Catégories
Desert Rock Drone International post-Rock

SoftSun : l’art de la patience [Interview]

Est-ce par désir de quitter une certaine zone de confort musicale, ou alors pour en découvrir vraiment une toute nouvelle qui leur permettrait de pouvoir pleinement s’exprimer que Pia Isa (chant, basse) et Gary Arce (guitares) se sont retrouvés dans un registre bien à eux ?  Accompagné par Dan Joeright (batterie), le trio mêle post-Rock et Dronegaze dans des atmosphères très Desert Rock. Avec SOFTSUN, ils explorent et expérimentent, tout en affichant sur « Daylight In The Dark » des sensations très libres et aériennes, portées par la voix éthérée de sa frontwoman et avec une incroyable fluidité. Rencontre avec deux musiciens, dont l’osmose et la complicité artistique ne font aucun doute.

– Avant de parler de ce premier album de SOFTSUN, j’aimerais que l’on revienne en 2020, lors de notre rencontre virtuelle pour le premier projet solo de Pia. Avec le recul, quel souvenir en gardez-vous tous les deux et à quel point votre vision commune de la musique vous a paru si évidente ?

Pia : Nous nous souvenons tous les deux très bien de nos premières discussions sur le sujet pendant le Covid en 2020. Gary a été l’une des toutes premières personnes à qui j’ai joué un de mes propres morceaux. Et je me souviens avoir pensé lui demander de jouer dessus, mais je me suis dégonflée. (Sourires) Et quelques jours plus tard, il m’a demandé s’il pouvait essayer de jouer quelque chose et j’étais super excitée, bien sûr.

Gary : Je suppose que nous sommes tous les deux attirés par la musique douce, ouverte et spatiale et où la patience est nécessaire pour laisser les notes vraiment respirer. Et même si nous avons des approches parfois différentes sur le sujet, cela semble être une très bonne combinaison.

– Après une collaboration sur les deux albums solo de Pia, vous vous rencontrez enfin pour la première fois en personne l’an dernier. J’imagine que cela facilite les échanges artistiques et personnels aussi. A quel moment avez-vous commencé à parler du projet SOFTSUN ?

C’est tout à fait vrai. En fait, nous avons commencé à parler de faire de la musique ensemble pas mal de temps avant de nous rencontrer en personne. Mais quand nous nous sommes enfin rencontrés, tout est arrivé naturellement et s’est passé assez vite.

– Vous venez d’horizons musicaux assez différents, mais qui se rejoignent finalement assez souvent. De quelle manière avez-vous décidé et mis au point la direction musicale du groupe ?

Tu sais, la musique se fait de manière très organique entre nous. Nous jouons simplement avec notre cœur et nous aimons tester toutes les idées qui nous viennent à l’esprit.

– Tout est donc allé très vite. Mais il faut une incroyable complicité pour enregistrer un album en deux jours et demi et seulement trois répétitions. Comment expliquez-vous cette maturité artistique qui émane de « Daylight In The Dark » ?

Pia : C’est vrai. Nous avions déjà écrit quelques chansons avant que je ne parte en Californie pour la première fois. Mais nous avons écrit très vite ensemble, et après quelques séances de composition, tout s’est mis en place très naturellement lors des répétitions, puis ensuite en studio. Pour nous, il s’agissait simplement de vraiment nous connecter et de nous entendre parfaitement.

– Pia, avais-tu déjà enregistré les voix chez toi en Norvège avant d’arriver en Californie ? Est-ce que ce sont des éléments peut-être fournis par Gary en amont qui t’ont guidé dans l’écriture, ou au contraire, la musique a-t-elle été composée en fonction des paroles ?

Pia : En fait, j’ai enregistré les voix en Norvège après avoir enregistré l’album en Californie. Puis, nous avons enregistré quelques nouvelles chansons pour une autre sortie lors de mon nouveau voyage de retour. Certaines étaient donc complètes avec les paroles et les voix avant que nous nous rencontrions. Et pour les autres, tout cela s’est assemblé pendant nos séances d’écriture et les répétitions. J’ai fait quelques scratchs vocaux en studio, mais je voulais prendre mon temps pour les enregistrer. Je n’avais pas envie de me précipiter, car nous avions peu de temps de studio après l’enregistrement de tous les autres instruments.

