Catégories
Heavy Stoner Rock Stoner Doom

Greyborn : clair-obscur

Les Limougeauds continuent leurs explorations Stoner Doom avec un nouvel effort, qui vient faire suite à « Leeches », sorti il y a deux ans. Sur une production-maison très organique, GREYBORN côtoie le lugubre sans s’apitoyer et en se montrant plutôt obstiné. En s’immergeant aussi dans des atmosphères Space Rock, « Scars » avance dans cette introspection torturée, où seule la voix de son batteur libère quelques éclaircies, même fragmentées.

GREYBORN

« Scars »

(F2M Planet)

Avec « Scars », son deuxième EP, GREYBORN continue son cheminement dans un style où, forcément, le gris est teinté d’autres variations de gris. Une façon aussi et sûrement pour le power trio de ne pas se perdre dans le trop sombre, ou dans le trop lumineux, mais d’évoluer dans des ambiances claires-obscures et de bénéficier d’un champ d’action bien plus vaste. Comme pour « Leeches », le groupe s’est encore attelé à l’enregistrement et au mix de son nouveau format court, une manière de garder la main sur un univers très personnel, où la lourdeur des notes et la clarté du chant font cause commune.

Loin du Heavy Stoner Blues de Blackbird Hill, l’autre formation menée par Maxime Conan (guitare) et Théo Jude (chant, batterie – ex-Mama’s Gun), GREYBORN évolue sur un Doom écrasant et épais, tout en restant dans un Stoner Rock massif. Ils sont accompagnés par le bassiste Guillaume Barrou (ex-Mama’s Gun), une nouvelle histoire entre amis qui se connaissent bien en somme. Le groupe tire ici sa force d’une rage et d’une violence à l’œuvre sur les quatre morceaux, auxquels s’ajoute « Tetany », une virgule instrumentale suspendue, qui apporte une note de légèreté dans ce sombre océan.

Malgré une formation assez récente, GREYBORN a déjà parfaitement cerné les contours de son style et pour mieux en saisir l’entièreté, rien de mieux que d’écouter les deux EP dans l’ordre. C’est le gros et ultime défaut de ce genre de réalisations car, en l’occurrence, le groupe se savoure sur la longueur. Dès le morceau-titre, on entre dans le vif du sujet et « Ravenous » vient confirmer cette densité presque hypnotique, qui se forme dans un fuzz appuyé. Plus véloce sur « A Thousand Dreams Away », c’est « The Grand Design » qui clot ce chapitre d’un Doom solide. On attend maintenant impatiemment le premier album.

Photo : Victor Leonchenko

Retrouvez la chronique du premier EP du groupe, « Leeches » :

Catégories
Heavy Psych Rock International Progressif Space Rock Stoner Prog

Monkey3 : no code [Interview]

Originale, percutante, hors-norme : les adjectifs ne manquent pas pour qualifier la musique du quatuor de Lausanne. Avec « Welcome To The Machine », on replonge dans cet univers singulier, fait de Stoner et de Metal, de Rock et de Psych, le tout dans une dynamique progressive aux redoutables crescendos. Toujours instrumentaux, les morceaux de MONKEY3 interpellent et les riffs, comme les solos, valent souvent mieux qu’un trop long discours. C’est justement Boris, guitariste (virtuose) du groupe, qui revient sur ce nouvel album aux teintes Space-Rock et inspiré de classiques SF du grand écran. Entretien.    

Photo : Giuseppe Aufiero

– A l’écoute de « Welcome To The Machine », l’atmosphère rétro-futuriste, façon « Blade Runner », est omniprésente et devient rapidement hypnotique. Pourtant, vous restez très Rock, c’est-à-dire direct et avec des guitares très incisives notamment. Celles-ci donnent presque l’impression d’être le narrateur. C’était l’objectif en composant l’album ?

L’objectif était de raconter une histoire autour de la thématique homme-machine. Pour ce faire, nous avons tenté d’opposer et/ou de juxtaposer les sonorités électroniques aux sonorités purement analogiques, afin de développer un son particulier et de créer une atmosphère un peu futuriste. Je dirais que le narrateur est l’auditeur. Chacun peu imaginer sa propre histoire, son propre monde, sa propre aventure. Cet album pose des questions plus qu’il ne donne de réponses.

– Même si la composition de l’album est très précise, tout comme les arrangements d’ailleurs, il reste une touche que l’on peut interpréter comme étant l’esprit jam dans ces nouvelles compositions. Est-ce que c’est ce qui leur donne cet aspect de liberté, selon toi, et auquel vous tenez peut-être aussi ?

