Aérienne et captivante, la nouvelle réalisation d’AIRBAG vient confirmer l’assise du combo dans l’univers du Prog. La qualité est encore au rendez-vous et devient même sa principale caractéristique. Les solos de guitare de toute beauté, la délicatesse du chant et le groove imparable mêlés à des claviers somptueux offrent un lustre incroyable à un ensemble qui ne souffre d’aucun défaut. Avec « The Century Of The Self », le trio brille par une interprétation pointilleuse et des titres dans lesquels on plonge avec plaisir.
AIRBAG
« The Century Of The Self »
(Karisma Records)
Devenu en quelques années la figure incontournable et la référence du Rock Progressif norvégien, le trio s’est donné quatre ans pour livrer un sixième album très attendu. Depuis deux décennies et la sortie de son premier EP « Come On In », le style s’est considérablement personnalisé pour être aujourd’hui plus identifiable que jamais. Désormais loin des Porcupine Tree et Pink Floyd, auxquels on les compare avec faiblesse depuis toujours, AIRBAG fait du AIRBAG et c’est incontestable. Et encore plus ici d’ailleurs.
La question est surtout de savoir si le groupe est capable de faire aussi bien, sinon mieux, que l’éclatant « A Day At The Beach » (2020) qui avait frôlé la perfection dans le domaine. Et la réponse est qu’Asle Tostrup (chant, claviers, programmation), Henrik Bergan Fossum (batterie) et Bjørn Riis (guitare, basse, claviers et chœurs) ont fait bien plus que récidiver. Toujours aussi organique, puissant et limpide, « The Century Of The Self » fait d’AIRBAG un modèle du genre, tant au niveau de sa créativité que de la production présentée.
En l’espace de cinq morceaux s’étendant de près de sept minutes à plus de 14, les Scandinaves font étalage de leur technicité et de leur feeling sur ce nouvel opus, dont le titre en dit déjà long. On y parle de cancel culture, de mensonges et de peur sans pour autant que « The Century Of The Self » ne sombre dans la morosité ambiante. Immersif et jouant sur les émotions, AIRBAG lance une invitation à un voyage sublime où la virtuosité impressionne (« Dysphoria », « Tyrants And Kings », « Tear It Down »). Brillant… encore !
Enregistré au Subsonic Society Studio d’Oslo où le trio avait enregistré son cinquième album, « A Day At The Beach » (2020), AIRBAG nous a récemment fait la bonne surprise de présenter une session acoustique de six morceaux. Aussi brillants que sur leur récent opus, les Norvégiens évoluent cette fois dans une formule plus épurée, et d’où se dégage une belle émotion. Retour avec Bjørn Riis, guitariste et chanteur du groupe, sur les derniers mois des Scandinaves, également privés de tournée.
– Lors de notre dernière interview, tu étais ravi de la sortie de « A Day At The Beach », qui est d’ailleurs l’un de vos meilleurs albums. Imaginais-tu l’impact que la pandémie aurait sur le monde de la musique à l’époque ?
Pas du tout. Je suppose que nous pensions tous que ce serait terminé au bout de quelques mois, et ce n’est toujours pas le cas. Et je crains aussi que nos gouvernements ne fassent tout ce qu’ils peuvent pour ruiner toute l’industrie musicale.
– Avant de parler de ce nouveau disque acoustique, j’aimerais que l’on revienne sur votre dernier album studio. Quel accueil a-t-il reçu malgré l’absence de concert ?
La réponse a été phénoménale. Bien que nous ne puissions promouvoir l’album au sens traditionnel du terme, nous avons eu des ventes et des critiques bien au-delà de nos attentes. Nous avons essayé de rester en contact avec nos fans via les réseaux sociaux et d’une certaine manière, la pandémie nous a peut-être rapprochés.
– L’annulation des tournées a du être très frustrante. Quel a été le déclic pour retourner en studio où vous aviez enregistré « A Day At The Beach » pour y concevoir cette superbe session acoustique ?
Nous avons vu beaucoup de groupes faire ce genre de sessions lors des confinements. Nous avons reçu plusieurs offres pour des diffusions en direct, mais l’idée ne nous a pas vraiment plu. Nous voulions enregistrer et filmer quelque chose qui pourrait à la fois être diffusé sur les réseaux sociaux et nous permettre de rester en contact avec nos fans, et aussi laisser une trace physique pour être sûr que tout le monde ait la chance de vivre cela correctement.
– AIRBAG est un trio depuis deux enregistrements maintenant. Est-ce que, justement, cela a facilité les arrangements de vos morceaux en version unplugged, ou est-ce quelque chose que vous faites régulièrement en répétition, notamment ?
