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France Progressif Rock

Une légende à écrire

MORGAN MARLET

Cette nouvelle décennie, MORGAN MARLET l’entame en franchisant un cap avec un très bon premier album solo, « LégendeS ». Bâti sur les musiques et quelques textes des opéras-Rock du Nantais Alan Simon, le chanteur y a apporté une touche toute personnelle. Et ce beau résultat est le travail d’une équipe de professionnels très soudée.

C’est en breton que MORGAN MARLET a souhaité interpréter une grande partie du disque, offrant une couleur très nouvelle et inédite à l’ensemble. Grâce à une production irréprochable et très actuelle, « LégendeS »  explore des registres qui vont du Rock à la chanson, avec des sonorités Progressives et parfois bluesy.

– Après avoir écumé de nombreuses scènes avec de multiples formations, d’où est venue l’idée d’un album solo ? Les groupes dans lesquels tu joues ne suffisaient pas ?

Il y a très longtemps que j’espérais enregistrer mon album solo. Comme tu le dis, j’ai participé à beaucoup de projets divers et variés. C’est toujours un plaisir de retrouver les amis avec lesquels je joue, pour certains depuis plus de 30 ans. Mais sortir un album en son nom propre, c’est autre chose. C’est un sentiment différent, on y met beaucoup de soi, c’est un investissement humain très important. Mais je savais que j’allais m’engager dans une telle aventure un jour.

L’ensemble de « LégendeS » est constitué de morceaux des opéras-Rock d’Alan Simon. Comment ce choix, et celui des morceaux, se sont-ils faits et pourquoi ne pas en avoir écrit de nouveaux ?

Après la première de « Chouans », Alan et moi étions invités à Minsk, en Biélorussie, pour l’anniversaire de son chorégraphe Nikolay Androsov. J’ai eu la chance d’y chanter des extraits d’« Excalibur » et de « Tristan & Iseult » et, bien sûr, un titre de « Chouans ». C’est ensuite que nous avons émis cette idée. Alan m’a proposé de choisir parmi les titres que j’aimais, et nous nous sommes tous les deux mis très vite d’accord sur une première sélection. Il a été question de les réécrire en français, car ils sont en anglais. Je lui ai tout de même demandé s’il avait un inédit à m’offrir… Il m’a alors fait parvenir un titre au piano: « The Tears ». L’autre inédit est signé Ronan Le Quintrec, avec qui nous nous étions promis de travailler ensemble un jour. C’est chose faite avec le magnifique morceau qu’il m’a offert : « Compagnon de Bordée ».

– D’où vient le choix de réécrire et de réadapter ces morceaux en breton ?

J’avais envie de faire figurer les deux tires que j’interprète dans « Chouans » (dans le rôle de Georges Cadoudal – NDR) : « L’Appel de Cadoudal » et « Mon Petit Frère ». Mais je ne voyais pas l’intérêt de les reprendre en l’état. En lisant une chronique du spectacle, le journaliste regrettait que Georges Cadoudal ne chante pas dans sa langue maternelle… J’ai eu un déclic immédiat, et j’ai proposé à Alan l’idée de les ré-enregistrer en Breton. Il a aussi trouvé cette opportunité intéressante, puis m’a suggéré d’en chanter d’autres. N’étant pas bretonnant, il me fallait donc être coaché pour apprendre, non pas à parler breton, mais savoir l’interpréter. J’ai donc sollicité Enora de Parscau, qui a rapidement accepté, puis traduit et adapté six des onze titres du disque. Elle m’a ensuite enseigné la manière de prononcer et de chanter les morceaux, et le résultat est au delà de mes espérances.

Chanter en breton n’est pas le choix le plus évident. Qu’est-ce qui diffère le plus d’avec le français ou l’anglais, et est-ce qu’il se marie facilement à un registre actuel ?

C’est une autre langue ! Pour ma part, j’ai toujours été baigné dans cet univers, puisque mes grands-parents parlaient breton. Mon arrière grand-mère maternelle ne s’exprimait qu’en breton. J’avais quelques prédispositions pour m’atteler à un tel exercice, Enora me l’a confirmé et nous avons travaillé sur la prononciation, les subtilités de la langue et ses difficultés. J’ai ressenti beaucoup d’émotion et de fierté à réussir cette épreuve. Concernant le mariage avec un registre actuel, il m’apparait comme un complément important pour un chanteur qui aime sa région. Intégrer une forme d’héritage culturel dans un projet musical n’est pas anodin. C’est un choix presque naturel et réfléchi, et pas pour faire joli ou amuser la galerie ! Ensuite, il y a le plaisir de découvrir le résultat de ce travail et là, ce fut une bonne surprise, à tel point que je m’ennuie presque lorsque je passe du breton au français…

– Sur « LégendeS », il y a aussi un titre que tu signes, « L’Ordalie ». Peux-tu en dire plus sur ce morceau ?