– Outre votre rencontre, il y a aussi celle avec Dan Joeright, musicien chevronné, votre batteur sur l’album et également propriétaire du Gatos Trail Recording Studio où a été enregistré « Daylight In The Dark ». Et c’est d’ailleurs aussi lui qui mixe l’album. Comment se sont passés vos premiers échanges et a-t-il été immédiatement séduit par la direction musicale du groupe ? Car, décidemment, les planètes semblent être vraiment alignées…

Nous ne pouvons pas parler pour lui, mais nous avons vraiment eu l’impression qu’il était le batteur idéal pour notre groupe. Il s’est tout de suite intégré et cela a été très facile de jouer avec lui. Et c’est vrai que c’est aussi ce que nous avons ressenti, que tout semblait vraiment aligné pour que ce projet se réalise.

– Parlons de l’album en lui-même. Ce qui peut surprendre en l’écoutant et lorsque l’on connait l’environnement dans lequel vous vivez tous les deux, c’est que l’esprit du désert de Mojave et le froid norvégien donnent vie à un univers assez singulier. Sur quelles atmosphères et ambiances vous êtes-vous tout de suite retrouvés ?

Oui, nos environnements sont très différents, mais nous avons un rapport similaire à la nature et elle nous inspire tous les deux. Peut-être que cela a quelque chose à voir avec le sentiment de nous connecter à elle et d’apprécier le fait d’être de petites parties de quelque chose de bien plus grand que nous. Et puis, nous aimons aussi tous les deux faire de la randonnée et des promenades dans la nature pour nous échapper du monde, que ce soit dans le désert ou le long de la côte.

– Vous êtes tous les deux très prolifiques. Pia joue avec Superlynx et en solo, dont le deuxième album « Dissolve » est d’ailleurs sorti il y a quelques mois. Et Gary, on te connait au sein de Yawning Man et ses multiples ramifications, Fatso Jetson et Zun notamment. SOFTSUN développe un style encore différent en associant post-Rock et Shoegaze avec une touche Drone. L’ensemble est assez pourtant souvent contemplatif aussi. C’est cet équilibre que vous recherchiez pour cet album ?

Nous n’avons jamais pensé en termes de genre musicaux et nous ne le faisons jamais. Nous voulions simplement que notre musique soit honnête, rêveuse et douce avec de belles mélodies et un socle de base lourd et l’expression claire d’un sentiment de patience.

– Si on retrouve un côté Doom sur certains morceaux, l’aspect Stoner/Desert Rock est aussi omniprésent. Est-ce que c’est, selon vous, le style qui vous rassemble tous les deux et qui domine dans SOFTSUN, car il y a aussi cet esprit jam qui ressort énormément de vos compositions ?

Tu sais, nous ne nous identifions pas du tout à ces genres ou catégories. Nous jouons simplement la musique que nous avons envie de jouer. Ce sont toujours les autres qui étiquettent notre musique comme ça. Pour nous, nous jouons une musique douce, patiente et rêveuse, qui vient de notre cœur et avec des sentiments honnêtes. Mais oui, nous improvisons beaucoup et c’est ainsi que naissent la plupart des mélodies que l’on entend dans nos morceaux.

– L’album est vraiment plein de contrastes et les couleurs sont multiples. Et grâce à des voix assez aériennes, une basse puissante, une batterie très libre et des guitares presqu’obsédantes, SOFTSUN est unique en son genre et à vous écouter, on a l’impression que ce n’est qu’un début. Est-ce que la suite de l’aventure est déjà dans vos têtes ?

Nous avons déjà enregistré quelques chansons supplémentaires pour un split-album que nous faisons avec Yawning Man, et qui sortira l’année prochaine. Et nous commençons à planifier aussi un deuxième album. Nous envisageons également de jouer en live en 2025. Notre groupe a certainement encore beaucoup à offrir.

–  Enfin, j’aimerais que vous me disiez un mot sur le morceau-titre qui clôt l’album du haut de ses 12 minutes. Il donne vraiment le sentiment d’être la parfaite synthèse de SOFTSUN. Est-ce aussi votre avis et surtout votre intention de départ ?

Chaque chanson a été développée de manière organique et nous avons simplement joué ce que nous avions envie sans trop planifier, ni faire de calcul. Nous n’avons pas réellement une intention précise, mais cela montre clairement notre côté improvisateur et la patience que nous apprécions dans la musique.