Dans notre cas, la jam est très souvent un point de départ pour la composition, mais ensuite nous passons beaucoup de temps à élaborer les morceaux afin de trouver un équilibre satisfaisant à notre goût. Au moment de l’enregistrement, peu de choses sont laissées au hasard. En situation de live, c’est par contre différent, les morceaux continuent d’évoluer à chaque concert.

– Avec ce septième album, vous avez dit vous être inspirés du 7ème Art, et notamment de films mythiques comme « 2001 : l’Odyssée de l’Espace », « Matrix » ou « Solaris ». Est-ce que, et spécialement lorsque l’on fait de la musique instrumentale, une certaine approche visuelle est aussi importante dans le processus de création ?

La chose la plus importante, lorsque nous écrivons de la musique, est que nous puissions ressentir l’histoire que nous voulons raconter et nous imaginer voyageant dans une sorte de paysage fait de sons et de textures.

– Comme « Welcome To The Machine » vous a été inspiré par un certain cinéma, celui de la SF, est-ce que vous avez déjà été tenté par la musique de film, sachant aussi que cela n’offre pas forcément de partage direct avec le public comme un concert ?

Composer une BO de film est un rêve absolu que nous aimerions réaliser un jour. Ce serait pour nous une sorte d’aboutissement complet.

– Ce nouvel album est une réflexion sur l’avenir de l’humanité à travers la dualité entre l’homme et la machine. C’est justement un sujet qui est au cœur des préoccupations actuelles autour de l’Intelligence Artificielle notamment. Cela vous a-t-il aussi inspiré et d’ailleurs, vous basez-vous sur une sorte de synopsis écrit pour composer ?

Au début de l’écriture de ce nouvel album, nous avons privilégié la spontanéité en laissant l’esprit libre d’orientations musicales et stylistiques. Nous avons composés la plupart du temps de manière collective. Au fur et à mesure de l’avancée des morceaux, le concept de l’album a commencé à apparaître. C’est à ce moment-là que nous nous sommes inspirés de certains films qui abordent ces thèmes, comme « Matrix » ou « 2001 : l’Odyssée de l’Espace » et des livres tels que « 1984 » ou « Le Meilleur Des Mondes ». La thématique du disque portant, entre autre, sur la dualité homme-machine, nous avons volontairement poussé en avant l’aspect électronique de notre son, afin que l’histoire racontée se ressente et s’exprime au travers de la texture sonore, des mélodies et de l’impact rythmique.

Photo : Giuseppe Aufiero

– Puisqu’on évoque l’IA, est-ce que c’est quelque chose que vous envisageriez pour composer, alors que votre son est si organique ? Il y aurait une sorte d’antagonisme, non ?

Jamais, nous n’utiliserons l’IA pour composer de la musique. La beauté, l’intérêt et le charme de la création et de la composition musicale réside, selon moi, dans l’émotion  et l’intention que chacun y met et dans l’imperfection propre à l’humain, ce qui rend chaque œuvre totalement unique.

– « Welcome To The Machine » s’inscrit clairement dans un registre progressif et psychédélique. Vous vous imprégnez autant de Stoner que de post-Metal, ce qui confère un aspect très futuriste à l’album. C’est une connexion très fluide. Comment travaillez-vous sur cet équilibre, à moins que cela se fasse naturellement, sans calcul ?

Cela se fait assez naturellement. En général, nous ne faisons pas très attention à l’orientation stylistique. Nous nous concentrons plutôt sur les atmosphères et les sonorités que nous cherchons à développer, afin de raconter une histoire de la manière la plus cohérente possible.

– J’aimerais aussi que l’on dise un mot de la production. Elle est à la fois aérée et âpre et mélange des passages parfois contemplatifs et d’autres souvent très fulgurants et sombres. Comment avez-vous travaillé sur cette profondeur sonore à l’œuvre sur l’album ?

Le travail des sonorités synthétiques et électroniques fourni par dB (claviers) a permis de développé un son beaucoup plus large et profond. Je pense que cela a été la clef du son de ce disque. Il y a eu aussi beaucoup de travail effectué sur les textures sonores des guitares, afin qu’elles fonctionnent bien avec les murs de claviers, et que le mélange amène de la dynamique à l’ensemble. Mais tout commence par une fondation solide, autant sonore que du groove basse-batterie.

– Vous avez aussi la particularité, comme d’autres dans ce registre, de composer des morceaux assez longs et sur « Welcome In The Machine », ils sont cinq à osciller entre 6 et 12 minutes. Est-ce qu’être plus concis et directs vous paraît inapproprié au regard de votre style, ou au contraire l’idée est toujours de poser un climat sur la longueur ?

