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Blues Rythm'n' Blues Soul

Kat Riggins & Her Blues Revival : l’éveil des sens

KAT RIGGINS chante le Blues comme elle respire et les notes de Gospel et de Rythm’n Blues, dans lesquelles elle se meut, le rendent encore plus joyeux et pétillant. Sur « Revival », elle confirme la classe dont elle a toujours fait preuve depuis ses débuts. Avec un naturel et une vivacité de chaque instant, le voyage devient vite addictif et on se laisse guider par cette voix chaleureuse et envoûtante. Une magie qui devient très vite évidente et irrésistible.

KAT RIGGINS & HER BLUES REVIVAL

« Revival »

(House Of Berry Productions)

Et de six pour KAT RIGGINS qui, deux ans après l’excellent « Progeny », surgit avec « Revival » qui n’est pas sans rappeler dans son titre son premier effort, « Blues Revival » sorti en 2016. Un réveil qui semble se faire par étape pour la chanteuse et compositrice floridienne, qui en a aussi profité pour quitter le label de Mike Zito, Gulf Coast Records. Après ces deux dernières belles réalisations qui l’auront particulièrement mis en lumière et lui valurent deux nominations aux Blues Music Awards, celle-ci devrait suivre leurs pas…

Paru il y a quelques semaines parmi beaucoup d’autres, « Revival » dénote quelque peu de son prédécesseur. Vocalement, KAT RIGGINS est toujours exceptionnelle de puissance, de polyvalence et de feeling. C’est essentiellement le contenu qui peut peut-être surprendre par son côté plus classique, plus roots aussi et donc moins moderne, mais solidement intemporel. L’Américaine et son groupe montrent une fois encore qu’ils sont à leur aise dans tous les registres et qu’il n’y a pas grand-chose qui leur résiste.

Conçu avec Tim Mulberry qui l’a produit, mixé et masterisé, la frontwoman a co-écrit l’ensemble de « Revival » et les morceaux respirent toujours cet aspect optimiste et positif, dont elle a fait sa marque de fabrique. Malgré un son un peu en dessous et étouffé (à moins que ce ne soit le numérique), KAT RIGGINS est rayonnante et porte aussi ce nouvel opus grâce à des textes enthousiasmants et pertinents (« Lucky », « Revived », « Southern Soul », « Mojo Thief », « Mighty », « Healer »). Brûlant et enjoué, « Revival » réveille les sens.

Retrouvez la chronique de « Progeny » :

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Symphonic Metal

Tarja : symphonie en enfer

Huit ans après cette prestation, la cantatrice scandinave décide sortir des cartons son concert donné au Hellfest. Accompagné d’un groupe classique, plus un violoncelle, TARJA n’avait pas manqué de faire le show devant sa fan-base française, qui avait pu apprécier et mesurer l’étendue de son talent et la solide clarté de sa voix. Unique en son genre dans le monde du Metal, la Finlandaise incarne littéralement l’aspect symphonique du style dans toute sa splendeur sur ce bon « Rocking Hells : Live At Hellfest ».

TARJA

« Rocking Heels : Live at Hellfest »

(earMUSIC)

Si vous y étiez, vous vous souvenez certainement de la performance de TARJA le 19 juin 2016 sur la main stage du Hellfest. Ses fans en tout cas étaient aux anges, puisque la chanteuse venait juste de sortir « The Brightest Void » et s’apprêtait à dévoiler « The Shadow Self », quelques semaines après ce passage. Deux albums dans la même année est une chose suffisamment rare pour être souligné, même avec trois reprises parmi lesquelles on retrouve d’ailleurs ici la non-essentiel « Supremacy » de Muse. Un faute de goût pardonnée.

Car il n’y a rien à redire de « Rocking Hells : Live At Hellfest », on pardonnera aussi que le set livré à Clisson ne soit pas dans son intégralité, trop long certainement. Comme souvent dans les festivals, la tracklist contient des morceaux parmi les plus percutants de la frontwoman à commencer par « No Bitter End », extrait du dernier opus en date de TARJA à l’époque. Non seulement, il affiche une pleine puissance, mais il lui permet aussi de mettre tout de suite les choses au clair concernant ses légendaires capacités vocales.

