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Hard'n Heavy

Bruce Dickinson : escapade en solitaire

Dans ses interviews comme dans son écriture, BRUCE DICKINSON a toujours eu une forte tendance à intellectualiser les choses et la musique notamment, et c’est en soi très honorable au regard de beaucoup d’autres. A ceci près qu’il en oublie ce brin de folie propre au Metal (au sens large) et c’est précisément ce qui manque cruellement à « The Mandrake Project », où ce côté trop ‘mature’ ne dégage aucune envie, ni éclat au point même de s’époumoner sur certains titres. On plonge dans un style convenu, ancré dans une zone en tous points très confortable.

BRUCE DICKINSON

« The Mandrake Project »

(BMG)

Quel site indigne serait Rock’n Force si l’album de l’intouchable BRUCE DICKINSON n’y était pas chroniqué ! Car, en parcourant quelques écrits de confrères, il apparaît que « The Mandrake Project » est déjà en lice pour figurer parmi les meilleures productions de l’année. Rien que ça ! On ne doit pas avoir le même degré d’exigence. Alors après tout, et comme il m’est souvent reproché de parler uniquement en bien des groupes, je me suis (vraiment)  longuement penché sur cette septième merveille du chanteur anglais, qui pointe le bout de son nez 19 ans après la précédente. Presqu’une génération !

En effet, il faut remonter à « Tyranny Of Souls » pour retrouver trace du dernier effort en solo du frontman d’Iron Maiden. On ne va pas se mentir, j’ai au moins un point commun avec BRUCE DICKINSON : je suis délicatement ‘Old School’ et subtilement ‘vintage’, moi aussi. Ainsi, lorsque le streaming de « The Mandrake Project » est arrivé, le fait de l’écouter sur une page Internet n’a pas aidé. Ensuite, les fichiers numériques n’y ont rien changé. Mais lorsque le CD est arrivé, la lumière est revenue. Il manquait le son pour constater et percevoir la qualité de la production… qui est bonne.

Photo : John McMurtrie

Et avec du matériel adéquat, les choses s’éclaircissent et mettent en évidence les nouvelles, enfin presque, compositions du Britannique associé à son ami de longue date Roy Z (Roy Ramirez) à la guitare et à la production justement. L’entame est très plaisante et solide (« Afterglow Of Ragnarök », « Resurrection Man », « Mistress Of Mercy »). BRUCE DICKINSON en profite aussi pour récupérer « Eternity Has Failed », paru en 2015 sur « The Book Of Souls » de Maiden sous le titre « If Eternity Should Fail », qu’il a réarrangé et dont il a modifié quelques paroles. Et Gus G. y livre d’ailleurs un beau solo.

Alors, bien sûr, les titres sont bien goupillés, très bien interprétés et « The Mandrake Project » tient évidemment la route. On est assez loin, sans l’être de trop non plus, de ce qu’il a l’habitude de faire avec la Vierge de Fer, mais on reconnaît la touche personnelle de BRUCE DICKINSON dans cette écriture très narrative (« Shadows Of The Gods », « Sonata (Immortal Beloved) ». Pour autant, si le registre entre Hard et Heavy est comme toujours très maîtrisé, il y manque cette étincelle qui ferait décoller un peu l’ensemble pour le rendre plus pertinent surtout, et mémorable aussi.

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Hard US Hard'n Heavy

Mick Mars : one-man-crew

Histoire d’être raccord, MICK MARS aurait pu patienter quelques jours pour sortir son premier effort solo. Plus sérieusement, voici enfin le très attendu « The Other Side Of Mars », qui marque les débuts de l’aventure en solidaire de l’ex-Mötley Crüe. Enfin, pas si seul que ça, puisque notre emblématique faiseur de riffs s’est entouré d’une équipe assez restreinte, mais terriblement efficace. Très moderne dans le son, les morceaux oscillent entre Hard et Heavy et offrent une belle diversité.

MICK MARS

« The Other Side of Mars »

(1313, LLC/MRI)

A priori l’ambiance glaciale et la bataille judicaire en cours depuis deux ans, suite à son départ pas complètement volontaire de Mötley Crüe, n’ont pas eu raison des velléités artistiques du guitariste. A l’œuvre plus de quatre décennies au sein du gang de Los Angeles, c’est un aspect de lui assez méconnu que présente MICK MARS sur son premier album solo, loin du Glam qui l’a accompagné tant d’années. Sorti sur son propre label et avec son ami Michael Wagener aux manettes, « The Other Side Of Mars » est aussi étonnant que sombre. L’homme en noir est fidèle à lui-même.