L’album de SOFTSUN, « Daylight In The Dark », est disponible chez Ripple Music.

Photos : Aaron Farinelli et Zoe Joeright (4).

Catégories
Ethnic Neo-Folk Pagan

Heilung : communion spirituelle

Cela fait maintenant trois ans que « Lifa Iotungard » a été joué pour ses fans américains et HEILUNG avait déployé une setlist entourée de mystère au rythme de percussions tribales, de chants envoûtants et presque chamaniques. Ce nouvel appel à la nature entre incantations et prières païennes rend cette performance dynamique et toujours aussi expérimentale. L’aspect hypnotique du combo prend ici une dimension si organique qu’il est difficile de ne pas se laisser emporter dans ce tourbillon extatique.

HEILUNG

« Lifa Iotungard (Live At Red Rocks 2021) »

(Season Of Mist)

Rares sont les groupes qui parviennent à s’imposer de manière aussi incontestable au point de même devenir une référence pour beaucoup d’autres en seulement une décennie et avec uniquement cinq albums, dont deux live, à son actif. Cependant, HEILUNG a réussi ce tour de force grâce à un style original et novateur qui va pourtant puiser son inspiration dans les rituels ancestraux. Et avec « Lifa Iotungard », le voyage musical est une fois encore saisissant et la magie opère instantanément.  

Enregistré dans le magnifique écrin qu’est le fameux amphithéâtre de Red Rock dans le Colorado, « Lifa Iotungard » est un spectacle aussi sonore que visuel et pour cela le trio est entouré de sa troupe de guerriers et elle nous fait traverser les âges. Les concerts de HEILUNG sont de véritables cérémonies tribales, spirituelles et transcendantales, et ce n’est donc pas un hasard si Christopher Juul, Maria Franz et Kai Uwe Faust reviennent avec un nouvel opus live, d’ailleurs déjà capté en 2021.  

Durant une heure et demie, c’est avec cette modernité qui la caractérise que la formation propose un moment de communion entre solennité, célébration et incantation. (« Alfadhirhaiti », « Hakkerskaldyr », « Svanrand »). Depuis ses débuts, le pouvoir de fascination de HEILUNG est intact et le public présent ce soir-là a assisté à un concert captivant (« Eddansurin », « Traust »). Entre le Danemark, la Norvège et l’Allemagne, la connexion est comme toujours d’une incroyable fluidité.

Retrouvez la chronique de « Drift », sorti il y a deux ans :

Catégories
Doom Drone Psych

Pia Isa : dronic perceptions

Chanteuse et bassiste de Superlynx, la frontwoman scandinave a de multiples cordes à son arc, dont une aventure en solo qu’elle mène depuis 2021 maintenant. Avec ce deuxième opus, elle se livre un peu plus sur des morceaux où le Stoner Doom se joint à un Psych Drone hypnotique, bercé par la voix langoureuse et lancinante de PIA ISA. « Dissolve » arpente des sonorités captivantes avec talent et singularité.

PIA ISA

« Dissolve »

(Argonauta Records)

Alors qu’elle a sorti le quatrième album de son groupe Superlynx, où elle assure le chant et la basse, il y a quelques mois, PIA ISA revient en solo et donne une suite à « Distorted Chants » (2022) et surtout au EP « Burning Time » sorti en début d’année. Très occupée, elle est aussi très prolifique, puisqu’elle vient tout récemment de se lancer dans un nouveau projet avec Gary Arce (Yawning Man, Fates Jetson, Big Scenic Nowhere) baptisé SoftSun. A noter d’ailleurs que le guitariste est aussi présent  sur « Dissolve ».

Entourée de l’Américain sur six des huit titres et du batteur de Superlynx Ole Teigen, PIA ISA se déploie dans un registre Psychedelic Drone Rock, où elle interprète les voix bien sûr, et elles sont nombreuses, et endosse le rôle de bassiste tout en livrant des parties de guitares acoustiques très éthérées. Avec un travail incroyable sur les harmonies vocales et sur des compositions à la fois lourdes et aériennes, la Norvégienne se montre d’une superbe créativité à travers un songwriting très minutieux.

