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Blues Rock Contemporary Blues

Fred Chapellier : au naturel

Incontournable sur la scène Blues hexagonale, FRED CHAPELLIER revient dans un format qu’il affectionne tout particulièrement : le live. Envoûtant et instinctif, ce double-album fait la part belle à son dernier opus studio, enrobé de quelques covers. Grâce à un chant irrésistible et des cuivres en osmose, « Live In Paris » irradie de plaisir et magnifie le Blues du Messin. Une superbe plongée dans un lieu au diapason de l’artiste.

FRED CHAPELLIER

« Live In Paris »

(Dixiefrog)

Après le splendide « Straight To The Point » sorti il y a deux ans, FRED CHAPELLIER a repris le chemin des concerts en faisant un beau détour par le ‘Jazz Club Etoile’ de Paris. L’idée a été d’immortaliser la soirée, en prenant soin de ne mettre aucun de ses musiciens dans la confidence, histoire de capter toute la spontanéité et le naturel qui émanent de son Blues à la fois contemporain et intemporel. Et ce « Live In Paris », qui se déploie sur deux CD, retranscrit parfaitement la chaleur du moment et transmet le bel échange avec une salle, qui n’en perd pas une miette.

Et c’est donc son dernier album studio que le guitariste et chanteur a mis en avant, toujours entouré des mêmes musiciens, auxquels il faut ajouter une magnifique session cuivre, qui offre un lustre lumineux à l’ensemble. Michel Gaucher (saxophone), Eric Mula (trompette) et Pierre d’Angelo (saxophone) apportent un souffle Soul et Rythm’n Blues aux morceaux avec beaucoup de feeling, alternant les morceaux calmes et d’autres plus exaltés avec une fluidité incroyable. FRED CHAPELLIER et ses sept compagnons de scène libèrent une énergie enveloppante.

Fidèle à lui-même, le bluesman se fait plaisir à reprendre Roy Buchanan et Peter Green à qui il a d’ailleurs consacré deux albums (« A Tribute to Roy Buchanan » et « Fred Chapellier Plays Peter Green »). En totale liberté, le groupe enchaîne les titres, fait chanter son public et se livre aussi à quelques impros savoureuses, comme pour mieux faire durer le plaisir. FRED CHAPELLIER rayonne et offre de superbes solos, qui se fondent dans un répertoire taillé sur mesure auquel ce « Live In Paris » rend toute l’authenticité. On se retrouve totalement immergé au sein du club parisien pour un moment de grâce total.

Photo : Philip Ducap

Retrouvez la chronique de « Straight To The Point » :

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Post-HardCore

Junon : viscéral

Sorte de mariage forcé entre souffrance et colère et entre mélodies et brutalité, « Dragging Bodies To The Fall » se lit comme une plaie que la formation de Béthune ne cherche d’ailleurs pas forcément à refermer ou à panser, mais plutôt à extraire. Les morceaux sont combatifs, jamais résignés, ils prennent aussi de la hauteur dans des sphères plus élevées laissant passer un halo de lumière dans cette noirceur, parfois abyssale. Tout en contrôle, JUNON met la pression, impose son style et son jeu avec autant de force que de précision.  Un véritable modèle du genre !  

JUNON

« Dragging Bodies To The Fall»

(Source Atone Records)

La tension est loin d’être retombée chez JUNON. Il y a deux ans, les Nordistes nous avaient livré avec l’EP « The Shadow Lenghten » (2021) un avant-goût de son Post-HardCore à travers quatre morceaux, qui avaient déjà fait l’effet d’une bombe à fragmentation. Aussi changeants qu’insaisissables, ils se présentent cette fois sur la longueur avec « Dragging Bodies To The Fall », un premier album où ils se déploient dans une certaine fureur. Avec Francis Castre du Studio Sainte-Marthe aux commandes, les ex-General Lee ont mis toutes les chances de leur côté et l’ensemble bénéficie d’une production massive et équilibrée.

Parce que sans un son irréprochable, impossible de saisir toutes les subtilités à l’œuvre ici. JUNON dispose toujours de ce mur de guitare, formé par ses trois six-cordistes, qui trouvent vraiment l’harmonie dans ce dédale de riffs. Mais on est loin du chaos. Personne ne joue sa partition dans son coin, et chacun œuvre à une même dynamique. Là aussi, toute la pertinence du jeu du sextet se trouve dans les détails… et ils sont nombreux. Le sextet articule ses compos sur des rythmes à géométrie variables, tantôt fulgurants ou plus aériens. La rythmique basse/batterie s’avère redoutable et donne le cap de manière magistrale.

L’univers de JUNON est obscur, parfois terrifiant et oppressant à l’instar du chant d’Arnaud Palmowski, rugueux et tenace. En ouvrant avec « Segue 1 – The Final Voyage », sorte de capsule, dont on retrouve une seconde partie un peu plus tard (« Segue 2 –Dragbody »), le groupe fait dans la nuance et scinde ce nouvel opus en deux parties distinctes. Les émotions se bousculent, s’entrechoquent et se percutent sans jamais perdre le fil. Les déchirures sont nombreuses, mais la solidité et le refus d’abdiquer aussi. Il y a dans ce « Dragging Bodies To The Fall » beaucoup plus de résistance que de résilience, et ça : c’est bien ! Bravo !