Avant même l’écoute, les titres des morceaux parlent d’eux-mêmes : ça sent la revanche, voire la vengeance. Assez discret par rapport à ses anciens camarades, l’Américain annonce donc un opus plus personnel et forcément assez différent de ce que l’on connait de lui. Pour l’épauler, MICK MARS a co-écrit les morceaux avec Paul Taylor (claviers, ex-Winger), tandis que Ray Luzier (Korn) est derrière les fûts et Chris Collier à la basse, ainsi qu’au mix et son travail est d’ailleurs musclé et dynamique. Une production qui ne manque pas d’éclat.

Au chant, Jacob Bunton, frontman de L.A. Guns, interprète l’essentiel du disque à l’exception de « Undone » et « Killing Breed » par Brion Gamboa. Même si, fondamentalement, cela ne change pas grand-chose, cela n’aide pas non plus à l’unité et à la cohérence musicale de l’ensemble. Car, à vouloir tout explorer du Heavy, il n’en ressort rien de très identifiable. On découvre plusieurs facettes de MICK MARS, certes, mais rien de très probant malgré quelques moments forts (« Loyal To The Lie », « Ready To Roll », « Ain’t Going Back »). Loin d’être renversant.

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Hard FM Hard US

Michael Catton : taille patron

Dans la lignée des grosses locomotives américaines, et même californiennes, des années 90, le Hard Rock musclé et un brin FM de MICHAEL CATTON vient donner beaucoup de fraîcheur à une scène en plein renouveau. Grâce à un line-up expérimenté et des compositions entêtantes, le chanteur présente une copie exemplaire sur laquelle sa voix fait corps avec des rythmiques solides et des solos millimétrés. « Point Of No Return » est un modèle du genre plus que vivifiant.

MICHAEL CATTON

« Point Of No Return »

(Mighty Music)

C’est au moment du split de son groupe Tainted Lady avec qui il a sorti deux albums (« How The Mighty Have Fallen » – 2017 et « Sounds Like Freedom//Feels Like War » – 2019) et qui a connu une belle reconnaissance au Danemark que MICHAEL CATTON a décidé de prendre son envol avec beaucoup de détermination et surtout une idée bien précise du style dans lequel il souhaitait dorénavant évoluer. Après quelques singles à succès, le chanteur anglo-danois sort son premier album solo et il est très réussi.

Et pour réaliser et composer « Point Of No Return », il s’est entouré d’une équipe redoutable. Rapidement approché par le guitariste, compositeur et producteur Soren Andersen, la connexion n’a pas tardé à s’établir. Avec les membres du trio de ce dernier, Guilty Pleasures, à savoir Allan Tschicaja à la batterie (Pretty Maids) et le bassiste Michael Gersdorff (Superfuzz), le quintet est complété par son frère Chris Catton (claviers). MICHAEL CATTON dispose ainsi d’un combo à la hauteur de ses espérances et cela s’entend.

Produit par Andersen dans le temple du Rock danois, les Medley Studios à Copenhague, « Point Of No Return » s’inscrit dans une veine Hard Rock mélodique 90’s avec un son actuel et puissant sur des morceaux très accrocheurs (« Faith », « Livin’ Lovin’ », « Hearts In Danger », « Ready For The Takin’ », « Gas Of The Fire »). La prestation de son six-cordiste n’a d’égale que l’incroyable performance de MICHAEL CATTON et, à eux deux, ils donnent une âme à ce premier opus, qui en appelle déjà d’autres. Du Hard Rock efficace et pêchu !

Photo : Nikola Majkic
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Hard Rock Heavy metal Metal

Sophie Lloyd : almost alone

Les temps changent et c’est via internet et les réseaux sociaux que SOPHIE LLOYD s’est faite un nom avant de commencer à se produire sur des scènes gigantesques avec d’autres. La Londonienne a eu l’occasion de se créer un joli carnet d’adresse dans le monde du Metal et, au risque de passer au second plan par rapport aux artistes présents, elle démontre qu’elle est bien plus qu’une guitariste de session, même si elle va devoir s’imposer à son tour sur scène avec ce premier « Imposter Syndrome ».