Sur des ambiances parfois post-Rock et Dark Folk, l’artiste offre un album complet et personnel, où les textes trouvent parfaitement leur place sur des pistes instrumentales soignées et particulièrement immersives. La production ’doomesque’ est elle aussi très bien équilibrée et on se laisse happer par cette atmosphère glaciale et épaisse. Vocalement, PIA ISA est littéralement envoûtante et se fond naturellement dans une sorte de jam parfois dantesque (« Transform », « Into The Fire », « Dissolve », « Tide », « Dream Or Float »).

Catégories
Metal Progressif

Rendezvous Point : escape meeting

Capable tour à tour d’une extrême douceur et de se montrer l’instant suivant terriblement véloce et tendu, le quintet donne une suite flamboyante à « Universal Chaos », son deuxième opus sorti en 2019. Avec « Dream Chaser », RENDEZVOUS POINT poursuit son aventure avec panache et une classe très personnelle, ce qui rend son Metal Progressif séduisant et envoûtant. Avec une technicité raisonnable vu le niveau, on se laisse emporter par la fluidité de cette nouvelle production.

RENDEZVOUS POINT

« Dream Chaser »

(Long Branch Records)

Il y a beaucoup d’excellents groupes qui passent malheureusement, et sans explication, sous les radars malgré une qualité technique et une créativité indéniables. Car de ce côté-là, RENDEZVOUS POINT coche toutes les cases et plutôt deux fois qu’une. Après une quinzaine d’années d’existence, les Norvégiens sont pourtant plus affûtés que jamais et dans la lignée de deux albums salués par la critique, les voici avec le troisième. Et « Dream Chaser » ne manque ni d’audace, ni de maîtrise, bien au contraire, elle est totale.

RENDEZVOUS POINT continue l’exploration de son univers musical en repoussant ses limites avec un talent collectif éclatant, articulé autour de cinq musiciens en parfaire symbiose. En première ligne, et même s’ils ne communiquent pas beaucoup sur le sujet, on retrouve l’excellent Baard Hvesser Kolstad de Leprous derrière les fûts. Et c’est vrai qu’il y a quelques similitudes entre les deux formations. Cependant, les Scandinaves ont un style et un son bien à eux, aussi précis que mélodique.

La machine est bien huilée et derrière un frontman impérial, Geirmund Hansen, Petter Walter Hallaråker enchaine des riffs complices des claviers de Nicolay Tangen Svennæs, tandis que Gunn-Hilde Erstad Haugen assure un groove irrésistible. Percutant et accrocheur, RENDEZVOUS POINT multiplie les émotions en jouant sur les reliefs et les nuances d’un Metal Progressif raffiné et très bien produit (« Don’t Look Up », « Fireflies », « Presence », « The Tormented », « Still Water »). Magistral !

Photo : Jonathan Vivaas Kise
Catégories
Rock Progressif

Airbag : contemporary landscapes

Aérienne et captivante, la nouvelle réalisation d’AIRBAG vient confirmer l’assise du combo dans l’univers du Prog. La qualité est encore au rendez-vous et devient même sa principale caractéristique. Les solos de guitare de toute beauté, la délicatesse du chant et le groove imparable mêlés à des claviers somptueux offrent un lustre incroyable à un ensemble qui ne souffre d’aucun défaut. Avec « The Century Of The Self », le trio brille par une interprétation pointilleuse et des titres dans lesquels on plonge avec plaisir.

AIRBAG

« The Century Of The Self »

(Karisma Records)

Devenu en quelques années la figure incontournable et la référence du Rock Progressif norvégien, le trio s’est donné quatre ans pour livrer un sixième album très attendu. Depuis deux décennies et la sortie de son premier EP « Come On In », le style s’est considérablement personnalisé pour être aujourd’hui plus identifiable que jamais. Désormais loin des Porcupine Tree et Pink Floyd, auxquels on les compare avec faiblesse depuis toujours, AIRBAG fait du AIRBAG et c’est incontestable. Et encore plus ici d’ailleurs.

La question est surtout de savoir si le groupe est capable de faire aussi bien, sinon mieux, que l’éclatant « A Day At The Beach » (2020) qui avait frôlé la perfection dans le domaine. Et la réponse est qu’Asle Tostrup (chant, claviers, programmation), Henrik Bergan Fossum (batterie) et Bjørn Riis (guitare, basse, claviers et chœurs) ont fait bien plus que récidiver. Toujours aussi organique, puissant et limpide, « The Century Of The Self » fait d’AIRBAG un modèle du genre, tant au niveau de sa créativité que de la production présentée.