Photo : Emmanuel Poteau

Retrouvez la chronique du premier EP, « The Shadows Lenghten » :

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Heavy Stoner Rock Stoner Doom

Greyborn : clair-obscur

Les Limougeauds continuent leurs explorations Stoner Doom avec un nouvel effort, qui vient faire suite à « Leeches », sorti il y a deux ans. Sur une production-maison très organique, GREYBORN côtoie le lugubre sans s’apitoyer et en se montrant plutôt obstiné. En s’immergeant aussi dans des atmosphères Space Rock, « Scars » avance dans cette introspection torturée, où seule la voix de son batteur libère quelques éclaircies, même fragmentées.

GREYBORN

« Scars »

(F2M Planet)

Avec « Scars », son deuxième EP, GREYBORN continue son cheminement dans un style où, forcément, le gris est teinté d’autres variations de gris. Une façon aussi et sûrement pour le power trio de ne pas se perdre dans le trop sombre, ou dans le trop lumineux, mais d’évoluer dans des ambiances claires-obscures et de bénéficier d’un champ d’action bien plus vaste. Comme pour « Leeches », le groupe s’est encore attelé à l’enregistrement et au mix de son nouveau format court, une manière de garder la main sur un univers très personnel, où la lourdeur des notes et la clarté du chant font cause commune.

Loin du Heavy Stoner Blues de Blackbird Hill, l’autre formation menée par Maxime Conan (guitare) et Théo Jude (chant, batterie – ex-Mama’s Gun), GREYBORN évolue sur un Doom écrasant et épais, tout en restant dans un Stoner Rock massif. Ils sont accompagnés par le bassiste Guillaume Barrou (ex-Mama’s Gun), une nouvelle histoire entre amis qui se connaissent bien en somme. Le groupe tire ici sa force d’une rage et d’une violence à l’œuvre sur les quatre morceaux, auxquels s’ajoute « Tetany », une virgule instrumentale suspendue, qui apporte une note de légèreté dans ce sombre océan.

Malgré une formation assez récente, GREYBORN a déjà parfaitement cerné les contours de son style et pour mieux en saisir l’entièreté, rien de mieux que d’écouter les deux EP dans l’ordre. C’est le gros et ultime défaut de ce genre de réalisations car, en l’occurrence, le groupe se savoure sur la longueur. Dès le morceau-titre, on entre dans le vif du sujet et « Ravenous » vient confirmer cette densité presque hypnotique, qui se forme dans un fuzz appuyé. Plus véloce sur « A Thousand Dreams Away », c’est « The Grand Design » qui clot ce chapitre d’un Doom solide. On attend maintenant impatiemment le premier album.

Photo : Victor Leonchenko

Retrouvez la chronique du premier EP du groupe, « Leeches » :

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Ethnic Metal Metal Progressif Symphonic Metal

Myrath : prophétique

Avec « Karma », MYRATH semble ouvrir un nouveau chapitre et donne même de l’élan à une carrière déjà bien remplie. Sans renier ce qui constitue son ADN, à savoir un Metal Oriental à la fois Heavy, symphonique et progressif, il met en exergue ce savoureux mélange, et même si les envolées ne manquent pas, l’efficacité paraît être la priorité de ces nouveaux titres qui, pourtant dotés d’arrangements très soignés, évitent toute fioriture. Guidé par son frontman Zaher Zorgati, le combo se montre lumineux, positif et énergique.

MYRATH

« Karma »

(earMUSIC)

Cinq ans après le très bon « Shehili » et le double DVD live au Sweden Rock et à Carthage, les Franco-Tunisiens font un retour exceptionnel. Très bien écrit, « Karma » doit cette petite métamorphose, du moins cette évolution, a une méthode de composition imposée par les circonstances, mais qui aura permis aux musiciens de se recentrer sur leurs fondamentaux et d’expérimenter aussi beaucoup. Direct, fluide et dynamique, MYRATH revient dans une forme éblouissante et cela s’entend sur les onze titres de ce sixième opus qui devraient prendre toute leur dimension sur scène.

Et le groupe commence aussi, d’une certaine manière, à s’émanciper très légèrement du Metal Oriental, dont ils sont bien sûr les fervents représentants. Musicalement, pas de bouleversements majeurs mais, en revanche, « Karma » est entièrement chanté en anglais, une première, ce qui montre à l’évidence que MYRATH se projette de plus en plus à l’international. Et ce n’est pas tout, puisque l’on retrouve le grand Jacob Hansen au mix et à la production. Le son est clair, puissant, équilibré et surtout il conserve et met en lumière les particularités du quintet.

Pied au plancher, c’est « To The Stars » qui ouvre les festivités sur un groove d’enfer et un petit air vintage niché au creux de ce Metal plutôt costaud. Techniquement, MYRATH hausse le ton sans tomber dans une technicité exacerbée pour autant. Incisive et mélodique, cette nouvelle réalisation mise aussi sur les changements d’atmosphères et de tempos. On n’a pas vraiment le temps de s’ennuyer, tant « Karma » ne manque pas d’éclat (« Into The Night », « Candles Cry », « Words Are Falling », « Child Of Prophecy », « The Empire », « Carry On »). Les étoiles sont alignées…

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Thrash Metal

Anthares : d’attaque !

Au terme ‘Old School’, je préfère nettement celui d’originel car, à l’écoute de la nouvelle réalisation d’ANTHARES, la production soignée et moderne vient fracasser cette image ‘vintage’ qu’on trouvait, c’est vrai, sur celles des années 80 et 90. Et si le Thrash Metal des Français va chercher sa source chez les pères fondateurs du style, nous sommes bel et bien au XXIème siècle et cela s’entend sur cet « After The War » à la fois technique, sauvage et qui alterne habillement les moments percutants et les titres mid-tempos. Un disque qui fait du bien à la scène hexagonale ! 