Si TARJA mène une belle carrière solo depuis son départ de Nightwish, il faut reconnaître qu’à ce moment-là ses albums n’étaient encore du même calibre, mais elle s’est bien rattrapée par la suite. Cela dit, les versions de « Ciaran’s Well », « Calling From The Wind » et « Victim Of Ritual » sont imparables et irréprochables, tout comme l’excellent medley de titres de son ancienne formation « Tutankhannen/Ever Dream/The Riddler/Slaying The Dreamer », qui a enflammé les adeptes de Metal Symphonique présents. Un beau souvenir.

Photo : Philippe Bareille

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Metal Progressif Rock Progressif

Wedingoth : en prise directe

Très bien accueilli par le public et les critiques lors de sa sortie, WEDINGOTH a décidé de surfer sur l’engouement suscité autour de « Five Stars Above » pour enregistrer et filmer un concert donné dans sa ville en vue de la parution d’un CD et d’un DVD. « Five Stars (A)Live » reprend donc l’ensemble des morceaux, et dans l’ordre, de leur précédente production et sur une petite heure, le Rock/Metal Progressif des Français se montre tout aussi immersif qu’en studio et l’attention des fans présents renforce encore ce sentiment d’immédiateté.

WEDINGOTH

« Five Stars (A)Live »

(Independant)

Avec la sortie de son quatrième opus l’an dernier, WEDINGOTH avait un peu créé la surprise, tant « Five Stars Above » montrait un niveau de jeu remarquable. Suite à quelques changements de line-up, le groupe a désormais trouvé la stabilité depuis « A Love In The Crowd » (2016) et n’a depuis de cesse de peaufiner son style dans une veine progressive où se côtoie Rock et Metal. Guidé par une frontwoman dont le chant tout en nuances révèle une identité profonde, la formation confirme ici son savoir-faire sur scène. 

Enregistré le 27 mai 2023 à ‘La Rotonde’ à Lyon, WEDINGOTH a donc joué à domicile l’intégralité de son album studio devant un public conquis et tout acquis à sa cause. Très bien capté, le résultat est à la hauteur des attentes, autant au niveau du son que de la prestation exemplaire des Rhodaniens. La musique du quatuor prend tout son sens en live, ce qui offre aussi un aspect plus brut et direct. Plus musclés et moins arrangés que sur disque, les titres gagnent en proximité et la différence est nette.

En jouant pleinement la carte de la parité, WEDINGOTH libère également une sensibilité assez rare, et l’entente vocale entre Céline Nephthys et la bassiste Manon Fortin sur les chœurs est parfaite. De leur côté, Stéphane Rochas (batterie) maintient le cap, tandis que Steven Segarra, fondateur et guitariste, livre une performance sans faute et irrésistible. Et si « Five Stars (A)Live » s’écoute dans son entier, on retiendra les versions de « Masterpiece Of Life », « Time », « Cross The Mirror » et l’incontournable « My Own Sacrifice ». Classe !

Photo : MAAO

Retrouvez la chronique de « Five Stars Above » :

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Americana Blues Rock Country-Rock

Jax Hollow : une voix dans l’Amérique

Si JAX HOLLOW a basé sa réputation grâce à des concerts enflammés et un Blues Rock pied au plancher, la songwriter originaire du Massachussetts a de très nombreuses cordes à son arc. Avec « Come Up Kid », celle qui vit désormais dans la ‘Music City’ du Tennessee, n’a pas mis longtemps à en saisir des codes artistiques aussi riches que nombreux, et nourrit désormais son registre de saveurs Americana, Country et Folk. Porté par une production somptueuse et très organique, elle détonne dans un paysage où elle vient apporter de la fraîcheur et une véritable bouffée d’air frais sur des sonorités Indie et très libres.

