ce nouvel album. On y décèle des éléments post-Rock surtout, mais aussi Doom et progressifs. « Précipices » est clairement plus ‘cinématographique’ dans l’approche. C’est vers cela que vous voulez tendre depuis le split notamment ?

On voulait ça, même si ça s’est fait naturellement. Si tu prends le split, notre morceau (« Breken », qui est décliné en trois parties – NDR) est très écrit et très cinématographique. Il s’est construit aussi sur des arrangements de cordes avec du violon et du violoncelle. Lorsqu’on fait les maquettes, Raphaël intervient vraiment en dernier et souvent au moment des prises. Et c’est la même chose pour Emmanuel (Rousseau, multi-instrumentiste – NDR), qui est aussi co-producteur de l’album et qui écrit avec moi depuis le début. Il apporte beaucoup au niveau des arrangements. Et finalement, tout ça s’est un peu construit sans que l’on puisse le prévoir. Le projet est très libre, mais le postulat de départ est de faire le mieux possible et tant que nous ne sommes pas contents, on ne le sort pas. Il faut que l’on soit totalement satisfait, mais sans y passer trop de temps, non plus. Ca n’aurait plus de sens. Et là-dessus, nous sommes tous d’accord et on ne lâchera rien !

– J’aimerais aussi qu’on dise un mot de ce « Live at Opéra Reims », qui contient trois morceaux sur 30 minutes. Comment l’enregistrement s’est-il passé, car ce n’est pas un lieu habituel. Y avait-il du public, car ce n’est pas perceptible ? Et est-ce qu’il s’agit plus d’une performance que d’un Live finalement ?

C’est un peu les deux, car il n’y avait pas de public. En fait, lorsque cela a été tourné, c’était dans cette période avec beaucoup de confinements et où les concerts n’étaient pas autorisés. L’idée de départ était de trouver un beau lieu pour faire une belle vidéo de promo. On ne savait même pas que ce serait à l’Opéra de Reims, d’ailleurs. En fait, de par son activité professionnelle, Erwan (Lombard, basse – NDR) avait comme client le directeur de l’Opéra et au fil des discussions, il lui a proposé tout simplement de le faire là-bas. On lui a donné nos dates et il nous a gentiment prêté les lieux pendant deux jours avec tout le staff de l’opéra et gratuitement. On avait juste à apporter notre matos. On a donc pu faire plusieurs prises, mais on a gardé l’enregistrement fidèle et intact en y retouchant juste très légèrement quelques petits détails, qui arrivent naturellement dans tous les concerts. L’ensemble a juste été remixé et surtout remasterisé. Le gros du travail a été sur le montage des images.

– Est-ce qu’il y avait une portée particulière pour vous de vous produire dans un endroit aussi symbolique ?

Carrément, le lieu est super et l’acoustique est incroyable. Même s’il n’y avait pas de public, l’endroit est fou ! Et puis, on a été accompagné et soutenu par une équipe géniale, notamment au niveau des lumières. Mais c’est finalement après coup, en voyant les images, qu’on a vraiment pris conscience du lieu et du rendu. A ma connaissance, nous sommes le seul groupe de Metal, ou assimilé, à avoir fait ça à l’Opéra de Reims.

– Revenons sur l’album et notamment au morceau caché en toute fin que je laisse aux lecteurs le plaisir de découvrir. La petite surprise vient du fait que l’on y entend une voix féminine, ce qui peut surprendre de la part d’un groupe instrumental. Tu peux nous en dire plus sur cette présence énigmatique ?