ANTHARES

« After The War »

(M&O Music)

Le temps s’écoule paisiblement sous le viaduc de la cite finistérienne de Morlaix et même au rythme de trois albums en près de 30 ans pour ANTHARES. Pour autant, la virulence et la puissance affichées sur « After The War » ne laissent pas vraiment penser que la vie soit un long fleuve tranquille pour lui. Loin de là ! Cela dit, le temps a aussi fait son œuvre, puisque la formation reste ancrée dans un Thrash Metal des origines du registre, celles qui forgèrent un style finalement hors-mode et intemporel… et c’est tant mieux ! On y retrouve autant de sonorités propres à Slayer, Exodus, Kreator et même Annihilator. L’éventail est donc large ! 

Si le troisième opus des Bretons ne sort qu’aujourd’hui, n’allez pas croire qu’ils se la coulent douce. Non, comme quelques autres, ANTHARES a connu des départs, un split et a sorti une démo et « Pro Memoria » dans sa première vie, entre 1996 et 2001. C’est depuis 2013 que le quintet a entamé sa marche en avant avec un EP, « 2 My Last Breath », puis « Addicted To Chaos », un second effort qui est venu confirmer sa vitalité. Des débuts, seul son emblématique frontman François ‘Fanfan’ Voisin reste solidement accroché à l’entité et la bonne dynamique de son groupe. Et le résultat est plus que palpable sur « After The War ».

Bien aidé par une expérience acquise au fil des années, nos thrashers affichent un son massif et tranchant, parfaitement mis en valeur par une production compacte, musclée et pleine de relief. Ici, les riffs sont racés et aiguisés au mieux pour servir des compos véloces et rageuses (« Invaders From The Outer Space », « Burning Light », « Lost », Trance Thrash », « Pain »). Jamais ANTHRARES ne donne dans la demi-mesure, le combo est sûr de sa force et est parvenu à moderniser son jeu en offrant des compos variées, alternant aussi les tempos au gré du chant de son fondateur, véritable pierre angulaire du groupe. Bien joué !   

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France Hard'n Heavy

RollyWoodLand : they are back ! [Interview]

Cela faisait plus de dix ans que ROLLYWOODLAND était (presque) en sommeil. Le power trio basé dans le sud-est de la France revient en force avec un deuxième album, « Dark Fate For Judgment Day », sorte de flashback musical et cinématographique des années 80/90, celles d’un Hard Rock qui savait aussi se faire très Heavy. Sans nostalgie et avec une production très actuelle, le groupe aborde cette nouvelle étape avec enthousiasme et un  regard clair sur ses intentions. Entretien avec Rolly Wood, chanteur et bassiste du combo.

– « Appetite For Seduction », votre premier album, était sorti en 2012 et il aura fallu attendre 2024 pour vous retrouver avec « Dark Fate For Judgment Day ». Que s’est-il passé en plus de 10 ans ? Vous avez fait une pause musicale, ou est-ce que chacun d’entre-vous s’est concentré sur d’autres projets artistiques ?

Il y a un peu de tout ça. On a commencé à bosser sur l’album presque tout de suite après la sortie du premier. Ensuite, on a fait un break de trois ans en 2015, suite à des changements de boulot, des enfants, … On a repris en 2018 et quand on a commencé à être bien, il y a eu le Covid. Comme on habite tous assez loin les uns des autres, on n’a pas pu se voir. Pendant, cette période, j’ai réenregistré le chant chez moi. Ensuite, on a fait les grattes chez le guitariste entre 2020 et 2022 environ. Et tout ce qui est additionnel a aussi été réalisé à ce moment-là. C’est vrai que l’album est prêt quelque temps, mais la recherche de label et puis le calendrier de sorties des autres groupes ont fait que l’album sort aujourd’hui.

– ROLLYWOODLAND a forcément beaucoup changé en plus d’une décennie. Quels ont été les changements majeurs que vous souhaitiez apporté au groupe, si tant est qu’il y en est eu ?

Il y a déjà eu un changement de line-up. Notre batteur, Ben avec qui je jouais déjà avant notre premier album, nous a rejoints. Yohan, le guitariste qui était avec nous depuis 2013, est aussi revenu en 2018, lorsque l’on s’est reformé. Le line-up est stable depuis quelques années maintenant.

– Avant de parler de l’album, j’aimerais aussi avoir ton regard sur le petit monde de la musique qui a aussi beaucoup changé. Le milieu a connu une certaine métamorphose dans son fonctionnement avec surtout la main mise des réseaux sociaux sur cet environnement au détriment assez souvent de la musique. « Dark Fate For Judgement Day » arrive un peu dans un autre monde, non ?

Complètement ! Et un monde qui n’est pas le mien ! (Rires) Au sein du groupe, on n’est pas branché réseaux sociaux. On n’est pas récalcitrant, mais ce n’est pas notre façon de fonctionner en montrant notre vie en permanence. Le ‘m’as-tu vu’ et le voyeurisme, on n’est pas trop dedans. Avant, les choses se faisaient via le bouche à oreille et les concerts faisaient parler toi. Aujourd’hui, j’ai l’impression que ça se joue au nombre de followers. Sachant qu’en plus, c’est un peu biaisé car on peut en acheter, je ne vois pas vraiment l’intérêt de tout ça.

– En tout cas, une chose est sûre, votre musique reste dans la lignée de ce vous avez toujours fait avec les mêmes repères aussi. Finalement, ce Hard Rock aux teintes Glam Metal un peu Sleaze est quelque chose d’assez immuable et d’intemporel ? D’ailleurs, comment vivez-vous ce petit ‘revival’ actuel à l’étranger comme en France ? Et est-ce que vous avez gardé un œil là-dessus ?