JAX HOLLOW

« Come Up Kid »

(Independent)

Elle l’avait révélé il y a quelques semaines ici même, ce nouvel opus serait plus intime, plus personnel et sa direction ne serait peut-être pas non plus celle que l’on attend de la flamboyante guitariste-chanteuse. Il faut reconnaître que de ce côté-là, la surprise est belle et elle est de taille. Car si « Come Up Kid » s’ouvre sur « Changing Suits », suivi de « Easy Or Harder ? », deux morceaux plein d’allant, c’est un aspect plus délicat et aux teintes acoustiques plus présentes que nous présente JAX HOLLOW. Et la jeune Américaine semble aussi plus imprégnée de ce que peut apporter Nashville en termes de couleurs musicales.

Dès « Keeping My hands Busy », c’est cette fibre qui ressort, tout comme sur le single « Don’t Call Me Baby » et ensuite « Fallout » et son violon. La musicienne avait présenté son nouvel effort comme étant une sorte de biographie de ses deux dernières années, faites de hauts et de bas. Et c’est vrai qu’en cela, son Americana se prête beaucoup plus à la narration, ce qui ne l’empêche pas d’assurer de belles envolées guitaristiques, passant de l’acoustique à l’électrique avec la même dextérité. Sorte de catharsis, « Come Up Kid » apparaît presque comme une libération pour JAX HOLLOW qui resplendit littéralement au chant.

Accompagnée par un groupe irréprochable et d’un feeling irrésistible, c’est sans doute la première fois aussi que la voix de la chanteuse prend une telle dimension. Capable d’une extrême sensibilité comme d’une puissance claire (« Corner Store Jay’s », « Blazing Glory », « Stone Cold Sober »), elle se balade d’un style à l’autre, d’une ambiance à une autre en jouant sur les émotions avec beaucoup de sincérité, comme sur la poignante chanson-titre ou la très country « Birds On A Wire ». Enfin, JAX HOLLOW clôt ce très bon disque avec le touchant « Sycamore St » pour un final de toute beauté en guitare et piano. Rayonnante !

Retrouvez son interview accordée au site il y a quelques semaines :

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Acoustic Rock

Seraina Telli : une simplicité passionnée

Depuis qu’elle mène sa carrière comme bon lui semble, l’artiste helvète va de surprise en surprise. Ayant délaissé le Metal pour un Rock plus mélodique, mais efficace et dynamique, SERAINA TELLI peaufine et approfondi son style. Avec « Black’n’White Sessions », ce sont d’autres nuances de ses deux productions, « Simple Talk » et « Addicted To Color », qu’elle parcourt plus sobrement, mais avec beaucoup de sincérité. Produit avec Rico Horber, ce double-album, où les invités se succèdent, est peut-être le plus abouti depuis ses débuts en solo.

SERAINA TELLI

« Black’n’White Sessions »

(Metalville Records)

Cinq ans plus tard, on en aurait presqu’oublié que SERAINA TELLI fut la frontwoman de Burning Witches, tant elle a réussi à imposer un style très personnel dans un registre plus Rock, mais toujours aussi solide. Resplendissante sur « Addicted To Color » l’année dernière, elle réapparait cette fois avec un troisième album assez spécial et très acoustique où l’on découvre une autre facette de la chanteuse et guitariste. En effet, elle a décidé d’offrir des versions épurées, et pleines d’énergie, de ses chansons.

« Black’n’White Sessions » est constitué des meilleurs morceaux de ses deux premières réalisations, 15 titres au total auxquels SERAINA TELLI a réservé un traitement plus intime. Et la Suissesse ne donne pas pour autant dans une ambiance feu-de-camp. S’accompagnant à la guitare et au piano avec quelques percussions sur certains titres, elle se montre d’une puissance étonnante et confirme, pour ceux qui en douteraient encore, qu’elle est une grande chanteuse. Et le deuxième CD en est d’ailleurs la preuve éclatante.

Car la seconde partie de « Black’n’White Sessions » présente plusieurs duos de haut vol, l’occasion à nouveau pour la multi-instrumentiste de laisser parler sa puissance vocale. Captivante avec Clementine Delaunay de Visions Of Atlantis, Anna Murphy (ex-Eluveitie, Cellar Darling) ou Lee Aaron, SERAINA TELLI joue aussi sur les contrastes avec Chris Boltendahl de Grave Digger, Britta Görtz et John Diva notamment. Très polyvalente, elle s’impose avec force et passion. Un très beau et très positif double-album.