SOPHIE LLOYD

« Imposter Syndrome »

(Autumn Records)

Les femmes sont de plus en plus nombreuses à se lancer en solo et c’est une très bonne chose. A l’instar d’Orianthi et Nita Strauss notamment, SOPHIE LLOYD est décidée à se produire sous son nom et son entrée en piste avec ce très bon « Imposter Syndrome » témoigne déjà d’une grande assurance doublée d’un énorme talent qu’on avait déjà très largement perçu. Comme d’autres, elle est apparue sur YouTube où elle a construit sa notoriété, puis en live avec Machine Gun Kelly et on lui pardonne ce faux pas.

Pourtant rompue à l’exercice des reprises qu’elles s’approprient d’une manière souvent très shred, SOPHIE LLOYD présente un son bien à elle et un toucher très personnel. C’est d’autant plus remarquable que la guitariste livre un premier album sur lequel elle a convié onze invités, et non des moindres. Le panel artistique est très large, même s’il reste dans une veine Hard’n Heavy, et la faculté d’adaptation de la Britannique est étonnante et assez rare. Elle se met véritablement au service des morceaux avec beaucoup d’instinct.

Sa polyvalence dévoile une artiste complète, qui se fond dans l’univers de ses guests venus donner de la voix, excepté le guitariste YouTuber Cole Rolland sur un instrumental. Solide sur les rythmiques et rayonnante sur les solos, SOPHIE LLOYD n’en fait pas trop, mais suffisamment pour briller. Si les titres avec les frontmen de Steel Panther, Black Stoner Cherry, Trivium et Atreyu sont explosifs, ceux avec les chanteuses de Halestorm, Marisa And The Moths et la Canadienne Lauren Babic sont vraiment un cran au-dessus. Convaincante.

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Roots Rock

Duff McKagan : une radieuse parenthèse

Quasi-métamorphosé depuis son retour dans son groupe Guns N’Roses en 2016, l’emblématique bassiste à la crinière blonde semble presque démarrer une deuxième vie. Il écrit, est devenu un musicien de session très demandé et surtout il sort des albums solos dans des territoires musicaux où on ne l’attend pas forcément. Entre Rock et Folk, légèrement Southern et bluesy, DUFF McKAGAN rayonne littéralement sur ce très bon « Lighthouse ».

DUFF McKAGAN

« Lighthouse »

(The World Is Flat)

C’est avec toute la sobriété qu’on lui connait désormais que DUFF McKAGAN se présente avec son troisième effort solo (quatrième même si l’on inclue « Beautiful Disease » qui n’est jamais sorti, mais dont on peut apprécier trois morceaux sur l’album « Dark Days » de son groupe Loaded). Assagi et apaisé, on le retrouve cependant dans un registre plus électrique que ne l’était « Tenderness » (2019), essentiellement acoustique. Avec « Lighthouse », le songwriter, bassiste, guitariste et chanteur affiche un visage authentique comme toujours, ainsi que plus réfléchi et dépouillé musicalement.

Le membre fondateur de G N’R reprend les choses là où il les avait laissées il y a quatre ans. Toujours aussi introspectif et intimiste, il passe en revue avec une évidente sincérité les étapes et les épreuves traversées ces dernières années, non sans humour. Et il en ressort des titres Rock, globalement mid-tempo à travers lesquels DUFF McKAGAN se dévoile comme étant un très bon narrateur (« Lighthouse », le truculent « I Saw God On The 10th Street », « Holy Water », « Longfeather »). Au fil du disque, l’Américain se fond dans des atmosphères très roots avec quelques clins d’œil Country et un brin bluesy.

Comme sur ses précédentes réalisations, le natif de Seattle revient à ses premières amours tres ancrées dans le Rock américain, si l’on excepte la forte influence des Rolling Stones du siècle dernier, bien sûr. Malgré tout, et notamment depuis « Tenderness », on sent une vrai touche et une patte très distinctive chez DUFF McKAGAN. Et « Lighthouse » affiche également une belle homogénéité. On notera aussi la présence de Jerry Cantrell d’Alice In Chains sur « I Just Don’t Know », la discrète et très classe participation de Slash sur « Hope » et celle, non-essentielle, d’Iggy Pop pour clore l’album. Beaucoup de justesse et de finesse.

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Hard FM Hard Rock

Ronnie Atkins : volontaire

Malgré de graves problèmes de santé, le chanteur emblématique de Pretty Maids enchaine les sorties en solo et a même donné de nombreux concerts avec Avantasia, preuve qu’il est loin de renoncer et que la musique semble être le meilleur des remèdes pour lui. Vocalement irréprochable, RONNIE ATKINS montre un état d’esprit très positif. Convaincant sur ses deux premiers opus, « Trinity » est loin d’être du même niveau, tant il est sans surprise et mal réalisé.