La longueur d’un morceau est toujours dépendante de l’atmosphère et de l’impact que nous cherchons à créer, donc cela peut varier. Nous ne suivons pas de canevas particulier. Tout format est approprié du moment que l’histoire est racontée dans le bon sens.

– Etant donné que « Welcome To The Machine » est un album conceptuel, et c’est vrai qu’il s’écoute dans son entier et dans l’ordre, la mise en place de vos prochaines setlists risque de virer un peu au casse-tête, non ? A moins que vous ne pensiez, au contraire, que les liens entre les morceaux ne soient pas un obstacle…

Nous sommes en pleine phase de préparation des concerts et, effectivement, l’intégration des nouveaux morceaux est pour le moment un peu un casse-tête. Nous avons le désir de proposer un panachage entre anciens et nouveaux titres et nous devons trouver la bonne formule, afin de pouvoir raconter l’histoire de manière cohérente et fluide pour que le live show soit agréable à suivre.

Le nouvel album de MONKEY3, « Welcome To The Machine », est disponible chez Napalm Records.

Catégories
Stoner Rock

Waste A Saint : rockin’ angels

Peut-être dû à la rudesse du climat, les pays du Nord de l’Europe ont toujours eu une réelle prédisposition pour le Stoner Rock et, de fait, un talent certain. Venant s’incruster avec insistance dans le crâne, les morceaux de « Ravenous », deuxième effort studio des Scandinaves, marient avec beaucoup d’habileté la dureté du style avec une voix féminine qui captive, mais n’apaise pas pour autant les choses. WASTE A SAINT tient un line-up performant, qui sert des compos grisantes.

WASTE A SAINT

« Ravenous »

(All Good Clean Records)

WASTE A SAINT a réellement pris son envol il y a deux ans avec « Hypercarnivore », un premier album qui lui a permis de sillonner sa Norvège natale et de roder son style. Après quelques concerts, le quatuor est d’ailleurs aussitôt retourné en studio. Avant cela, il avait sorti un EP, « At Quarter Speed » en 2017, puis quelques singles épars. Avec « Ravenous », le combo fusionne avec force des inspirations qui vont du Hard Rock au Psych Rock avec quelques touches bluesy et surtout à travers un Stoner Rock mélodique et accrocheur.

Solide et épais, le registre des nordiques peut s’apparenter, même de loin, à celui de QOTSA pour ce qui est de l’efficacité des refrains, qui deviennent vite entêtants. Mais l’ensemble est beaucoup plus âpre et rugueux. Et cet atout résolument solaire et fédérateur, on le doit notamment à Bogey Stefandottir, la frontwoman de WASTE A SAINT. Cependant, si elle apporte une belle dose de féminité au Stoner Rock du groupe, grâce à un entrain véloce, elle se montre tout aussi capable de durcir le ton et de montrer les crocs.

« Ravenous » démontre que l’on peut faire un Stoner accessible, sans forcément en renier ses fondements et jouer au bulldozer. Mais que tout le monde se rassure : la puissance est bel et bien au rendez-vous. Les riffs appuyés d’Alexander Skomakertsen et le duo basse/batterie formé par Ole Nogva et Øivind Fossem viellent au grain. Moderne et entraînant, WASTE A SAINT est la vraie bonne surprise du moment (« Schizofriendia », « Sore Spot », « Femme Fatale », « Avoid My Wits », « Aeronaut »). A suivre de très près !

Catégories
Classic Hard Rock Proto-Metal Stoner Rock

Tigers On Opium : un panache hyper-Rock

Pour son premier album, c’est presqu’une leçon que donne TIGERS ON OPIUM, tant les sonorités à l’œuvre sur les titres de « Psychodrama » paraissent à la fois tellement évidentes et d’une grande créativité. C’est une espèce de revue des effectifs Rock et Metal qu’est parvenu à réaliser la formation, tant les ambiances et les mélodies impressionnent par leur maîtrise et leur originalité. On assiste très rarement à de telles entrées en matière aussi Heavy et planantes que groovy et percutantes.  

TIGERS ON OPIUM

« Psychodrama »

(Heavy Psych Sounds)

Après avoir écumé les scènes de l’Ouest des Etats-Unis et sorti deux EP, le fougueux groupe de Portland, Oregon, passe enfin aux choses sérieuses et présente « Psychodrama », un premier effort exceptionnel. On y découvre sur la longueur tout le talent des Américains à travers un style personnel très particulier, qui se trouve au croisement de nombreux registres qui se fondent dans une belle et fluide harmonie. TIGERS ON OPIUM développe un Classic Rock mâtiné de proto-Metal avec des éclats de Stoner Rock bien sentis et quelques solides coups de Fuzz.