Retrouvez le chronique de « Addicted To Color » :

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Psych Prog Rock 70's Soul / Funk

Rosalie Cunningham : out of time

Comme toujours, la vie rayonne de gaieté sur ce nouvel opus de ROSALIE CUNNINGHAM. Avec « To Shoot Another Day », la Britannique nous plonge dans les 70’s avec une joie omniprésente. Très riche musicalement et d’une énergie contagieuse, ses chansons ont ce point commun de toutes évoluer dans une ambiance très psychédélique, progressive aussi,  avec une liberté éclatante et sans se soucier vraiment d’une certaine nostalgie palpable, mais dont elle joue d’ailleurs avec malice et une désinvolture très élégante.

ROSALIE CUNNINGHAM

« To Shoot Another Day »

(Esoteric Recordings)

Décidemment, depuis le split de son groupe Purson en 2016, celle qui a aussi joué avec Jack White, vit un début de carrière en solo épanouissant. Après un premier album en 2019 suivi de l’excellent « Two Piece Puzzle » (2022), ROSALIE CUNNINGHAM a même sorti le très bon « Live At Capela » dans la foulée et nous revient aujourd’hui avec son troisième effort studio. Une fois encore, la jeune Anglaise se montre aussi surprenante que talentueuse et l’audace musicale dont elle fait preuve est juste incroyable.

La chanteuse, multi-instrumentiste et compositrice fait preuve d’une créativité débordante et « To Shoot Another Day » nous ballade dans des contrées Psych entre Rock, Soul, Funk et Blues avec une saveur vintage aussi délicate qu’authentique. Comme d’habitude, ROSALIE CUNNINGHAM s’est occupée de tout dans son home-studio avec la complicité de son guitariste et compagnon Rosco Wilson, qui a co-écrit quatre morceaux et participé au mix. Et les ambiances sont variées et chaleureuses pour devenir vite addictives.

Cela n’aura échappé à personne, le titre de cette nouvelle réalisation est un clin d’œil au légendaire James Bond, dont le thème de « Die Another Day » est repris dès le premier titre éponyme. Et l’atmosphère très cinématographique que l’on retrouve aussi sur la pochette se propage sur l’ensemble du disque à travers des chansons très soignées, pleines de paillettes sonores scintillantes et parfois dramatiques. Vocalement, ROSALIE CUNNINGHAM fait une véritable démonstration alternant fougue et douceur avec beaucoup de sensibilité.

Photo : Blackham Images

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Blues Blues Rock Contemporary Blues International Soul

Eva Carboni : the way of the voice [Interview]

Italienne et insulaire, EVA CARBONI n’avait, a priori, pas de prédisposition naturelle pour le Blues. Et pourtant, depuis quelques disques maintenant, elle a parfaitement réussi à imposer sa voix, mais aussi un registre qui parcourt sans retenue, et va même parfois au-delà, l’univers des notes bleues. Ce mois-ci est sorti « Blues Siren », un troisième album qui, comme son nom l’indique, est captivant à plus d’un titre et il est même difficile de s’en défaire facilement. Aujourd’hui installée à Londres, la chanteuse multi-culturelle continue de façonner un chant expressif et sincère entourée d’une équipe de haut-vol. L’occasion de revenir avec elle sur son parcours et également sa vision de la musique, de ce qu’elle apporte et aussi ses intentions pour l’avenir.

– Avant de parler de ce nouvel album, « Blues Siren », j’aimerais que l’on revienne sur ton parcours. Tu es née en Sardaigne, qui n’est pas véritablement une terre de Blues. De quelle manière l’as-tu découvert et surtout comment est venue cette envie de le chanter ?