Sans entrer dans les détails, Chris (Christophe Hiegel, batterie – NDR) a perdu quelqu’un de proche durant le processus de composition. L’idée était de rendre hommage à cette personne en faisant un morceau caché. C’est d’ailleurs une décision qui s’est prise au dernier moment. Au départ, c’était juste une piste instrumentale. Puis, j’ai eu l’idée de lui demander s’il pouvait récupérer des vidéos ou des messages parlés pour les mettre en fond. Et la décision était aussi de cacher le morceau et de ne pas en parler. On voulait un vrai hommage. Ainsi, on a fait un montage à partir de voix récupérées sur des messages vocaux, via une amie de cette personne. J’ai ensuite écrit une trame atmosphérique avec des accords que j’avais en tête avec Emmanuel. Je connaissais un peu la personne en question et à la fin, on était vraiment rincé. C’était vraiment épuisant, surtout lorsqu’on connait les circonstances et le contenu de son propos. Je suis très content du résultat, car ce n’est pas de la pleurnicherie. C’est beaucoup plus un hommage serein que triste.

– Enfin, j’aimerais qu’on évoque aussi la scène, puisque vous venez d’achever une mini-tournée avec le groupe Parlor. J’imagine que vous avez définitivement trouvé vos marques et peut-être aussi votre public. Qu’en retenez-vous au final ?

Oui, on a fait cette petite semaine de tournée qu’on a monté entièrement nous-mêmes. Ca a été un gros boulot d’environ deux/trois mois qu’on a fait avec Yann de Parlor pour trouver des dates, des salles, négocier les cachets et la logistique. Globalement, ça s’est bien passé. C’est une belle expérience, assez éreintante quand même, car on n’a pas de roadies et on a tout fait nous-mêmes. C’était vraiment sympa d’enchainer les dates comme ça, dans des lieux et des configurations différentes aussi, car ce n’est pas quelque chose qu’on a l’habitude de faire. Et puis, on s’est très bien entendu avec Parlor, qui est composé d’anciens membres de SaaR qui s’était séparé après le split justement. Nos registres sont très différents, eux sont dans un Hard-Core avec un côté Punk très second degré. C’était vraiment une super expérience !

Le dernier album de MAUDITS, « Précipice », est disponible chez Source Atone Records.

Retrouvez aussi les chroniques et les interviews du groupe accordées à Rock’n Force :

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France Southern Rock

Gunsmoke Brothers Band : l’esprit de famille [Interview]

Si GUNSMOKE BROTHERS BAND frappe si fort dès son premier album, ce n’est pas vraiment une surprise. Au-delà de la qualité et de la maturité technique du groupe, on doit ce souffle chaud et ces mélodies entêtantes à un style que les Bretons font littéralement rayonner. Et cela fait déjà un moment que l’hexagone attend une formation de Southern Rock capable de tenir la dragée haute à n’importe quelle autre sur la scène actuelle. Avec ses trois guitaristes, une rythmique en béton et un chant qui nous embarque dans des histoires qui parlent à tous, le quintet a vraiment peaufiné « Band Of Brothers », emmené par Xavier Quémet, chanteur, guitariste et compositeur. Déterminé et prolifique, il nous parle de ce projet qu’il porte et de cette musique qu’il a en tête depuis des années et qui se matérialise enfin.

Photo : Véro Pennec

– Tout d’abord, Xavier, GUNSMOKE BROTHERS BAND est ton projet et tu le mûris de longue date. La première question qui me vient à l’esprit, c’est comment est-ce qu’on fait pour rassembler quatre musiciens aguerris, comme c’est le cas et doté d’une solide culture Southern aussi, dans un périmètre aussi restreint que le Finistère en Bretagne ? Ca ne doit pas courir les rues…

Oui, j’ai galéré ! (Rires) J’ai eu la chance que Tony (Vasary, basse – NDR), avec qui je joue dans What A Mess, me suive dans le projet. Ensuite, Niko (Ar Beleg, guitare – NDR) est entré dans le groupe, mais en tant que batteur. Or, je cherchais deux guitaristes en plus. Après quelques essais peu concluants, Thibault (Menut, batterie – NDR) souhaitait revenir en Bretagne. C’est un très, très bon guitariste et il voulait intégrer le projet, mais comme batteur ! Niko a donc repris sa guitare, mais il en manquait toujours un. J’ai donc proposé à Seb (Ar Beleg, guitariste et frère de Niko – NDR) qui ne connaissait pas bien le style, mais qui a tout de suite adoré. Ils ont tous été d’accord pour que je dirige l’ensemble. C’était vraiment la condition sine qua none. L’idée n’était pas d’avoir une attitude autoritaire sur la musique, mais je voulais juste vraiment obtenir le son et la couleur qu’il y a maintenant et à laquelle nous sommes arrivés.