C’est peut-être que cette musique est la bonne, tout simplement ! (Rires) Je pense que la bonne musique ne suit pas les modes, c’est quelque chose d’intemporel. Par ailleurs, parmi tous ces groupes un peu ‘revival’, il y a un grand côté parodique. Maintenant, je ne sais pas si nous sommes les rois de l’originalité, mais il y a souvent ce manque dans les groupes actuels. Ils ne cherchent pas forcément à s’émanciper d’une certaine masse. Tous ces groupes actuels de Glam, de Sleaze, etc… me font penser aux Inconnus (les humoristes ! – NDR). C’est vrai que ce n’est pas une scène que je suis vraiment. Le plus Glam que j’écoute, ça doit être Mötley. Ce n’est pas vraiment ma tasse de thé, je suis plus Hard Rock pur. C’est pour ça que j’ai du mal à nous identifier à cette scène, car tous les chanteurs ont un peu la même voix. C’est ça qui me manque actuellement, ce sont les chanteurs qui ont une voix à part. Il n’y a plus grand-chose d’immédiatement identifiable. Et puis, tout le monde a le même son de batterie, etc… C’est un peu mon ressenti là-dessus. Aujourd’hui, les deux seuls groupes que j’écoute de cette nouvelle scène sont Audrey Horne et Volbeat, qui ont une identité musicale assez marquée et puis, ça joue !

– Parlons de ce nouvel album. Même si les références américaines et surtout californiennes ont assez évidentes sur certains morceaux, le son de ROLLYWOODLAND s’inscrit tout de même dans un registre français et plus largement européen. C’est quelque chose à laquelle vous tenez, ou cela s’est fait finalement inconsciemment ?

Sonner à tout prix américain est quelque chose que je refuse de faire. Tu vois, j’adore Steel Panther, mais je trouve que tous leurs albums se ressemblent. Je n’ai pas du tout envie qu’on entre dans ce genre de truc. Je trouve que beaucoup de groupe essaient de faire comme les autres, histoire d’être sûrs que leur musique va être bien reçue. Alors que je pense que ce qui plait aux gens, c’est peut-être les 2% d’originalité que tu peux avoir. Une chanson, c’est un type de mélodie et un son que tu vas aller rechercher. Alors, si les gens peuvent venir à nous pour cette raison, j’en serai le premier ravi et satisfait.  

– Lorsque l’on parle de ce type de Hard Rock, c’est-à-dire avec des couleurs assez Glam et Sleaze, on pense à un style forcément festif. Or, ce n’est pas forcément le cas sur « Dark Fate For Judgement Day », qui est souvent sombre, même un peu sérieux et finalement très Heavy. Pour vous, c’est dû à cette époque que l’on vit et qui n’invite pas toujours à la rigolade, ou alors, ce n’est pas votre vision avec ROLLYWOODLAND, malgré des morceaux comme « JCVD » ou « Nunchaku »… 

C’est vrai que la plupart des gens pensent d’abord au côté festif, et c’est intéressant de voir que chacun peut avoir un ressenti différent par rapport au contenu ou à travers les textes. Notre album est très Hard’n Heavy avec des thèmes très différents, à travers des morceaux très introspectifs comme « Militærritory » ou « We All Come From Outer Space », par exemple. C’est une façon pudique finalement de m’exprimer aussi dans une autre langue. C’est vrai que « JCVD » et « Nunchaku » sont des titres plus légers qui s’inscrivent dans un univers de films d’action. Finalement, le morceau le plus sombre est « Heaven For Paradise », qui est ma chanson anti-jihad que j’ai écrite juste après les attentas de Charlie.

– Les clins d’œil aux années 80 et 90 ne manquent pas, et c’était déjà le cas sur « Appetite For Seduction », mais elles ne concernent pas seulement la musique. Cette fois, c’est un véritable hommage à ‘Terminator’ avec « « Dark Fate For Judgement Day ». Ce sont deux décennie et un groupe (Guns N’Roses a aussi chanté « You Could Be Mine » sur la BO – NDR) qui vous a marqué à ce point-là, car on ne vous sent pas forcément nostalgique ?

En fait, l’idée de ‘Terminator’ est partie d’un délire, puisqu’on jouait le thème en répétition et on a ensuite décidé d’en faire une vraie intro pour les concerts. Finalement, on l’a enregistré et c’est à ce moment-là que l’idée d’appeler l’album « Judgement Day » est arrivée. C’est quand même un titre qui claque ! Pour la pochette, j’avais d’ailleurs pensé au pouce levé à la fin du film. Et on a finalement choisi cette main, qui est propre à l’univers du Rock et du Metal. On s’est dit que cela parlerait aux gens en s’appropriant la scène, et c’est là qu’avec l’arrivée du dernier film, on a opté pour « Dark Fate For A Judgement Day ».

On a réussi à avoir les droits avec le Studio Canal pour la reproduction du thème. On avait fait la démarche auprès de la SACEM. Pareil pour « Another Part Of Me » de Michael Jackson, qui était au départ assez mal embarqué, puisque la personne de Sony que j’avais eu m’avait dit que les ayants droits refusaient systématiquement toute demande. Elle a d’ailleurs été la première surprise qu’ils aient validé positivement. C’est un morceau que j’avais retravaillé en me disant que ce serait une bonne reprise et elle s’inscrit finalement hyper bien à notre répertoire. On dirait presque une compo ! Si tu ne sais pas que c’est une chanson de Michael Jackson, elle passe comme une composition du groupe. Pour moi, c’est d‘ailleurs le propre d’une reprise réussie.