« Psychodrama » est une sorte de concept-album, basé sur le modèle d’une thérapie de groupe dont le frontman Juan Carlos Careres s’est inspiré pour l’écriture des morceaux. Abordant des sujets graves, TIGERS ON OPIUM ne livre pourtant pas un album trop sombre, malgré quelques passages tempétueux, où il flirte même avec le Psych et le Doom. La richesse musicale du quatuor sort vraiment des sentiers battus et la production très organique de l’ensemble a un côté épique et solaire, avec ce grain 70’s parfaitement distillé.

Autour des deux six-cordistes, on se perd dans les twin-guitares, les riffs soutenus et les solos aériens. TIGERS ON OPIUM parvient toujours à capter l’attention grâce à la voix directe de son chanteur, soutenu par ses camarades aux chœurs. Les quelques parties de piano viennent apporter ce qu’il faut d’accalmie dans ce dédale d’émotion (« Black Mass », « Diabolique », « Sky Below My Feet »). Avec une grande liberté, le combo s’offre de magnifiques envolées, qui culminent sur les géniaux « Radioactive » et « Separation Of Mind ». Du grand art !

Catégories
Grunge Heavy Stoner Psych Stoner Rock

Disastroid : sauvagerie urbaine

Avec ce quatrième album, les trois Américains risquent de marquer les esprits, tant la lourdeur vibratoire qui enveloppe et s’étend sur l’ensemble de « Garden Creatures » a de quoi faire trembler la faille de San Andreas. Massifs et percutants, les morceaux de ce nouvel opus de DISASTROID prennent tous les chemins de traverse, via un flux où s’entrechoquent Stoner, Noise, Grunge et un soupçon de Psych. Une synthèse palpitante et insaisissable.   

DISASTROID

« Garden Creatures »

(Heavy Psych Sounds)

A en croire le groupe, les recoins des maisons résidentielles de San Francisco ne sont pas si sûrs que ça et il s’y passe même des choses sinon terrifiantes, tout au moins lugubres. Au sein des jardins envahis de végétation, dans les caves pleines de secrets et au hasard des crimes et dans une solitude pesante, DISASTROID a imaginé et conçu un album assez obsessionnel, à l’épaisseur trouble et dans un registre où le Grunge et le Noise se fondent dans un Stoner Rock vrombissant et sérieusement Heavy.

Et l’un des grands artisans de l’atmosphère si spéciale de « Garden Creatures » est aussi Billy Anderson, connu pour ses collaborations avec Sleep, Melvins et Neurosis entre autres, qui a réalisé une incroyable production, que ce soit dans l’ambiance globale du disque que dans chaque détail. Si DISASTROID se sert du Stoner Rock comme socle principal et aussi comme fil conducteur, c’est pour mieux distiller un Grunge 90’s hyper-fuzz, d’où la voix d’Enver Koneya, également guitariste, s’envole dans une forme de songe vaporeux, mais appuyé.  

Entre Noise et Heavy Rock, le power trio nous présente probablement la facette la moins glamour de San Francisco. De leur côté, Travis Williams (basse) et Braden McGaw (batterie) procèdent à un broyage en règle sur un groove dévastateur, flirtant même avec certains aspects Doom. Décidemment, DISASTROID n’est jamais à court d’idées, n’hésitant à mêler le son de la scène de Seattle du siècle dernier avec un Stoner moderne et pachydermique (« Garden Creatures », « Figurative Object », « 24 », « Light’Em Up, « Jack Londonin’ »). Une baffe !

Catégories
Heavy Stoner Psych Stoner Prog

Mr Bison : des ondes astrales

Depuis « We Don’t Like Love Songs », son premier EP sorti en trio en 2011, MR BISON en a fait du chemin et la route tracée devient de plus en plus limpide au fil des albums. Quatre ans après le superbe et conceptuel « Seaward », les Transalpins montrent une ambition débordante sur « Echoes From The Universe », à nouveau saisissant. Heavy, Psych et Prog, leur Stoner Rock se démarque habillement et se pose hors du temps.  

MR BISON

« Echoes From The Universe »

(Heavy Psych Sounds)

Pourtant originaire d’une petite ville de la côte de Toscane, c’est la mythologie nordique qui a cette fois inspiré MR BISON, à laquelle il a d’ailleurs intégré des éléments SF, offrant à « Echoes Of The Universe » une ambiance très particulière. En jouant sur l’aspect Heavy du Stoner et un côté Psych très progressif, le quatuor parvient, comme sur ses précédents opus, à combiner force et délicatesse pour mieux nous embarquer dans un univers féérique et très polymorphe avec brio.