RONNIE ATKINS

« Trinity »

(Frontiers Music)

Diagnostiqué d’un cancer du poumon en 2019, et contre lequel il se bat toujours, RONNIE ATKINS mène son combat à coup d’album et à raison d’un nouveau par an depuis 2021. Après « One Shot », puis « Make It Count » l’année dernière, le frontman de Pretty Maids revient avec « Trinity » et dans un registre qui prend de plus en plus ses distances avec le Heavy Metal qui a forgé sa réputation. Ici, le Hard Rock proposé est très, très mélodique et a même quelques saveurs AOR, qui ne correspondent pas forcément au Scandinave.

Ecrit avec son guitariste Chris Laney, également aux claviers et qui signe la production, RONNIE ATKINS est toujours bien entouré. Pontus Egberg (Treat) tient la basse, Marcus Sunesson (Cyhra) la seconde guitare et Allan Sörensen (Pretty Maids) derrière les fûts donnent un bel élan aux compositions. Mais là où le bât blesse, c’est justement au niveau de la production souvent mangée par les nappes de synthés insipides, dont l’effet sirupeux aplati sans relâche l’ensemble, malgré les efforts du grand Jacob Hansen au mix.

Cependant, et même si on peine à distinguer le travail des deux six-cordistes sur les riffs et les rythmiques, on a le droit à quelques bons solos derrière lesquels RONNIE ATKINS se fait plaisir en jouant de toute sa puissance vocale. Le Danois tient l’album à bout de bras avec une force incroyable, mais même avec toute la volonté du monde, les moments où il sauve les morceaux sont trop rares (« Ode To A Madman », « Godless », « Shine », « Raining Fire »).  Sans nier la belle détermination du frontman, « Trinity » n’a pas le panache attendu.

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Blues Soul / Funk Southern Blues

Dr Sugar : saupoudré de feeling

Bluesman (très) averti et baroudeur de longue date sur la scène hexagonale notamment, c’est sous le pseudonyme de DR SUGAR que le songwriter français se présente en solo. Les dix titres de « These Words » semblent avoir été composés en Louisiane, sur les rives du Mississippi, tant l’atmosphère contient des effluves en provenance directe de la Nouvelle-Orléans. Irrésistible.

DR SUGAR

« These Words »

(Rock & Hall)

Depuis de longues années maintenant, Pierre Citerne, alias DR SUGAR, fait partie de ces artisans incontournables de la scène Blues française. Ancien leader des Marvellous Pig Noise, il se livre cette fois seul, mais toujours très bien accompagné, sur ce « These Words » qui nous transporte du côté du delta du Mississippi, non loin de la Nouvelle-Orleans avec un Blues chaleureux et personnel. Ici, les couleurs et les sons s’entremêlent dans une douceur bienveillante.

C’est à Montpellier et sous la houlette de Niko Sarran des Red Beans & Pepper Sauce, qui tient ici aussi les baguettes en plus de signer la production, que DR SUGAR a mis en boîte ses nouveaux morceaux et « These Words » a vraiment quelque chose de réjouissant. Un pied dans le bayou et l’autre dans les quartiers animés et festifs de ‘Big Easy’, le Blues du Français a des saveurs Soul, Gospel, R&B et Funky, qui sont autant de gourmandises saupoudrées d’un groove exceptionnel.

Le dobro en bandoulière et l’harmonica jamais bien loin, DR SUGAR nous embarque dans une balade Deep South très roots. Entraînant et gorgé de soleil, le musicien enchaîne les titres avec un groupe où rayonnent l’orgue Hammond et les chœurs. La touche très ‘Churchy’ de son registre flirte habillement avec une nostalgie joyeuse et dans une belle fluidité (« Ready To Give Love Again », « I Want To Go To New-Orleans », « Drinking Muddy Water », « The Little Church » et le morceau-titre). Vivifiant et tonique !

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Hard Rock Heavy metal

Ronnie Romero : libre et autonome

Vu par certains comme un mercenaire du Hard Rock et du Heavy Metal, RONNIE ROMERO s’est malgré tout forgé une solide réputation, grâce à une incroyable faculté d’adaptation et une puissance vocale indiscutable. Avec « Too Many Lies, Too Many Masters », ce sont ses propres compositions qu’il interprète, ce qui en dit un peu plus sur son univers personnel et les styles qu’il affectionne, entre Hard et Heavy… forcément !