Tout d’abord, je tiens à te dire que mon père est né et a grandi en France. Alors autrefois, je parlais très bien le français. Mais aujourd’hui, je suis très rouillée ! (Sourires) Il chantait beaucoup quand il était jeune, même s’il s’est ensuite consacré à autre chose. Mais enfant, il me faisait chanter des chansons de Gilbert Bécaud et d’Edith Piaf, assise sur la table de la cuisine pendant qu’il faisait la vaisselle. Dans notre maison, on écoutait toujours beaucoup de bonne musique et dans des styles très différents… C’est comme ça que j’ai découvert Janis Joplin. J’ai alors été frappée par la foudre, alors que je n’avais seulement que 11 ou 12 ans.

– Par la suite, tu es partie pour Los Angeles où tu as obtenu ton diplôme de chant à la prestigieuse ‘Vocal Power Academy’ avec la très réputée Elisabeth Howard. En quoi cette école a-t-elle un passage obligé et est-ce là que tu as véritablement trouvé ‘ta voix’ ?

Oui, la ‘Vocal Power Academy’ est arrivée plusieurs années après. J’ai un peu vagabondé, puis j’ai rencontré Elisabeth Howard en Italie dans une masterclass, et j’en suis tombée amoureuse. Ensuite, je l’ai rejointe à Los Angeles où j’ai pu approfondir mes connaissances avec sa super méthode. J’ai aussi beaucoup travaillé sur moi et sur ma voix, en revoyant finalement tout ce que j’avais appris auparavant. Je voulais qu’elle résonne librement, sans tension et qu’elle devienne un instrument qui me permette d’exprimer tout ce que je ressentais à l’intérieur de moi. Je l’ai ensuite cultivée et soignée avec amour et curiosité.

– Étonnamment, c’est ensuite en Angleterre aux côtés du guitariste et compositeur Mick Simpson que tu trouves l’association parfaite, puisque vous travaillez toujours ensemble. On aura pu penser que tu serais restée aux USA, berceau du Blues, et pourtant c’est à Londres, où tu vis aujourd’hui d’ailleurs, que tu t’épanouies. Tu as plus d’affinités avec le British Blues, ou c’est juste un concours de circonstance ?

Ma rencontre avec mon ami, le grand guitariste et auteur-compositeur-interprète Mick Simpson, m’a fait entrer dans une famille britannique fantastique et magique. Il m’a présenté à mon producteur Andy Littlewood, qui est aussi musicien, auteur, interprète et un compositeur incroyable avec qui je collabore depuis 2017. J’adore chanter du Blues britannique et aussi made in USA. J’aimerais d’ailleurs faire une tournée aux Etats-Unis bientôt et pouvoir rendre visite à mes amis américains.

– Tu es également compositrice et tu co-signes plusieurs chansons de « Blues Siren ». Dans quel domaine interviens-tu le plus ? On imagine que les paroles ont une place particulière dans ton univers musical…

Quand j’ai l’inspiration pour écrire une chanson, elle me vient comme une histoire à raconter. La musique et les paroles naissent pratiquement ensemble. Pour moi, c’est comme recevoir un cadeau et j’en suis très reconnaissante. Je me laisse guider par ma voix intérieure. « Blues Siren », par exemple, m’est venue alors que je réfléchissais à ma vie et à celle de tous mes merveilleux amis, qui ont rendu ce monde plus beau avec leur voix. Cette chanson, sérieuse et avec une légère ironie, contient un peu de moi, un peu de toutes les grandes reines du Blues et un peu aussi des moins connues, mais qui n’en sont pas moins de grandes chanteuses de Blues. Elles ont toutes ouvert leur cœur pour donner de douces émotions à travers leur chant.

– « Blues Siren » est ton troisième album après « Italia Square » (2019) et « Smoke And Mirrors » (2022), auxquels il faut ajouter quelques singles et l’EP « In The Name Of The Blues ». Je me suis amusé à écouter ta discographie de manière aléatoire et c’est incroyable de voir à quel point il y a une intemporalité dans ta musique au point que c’est difficile de dater tes chansons. Est-ce que c’est ce que tu cherches avant tout à travers tes disques ? Qu’ils soient hors du temps ?

Oui… Avec Andy, on suit le flux du moment. C’est aussi parce que, pour moi, le temps n’existe pas… Mais là, c’est un peu plus compliqué à expliquer ! (Sourires) Et je suis très contente que tu aies écouté toute ma discographie, merci !