En l’espace de cinq morceaux s’étendant de près de sept minutes à plus de 14, les Scandinaves font étalage de leur technicité et de leur feeling sur ce nouvel opus, dont le titre en dit déjà long. On y parle de cancel culture, de mensonges et de peur sans pour autant que « The Century Of The Self » ne sombre dans la morosité ambiante. Immersif et jouant sur les émotions, AIRBAG lance une invitation à un voyage sublime où la virtuosité impressionne (« Dysphoria », « Tyrants And Kings », « Tear It Down »). Brillant… encore !

Photo : Anne-Marie Forker

Retrouvez les deux interviews du groupe :

Catégories
Stoner Rock

Waste A Saint : rockin’ angels

Peut-être dû à la rudesse du climat, les pays du Nord de l’Europe ont toujours eu une réelle prédisposition pour le Stoner Rock et, de fait, un talent certain. Venant s’incruster avec insistance dans le crâne, les morceaux de « Ravenous », deuxième effort studio des Scandinaves, marient avec beaucoup d’habileté la dureté du style avec une voix féminine qui captive, mais n’apaise pas pour autant les choses. WASTE A SAINT tient un line-up performant, qui sert des compos grisantes.

WASTE A SAINT

« Ravenous »

(All Good Clean Records)

WASTE A SAINT a réellement pris son envol il y a deux ans avec « Hypercarnivore », un premier album qui lui a permis de sillonner sa Norvège natale et de roder son style. Après quelques concerts, le quatuor est d’ailleurs aussitôt retourné en studio. Avant cela, il avait sorti un EP, « At Quarter Speed » en 2017, puis quelques singles épars. Avec « Ravenous », le combo fusionne avec force des inspirations qui vont du Hard Rock au Psych Rock avec quelques touches bluesy et surtout à travers un Stoner Rock mélodique et accrocheur.

Solide et épais, le registre des nordiques peut s’apparenter, même de loin, à celui de QOTSA pour ce qui est de l’efficacité des refrains, qui deviennent vite entêtants. Mais l’ensemble est beaucoup plus âpre et rugueux. Et cet atout résolument solaire et fédérateur, on le doit notamment à Bogey Stefandottir, la frontwoman de WASTE A SAINT. Cependant, si elle apporte une belle dose de féminité au Stoner Rock du groupe, grâce à un entrain véloce, elle se montre tout aussi capable de durcir le ton et de montrer les crocs.

« Ravenous » démontre que l’on peut faire un Stoner accessible, sans forcément en renier ses fondements et jouer au bulldozer. Mais que tout le monde se rassure : la puissance est bel et bien au rendez-vous. Les riffs appuyés d’Alexander Skomakertsen et le duo basse/batterie formé par Ole Nogva et Øivind Fossem viellent au grain. Moderne et entraînant, WASTE A SAINT est la vraie bonne surprise du moment (« Schizofriendia », « Sore Spot », « Femme Fatale », « Avoid My Wits », « Aeronaut »). A suivre de très près !

Catégories
Stoner Metal Stoner Punk

Bokassa : une joyeuse apocalypse

Déjà remis de « Molotov Rocktail » (2021), BOKASSA revient à la charge avec son cocktail de Metal HxC, de Stoner et de Punk. Entièrement confectionné par Tue Madsen, dont on connait le travail pour Meshuggah, The Haunted ou Halford, « All Out Of Dreams » dresse avec véhémence et pas mal de légèreté malgré tout, une sorte de possibilité très réelle du paysage sociopolitique actuel. Eprouvante et lourde, mais aussi dynamique et percutante, cette nouvelle réalisation montre un engagement poing levé très déterminé.

BOKASSA

« All Out Of Dreams »

(Indie Recordings)

Quatrième album en huit ans pour le power trio norvégien, qui avait tapé dans l’œil de Metallica il y a quelques années avant les suivre en tournée à l’invitation des Four Horsemen. Nous étions alors en 2019 et BOKASSA en avait bien sûr profité pour accroitre sa notoriété et faire connaître son Heavy Stoner Metal aux multiples facettes au monde entier et avait même signé chez Napalm dans la foulée. 2024 : retour aux fondamentaux et sur un label qui semble mieux respecter la nature et la démarche de nos furieux Scandinaves, difficiles à faire entrer dans le moule d’un système qu’ils ne cautionnent pas forcément.