– Votre album est très varié, puisqu’on y trouve aussi des ballades et même des morceaux instrumentaux. C’est d’ailleurs assez étonnant de trouver une telle diversité aujourd’hui dans le Heavy Rock. C’est une volonté de ne pas se laisser enfermer dans un seul registre ?

J’ai toujours aimé les petits instrus, comme dans les albums de Van Halen, ainsi que l’idée que cela t’amène sur un thème. Par exemple, « The Epic Split » a été composé pour faire introduction à « JVCD ». Il y a un but précis. On l’a écrit parce qu’on voulait une partie instrumentale. Je trouve, en fait, qu’un album est un peu comme un film. C’est une succession de scènes différentes. C’est pour ça aussi que c’est intéressant de l’écouter dans son entier, car on retrouve cette sensation.

– Un mot aussi sur la durée de l’album qui atteint presque l’heure, ce qui est devenu très rare. Aujourd’hui, tout est très formaté et tout le monde reste dans les clous. Pourquoi avoir sorti un album aussi long ? C’est parce que vous aviez plus de 10 ans à rattraper ?

(Rires) A l’origine, on avait enregistré 14 titres en 2015. Donc, on avait déjà tous ces morceaux. Et puis, à l’instar du « Black Album », sans comparaison aucune et avec beaucoup de modestie, enlever un morceau était juste quelque chose d’impossible pour nous. Ensuite, quitte à payer du studio, on a cherché le meilleur ordre possible et aujourd’hui, j’aurais vraiment du mal à imaginer l’album, sans l’un des morceaux qui le compose.

– Pour conclure, j’imagine qu’avec un tel album, vous allez prendre la route pour le défendre. D’ailleurs, avec cet écart entre vos deux disques, est-ce que vous allez réarranger certains morceaux du premier ? Leur faire un petit lifting ?

En fait, il y a juste deux morceaux du premier album que l’on joue encore. Ils sont dans la lignée de ce qui a été enregistré dernièrement, même si cela s’est fait avec des personnes différentes. Globalement, les structures n’ont pas changé. C’est vrai qu’on pourrait en prendre d’autres, mais on est déjà en train de bosser sur le prochain. Pour le moment, on est plutôt dans l’optique de développer de nouveaux titres. D’ailleurs, on devrait être prêt à enregistrer en fin d’année ou en début d’année prochaine.

L’album « Dark Fate For A Judgement Day » de ROLLYWOODLAND est disponible chez M&O Music.

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Blues International

The Cinelli Brothers : l’ambiance du Blues [Interview]

Si les nationalités se côtoient aussi naturellement chez les CINELLI BROTHERS, c’est probablement dû à un amour commun pour le Blues, bien sûr, mais cela va bien au-delà. Avec l’indépendance chevillée au corps, le quatuor italo-anglo-français livre déjà son quatrième album, « Almost Exactly », dont le titre parle de lui-même avec cet état d’esprit si particulier. S’ils échangent leurs instruments à l’envie, c’est avec une authenticité palpable que le groupe a imposé sa patte au fil des disques. Entretien avec Marco Cinelli (chant, guitare, claviers), principal compositeur et producteur, et à l’humour so british…

Photo : Anna Polewiak

– Tout d’abord, j’aimerais vous demander si la nationalité du groupe importe encore pour vous lorsque celui-ci se compose de deux Italiens, d’un Anglais et d’un Français ? Sachant en plus que vous êtes basés à Londres…

A ce stade, nous pouvons tous nous fondre dans la nationalité écossaise. Personne n’est écossais, mais l’Ecosse est un concept dans lequel chacun a des points communs les uns avec les autres.

– Est-ce que, finalement, ce n’est pas ce mélange de cultures qui fait que vous vous soyez retrouvés tous les quatre autour de la musique américaine si naturellement ?

Tu l’as dit. J’ai toujours pensé que le mélange de personnalités différentes, liées également à la différence de nos origines, rendait la soupe plus originale en goût. Comme le Blues.

– Vous venez de sortir « Almost Exactly », votre quatrième album, et vous êtes partis l’enregistrer aux Etats-Unis, à Woodstock, avec le grand Rich Pagano qui le co-produit également. Qu’est-ce qui vous a poussé à traverser l’Atlantique ? C’était une façon de vous rapprocher de vos racines musicales ?

C’était et c’est le rêve de nombreux jeunes groupes européens comme nous. Aller en Amérique – aller à Woodstock ! – dans un grand studio d’enregistrement, pour produire et  sortir un album qui sent bon les étoiles et les sillons. Waouh ! C’était presque comme si même la réalité des faits ne pouvait saper la beauté de ce rêve innocent. Le fait est qu’en Amérique, il existe toujours un vif intérêt pour la production discographique. Je dirais en fait qu’en Europe, il existe un vif intérêt pour ce qui se passe en Amérique.

Photo : Anna Polewiak

– Malgré de multiples récompenses et de nombreuses tournées, vous n’êtes pas signés sur un label après quatre albums. Pourtant, j’imagine que les sollicitations ne doivent pas manquer. Vous souhaitez simplement garder votre indépendance et une certaine liberté, ou vous n’avez pas eu d’offres suffisamment intéressantes ?

Je dois malheureusement admettre que nous n’avons pas eu l’offre qui nous ferait arrêter de faire ce que nous faisons sans l’aide de qui que ce soit. Nous avons eu des histoires, nous avons fait des choix et le résultat est le groupe aujourd’hui. Nous ne regrettons rien et nous ne changerions rien au passé, non plus. Un jour, viendra l’offre que nous ne pouvons refuser. Nous nous préparons à ne pas l’accepter.