– « Blues Siren » vient donc tout juste de sortir, mais il y a quelques mois tu nous as fait patienter avec l’EP « In The Name Of The Blues », qui est d’ailleurs plus Rock et plus rugueux que ton répertoire habituel. Pour quelles raisons as-tu sorti ce format-court ? Ce sont des chansons que tu avais de côté depuis un moment déjà, ou est-ce peut-être parce qu’elles ne s’intégraient pas vraiment dans ce troisième album ? Car il est assez différent, y compris dans le son…

En fait, « In the Name of the Blues » est arrivé comme un double-single avant la sortie de l’album. Et comme nous avions déjà beaucoup de chansons, c’est devenu un EP. Nous avions un tas d’idées et nous y sommes allés doucement ! Cela dit, même sur « Blues Siren », il y a beaucoup de Rock, des chansons comme « Don’t Get In My Way », « Walking A Tightrope », ou « Alive And Breathing » le sont définitivement. L’album alterne avec des morceaux aux saveurs différentes et qui vivent tous ensembles en harmonie.

– Vocalement, tu t’inscris depuis tes débuts dans la tradition des grandes chanteuses de Blues et de Soul comme Etta James ou Aretha Franklin, grâce à une voix à la fois sensuelle et puissante. Curieusement, tu vas un peu à contre-courant des chanteuses actuelles qui jouent un Blues moderne plus Rock et explosif. Est-ce que, finalement, le secret ne vient-il pas du travail que tu fais sur les atmosphères ?

Comme je te le disais, j’aime beaucoup jouer avec ma voix et c’est souvent la chanson qui m’inspire et m’invite à la suivre. Sur certains titres, je chante ce que je suis, dans d’autres, je raconte une histoire en étant spectatrice. Cela peut se faire de manière plus intime, limpide ou explosive. Dans le monde du Blues, il y a beaucoup de chanteuses et de chanteurs fantastiques et authentiques et chacun suit ce qu’il ressent à ce moment-là. Cette diversité est belle et c’est génial qu’elle existe. Je n’aime pas me coller une étiquette et je ne pense pas que quiconque aime cela d’ailleurs. Beaucoup d’artistes, femmes et hommes, ont toujours aimé parcourir ce style à travers différentes atmosphères et expérimenter en permanence.

– D’ailleurs, si tu évolues dans un registre Blues au sens large du terme, il y a de nombreuses influences Soul et Jazzy avec un côté feutré et une certaine dramaturgie dans ton répertoire. C’est finalement cette chaleur très présente sur tes albums que tu recherches tant dans les textes que musicalement, comme une façon de capter intensément l’attention de l’auditeur ? On a presque le sentiment que tu ne veux rien manquer du vaste monde du Blues. Et en fin de compte, rien ne te résiste, non plus. C’est important pour toi de ne pas te restreindre à un seul courant ?

J’ai eu la chance d’étudier intensément de nombreux styles vocaux et chacun m’a laissé quelque chose. Au départ, le Blues ne nous est pas venu très naturellement, à nous les Européens. C’est une question de culture, bien sûr. Nous ne sommes pas nés noirs, ni en Amérique. Mais nous pouvons nous imprégner, écouter et intégrer en nous ce qui vient de ceux qui ont respiré le Blues depuis leur enfance et nous l’approprier à notre manière. Elisabeth m’avait dit une fois qu’elle avait même dû enseigner le Blues à des élèves noirs, qui avaient été adoptés par des blancs en Amérique.

– Juste avant « Blues Siren », tu as aussi sorti quelques singles comme « Winter Of 51 », « The Magic » et une version étendue incroyable de « Call My Name », toujours avec ton complice Mick Simpson. Ce sont des chansons qui n’étaient pas prévues pour un album, ou est-ce que, dans ce nouveau monde numérique, c’est aussi une façon de rester présente pour tes fans et à travers les réseaux sociaux ?