Car il y a un côté Punk qui prend de la place chez BOKASSA et peut-être même encore un peu plus sur « All Out Of Dreams », qui est assez pessimiste dans le fond, malgré un humour noir constant. S’il se veut dystopique (c’est très en vogue actuellement), ce nouvel opus semble pourtant dépeindre une société dans laquelle nous vivons déjà. Fataliste mais vigoureux et la tête haute, le combo sort la sulfateuse à grand coup de riffs épais, avec un batteur au jeu musclé et un bassiste aux lignes véloces (« The Ending Starts Today », « Everyone Fails in The End », « Let’s Storm The Capitol »).

Jouant sur des ambiances très Metal ou carrément Hard-Core, des passages clairement Stoner et des aspects Punk californien estampillé 90’s, et un brin pénible, au niveau du chant et des chœurs, « All Out Of Dreams » a de quoi perturber par ses grands écarts. Mais peu importe finalement, car BOKASSA est avant tout une débauche d’énergie brute, une sorte de défouloir, mais bien joué ! A noter le chant de Lou Koller des légendaires Sick Of It All sur « Garden Of Heathen » et le soutien d’Aaron Beam de Red Fang sur « Bradford Death Squad ». Un disque qui va en faire transpirer plus d’un(e), à n’en pas douter !

Photo : Troll Toftenes
Catégories
Blues

Bjørn Berge : steel got the Blues

Entre compos et covers, c’est avec un « Introducing SteelFinger Slim » un peu spécial et inattendu dans son contenu que BJØRN BERGE fait courir ses doigts d’acier sur son instrument. Si la voix inimitable et la liberté absolue dont il a fait sa réputation sont bel et bien intactes, on aurait peut-être apprécié un peu plus de titres originaux, même si sa manière de défourailler les morceaux des autres conserve toujours quelque chose d’assez mystique et de jouissif.      

BJØRN BERGE

« Introducing SteelFinger Slim »

(Blue Mood)

Fidèle à lui-même c’est seul que le Norvégien revient avec un nouvel album, son treizième, et le solitaire bluesman fait de nouveau des étincelles parant son jeu de ses plus beaux atouts. L’acier de son dobro vibre sous son toucher si singulier, passant du picking à la slide avec la dextérité qu’on lui connait et venant se joindre à cette voix profonde et unique avec laquelle BJØRN BERGE nous berce et nous envoûte depuis tant d’années. Et c’est toujours le cas avec « Introducing SteelFinger Man ».

Voix, guitare et stompbox, il n’en faut pas plus au ténébreux Scandinave pour livrer un Blues mâtiné de Rock dans une formule acoustique et métallique si particulière par sa froideur sonore. Pour autant, il se dégage beaucoup de chaleur de ce nouvel opus grâce à des morceaux simples en apparence, mais toujours très bien sentis et d’une personnalité qui fait de BJØRN BERGE l’un des rares artistes de Blues à savoir, et pouvoir, capter l’attention et captiver à chacun de ses disques.

Son timbre guttural nous embraque cette fois sur dix titres qu’il a tenu à enregistrer en une seule journée, une façon d’aller l’essentiel avec autant de spontanéité que de justesse possible. Et BJØRN BERGE sait y faire. Cependant, et même si c’est toujours aussi bien réalisé et arrangé, le fait de reprendre « Get It On » de T. Rex, « Like A King » de Ben Harper, « Spoonful » de Willie Dixon et « Black Night » de Deep Purple dans des versions certes revisitées parait un peu beaucoup sur une production studio.

Photo : Tor Nilssen
Catégories
Heavy Stoner Rock Stoner Metal

Ohmwork : un écho lumineux

Sur une production terriblement organique et entièrement dirigée par le combo, OHMWORK propose avec « In Hindsight », l’un des albums les plus novateurs et intéressants en termes de Heavy Stoner Rock de cette année. La fusion à l’œuvre chez les trois musiciens est plus que palpable et donne lieu à un déferlement de puissance, de riffs épais et massifs soutenus par une paire basse/batterie renversante. Ajoutez à cela un frontman véritablement habité et l’ensemble se fait ensorceleur et ravageur.   