Grâce à un équilibre parfait, MR BISON allie des références 70’s issues de la scène progressive, à un son très moderne qui rappelle l’actuelle vague Stoner européenne. Aidé de synthés, d’orgue Hammond et de mellotron, le groupe installe des atmosphères soignées et très travaillées. Bercé et enveloppé de la voix de Matteo Sciochetto, « Echoes From the Universe » n’élude pas de somptueuses parties de guitares, sa faisant même acoustiques comme pour libérer certaines respirations.

S’il y a bien un disque où l’on peut parler de créations de paysages musicaux élaborés, c’est bien celui de MR BISON, qui atteint des sommets avec ce cinquième opus. Aérés et aériens, mais aussi massifs et dynamiques, ces sept nouveaux titres disposent d’une très bonne production signée de son guitariste Matteo Barsacchi, qui nous fait pleinement profiter de ce voyage sonore enchanteur (« Child Of The Night Sky », « Dead In The Eye », « The Promise », « The Veil »). Les Italiens livrent leur réalisation la plus aboutie à ce jour.

Catégories
Doom Doom Rock France Stoner Doom

Witchorious : dans les pages du grimoire [Interview]

WITCHORIOUS, c’est un trio composé d’Antoine Auclair (guitare) et des frère et sœur Paul (batterie) et Lucie (basse) Gaget, qui s’est forgé un univers Doom autant Metal que Rock et débordant à l’envie dans des atmosphères Stoner. En quelques années, les Franciliens ont su façonner un son et une identité très personnelle, au point de taper dans l’œil du label italien Argonauta Records. Antoine se fait porte-parole du groupe pour revenir sur ce premier album plus que réussi. Entretien.  

Photo : Cred Faallaway

– Avant de parler de ce premier album éponyme, j’aimerais que l’on revienne sur la création du groupe, qui est aussi une histoire de famille… Quel a été le déclic ?

On avait déjà joué ensemble avec Lucie, au sein de différents groupes. Au moment de créer ce nouveau projet, on a naturellement pensé à Paul pour nous rejoindre. On savait qu’il aurait beaucoup à apporter à ce nouveau projet de part ses influences et son jeu de batterie. Et puis, quand tu montes un groupe avec des gens, tu vas passer énormément de temps avec eux et ce n’est pas toujours pour rigoler, donc autant le faire avec des gens que tu aimes.

– WITCHORIOUS a vu le jour il y a cinq ans et vous aviez commencé par sortir un single avec les titres « 3 AM » et « Evil Creature ». Malheureusement, la pandémie a brisé ce premier élan. Quelle a été votre réaction à ce moment-là. Car, comme pour beaucoup, de nombreux espoirs et investissements se sont envolés…

On avait prévu d’enregistrer un EP au moment où le premier confinement est tombé. On a naturellement été déçu de devoir le repousser. Mais avec le recul, c’est ce qui nous a permis d’affirmer notre projet en travaillant davantage nos morceaux et notre identité. On en a profité pour travailler sur d’autres riffs, d’autres thèmes. C’était un moment très propice à la réflexion, notamment sur la vie avec cette ambiance de fin du monde, et de ce point de vue là, ça tombait plutôt bien. On a aussi évolué pendant ce temps, et donc on a intégré d’autres influences. Au final, l’album qu’on a produit ressemble vraiment à la proposition artistique qu’on rêvait de sortir, et je pense qu’il est beaucoup plus riche et abouti que le potentiel EP qu’on aurait pu sortir à la base. De toute façon on n’a pas eu le choix, il a fallu laisser faire le karma !

Photo : Brian Downie

– Après votre single, vous aviez donc en tête de sortir un EP de 5 titres. Finalement, vous avez revu vos ambitions à la hausse et décidé de vous lancer dans un album complet. Souvent, les groupes sortent des formats courts par manque de moyens, ou pour jauger leur following essentiellement. Cette étape ne vous a finalement pas paru nécessaire ?

C’est vrai qu’on s’est d’abord posé la question de ce qui serait le mieux stratégiquement : EP ou album ? En discutant avec les gens, les points de vue étaient tellement divergeants qu’on n’a pas trouvé de réponse, et comme chaque parcours est particulier, on a choisi de plutôt faire comme on le sentait. Avec cette histoire de pandémie, qui nous a donné un répit sur les répétitions et les enregistrements et donné beaucoup de temps pour écrire, c’est devenu limpide. Alors c’est vrai que ça a été un plus gros investissement, autant en efforts que financièrement, mais on ne regrette pas du tout. On adore écouter des albums où le propos peut être complètement développé, et on avait trop envie de faire un LP. Les conditions étaient réunies, alors on n’allait pas se priver.