– Certains l’ignorent sans doute, mais il y a quelques décennies, tu avais monté Bounty Hunter, là aussi dans un registre Southern Rock. C’est donc un amour pour cette musique qui ne date pas d’hier. Est-ce que GUNSMOKE BROTHERS BAND est enfin le groupe que tu as en tête depuis toutes ces années ?

Exactement, c’est vraiment un aboutissement. A l’époque avec Bounty Hunter, on était tous fans de Rock Sudiste, mais on n’y arrivait pas vraiment. Ce n’était pas encore abouti. On était peut-être un peu jeunes, on avait tous un boulot et des envies de jeunesse aussi, comme ne pas vouloir forcément prendre la route. On a eu notre petit succès, mais une fois en trio pendant quelques années, il était temps de passer à autre chose. J’ai ensuite fait plusieurs groupes de Hard Rock, de Stoner et encore de Rock Sudiste. Mais j’avais toujours en tête cette musique. Et aujourd’hui, c’est vraiment celle que j’entends.

– Avant de parler de ce très bon premier album, « Band Of Brothers », j’aimerais que tu nous dises un mot du Rock Sudiste, comme on l’appelait naguère, et de sa situation en France où sa présence est quasi-inexistante. Ce n’est pas notre culture, c’est vrai, alors qu’est-ce qui vous pousse à le faire ? Et est-ce que, dans cette perspective, il y a un esprit de conquête, de pédagogie peut-être, ou alors c’est aussi à l’étranger que vous pensez pour le futur ?

Evidemment, on vise à jouer à l’étranger et à s’y faire connaître, car le public y est aussi bien plus connaisseur. Quant au ‘Rock Sudiste’, ce qui m’énerve profondément, c’est que lorsqu’on en parle, on a l’impression qu’on dit un gros mot. C’est comme quand on met un drapeau français au balcon, on est catalogué facho ou de droite. Non ! J’aime cette culture depuis gamin, car j’adore ce son qui est un mélange de Blues, de Gospel, de Rock’n’Roll et de Country. C’est une musique hyper-riche avec des chœurs fantastiques, des échanges de guitares et aussi parce que ça joue super bien ! Alors et pourquoi ‘Rock Sudiste’ ? Juste parce que cette musique-là vient du Sud des Etats-Unis, et c’est tout ! Il n’y a absolument rien de politique quand on en parle entre-nous. Et on ne veut pas de cette étiquette de fachos, car nous ne le sommes pas. Mais en France, on confond tout… et surtout beaucoup de choses ne sont pas comprises, ou très mal.

Xavier Quémet – Photo : Véro Pennec

– J’aimerais qu’on parle du mot « Brothers », qui revient à la fois dans le nom du groupe, dans le titre de l’album et le morceau-titre, mais aussi dans le line-up, puisque ce sont les frères Ar Beleg, Seb et Niko, qui officient à tes côtés aux postes de guitaristes. Que signifie pour vous ce terme de ‘fratrie’, qui est d’ailleurs aussi très présent dans le Southern Rock en général, qui est un style très fédérateur et rassembleur ?

C’est ça, il y a un côté très familial. Déjà, la notion de ‘frangins’ est très forte à mes yeux. Je pense qu’on ne peut pas faire de musique ensemble, si on n’a pas une totale confiance en l’un et l’autre. Si l’un d’entre-nous est dans la merde, on est tous là derrière. Maintenant, au niveau musical, cela se voit aussi sur scène. Il y a des échanges de guitares notamment, qui reflètent ce côté fraternel. Personne n’est meilleur que l’autre, nous sommes tous là pour s’entraider. Et en ce sens, Lynyrd Skynyrd est la référence. Et c’est vraiment ce que je veux laisser paraître avec le groupe. Et même si je suis le ‘frontman’, personne n’est meilleur que l’autre dans GUNSMOKE BROTHERS BAND.