– Revenons à « Almost Exactly », vous avez co-écrit les chansons pour la première fois, et surtout on y décèle un côté plus Pop et peut-être plus roots aussi. Vous aviez des envies de changement, ou c’est une évolution assez naturelle de votre musique ?

Nous ne pensons jamais en termes de changement de musique. Quand nous composons, nous faisons simplement notre truc. Je dirais donc certainement que nous évoluons naturellement vers autre chose. Si c’est plus Pop, ou plus ‘vert’ plutôt que ‘bleu’, c’est à vous de décider. Je suis heureux quand les gens s’intéressent à notre musique et soulèvent toutes ces questions sur le changement de style, etc… Pour nous, cela n’a pas changé du tout depuis le début. PEUT-ÊTRE, juste un tout petit peu, OK !

Photo : Anna Polewiak

– Cela dit, cette authenticité très Blues est toujours autant alimentée de Soul et de R&B dans des couleurs fidèles aux 60’s et 70’s. Ca, c’est une chose qui ne changera jamais chez THE CINELLI BROTHERS ?

Ne jamais dire jamais. Quand les gens commenceront à exiger une musique type pour les CINELLI’S, j’essaierai sérieusement de comprendre pourquoi dans un premier temps, puis j’envisagerai la possibilité de changer le son dans ce sens. Nous avons un bluesman dans le groupe (Tom Julian Jones), un Rock Soul (Stephen Giry) et un jazzman (mon frère Alessandro). Les éléments peuvent être mélangés pour toujours et auront un son vintage pour certains et nouveau pour d’autres. L’harmonica est l’instrument du Blues, donc tant qu’il y en aura dans notre musique, le ‘facteur’ Blues sera toujours là, je pense. Moi, je ne suis qu’un clown, là au milieu…

– Par ailleurs, « Almost Exactly » contient des sonorités Southern et même Country Blues et Gospel. Est-ce à dire que vous considérez le Blues au sens large du terme comme un vaste terrain de jeu aux possibilités infinies ?

Le Blues n’est pas un genre, c’est une ambiance. C’est un style de vie, apparent ou réel. Une chose peut cependant paraître ‘bluesy’, si vous chantez la gamme pentatonique avec plus ou moins d’émotion. Je suppose que nous avons l’air bluesy, car il y a beaucoup de gammes pentatoniques dans ce que nous faisons. Nous nous inspirons de ces rythmes qui étaient populaires il y a un demi-siècle. Si une chose est plus Country, ou Gospel, cela dépend du contenu des paroles ou des sons. La délivrance est toujours la même. Mais le Blues porte l’ambiance, c’est sûr.

Photo : Anna Polewiak

– Prochainement, vous allez venir en France pour une belle série de concerts. En dehors de votre guitariste Stephen, est-ce que vous entretenez une relation particulière avec notre pays, qui est aussi une belle terre d’accueil pour le Blues ?

Bien sûr que nous le faisons. Il n’y a rien de plus gratifiant que d’entretenir une relation avec chaque pays dans lequel nous nous produisons. La France est un beau pays plein de gens enthousiastes. La nourriture et la vigne sont excellentes et les musiciens sont parmi les meilleurs. Elle nous a toujours très bien traités, nous ne pouvons que lui rendre la pareille en vous traitant également bien.

– Pour conclure, il n’y a pas que votre musique qui soit très soignée, votre look vintage l’est tout autant. Cela fait partie intégrale de l’univers de THE CINELLI BROTHERS, ou plus simplement de votre quotidien ?

Nous jouons un rôle dans le groupe. Nous sommes des artistes et il n’y a rien de mal à le dire. Quand le style que vous mettez sur scène vous va parfois bien dans la vraie vie, c’est là qu’on se fait ‘cinellier’. Personnellement, j’ai tendance à m’habiller très mal, trop coloré, hors-concours, criard et tout le reste. Tu imagines donc bien que le défi d’apporter un tel style dans le groupe et de convaincre les trois autres n’était pas si grand !

Le nouvel album de THE CINELLI BROTHERS, « Almost Exactly » (Inouie Distribution), est disponible sur le site du groupe avec toutes infos et notamment leurs concerts à venir :

http://www.cinellibrothers.com/

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Blues Rock France Southern Blues Southern Rock

LeanWolf : du Blues dans la bergerie [Interview]

Pour son deuxième EP, LEANWOLF a insufflé une touche Southern à son Blues Rock, quoi de plus normal finalement lorsque l’on vit en Languedoc-Roussillon. « Limbo » sent bon le sud, certes, mais plutôt celui des Etats-Unis. Quentin Aubignac, à l’état civil, a marié des saveurs sudistes à un jeu très groovy et percutant, mais également au parfum Soul. Avec une formule en quatuor, le songwriter, guitariste et chanteur s’exprime avec talent et beaucoup de liberté sur ce nouveau six-titres accrocheur. Entretien avec un musicien inspiré.

Photo : Arbre E. Saldana

– Tu avais sorti un EP en 2021 et tu récidives aujourd’hui avec « Limbo ». Le format court te convient mieux, ou ce sont les plus simplement les circonstances qui se sont présentées comme ça et t’y ont mené ?

J’ai préféré sortir un deuxième EP, car je ne me sentais pas prêt pour un album. Je suis perpétuellement en train de me chercher dans la composition, ça me sert de croquis en quelque sorte, même si cette fois, on est arrivé à quelque chose de beaucoup plus abouti. Il y a bien sûr aussi l’aspect financier qui entre en jeu, c’est beaucoup plus pratique de sortir un EP sur plein d’aspects.