OHMWORK

« In Hindsight »

(Rob Mules Records)

C’est toujours assez difficile de définir le style du power trio norvégien et ça fait plus de dix ans que ça dure, depuis son premier album « Storm Season ». Non pas qu’il faille à tout prix mettre une étiquette sur OHMWORK, mais préciser de quoi on parle n’est pas dépourvu d’intérêt, non plus. Alors pour faire simple, il s’agit de Stoner Rock avec une grosse dose d’un Metal lourd, efficace et mélodique et parfois même aux frontières du Doom. Autant dire que le groupe possède solides arguments.

Faisant suite à « Pareidolia » (2021), « In Hindsight » va plus loin dans l’expérimentation et notamment sur la texture des guitares, parfois même acoustiques. Très Heavy dans l’approche, OHMWORK repousse les limites de son Stoner en faisant cohabiter le Rock et le Metal avec beaucoup d’habileté. Accrocheurs, les morceaux sont rapidement immersifs et dégagent une incroyable énergie portée par la voix de son chanteur. Les Scandinaves vivent réellement leur musique, ce qui explique la grande proximité sonore.

Tout en progression, ce sixième opus montre une évolution constante au fil des titres, gravés dans une modernité musicale très audacieuse. Anders L. Rasmussen (guitare, chant, orgue), Heige Nyrud (basse) et Espen A. Solli (batterie) en appelle pourtant à des influences un brin Old School comme socle à des accélérations et des montées en puissance musclées (« 17 Years », « Turmoil », « Relentlessly Closer », « The Web », « Adrift » et ses sept minutes et le fracassant morceau-titre). OHMWORK sait où il va et ne prend aucun détour.

Photo : Espen Solli
Catégories
Heavy Psych Rock Stoner Doom Stoner Metal

[Going Faster] : Superlynx / Orbiter

Les plus fidèles d’entre vous se souviennent sûrement des [Going Faster] que j’avais mis en place, afin de pouvoir parler d’un maximum d’albums pour faire face à l’avalanche de sorties. Les groupes ne semblaient pas vraiment apprécier la formule, alors j’avais arrêté, histoire de ne froisser personne, mais aussi au risque de passer à côté de bien belles choses. Cela dit, il faut faire des choix et ce sont souvent les mêmes qui en pâtissent.

L’une des conditions était que les planètes soient alignées, qu’il y ait donc des points communs et une démarche artistique proche. C’est le cas ici avec les Norvégiens de SUPERLYNX et les Finlandais d’ORBITER. Les deux voisins évoluent dans un registre Psychedelic Doom Rock/Metal, sont guidés par une frontwoman et surtout partagent le même label : Argonauta Records. Alors, allons-y !

SUPERLYNX

« 4 10 »

(Argonauta Records)

Pour leurs dix ans d’existence, les Norvégiens opèrent quelques changements avec la sortie de « 4 10 ». Tout d’abord, le groupe fait son arrivée sur le label italien Argonauta Records et surtout il accueille à la guitare et en live Espen Krøll. Musicalement, on retrouve le style si particulier de SUPERLYNX voguant dans un Psych Rock profondément Doom et Heavy. Au chant, Pia Isaksen (également bassiste) hypnotise toujours autant, parfaitement soutenue par Ole Teigen (batterie) et Daniel Bakken (guiatre). Très atmosphérique, le registre du combo peut laisser penser à une jam directement inspirée par les rêves et une part de surréalisme. Et si la noirceur de « 4 10 » est envahissante, la lumière entre aussi de bien des manières. Avec ce quatrième album, SUPERLYNX s’impose avec classe et une sincérité débordante.

ORBITER

« Hollow World »

(Argonauta Records)

Derrière cette fascinante pochette se cache un opus qui l’est tout autant. Déjà enthousiasmant sur « The Deluge », son premier EP sorti en 2020, la formation d’Helsinki se présente avec un long format, qui en dit déjà long sur ses ambitions et son talent. Mixé et produit par Hiili Hiilesmaa (Him, Apocalyptica) et masterisé par Ted Jensen (Alice In Chains, Mastodon), « Hollow World » fait l’écart et surtout la jonction également entre un Doom Metal massif et un Stoner Rock puissant et dynamique. ORBITER montre beaucoup d’assurance et de créativité, à l’instar de sa chanteuse Carolin, qui enveloppe les morceaux de sa voix captivante, tranchant ainsi avec les riffs acérés et l’ambiance psychédélique à l’heure tout au long de ce premier album. Une montée en puissance très réussie sur des morceaux qui ne manquent pas de créativité.