– Parlons maintenant de l’album. Quand la composition a-t-elle commencé, car je sais que certains morceaux sont écrits depuis un bon moment maintenant ?

L’un des morceaux phares, « Song For The Brave », a été composé il y a environ dix ans. Je voulais absolument qu’il se retrouve sur disque un jour ou l’autre. Les gens sont très émus en l’entendant et même Tony en a des frissons en le jouant ! Je l’ai écrit pour tous ceux qui souffrent, ou qui ont souffert et qui luttent contre les agressions, les viols, etc…

– Vous êtes donc trois guitaristes au sein du GUNSMOKE BROTHERS BAND et on vous retrouve tous à la rythmique comme au lead. Et entre les riffs, les chorus, les solos et les twin-guitares, il y a beaucoup de contenu. Comment se répartissent les rôles et est-ce que certains d’entre-vous ont plus d’affinités pour certaines techniques ?

L’avantage de jouer avec les frangins Ar Beleg, Niko et Seb, c’est qu’ils ont une technique incroyable. Pour ma part, je suis plus Blues dans les riffs et les solos Et c’est finalement assez simpliste ce que je fais. Quant à Niko, c’est un technicien hors-pair, qui me fait penser à Doug Aldrich dans sa façon de jouer et la rapidité. Et Seb est un putain de rockeur ! Il possède un grain très Rock’n’Roll. Il a ça dans le sang ! Alors en général, je viens avec un riff, qui est ensuite jouer avec la batterie, puis avec tous les autres. Après, je leur donne certaines indications sur les solos notamment, tout en sachant ce que je veux entendre à tel et tel moment. Et c’est une chance de travailler avec eux, car il y a une réelle compréhension dans l’écriture des morceaux. On va tous dans le même sens en échangeant des regards et des sourires… et ils sont bourrés de feeling ! (Sourires)

Photo : Véro Pennec

– J’aimerais aussi qu’on dise un mot sur la rythmique emmenée par Tony (Vasary, basse) et Thibault (Menut, batterie), car elle guide et donne aussi le ton grâce à un groove imparable. Là aussi, ça ronronne, puisqu’elle donne souvent l’impulsion aux morceaux. J’ai même l’impression qu’elle est le garant de la structure des titres qui auraient vite fait de s’envoler sur des parties de guitares assez sauvages. C’est le cas ?

En fait, c’est l’assise. Maintenant, mes morceaux sont très structurés et je sais ce qu’il va se passer, tout le temps. Même sur scène, il n’y a pas d’impro. Pour le moment, je pense que les morceaux ne s’y prêtent pas encore. C’est en cela que Thibault et Tony portent vraiment la structure, ce sont les poutres. Dans ce style de groupe, si tu as un bon batteur, pas forcément hyper-technique et qui en met partout, et un super bassiste, le reste ne sont que les cerises que tu poses sur le gâteau. Les fondations doivent être solides, c’est très important.

– Un mot aussi sur la production, dont le mix et le master sont signés Ben Lesous de B-Blast Records. La priorité était d’obtenir ce son très organique et finalement très live ?

Avant d’entrer en studio, on a beaucoup discuté avec Ben, qui est un metalleux et un sacré batteur. Je lui ai dit que je voulais un son qui soit entre Molly Hatchet et The Outlaws, c’est-à-dire une production vintage moderne ! (Rires) Et pas non plus un son ‘frenchy’, notamment dans les voix. Et il m’a répondu qu’il voyait exactement ce que je demandais. Ensuite, je lui ai dit qu’il y avait trois guitaristes qu’il fallait devoir aussi faire ressortir, en plus de la basse. Et c’est vrai qu’il a fait des prises les plus live possible. Il a enregistré la batterie et les voix et, de notre côté, on a enregistré les guitares chez nous. Et pour obtenir ce son, c’est Ben qui a donné toute cette cohésion pour atteindre cet esprit live.