– Pour conclure sur ce chapitre, le cap du premier album est toujours important pour un artiste. J’imagine que cela doit aussi te titiller, à moins que la scène soit véritablement ta priorité et non la production de disque ?

Oui complètement, c’est une forme d’aboutissement dans la recherche de son identité, je pense. Et aujourd’hui personnellement, je me sens prêt à sortir un album. D’ailleurs, j’ai commencé à y travailler. Bien sûr, il faudra trouver les fonds ! Mais pour l’instant, je dirais que la scène est ma priorité en effet. C’est devenu un peu le nerf de la guerre et il nous faut d’abord défendre ce nouvel EP avant de passer à autre chose.

– Avant de préparer cette interview, je me suis bien sûr replonger dans ton premier EP éponyme. Ce qui m’a tout de suite surpris, ce sont ces sonorités Blues assez ‘classiques’, tandis que « Limbo » sonne clairement plus Southern. Tu te cherchais encore à l’époque, ou c’était une volonté claire de creuser dans un registre au spectre peut-être plus large et moins caractérisé ?

Tu as complètement raison, c’est un peu des deux. Lorsque j’ai écrit mon premier EP, j’étais clairement à fond dans la musique Blues ‘classique’. Je cherchais vraiment à rentrer dans cette ‘niche’, car je pensais ne pouvoir faire que ça comme style. Donc bien sûr, je me cherchais, il s’agissait de mes premières compos, de mes premiers textes… Mais avec « Limbo », j’ai voulu sortir de ce carcan. J’ai été énormément inspiré par Marcus King, qui est très Blues dans son jeu de guitare et dans la voix, alors que ses morceaux pas du tout. D’autre part, ça m’est venu naturellement. Ce nouvel EP représente qui je suis aujourd’hui, et, au final, le voyage musical est une perpétuelle recherche de soi à mon sens.

Photo : Arbre E. Saldana

– LEANWOLF est un groupe assez jeune finalement, et pourtant vous affichez tous les quatre une assurance de vieux briscards et aussi et surtout une culture musicale conséquente, vu le registre. A quel âge êtes-vous tous tombés dans le Blues et le Southern Rock qu’on entend plus cette fois ?

Pour ma part, je suis tombé assez jeune dans le Blues. Dès mes premiers cours, mon prof m’a initié à Gary Moore, qui a été mon modèle pendant longtemps. Puis, de fil en aiguille, j’ai découvert Stevie Ray Vaughan, Jeff Beck et BB King. Ce n’est que plus tard que je suis tombé amoureux du Southern Rock, c’est même tout frais à vrai dire !

– Les six titres de « Limbo » sont remarquablement bien produits et bénéficient d’un volume important et d’un équilibre parfait. Il en émane aussi une énergie très live sur un son tout aussi organique. Dans quelles conditions a-t-il été enregistré, et est-ce le disque vous aviez en tête dès le début ?

Merci pour David Darmon (Mirador Sound Studio) qui a mixé notre EP et Joe Carra (Crystal Mastering) qui l’a masterisé. Pour commencer je dirais que oui : c’est le disque que nous avions en tête depuis le début. On voulait, à l’inverse du premier, un côté plus organique et live dans le son, et pour ça il n’y a pas 36 solutions : on devait l’enregistrer en live. Alors bien sûr, la voix a été enregistrée après coup, mais le reste était vraiment en live. Il y a donc des petites imperfections, qui rendent aussi le tout vivant.

– Faire du Southern Blues Rock est suffisamment rare en France pour être souligné. Si les influences sont assez évidentes et on pense à Lynyrd Skynyrd, Allman Brothers Band et Gov’t Mule. Cela dit, je vous trouve aussi beaucoup de points communs avec la nouvelle génération et des groupes comme Blackberry Smoke, Robert Jon & The Wreck et Whisky Myers. Est-ce que tu as aussi le sentiment d’appartenir à cette lignée d’artistes ?

Oui complètement, en tout cas pour ce nouvel EP, on est vraiment dans cette lignée et je suis très fier de défendre cette musique trop peu présente à mon goût en France. Maintenant, je ne sais pas si la suite sera toujours dans cette lignée, car on ne sait pas de quoi demain sera fait et quelles seront mes inspirations. En tout cas, on n’en sera jamais très loin !

Photo : Arbre E. Saldana

– Il y a autre chose qui est assez surprenant. Les sonorités Southern sont très marquées et elles se mêlent habillement au British Blues Rock et notamment à celui de Gary Moore. Ca peut paraître étonnant d’avoir ainsi un pied dans les deux continents, et c’est également ce qui forge en partie ton identité musicale. C’est quelque chose d’inconscient ou au contraire de très travaillé ?

Je pense que c’est inconscient, mais maintenant que tu le dis, oui ça fait sens, merci ! En tout cas, c’est vrai que Gary Moore a eu beaucoup d’influence sur moi.

– Outre des parties de guitares exceptionnelles, « Limbo » fait aussi la part belle à l’orgue bien sûr, mais aussi à ta prestation vocale. Est-ce que tu les as travaillé avec la même implication, ou as-tu une préférence claire pour l’une ou l’autre ?

Et bien, j’ai toujours plus travaillé ma guitare que ma voix, sachant que je suis complètement autodidacte au chant. Mais j’avoue qu’après avoir sorti « Limbo », j’ai senti qu’il fallait que j’améliore ma technique vocale. Donc, je la travaille beaucoup plus depuis, j’essaie de rattraper le coup pour être à 50/50, aussi bon avec les deux ! (Rires)

– Même si « Limbo » est assez Heavy dans l’ensemble, il y a aussi beaucoup d’aspects Soul. C’est important pour toi de placer les moments d’émotion au même niveau que les aspects plus musclés de ton Blues Rock ?