– Ensuite, vous avez cherché un label, ce qui n’est jamais une mince affaire. Vous faites votre entrée sur le très bon label italien Argonauta Records, dont le catalogue est de grande qualité. Comment cette signature a-t-elle eu lieu et les avez-vous facilement convaincus ?

On trouvait le roster d’Argonauta excellent, il travaillait déjà avec quelques groupes français qu’on apprécie comme Conviction, Goatfather et Oaks. Au moment de chercher un label pour préparer la sortie de l’album, on l’a contacté et le projet l’a tout de suite emballé. On est très heureux de travailler avec Argonauta pour ce premier album. Gero, qui gère le label, est un passionné et il sait parfaitement nous conseiller.

Photo : Cred Faallaway

– J’aimerais que l’on parle de l’univers de WITCHORIOUS qui, forcément, tourne autour du personnage de la sorcière qui endosse d’ailleurs de multiples rôles. Est-ce que vous pensez que cela deviendra récurrent, ou voyez-vous plutôt « Witchorious » comme un album-concept ?

On ne voit pas vraiment ce premier album comme un album-concept, mais plutôt comme un recueil de morceaux présentant notre identité. On aime bien utiliser des métaphores dans nos textes et on trouvait intéressant de développer celle de la sorcière car, pour nous, c’est une figure à la fois rebelle et oppressée, qui effraie et fascine. Ce personnage de la sorcière est présent jusque dans le nom du groupe et fait fortement partie de notre identité, je pense qu’on continuera à la faire vivre par la suite. Et puis, c’est aussi un cliché dans le genre du Stoner Doom, et ça nous amuse beaucoup d’en jouer.

– Musicalement, votre Heavy Doom oscille entre Metal et Rock et j’y vois même un certain parallèle avec Candlemass et Avatarium. Est-ce que leur parcours et leur histoire commune et respective ont pu avoir une influence dans votre processus de création et d’exploration de ce vaste registre ?

Ce sont des groupes qu’on adore, et je trouve que le Doom d’Avatarium a un côté particulièrement grandiloquent, qui m’a toujours fasciné. Les deux font clairement partie des groupes qui ont influencé certains de nos morceaux, parce qu’ils ont exactement cette démarche d’un Doom qui reste très traditionnel dans les riffs et l’approche, mais avec des structures et des esthétiques qui apportent vraiment du renouveau. Le travail vocal incroyable d’Avatarium, le ton en permanence hanté de Candlemass, ce sont des sons qu’on a directement en tête quand on écrit, quand on cherche des modèles d’ambiance… We are bewitched !

Photo : Brian Downie

– L’une des particularités de WITCHORIOUS réside aussi dans le fait que vous soyez deux au chant et surtout qu’il y ait une voix féminine et une autre masculine. C’est quelque chose qui s’est imposé dès le début ? Sans compter que cela ouvre de nombreuses possibilités…

On a toujours apprécié ajouter des chœurs. Les deux voix, et mêmes les alternances entre voix chantées et criées, nous permettent de jouer sur les nuances. C’était important pour nous de mettre les deux voix en avant sur ce projet. Cela nous permet d’avoir deux présences en travaillant sur nos différents personnages. Et c’est quelque chose qu’on aimerait travailler davantage à l’avenir.

– Un petit mot aussi sur la production de « Witchorious », qui est puissante et équilibrée, ce qui est toujours une belle performance pour un premier album. Comment s’est déroulé l’enregistrement ?

On a enregistré l’album avec Francis Caste au studio Sainte-Marthe et on est vraiment très contents du résultat. Le travail en studio nous a permis d’affirmer notre son, notre identité, et Francis, qui avait très bien compris où nous voulions aller avec ce premier album, nous a parfaitement guidés. C’était un vrai plaisir de travailler avec lui, il nous a beaucoup apporté sur la définition des ambiances. Nos morceaux étaient déjà très matures, alors il nous a fait réfléchir à l’histoire globale qu’on voulait raconter, faire en sorte que les morceaux forment un tout cohérent. Il nous a fait gagner en efficacité en nous aiguillant pour renforcer certaines structures. Il y a aussi eu un gros travail sur l’identité sonore des instruments et des voix, sur lesquels on a vraiment pris le temps d’explorer. Le but était que ça sonne hanté.