RONNIE ROMERO

« Too Many Lies, Too Many Masters »

(Frontiers Music)

Même s’il n’a démarré sa carrière qu’en 2010, RONNIE ROMERO a déjà un CV long comme le bras. Surtout connu pour un fait d’arme qui a fait couler beaucoup d’encre avec Rainbow, il a multiplié les collaborations et s’est affiché brillamment chez MSG, Lords Of Black, The Ferrymen, Sunstorm, CorLeoni et plus récemment avec Elegant Weapons. Autant dire que le Chilien est aussi à l’aise sur du Hard Rock que du Heavy Metal, ce qui fait de lui l’un des meilleurs chanteurs de sa génération. Et cette fois, c’est en solo qu’il se présente et sous son nom. Une première très convaincante et dans un registre qu’il maîtrise parfaitement.

Même si c’est son troisième effort, on peut facilement considérer « Too Many Lies, Too Many Masters » comme son premier. En effet, RONNIE ROMERO avait déjà sorti « Raised On Radio » (2022), un album de reprises entre Rock et Hard FM, suivi de « Raised On Heavy radio » (2023) qui, comme son titre l’indique, avait des résonnances plus Metal et toujours constitué de covers. Celui-ci, en revanche, a été entièrement écrit et composé avec le batteur Andy C. et le guitariste Jose Rubio. Puissant, il se révèle enfin sur un répertoire qui est le sien, à savoir Hard’n Heavy. 

Le quintet est complété par Francisco Gil aux claviers et Javier Garcia à la guitare et l’ensemble sonne franchement bien. RONNIE ROMERO, fidèle à lui-même livre une belle performance et sait se montrer toujours aussi impressionnant (« Castaway On The Moon », « Mountain Of Light »). Bien sûr, ses influences sont connues et identifiables, mais cela ne l’empêche pas de surprendre comme sur le morceau-titre ou « Not Just A Nightmare », où plane l’ombre de Dio. Très polyvalent, il manque encore peut-être au frontman ce petit grain de folie, qui le distinguerait un peu plus, mais ce début est déjà très prometteur.

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Southern Rock

Duane Betts : southern legacy

Chez certains artistes, l’héritage familial peut avoir un effet pesant et paralysant. Il n’en est rien pour DUANE BETTS à qui cela aurait plutôt tendance à donner des ailes et de l’inspiration. Avec « Wild & Precious Life », il s’affirme dans un registre qu’il maîtrise à la perfection et qu’il contribue de belle manière à entretenir. Le songwriter a grandi au son du Southern Rock paternel et il livre ses compositions avec le plus grand des naturels.

DUANE BETTS

« Wild & Precious Life »

(Royal Potato Family)

Fils de l’immense Dickey Betts, co-fondateur du légendaire Allman Brothers Band, DUANE BETTS affiche aujourd’hui un très beau début de carrière. Après avoir joué avec Blackbone69 et Whitestarr, il a monté le Allman Betts Band avec Devon, fils de l’autre fondateur et le duo a sorti deux brillants albums, « Down To The River » et « Bless Your Heart ». En 2018, le guitariste avait sorti un EP, « Sketches Of American Music », et il est aujourd’hui de retour avec un premier long format.

C’est justement entouré des musiciens du Allman Betts Band, Johnny Stachela à la guitare, Berry Duane Oakley à la basse, le claviériste John Ginty et avec le batteur Tyler Greenwall en complément, que DUANE BETTS a enregistré « Wild & Precious Life ». Et, par ailleurs, le tout a été élaboré et mis sur bande au Swamp Raga Studio de Derek Trucks et Susan Tedeschi à Jacksonville en Floride. Les conditions étaient donc idéales et réunies pour réaliser un pur et bel album de Southern Rock.

L’Américain enchaîne les morceaux positifs et ensoleillés, où les twin-guitares sont légions et rayonnent. La slide se fond dans des refrains entêtants et DUANE BETTS réserve encore quelques surprises. La chanteuse Nicki Bluhm apparait pour un instant Country sur « Colors Fade », Derek Trucks livre un beau solo sur « Store At The Sun » et Marcus King rivalise d’audace sur « Cold Dark World ». Et on retiendra aussi « Evergreen », « Waiting For A Song » et le génial « Saints To Sinners ». Une belle respiration !