C’est presque un concours de circonstance. Alan étant très occupé, j’ai pris l’initiative d’écrire des textes, un exercice que j’avais abandonné depuis longtemps. J’ai demandé à Marine Dehy, une amie dont j’adore la plume, d’esquisser des idées de paroles sur quelques instrumentaux. Ce titre ne devait pas figurer initialement sur le disque, mais j’ai adoré le thème et j’ai trouvé qu’au final, une fois enregistré ça sonnait plutôt bien. Et Alan a aussi accepté ce choix.

Après cette belle expérience, est-ce qu’écrire et composer entièrement un album te démange-t-il ?

Bien sûr, même si je suis vraiment très fier de « LégendeS ». Un album où l’on partirait de zéro, et où il faudrait tout écrire et composer, c’est une toute autre aventure. Au départ, je me demandais bien à quoi pourrait ressembler cet album au final. Il a évolué au fil du temps, et a pris une toute autre couleur que celle initialement prévue.

Parlons un peu des nombreux invités figurants sur l’album. Comment cela s’est-il passé en studio, quel est était l’objectif premier et comment se sont faites ces rencontres ?

Qu’on ne s’y trompe pas, il s’agit bel et bien d’un album de reprises de titres existants, du moins neuf sur onze. Les parties instrumentales ont été conservées. Bien que les morceaux originaux aient subi un nouveau traitement audio, aient été améliorés par un nouveau mastering, nous n’avons changé que les paroles. Les six titres en breton sont des traductions assez fidèles, et les chansons ont gardé leur signification, ce qui n’est pas le cas des trois autres chantées en français dont les thèmes ont changé. Donc, malgré le fait que je partage parfois la scène avec des artistes comme John Hellywell (saxophoniste de Supertramp) pour ne citer que lui, il n’y pas eu d’interventions autres que celles des musiciens avec qui j’ai travaillé sur l’enregistrement de « The Tears ». Il s’agit de Patrick Boileau à la batterie, Bernard Clémence à la basse, Jean-Noël Rozé au piano, John Chaussepied à la guitare acoustique, électrique et pedal steel. En ce qui concerne l’autre titre enregistré en studio, Ronan Le Quintrec (Ronan One Man Band) est venu jouer ses propres parties de guitare, et Jean-Noël Rozé a posé quelques jolies nappes de claviers pour donner une ambiance spécifique à « Compagnon de Bordée ». Ronan m’a fait cadeau de ce morceau, et je lui en suis très reconnaissant car j’apprécie autant l’artiste que le bonhomme !

Pour conclure, que gardes-tu comme souvenirs les plus marquants, et qu’est-ce qui t’a le plus enrichi lors de l’enregistrement de « LégendeS » ?

Avant toute chose, je tiens à souligner l’énorme travail accompli par Patrick Boileau car, outre le fait qu’il soit un batteur extraordinaire, c’est lui qui m’a dirigé artistiquement. Il est ingénieur du son, à la tête du studio « Blue Field ». Sa sensibilité et son professionnalisme m’ont beaucoup aidé à construire ce disque. Il m’a apporté des solutions, y compris dans l’harmonie de certains chœurs, quand parfois j’étais à court d’idées. Son travail d’enregistrement et de pré-mixage ont permis à Marco Canepa, autre ingénieur du son italien, de me proposer un mixage et un mastering réalisés en un temps record ! Enora, quant à elle, m’a donné des clefs importantes et une précision nécessaire pour bien appréhender le travail de studio sereinement. Lorsqu’Alan a pu se libérer pour venir écouter les premières mises à plat, il a été immédiatement emballé par la nouvelle version de ses morceaux. Bernard, John et Jean-Noël, tour à tour, sont venus faire leurs prises pour donner vie au titre « The Tears », arrangé sur place et finalisé en Italie par Marco, qui a posé des parties d’orgue Hammond avant le mixage final. C’est donc bien un travail d’équipe, dont j’ai adoré toutes les étapes de la création. Souvent, nous nous regardions sans même parler et nos sourires en disaient long sur le plaisir que nous ressentions durant ces moments. Il faut le vivre pour comprendre à quel point on s’investit dans ce genre de projet, à quel point on donne ce qu’on a de meilleur. Aujourd’hui, c’est une autre aventure qui commence, car il va falloir défendre ce disque. Nous avons entamé une série de répétitions pour préparer le concert de présentation de l’album le 29 février à la salle Océanis à Ploemeur (56). Nous espérons réunir une belle assemblée pour fêter la sortie de « LégendeS » avec un plateau où d’autres invités nous rejoindront, et dont Ronan One Man Band assurera l’ouverture. A galon !

Billetterie et « Légendes » disponibles sur le site du chanteur : www.morganmarlet.art

(Photo : Autre regard… Photographies)