– Pour rester sur le son de l’album, on voit aujourd’hui beaucoup de groupes qui multiplient les pistes de guitares, histoire aussi et surtout de remplir l’espace sonore. Chez vous, c’est très différent, car il faut plutôt se faire une place. Est-ce que l’équilibre s’est fait assez facilement, chacun ayant déjà sa ‘partie’ en quelque sorte ?

Dès le départ, entre guitaristes, on s’est mis d’accord. Lorsque l’un d’entre-nous fait un solo, par exemple, on n’entend pas sa rythmique sur l’album. Elle est assurée par les deux autres, sans la sienne. On voulait que ça sonne vrai et authentique.

Photo : Véro Pennec

– Par ailleurs, et on en revient aussi un peu à cet esprit de fraternité, vous faites tous les chœurs sur l’album. Et au-delà de l’investissement que cela peut demander à chacun, ça sonne très naturel et très spontané. Est-ce que vous placez cette unité artistique au-dessus de tout, comme étant indispensable aux morceaux ?

Oui et on a encore du travail de ce côté-là. D’ailleurs, c’est quelque chose sur laquelle on est très concentré et qu’on veut améliorer. En France, on ne fait absolument pas ça. Les groupes ne s’intéressent pas à cet aspect, en dehors de quelques uns. On met un point d’honneur à travailler les choeurs, parce qu’on est tous persuadé que ça va nous apporter un gros plus. En ce moment, nous sommes vraiment en train de chercher et de trouver nos voix pour les harmoniser toutes ensemble, car nous avons des voix avec des tessitures différentes et complémentaires. J’ai vraiment envie qu’on retrouve un côté Gospel et nous avons la possibilité de le faire.

– Pour les textes, même si certains sont plus graves, l’ensemble se veut très chaleureux et, toute proportion gardée, très festif avec beaucoup d’humour (« My Dog », « Big Tits, Sweet Lips »). C’est pour s’inscrire dans une certaine tradition du Southern Rock aussi, ou plus simplement pour apporter un peu d’évasion et de légèreté ?

En fait, la plupart des morceaux me racontent en quelque sorte, en dehors de certaines, bien sûr. Dans les chansons, je n’ai pas envie de parler de politique, on l’a déjà évoqué, mais on vit une époque de dingues. Tout le monde vit pour soi au lieu d’être fraternel justement. C’est très important et c’est aussi pour ça qu’on a appelé l’album « Band Of Brothers ». Par ailleurs, si tu prends un morceau comme « A Place In The Sun », c’est vraiment mon histoire. Tu comptes sur tes potes et ils te donnent des coups de pied dans le dos, alors que tu ne t’y attends pas. Et ils continuent à te considérer comme un ‘ami’. J’avais vraiment envie d’en parler…

– Et puis, ça aussi c’est une coutume inhérente au style, il y a « Song For The Brave » et ses neuf minutes avec une inspiration assez épique. On peut penser dans la forme et la longueur à « Freebird » de Lynyrd Skynyrd bien sûr, aussi à « Mountain Jam » du Allman Brothers Band ou même à « Silent Reign of Heroes » de Molly Hatchet dans une certaine mesure. C’est presqu’un passage obligé, une sorte de morceau-signature quand on fait du Rock Sudiste ?

Ca vient naturellement, en fait. Mon idée des trois guitaristes solistes est une sorte de revanche. C’est une façon de dire, on vous a raconté une histoire : maintenant, écoutez ce qui s’est passé. Et les duels de guitares sont là pour ça. C’est vraiment ça l’idée première, d’adapter aussi les solos au contexte de la chanson, de ce qu’on vient de dire. Et ce sont les ambiances qui jouent aussi ce rôle. « Song For A Brave », c’est vraiment tout ça à travers un morceau qui parle de la guerre de sécession, de l’esclavage, d’évangélisation et de la souffrance… avec une partie solo qui atteint près de cinq minutes justement.