Nous avons fait des versions acoustiques de certaines de nos anciennes chansons lors de notre dernière tournée. Nous savions donc déjà comment tout arranger depuis cette expérience. Et cette fois, Henrik (Bergan Fossum, batterie – NDR) joue également de la guitare acoustique et contribue au chant.
– Les morceaux que vous reprenez sont riches en arrangements sur les versions originales. J’imagine qu’il vous a fallu les épurer. Comment avez-vous procédé ?
La plupart de nos chansons commencent sur une guitare acoustique, donc même les morceaux les plus lourds comme « Machines and Men » et « Sunsets » se traduisent très bien dans ce format. Il s’agissait plus de déterminer quelles parties de guitare inclure et de partager cela entre Henrik et moi. Asle (Tostrup, chant, claviers – NDR) a fait toutes les voix principales, tandis qu’Henrik et moi avons partagé l’accompagnement et travaillé les harmonies.
– Vous interprétez donc trois morceaux du dernier album. Comment les avez-vous choisis ? Il y avait certains critères, ou ceux-ci vous ont paru les plus marquants et emblématiques du disque ?
Il y a déjà deux instrumentaux, et « Megalomaniac » ne se traduisait pas très bien en format acoustique. J’avais écrit avec une guitare acoustique « Machines And Men », « Sunsets » et « Into The Unknown » et donc je savais qu’ils avaient tous les bons critères. Et puis, une bonne mélodie et un bon arrangement fonctionnent tout aussi bien dans ce format unplugged.
– Puis, vous reprenez aussi deux de vos classiques, « Colors » et « Sounds That I Hear ». Finalement ça ressemble à un début de setlist de concert. Vous aviez déjà en tête les nouvelles versions de ces morceaux ?
Ce sont les deux chansons que nous avons interprétées en acoustique lors des tournées précédentes. C’était aussi l’occasion pour nous de revenir sur notre premier album, « Identity » (2009 – NDR), qui a fêté ses 10 ans il y a deux ans, et dont nous avons fait une réédition vinyle de luxe cette année.
– On découvre aussi « Come On In », seul titre inédit. L’avez-vous spécialement composé pour ce disque, ou est-ce qu’il était déjà prévu pour « A Day At The Beach » ?
C’est en fait l’une des toutes premières chansons que nous ayons écrites ensemble sous le nom d’AIRBAG. Nous avions enregistré un EP promotionnel en 2004, et nous avons toujours adoré ce morceau. La version originale est très atmosphérique et subtile, et a sans doute aussi posé les bases de la manière dont nous écririons et produirions nos futurs albums.
– On ressent beaucoup d’émotion sur ces six morceaux. C’est du à cette nouvelle approche musicale, ou surtout à la pénible situation sanitaire, qui vous a d’ailleurs peut-être aussi pousser à entrer en studio ?
Je ne pense pas que nous avions la pandémie en tête lorsque nous avons fait cela. Du moins, pas consciemment. C’est donc un format qui nous est très familier et naturel. Je pense que l’émotion que l’on entend est la même que lorsqu’on nous entend sur une grosse production.
– D’ailleurs, « A Day In The Studio » est accompagné d’un DVD de cette session. Offrir ce témoignage vidéo est aussi une manière de vous rapprocher de vos fans et de garder un contact peut-être plus concert ?
Je me souviens des sessions ‘unplugged’ de certains de mes groupes préférés pour MTV au début des années 90, et j’écoute encore beaucoup ces albums : Neil Young, Kiss, Queensrÿche, etc… C’est une expérience très intime et inclusive, et je pense que nos fans apprécient que nous proposions quelque chose de différent, et aussi un aperçu de la façon dont nous écrivons et travaillons en studio.
– A priori, la pandémie reste toujours hors de contrôle en Europe où des concerts commencent même à être annulés. Comment et dans combien de temps envisagez-vous le retour d’AIRBAG sur scène ?
Nous avons dû déplacer tous nos concerts de ce printemps à l’automne prochain. C’est frustrant, mais encore une fois, nous avons des emplois et un revenu stable. Je ne peux pas imaginer à quoi ressemble la vie des autres musiciens, promoteurs et équipes de scène. C’est frustrant pour nous, parce que nous voulons sortir et passer un bon moment avec nos fans. Pour les gens qui en dépendent directement, ce doit être un cauchemar et j’ai beaucoup de craintes pour toute l’industrie musicale.
L’album d’AIRBAG, « A Day in the Studio / Unplugged in Oslo » est disponible chez Karisma Records depuis le 3 décembre.
Retrouvez la première interview du groupe pour Rock’n Force :