Parfois, Andy et moi essayons de tenir compagnie à nos amis et aux fans qui nous suivent avec quelques chansons, même en version single ou sur un EP. On le fait en attendant l’arrivée du nouvel album qui, comme tu le sais bien, demande parfois un peu plus de temps que prévu. « Winter Of 51 » et « Call My Name » font toutes deux partie d’un album. Pour « Call My Name », Mick avait joué un très long et très beau solo en studio. C’était si intense et touchant que nous avons décidé de le présenter dans une version augmentée. « The Magic », quant à elle, est une chanson que nous avons sortie à Noël dernier. Elle est pour moi très spéciale et sincère.

– Enfin, 2024 a été une belle et riche année pour toi avec un EP et un album complet. J’imagine que 2025 sera consacrée essentiellement à la scène, à moins que tu ne travailles déjà sur le successeur de « Blues Siren » ?

Oui, je compte désormais me consacrer intensément au live et avec un super groupe anglais. Mais… De nouvelles chansons bourdonnent déjà dans nos têtes. Je vous tiendrai au courant de tout ça plus tard ! (Sourires)

Le nouvel album d’EVA CARBONI, « Blues Siren »  est chez Mad Ears Productions et sur le site de l’artiste : https://evacarboni.com/

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Electro Ethnic Musique celtique Neo-Folk

Widilma : des terres et des îles

Après des débuts en solo et plusieurs albums, puis une escapade avec Skilda, c’est dorénavant au sein de WIDILMA que le chant de Kohann se pose et continue de s’aventurer avec son partenaire Konan Morel, chef d’orchestre de ces balades celtiques intemporelles. C’est une nouvelle plongée depuis le néolithique jusqu’à l’âge de bronze que nous offre « Silina » sur fond d’Electro et de néo-Folk, où les instruments traditionnels guident et donnent la voie. Le monde de la formation bretonne paraît très proche dans sa modernité, tout en restant une transmission véritable et toujours très captivante.

WIDILMA

« Silina »

(Independant)

Deux ans après un premier album, « Brixtia », et un passage très remarqué à la dernière édition du festival Motocultor sur ses terres bretonnes, WIDILMA réapparaît avec une deuxième réalisation un peu spéciale. Le duo a en effet décidé de revisiter une partie de son répertoire avec une approche plus électronique, mais toujours aussi envoûtante. L’effet de transe est même augmenté sur certains morceaux et le voyage dans ces îles mystérieuses, sur les Hautes Terres de Kembre avec les créatures qui les habitent est encore saisissant.

Entourées par l’océan, à Uxsama, Silina et Siata, WIDILMA prolonge le plaisir de cette exploration tribale, où s’entremêlent les chants et les mots secrets distillés en gallois, breton et en gaulois. Très imagé, le langage emprunté évoque des temps anciens, même si la couleur musicale est résolument moderne. La chanteuse Kohann et le multi-instrumentiste et producteur Konan Mevel ont créé un univers personnel, pourtant universel, qui vient témoigner d’une culture civilisationnelle qui perdure et se réinvente au fil des morceaux.

Entre mythe et ésotérisme, des saveurs chamaniques pénètrent « Silina » et ce n’est pas un hasard si la chouette vient survoler le morceau « Hi Blaidd » ou l’aigle « Eryr », tandis que le pibgorn se fait aussi entendre sur « Runa Inis ». L’aspect parfois technoïde de certains passages rend l’atmosphère de certains titres moins contemplative, mais toujours très hypnotique. Celte et pagan, WIDILMA travaille son identité avec beaucoup d’originalité et la voix de Kohann nous berce et nous emmène dans une ambiance énigmatique réconfortante.

Retrouvez la chronique du premier album :

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Alternative Metal Metal Progressif Modern Metal

Black Note Graffiti : une intense sincérité

Grâce à un son très actuel et organique, BLACK NOTE GRAFFITI réussit le tour de force de concilier l’énergie des groupes Fusion des années 90 avec l’approche assez neuve de la scène Alternative Metal d’aujourd’hui. Pour leur quatrième album, les Américains livrent des titres bien rentre-dedans, tout en présentant des morceaux distinctifs entre rage et mélodies appuyées. « Resist The Divide » est un disque qui a beaucoup de sens et la technique à l’œuvre en fait une petite surprise… et une belle confirmation.