Photo : Véro Pennec

– « Band Of Brothers » sort en autoproduction et je sais que vous n’avez même pas cherché de label, que votre désir était de le réaliser vous-mêmes du début à la fin. Si cet esprit d’indépendance et de liberté est très compréhensible, est-ce qu’à l’avenir l’apport d’un label vous paraît, sinon indispensable, du moins très important ?

Absolument ! Si on veut bien faire évoluer les choses, il nous faudra un label, un ingé-son permanent aussi (tiens, ça me rappelle quelque chose ça… – NDR), quelqu’un aux lumières, un manageur… On aurait aussi besoin d’un ‘capitaine’, d’une sorte de dirigeant qui nous dise où aller et quoi et qui éviter. Maintenant, pour trouver un label, je compte plus sur nos confrères américains. Ce ne sera pas en France en tout cas, mais peut-être en Allemagne ou en Hollande, où j’ai de bons contacts.

– D’ailleurs, si mes sources ont bonnes, et elles le sont, vous travaillez déjà sur le deuxième album. L’appétit vient en mangeant, ou est-ce parce que vous aviez l’idée folle de sortir un double-album au départ ?

En fait, c’était une blague et on avait même parlé de sortir un double, voire un triple album ! (Rires) C’est parti là-dessus parce qu’à chaque fois que j’arrivais en répétition, je disais aux gars que j’avais un nouveau morceau. Mais ce qui est drôle, c’est que pour la sortie en vinyle, la boîte qui s’en occupe m’a contacté pour me dire que c’était trop lourd pour un disque unique. Il en fallait clairement deux et ils devraient d’ailleurs sortir d’ici quelques semaines maintenant. Et sur notre lancée, je pense que le deuxième album sera aussi un double-vinyle. Et je vais même te dire un truc : j’ai déjà en tête le début du troisième album ! (Rires) Et puis, pour sortir un double-album, il nous aurait aussi fallu quatre vinyles ! (Rires

– Enfin, on a beaucoup parlé de guitare, puisque GUNSMOKE BROTHERS BAND est particulièrement bien équipé de ce côté-là. Bon, maintenant, tu peux me le dire : qui est le meilleur des trois ?

Le batteur !!! (Rires)

« Band Of Brothers » de GUNSMOKE BROTHERS BAND est disponible sur le Bandcamp du groupe :

https://gunsmokebrothersband.bandcamp.com/album/band-of-brothers

Et retrouvez la chronique de l’album :

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France Grunge Metal Indus Rock Indus

Wallack : l’urgence temporelle [Interview]

Malgré des changements de line-up finalement inhérents à chaque groupe, WALLACK est toujours debout et ressert dorénavant son jeu autour d’un Rock Indus aux légères teintes Metal et Grungy. Devenu trio depuis la récente sortie de « Loveless », les Poitevins s’aventurent dans des atmosphères bien plus sombres, mais toutes aussi prégnantes. Après deux albums (« White Noise »  et « Black Neons »), c’est dans un format plus court que le groupe joue avec le Fuzz et les machines dans un univers très personnel et saisissant. Cyprien Tillet (guitare, chant, synthé) revient sur les dernières péripéties du combo et surtout sur l’élaboration de ce deuxième album massif et compact.

Photo : Thibault Berthon

– Avant de parler de ce nouvel album, il s’est passé quatre ans depuis « Black Neons » et il y a eu quelques changements, à commencer par votre batteur et puis vous êtes désormais un trio, même si l’album a  été enregistré à quatre. Ça a été compliqué de maintenir le cap pendant et après la pandémie ? C’est l’une des raisons de ces mouvements de line-up ?