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Bluesy Rock Country France

Bernie Bonvoisin : les ponts plutôt que les murs [Interview]

En observateur avisé de notre société et animé par une curiosité qui ne le quitte jamais, BERNIE BONVOISIN se livre en solo avec un cinquième album que l’on n’attendait pas forcément si tôt. Moins d’un an après « Propaganda » de Trust, c’est dans un registre très différent, mariant sa culture Rock au Blues et même par certains aspects à la Country, que le chanteur révèle une facette moins connue que celle affichée avec son groupe. Original, très acoustique et toujours guidé par des textes affinés et affûtés, « Amo Et Odi » offre des couleurs inattendues et attachantes. Entretien avec le mythique frontman français.

– Ton nouvel album sort tout juste neuf mois après « Propaganda » de Trust, ce qui est très court. Les morceaux étaient déjà en boîte et les textes écrits, ou est-ce que tout s’est fait rapidement ? On te sait très créatif quand tu entres en studio et tu aimes aussi enregistrer en condition live…

Tout s’est fait dans la foulée. On est entré en studio presque sans rien. On avait préparé plusieurs choses chez moi, où on avait énormément travaillé en acoustique.

– Qu’est-ce qui t’a motivé à retourner aussi rapidement en studio ? C’est assez rare de voir quelqu’un sortir deux albums en moins d’un an, où alors c’est l’envie de vite retrouver la scène qui t’y a poussé ?

On me l’a proposé et j’ai accepté, tout simplement. Un album solo est toujours très différent, dans le travail comme dans l’approche. C’est une autre manière de faire les choses.

– Beaucoup de morceaux ont été écrits en studio. Comment as-tu sélectionné les 13 qui composent « Amo Et Odi » ? Est-ce que dans ces cas-là, on pense à l’intégralité du disque et à sa cohérence, ou plutôt aux moments forts ?

On a fait une sélection de 18 morceaux. En fait, on a fait 13 titres sans batterie et cinq autres avec. Oui, on a réfléchi au tracklisting ensemble. C’est un album qui s’est fait assez simplement et avec des gens en qui j’ai pleinement confiance. On a travaillé sereinement, on a cherché des choses. Ca a été une sorte de laboratoire en fait.

– Sur le même sujet, pour ce nouvel album solo, tu te distingues vraiment de ce que tu fais avec Trust, ce qui est très compréhensible. Pourtant, musicalement sur certains titres et surtout au niveau des textes, il y a aussi des similitudes dans l’engagement notamment …

Oui, mon écriture reste mon écriture. Ca se passe surtout dans la manière d’écrire, qui est cette fois plus intime et plus personnelle. Mais l’essence reste la même. Sinon, c’est un aspect des choses sur lequel je ne me penche pas plus que ça. Je sais comment je vais aborder les chansons. Ma source d’inspiration reste la même : je vis dans un monde et une société que j’essaie de comprendre. Je suis traversé par des choses et j’en parle. L’aspect qui est radicalement différent par rapport à Trust, c’est qu’il s’agit d’un album de chansons, plus encore que les quatre autres disques.

– D’ailleurs, ton avant-dernier album solo, « Organic », date de 2010. Ils sont tous très espacés depuis « Couleur Passion » en 1986. Est-ce que tu attends toujours le moment propice, celui de l’inspiration, ou ce sont tes autres activités qui guident un peu les sorties ?

Là, c’était vraiment une question d’opportunité. J’ai reçu un coup de fil un matin pendant la deuxième période Covid. On m’a proposé de faire un album solo, j’ai dit pourquoi pas et nous y sommes. Ca s’est vraiment passé aussi simplement que ça.

– Justement sur le même thème, notre époque incite clairement à la révolte, pour ne pas dire à la révolution, tant les injustices sont grandes et surtout n’épargnent pas grand-monde. J’imagine que cela doit aussi se bousculer dans ta tête au moment de coucher un texte. Tes choix se font sur ce qui te touche le plus et comment te places-tu par rapport à l’urgence de certains sujets ?

Il y a aussi une notion d’instant T. C’est très divers et varié. C’est ce qui est dans l’air, il n’y a pas de thématique appropriée ou de choses dont on peut parler spécifiquement. Une idée est quelque chose de volatile. 