Oui, j’adore jongler entre deux extrêmes. C’est important pour moi d’exprimer ces deux types d’émotions qui sont, en gros, la colère et la mélancolie. C’est bien sûr plus compliqué que ça, c’est histoire de donner un exemple. Il y a un côté cathartique : les jouer en live et les enregistrer me permet de me sentir mieux, c’est une part de moi.

– Enfin, on t’imagine aisément écumer les scènes américaines. Est-ce quelque chose que tu as dans un coin de la tête, ou la France reste d’abord ta priorité ?

Alors oui, le rêve Américain sera toujours présent. J’y travaille tous les jours pour y arriver et peut-être qu’un jour… qui sait ! En tout cas, oui clairement, on va essayer de ‘conquérir’ la France pour l’instant ! (Rires)

Le nouvel EP de LEANWOLF, « Limbo », est disponible sur toutes les plateformes.

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Delgres : porter la parole

Engagé mais pas enragé, DELGRES mène son combat contre l’oubli avec des mots forts et des mélodies enivrantes. Si le Blues Rock créole distillé sur ce nouveau « Promis Le Ciel » a des saveurs d’alizées, les riffs sont tempétueux, les rythmiques souvent rageuses et malgré tout, il en émane une ambiance solaire et positive. Profond et ardent, le registre des trois musiciens prend racine et déclame les siennes avec beaucoup d’élégance.

DELGRES

« Promis Le Ciel »

(Discograph/Pias)

L’entreprise s’avérait audacieuse lorsque le trio s’est lancé dans un tryptique avec son premier album « Mo Jodi » en 2018. Dans la foulée, « 4:00 AM » a continué à convaincre le public, alors que de grands médias lui faisaient les yeux doux. Il faut reconnaître que le Blues arrangé de DELGRES a de quoi séduire. Militant et enthousiaste, le groupe tient son nom de l’anti-esclavagiste antillais Louis Delgrès, figure de l’abolitionnisme guadeloupéen de l’ère napoléonienne : un héritage lourd, mais motivant.

Pascal Danaë (chant, multi-instrumentiste), Baptiste Brondy (batterie) et Rafgee (soubassophone) livrent le troisième volet de cette aventure belle et touchante avec « Promis Le Ciel », un opus rayonnant et intense. Le Blues Rock teinté de rythmes et de couleurs caribéens de DELGRES est d’une énergie incroyable et on se laisse littéralement porter par ce chant en français, anglais et créole qui se déploie dans une belle communion. Chaud et mélancolique à la fois, « Promis Le Ciel » fait parler les esprits.

Avec un pied dans les Antilles et l’autre en Louisiane, le métissage des genres est cœur de cette troisième réalisation à travers des thèmes universels, dont le devoir de mémoire et tout ce qu’il contient de dignité, de résilience et d’espoir. Une atmosphère gospel plane aussi sur « Promis Le Ciel », diluée dans une production riche et moderne qui reflète toute l’actualité du propos de DELGRES (« Walking Alone », « A La Fin », « Mettre Les Voiles », « Pa Lese Mwen », « An Pa Ni Sou » et le morceau-titre). Vivant !

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Blues

Louis Mezzasoma : bumpy Blues

On pourrait facilement énumérer les artistes qui ont forgé la culture musicale de LOUIS MEZZASOMA, c’est assez évident, mais ce serait sans compter sur l’originalité et la personnalité artistique à l’œuvre dans son répertoire. Toujours aussi variée et chaleureuse, cette quatrième réalisation du musicien du Forez l’élève un peu plus parmi les plus créatifs de l’hexagone. « Good Or Bad Time » s’écoute en boucle.

LOUIS MEZZASOMA

« Good Or Bad Time »

(Le Cri Du Charbon)

Le Stéphanois avait déjà attisé ma curiosité avec « Mercenary », son troisième album sorti en 2021. Très authentique et direct, LOUIS MEZZASOMA accueillait pour la première fois un batteur-percussionniste, alors qu’il évoluait jusqu’alors en one-man-band. Pour « Good Or Bad Time », c’est dans une formule en trio que le bluesman présente onze nouveaux titres. Alors, si son ‘Dirty Old Blues’ a pris du volume, l’intention est toujours la même,  tout comme sa démarche qui reste d’une sincérité absolue.

Et ce nouveau line-up a même de quoi surprendre. Bien sûr, LOUIS MEZZASOMA est au chant, aux guitares, au banjo et joue de son Diddley Bow personnel, qui lui fait remonter aux origines du style. A ses côtés, pas moins de deux batteurs qui assurent aussi les chœurs : Arthur Parmentier et Hugo Etay Mora. Sur les textes du multi-cordiste, le groupe a composé ensemble les chansons sur lesquelles intervient également Brice Rivey au violon et au banjo. Un beau travail d’équipe où le songwriter semble s’épanouir.

Musicalement toujours aussi épuré, LOUIS MEZZASOMA navigue dans des atmosphères Southern, où il continue sa recherche du Blues originel qu’il parcourt pourtant avec talent. Traversant la Folk, la Country et le Rock, son jeu poursuit une même direction entre ballades et morceaux plus enlevés et électrisants, porté par un esprit roots à la fois serein et exacerbé (« Funny Boy », « Decent Man », « Lucky Tim », « Cloudy Day », « Corruption »). Aussi moderne qu’intemporel, « Good Or Bad Time » s’inscrit dans une belle tradition.

Retrouvez l’interview de LOUIS MEZZASOMA accordée à la sortie de « Mercenary » :