Notre précédent batteur, Vincent, a souhaité se consacrer pleinement à son entreprise de réparation et maintenance de matériel électronique et Marco, notre bassiste, a vogué vers de nouveaux projets musicaux. Thomas est arrivé à la batterie et, après avoir envisagé d’intégrer un nouveau bassiste, on s’est finalement rendu compte qu’on fonctionnait très bien en trio. On a décidé d’ajouter aux pistes programmées de synthé une piste de basse. Cela colle assez bien avec l’orientation Electro/Indus du nouveau disque. WALLACK a toujours été un groupe à géométrie variable et cela influe assez peu sur le rendu live ou studio. Pour en revenir à la période du Covid, ça a bien sûr été une période compliquée pour nous comme pour beaucoup de groupes, d’autant que notre album est sorti en début de confinement, ce qui nous a privés d’une diffusion efficace et d’une tournée promotionnelle. Il faut néanmoins relativiser les choses : beaucoup ont été plus durement touchés, et notamment au niveau sanitaire…

 On vous retrouve cette fois avec un EP ou un mini-album, c’est selon. C’est le format que vous aviez envisagé dès le départ ? Il n’était pas question d’un album complet ?

C’est un format qui s’est imposé, car nous visions à l’efficacité et voulions insuffler une vraie intensité et une forme d’urgence à ce disque. Pour autant, nous avons essayé de contrebalancer cette violence avec des plages plus ambiantes, presque cinématographiques. On a écrit beaucoup de morceaux entre mars 2020 et septembre 2022, date du début de l’enregistrement de « Loveless », et certains morceaux figureront peut-être sur un futur album. Mais nous avions un vrai désir de cohérence pour ce disque-là, ce qui nous a poussé à épurer le propos au maximum, pour arriver finalement à ce mini-album.

– L’univers musical de WALLACK est toujours aussi distinctif sur « Loveless » et il s’affirme nettement dans une dynamique Indus, qui n’est d’ailleurs pas rappeler Treponem Pal par moment. L’idée est maintenant de se poser clairement dans ce registre ?

Avant d’écouter du Stoner ou du Psyché, j’ai grandi dans une décennie où le Rock industriel et le Grunge ont explosé et j’ai toujours eu envie de marier ces deux styles sans vraiment savoir comment m’y prendre. Et puis le titre « Anxiety » sur le précédent album est arrivé et nous a montré une voie intéressante. Pour autant, on ne veut pas reproduire une recette, ni se concentrer sur un style au détriment d’autres influences chères à chacun de nous.

Photo : Thibault Berthon

 Pourtant, le Metal et le Rock font toujours cause commune dans des sonorités très organiques, loin de l’image souvent froide et sophistiquée de l’Indus. Malgré les claviers et/ou les samples, la musique de WALLACK garde beaucoup de proximité et même de chaleur. Tout en faisant preuve de beaucoup de modernité dans la démarche, vous restez fidèles à un son assez Rock. Cela dit, l’émancipation du Stoner semble faite, non ?

Même s’il y a un petit côté Metal, notamment dans la production, on est beaucoup plus proche du Rock, en effet. Nous avions l’objectif de faire un disque Rock et agressif, aux sonorités industrielles et qui n’oublie jamais d’être accessible. Pour autant, on ne s’interdit rien en termes d’influence et certains riffs comme les refrains de « Lux Altera » ou « More A Shade Than A Man » ne dépareilleraient pas dans un contexte Stoner. De même, on va trouver des influences Doom, voire Drone, sur un titre comme « To the End »… L’important est de faire coexister en toute intelligence ces différents styles.

– Tout comme sur « Black Neons », vous avez de nouveau fait appel à Fabien Devaux, qui s’est occupé de l’enregistrement, du mix et du mastering de « Loveless ». Il a dû s’adapter à cette évolution musicale, ou c’est le résultat d’une réflexion commune sur le son ?