BLACK NOTE GRAFFITI

« Resist The Divide »

(Golden Robot Records)

Originaire du Michigan, BLACK NOTE GRAFFITI fait partie de ces groupes difficile à définir. Sur un fond progressif, le quintet développe des sonorités alternatives, très Rock aussi sur des mélodies accrocheuses, afin d’obtenir un style assez unique. Ce qui importe d’abord chez lui, c’est cet incroyable travail effectué, tant sur la musique que sur les émotions qu’elle diffuse à travers les textes. Depuis « Volume I » paru en 2013, son Metal est en pleine ébullition, devient aussi plus personnel et percute avec beaucoup d’ardeur et de conviction.

Déjà sur son « Volume III » décliné en deux parties, « Fall » et « Rise » en 2020, BLACK NOTE GRAFFITI avait sérieusement élevé son niveau et « Resist The Divide » vient confirmer ses intentions. Pour ce quatrième album, la production a été confiée à Josh Schroeder (Lorna Shore, Butcher Babies) et l’impact est manifeste. Sur de gros riffs et une solide rythmique, Gabrielle-Gloria se montre très en verve et la frontwoman déploie ici des facultés vocales explosives, polymorphes et une belle assurance.

Avec son petit côté RATM et Deftones dans l’accroche et sur la vivacité brute et directe des guitares, BLACK NOTE GRAFFITI possède un jeu moderne et percutant. « Resist The Divide » aborde des sujets traumatiques avec force et que la chanteuse semble littéralement vivre, tant elle apparaît habitée et offre beaucoup de sincérité et d’authenticité au propos (« Place You Lie », « The Source », « Drown », « Black Roses », « Paradox »). Accrocheur de bout en bout, le combo installe sa vision du Metal avec talent et puissance.

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Melodic Metal

Autumn’s Grief : the complete trilogy

De plus en plus personnel, le Melodic Metal d’AUTUMN’S GRIEF devient vraiment convaincant et la prestation, chaque fois plus poussée de sa chanteuse, n’y est sûrement pas pour rien. Cependant, pour ce dernier volet de leur trilogie, les Finlandais se montrent surprenants en n’hésitant pas à alterner des morceaux pêchus et solides avec des ballades suspendues dans le temps. Très bien arrangé et produit, « Dead Among The Living » ne manque ni d’impact, ni de finesse et l’on se laisse porter par un chant envoûtant, aussi délicat que puissant.

AUTUMN’S GRIEF

« Dead Among The Living »

(Inverse Records)

Dès ses débuts, AUTUMN’S GRIEF s’est montré audacieux en se lançant immédiatement dans une trilogie, dont voici le chapitre final. En trois ans seulement sont sortis « The Dead Don’t Smile » (2021), « The Dead By The Dawn » (2022) et voici « Dead Among The Living ». Le concept semble assez évident et la musique du trio (quatuor sur le disque) va bien sûr dans ce sens. Son Metal mélodique est sombre et mélancolique, robuste aussi, et ce malgré la forte présence des claviers consistant surtout à développer des nappes.

Composé de Noora Virtanen (chant), Santtu Rosén (guitare, basse) également membre du combo de Death Metal Melodic ‘Dead End Finland’ et de Ville Skön (claviers) avec la participation du batteur de session Jarno Petterinen, AUTUMN’S GRIEF aborde ce troisième album avec beaucoup de maîtrise et d’expérience. « Dead Among The Living » s’inscrit dans la continuité de ses deux prédécesseurs et on retrouve l’atmosphère et un jeu varié, notamment dans les tempos… Et le groupe a gagné également en précision.

Le voyage des Scandinaves a des allures très cinématographiques et la construction narrative des albums-concepts permet de poser ces ambiances, ici très subtilement, avec des moments contemplatifs et des accélérations plutôt bienvenues. Il faut aussi préciser que la voix de mezzo-soprano de sa frontwoman permet à AUTUMN’S GRIEF s’atteindre des sommets, même si celle-ci évolue librement en restant assez sobre (« The Absolution », « Perfectly Flawed », « Pushing Up The Daisies », « The Skyclad Spell », « The Failure »).