Photo : Brian Downie

– Outre la qualité sonore, il se dégage beaucoup de maîtrise de vos morceaux. Vu le soin apporté aux arrangements et à la structure des titres, j’imagine que cela est dû à un travail minutieux et de longue haleine pour apporter aussi du renouveau à un style comme le Doom ?

Lorsqu’on a créé le groupe, l’idée était vraiment de faire un groupe de Doom. Si on ne peut pas nier leur influence, on ne voulait pas cloner Black Sabbath ou Monolord. Assez naturellement, d’autres influences sont venues se greffer à nos compositions. Un côté Stoner, mais aussi des influences plus modernes de post-Metal ou de Black Metal. On était aussi assez friand d’ajouter des voix et des guitares d’ambiance, des sons bizarres… On voulait vraiment garder le côté brut des morceaux joués sur scène en trio, en ajoutant un vernis de studio ensorcelé.

– Enfin, vous allez probablement partir sur la route défendre ce bel album. Avez-vous prévu une certaine scénographie, afin de restituer au mieux ses ambiances et ses atmosphères saisissantes ?

Oui bien sûr, on a déjà une quinzaine de dates de prévues et on travaille à rallonger la liste ! Pour l’instant, on a beaucoup travaillé sur la fluidité et l’efficacité du set, notre jeu de scène, comment on donne vie à nos personnages en étant le plus authentique possible. Et on essaie de rajouter des éléments au fur et à mesure. On a beaucoup d’idées qu’on voudrait tester sur les prochains mois.

Le premier album éponyme de WITCHORIOUS est disponible chez Argonauta Records.

Catégories
Stoner Metal Stoner Punk

Bokassa : une joyeuse apocalypse

Déjà remis de « Molotov Rocktail » (2021), BOKASSA revient à la charge avec son cocktail de Metal HxC, de Stoner et de Punk. Entièrement confectionné par Tue Madsen, dont on connait le travail pour Meshuggah, The Haunted ou Halford, « All Out Of Dreams » dresse avec véhémence et pas mal de légèreté malgré tout, une sorte de possibilité très réelle du paysage sociopolitique actuel. Eprouvante et lourde, mais aussi dynamique et percutante, cette nouvelle réalisation montre un engagement poing levé très déterminé.

BOKASSA

« All Out Of Dreams »

(Indie Recordings)

Quatrième album en huit ans pour le power trio norvégien, qui avait tapé dans l’œil de Metallica il y a quelques années avant les suivre en tournée à l’invitation des Four Horsemen. Nous étions alors en 2019 et BOKASSA en avait bien sûr profité pour accroitre sa notoriété et faire connaître son Heavy Stoner Metal aux multiples facettes au monde entier et avait même signé chez Napalm dans la foulée. 2024 : retour aux fondamentaux et sur un label qui semble mieux respecter la nature et la démarche de nos furieux Scandinaves, difficiles à faire entrer dans le moule d’un système qu’ils ne cautionnent pas forcément.

Car il y a un côté Punk qui prend de la place chez BOKASSA et peut-être même encore un peu plus sur « All Out Of Dreams », qui est assez pessimiste dans le fond, malgré un humour noir constant. S’il se veut dystopique (c’est très en vogue actuellement), ce nouvel opus semble pourtant dépeindre une société dans laquelle nous vivons déjà. Fataliste mais vigoureux et la tête haute, le combo sort la sulfateuse à grand coup de riffs épais, avec un batteur au jeu musclé et un bassiste aux lignes véloces (« The Ending Starts Today », « Everyone Fails in The End », « Let’s Storm The Capitol »).

Jouant sur des ambiances très Metal ou carrément Hard-Core, des passages clairement Stoner et des aspects Punk californien estampillé 90’s, et un brin pénible, au niveau du chant et des chœurs, « All Out Of Dreams » a de quoi perturber par ses grands écarts. Mais peu importe finalement, car BOKASSA est avant tout une débauche d’énergie brute, une sorte de défouloir, mais bien joué ! A noter le chant de Lou Koller des légendaires Sick Of It All sur « Garden Of Heathen » et le soutien d’Aaron Beam de Red Fang sur « Bradford Death Squad ». Un disque qui va en faire transpirer plus d’un(e), à n’en pas douter !