Photo : Frédéric Dugit

– Izo, David Jacob et Jean-Pierre Bucolo et son dobro t’accompagnent et l’ensemble sonne très bluesy en dehors de du très beau piano/voix sur « A S’en Ouvrir Les Veines ». C’est plus facile de travailler avec une équipe restreinte ? Et est-ce cette tonalité était celle que tu avais en tête dès le départ ?

Oui et il y a même des choses Country sur l’album. Jean-Pierre est un ami depuis 1977. On est très proche et c’est un très grand compositeur. Il a apporté une manière différente de travailler, d’aborder les chansons. C’est vraiment une super expérience. Au final, en grande partie sur cet album, c’est la musique que j’écoute. J’ai un spectre d’écoute qui va de La Calas à Led Zeppelin. J’écoute énormément de Country comme du Rap colombien aussi. Je suis basiquement très curieux, comme pour tout dans la vie. Je n’ai jamais été dans une chapelle, je préfère les ponts que les murs. Durant cette période, on s’est beaucoup retrouvé chez moi, on a écouté de la Country, de choses comme ça. C’est pour ça qu’on a fait des morceaux avec juste un dobro et une voix. On a vraiment essayé des choses différentes.

Et c’est aussi plus facile de travailler en équipe restreinte dans la mesure où on n’est pas dans une contrainte de genre. Chacun peut vraiment amener toutes ses idées. Tout est bon à prendre et à essayer. Il y a des morceaux dans cet album qui ont été structurés et déstructurés trois/quatre fois jusqu’au dernier moment. Le morceau « Amy », par exemple, a été fait en cinq minutes, parce que notre ingénieur du son a eu l’intelligence de mettre un micro, lorsque nous avons improvisé le titre. On a fait deux prises et celle qui est sur l’album est la première. J’aime travailler comme ça, et que chacun puisse s’exprimer et exprimer sa différence. C’est essentiel ! C’est ce qui amène des couleurs et des tons différents.

– Un petit mot sur ce panneau qui sera sur scène et où sera indiqué : ‘On ne joue pas « Antisocial »’. Effectivement, il n’a rien à voir avec ton travail en solo, dont acte. J’aimerais juste savoir comment tu arrives à raviver l’envie de le chanter, plus de 40 ans après sa sortie ?

Oui, c’était une joke, parce que c’est quelque chose qu’on me demande à chaque concert. De toute façon, je ne mélange pas les choses. Maintenant, je souhaite à tous les artistes d’avoir une croix comme celle-là à porter.

Photo : Maury Golini

– Justement pour les concerts à venir, l’idée est de faire le focus sur ce nouvel album, ou est-ce que tu joueras également des morceaux de tes autres disques solos ?

Pour le moment, l’idée de travail est de jouer l’album tel qu’il est, c’est-à-dire sans batterie avec une formation où nous serons quatre avec David Jacob, Izo, Jean-Pierre Bucolo et moi-même. Izo va réaliser un gros travail de programmation que l’on va entrecouper avec une session acoustique et avec des anciens titres, bien sûr. En fait, les morceaux des autres albums solos seront abordés de cette manière et viendront s’intégrer au reste. C’est ça aussi qui est intéressant, de prendre juste une guitare acoustique sans autre ajout. On va essayer de monter une setlist pour se faire plaisir et aussi pour contenter les gens qui viendront aux concerts.

– Pour conclure, beaucoup se pose évidemment la question, car on a pu lire tout et n’importe quoi sur le sujet : qu’en est-il de Trust ? L’aventure va-t-elle continuer ?

Je ne sais pas. Quand on s’est reformé en 2016, on était parti pour jouer trois mois et on a joué deux ans et demi. En ce qui concerne « Re-Ci-Div », c’est différent, parce que j’avais eu cette idée en pleine période de pandémie où nous étions bloqués. Ca s’est passé pendant un déjeuner où j’ai soumis l’idée et le directeur du label, qui était là, a trouvé qu’elle était bonne et ça s’est monté comme ça. Mais je ne vois pas la nécessité d’en faire un systématisme pour les autres albums. Pour les trois premiers, c’était réjouissant et rigolo de le faire, c’était un challenge aussi, car on l’a fait en trois jours. En tout cas, l’adapter aux autres, on n’y a pas pensé.

L’album solo de BERNIE BONVOISIN, « Amo Et Odi », est disponible chez Verycords.

Retrouvez la chronique de l’album : https://rocknforce.com/bernie-bonvoisin-la-rage-au-coeur/