Fabien n’a pas eu de mal à s’adapter à cette nouvelle orientation, puisqu’il a déjà une bonne expérience des projets Metal/Electro/Indus avec Step in Fluid ou Carpenter Brut. Il nous a même conseillés tout au long de la composition du disque et a suggéré nombre d’idées en terme de son compact et massif, sorte de fusion entre la basse, les guitares et les synthés Moog et Korg. On a finalement poursuivi les recherches sonores entamées sur certains titres de notre précédent disque, tout en allant plus loin dans la lourdeur avec l’omniprésence du fuzz. C’est aussi Fabien qui a organisé la rencontre avec notre batteur Thomas. Il existait déjà entre eux un passif de travail collaboratif, ainsi qu’une vraie alchimie, ce qui est un plus dans l’élaboration de notre nouveau son.

Photo : Thibault Berthon

– « Loveless » est aussi beaucoup plus sombre que « Black Neons » et le titre le souligne d’ailleurs aussi. Vous avez calqué la thématique du ‘Memento Mori’ sur vos morceaux, ou c’est la composition de ces nouveaux titres qui vous ont mené au sujet principal de ce nouvel EP ?

Cette thématique s’est imposée aux personnes que nous sommes aujourd’hui, préoccupées du temps qui passe, des choses que nous avons accomplies ou non, et du temps incertain qu’il nous reste pour les accomplir. J’ai toujours été obsédé par ces questions… Rien d’original au fond et quelque chose de terriblement humain. Cette urgence, nous l’avons mise dans des titres assez courts, visant à l’essentiel pour épouser d’un côté le ‘Carpe Diem’, la quête d’un plaisir immédiat, exigeant, insatiable, et de l’autre le ‘Memento Mori’, cette angoisse face au temps qui nous échappe et nous détruit.

 Ce qui ressort également de « Loveless », c’est l’aspect assez brut et très efficace, puisqu’on ne retrouve plus les sonorités post-Rock et Stoner. L’objectif était d’aller à l’essentiel, quitte à épurer vos compos au maximum ?

Oui, cette urgence répondait à un vrai besoin à un instant T, là où par le passé nous aimions étirer le propos en écrivant de longues montées, sans doute aussi parce que nous aimons la musique progressive et psychédélique. C’est en tout cas l’esthétique qu’on a souhaité insuffler à ce disque. Rien ne dit qu’on ne reviendra pas à des titres de huit minutes dans le futur ! On ne s’interdit rien, dans les limites de la cohérence inhérente à chaque disque.

– Il y a également une identité visuelle qui se dessine à travers les pochettes de vos deux dernières réalisations. La personnalité de WALLACK passe-t-elle aussi par l’image ? C’est devenu indissociable dans la musique aujourd’hui ? De pouvoir être rapidement identifié ? 

En effet, c’est indissociable. On pourrait le regretter, car l’image supplante souvent la musique. On cherche à capter l’œil rapidement, notamment dans les clips, car notre capacité d’attention est de plus en plus limitée, soumise à une culture du zapping. J’ai parfois l’impression que tout cela se fait au détriment de la musique. Cela court-circuite aussi l’imagination de l’auditeur qui, par un phénomène de correspondance, pourrait visualiser tout un monde, des paysages, des images, en fermant les yeux et en se laissant aller au rythme de la musique. Pour autant, je ne boude pas mon plaisir devant un super clip qui évite cet écueil et sublime un son ! Mais pour revenir plus précisément à la question de l’artwork, celui-ci est en effet très important, car il associe immédiatement un son à une image. Pour celui de « Loveless », on voulait représenter une vanité et, même si c’est un motif récurrent dans le Rock, le choix du crâne s’est imposé.  Seb a travaillé là-dessus et le résultat nous a bluffé tant il se démarquait des représentations ‘Rock’ habituelles. Il a aussi la subtilité de ne pas être immédiatement reconnaissable, de suggérer des visions personnelles et inconscientes.

 « Loveless » de WALLACK est disponible chez Klonosphere/Season Of Mist.