Photo : Troll Toftenes
Catégories
Hard Rock Heavy Rock Stoner Rock

Emergency Rule : en acier trempé

Tout vient à point à qui sait attendre. Tel pourrait être le mantra d’EMERGENCY RULE, qui a patienté plus d’une décennie avant de sortir « The King Of Ithaca ». Et cette première réalisation est une bombe qui nous plonge dans la fureur et l’efficacité primale et palpitante du Rock véritable. Apre et mélodique, véloce et écrasant, fédérateur et musclé, le combo est à découvrir de toute urgence… et à écouter très fort !

EMERGENCY RULE

« The King of Ithaca »

(Wormholedeath Records)

Si les Australiens sortent aujourd’hui leur premier album, ce n’est pas pour autant des nouveaux venus sur la scène Metal et Rock. Depuis 2012, EMERCENCY RULE distille des singles au compte-goutte (« Snakes Eyes », « Blind », « Flag And A Medal », « The Zealot »). Composé de musiciens plus qu’aguerris ayant œuvré aux côtés d’Universum, Bruce Kulick et Mike Tramp, le quatuor balance un énorme pavé de Hard Rock avec « The King Of Ithaca », dont le contenu est d’une rare explosivité.

Si la puissance paraît être l’un des principaux arguments du groupe, c’est sans compter sur la richesse des genres présents sur ce très vigoureux opus. Le groove épais et gras des deux guitaristes, Chris George et Cal Wegener, mène la danse sur des riffs massifs et incendiaires, qui deviennent inévitablement contagieux au fil du disque. Il y a du Zakk Wylde dans l’air. Et EMERGENCY RULE s’appuie sur les martèlements de son cogneur de batteur, tout autant que sur les lignes de basse de Doug Clark, également chanteur.

Rugueux et brut, le style de la formation océanique puise dans les origines du Heavy, du Hard Rock, ainsi que du Southern et du Stoner. Difficile de résister à cet ouragan de décibels et à la voix rauque et enveloppante de son frontman. L’approche résolument live d’EMERGENCY RULE le rend irrésistible et très vite addictif (« Garden », « Bartender », « Abuse », « Ulysses », « Corporation », « From The Grave »). Et comme chez beaucoup de ses compatriotes, on retrouve cette touche si identifiable de son île-continent.

Catégories
Classic Rock Progressif Stoner/Desert

Big Scenic Nowhere : sans limite

Ils ont beau être très occupés tous les quatre avec leur groupe respectif et différents projets annexes, les membres de BIG SCENIC NOWHERE continuent l’aventure en se livrant cette fois dans un répertoire Classic Rock, toujours emprunt de Stoner et de Desert Rock, guidé par un groove tantôt progressif, tantôt plus costaud. « The Waydown », troisième album auxquels viennent s’ajouter deux EP, plonge dans des espaces plus identifiables, certes, mais tout en mélangeant toujours des tempos et des ambiances variés.

BIG SCENIC NOWHERE

« The Waydown »

(Heavy Psych Sounds)

Fondé il y a quatre ans sous l’impulsion d’un quatuor constitué de cadors de la scène Stoner/Desert Rock, BIG SCENIC NOWHERE continue de livrer des albums toujours plus aboutis et surprenants. L’une des particularités des Américains est aussi d’évoluer au fil des réalisations devenant un collectif dans lequel viennent se greffer et se fondre des invités prestigieux qui se prêtent à l’exercice avec talent et virtuosité. « The Waydown » révèle cette fois un visage nouveau, sans pour autant renier les fondements qui ont forgé son identité sonore et musicale.

Sur des bases aussi diverses qu’inamovibles, BIG SCENIC NOWHERE explore de nombreux horizons et va encore étonner tant le champ d’investigation est spectaculaire depuis sa première production, « Vision Beyond Horizon » en 2020. Bob Balch (Fu Manchu, Slower) à la guitare et sur tous les fronts actuellement, Tony Reed (Mos Generator) à la basse, aux synthés et surtout au chant, Gary Arce (Yawning Man) à la guitare et Bill Stinson (Yawning Man) à la batterie forment une entité très soudée et capable d’atteindre des sommets de créativité.

Avec « The Waydown », c’est dans une lignée Classic Rock, toujours très infuzzée, que BIG SCENIC NOWHERE s’engouffre en proposant des morceaux lumineux et hors du temps. Loin  des jams qui l’ont toujours caractérisé, le songwriting est plus traditionnel, faisant la part belle au Rock Progressif, à la Funk Psyché, à quelques passages Surf Rock et même Soul Blues. L’interprétation est magistrale et Reeves Gabrels (The Cure, Bowie), Per Wiberg (ex-Opeth) et Eliot Lewis (Hall And Oates) viennent aussi prêter main forte sur cet opus aussi accrocheur qu’envoûtant. Monumental !