Clairement ancré dans des sonorités Rock et Metal très 70’s, le quintet de Cincinnati, Ohio, fait un retour lumineux avec « EC4 », un quatrième album qui présente aussi un nouveau membre à part entière aux claviers et surtout une inspiration hors-norme. Sur un proto-Metal dominant, ELECTRIC CITIZEN s’engouffre dans des effluves psychédéliques où des passages Folk côtoient des ambiances plus Doom. Tout en restant attachés à une approche classique du genre, les Américains redoublent de créativité à travers d’incroyables arrangements, des riffs captivants et une voix envoûtante. C’est donc Laura Dolan, la frontwoman du groupe, qui revient sur l’élaboration de ce nouvel opus polymorphe et hypnotique, qui se révèle un peu plus à chaque écoute.

– Cela fait maintenant sept ans que l’on attend le successeur de « Helltown ». Même s’il y a eu la pandémie et que vous avez aussi beaucoup tourné, l’idée était-elle de faire un retour avec un album hors-norme comme c’est le cas, ce qui prend donc plus de temps ?
Dès le début, nous avons souhaité aborder cet album avec la même patience et le même soin que pour le premier, en le laissant se développer naturellement. Les sept dernières années ont été marquées par des défis auxquels nous avons tous les quatre été confrontés : le Covid, la famille, la santé, la vie quotidienne, mais malgré tout, nous n’avons jamais cessé d’écrire et de travailler sur « EC4 ». Nous adorons faire de la musique ensemble, et ce temps supplémentaire nous a aussi permis de créer quelque chose que nous sommes vraiment fiers de partager.
– Vous avez élaboré ce quatrième album pendant des années et cela s’entend. En quoi a-t-il nécessité plus de temps que les autres ? L’enregistrement en lui-même, ou son écriture ?
Avec des conflits d’emploi du temps entre les membres du groupe et les ingénieurs, nous aurions pu nous précipiter ou changer de cap, mais nous l’avons maintenu et continué à peaufiner les choses jusqu’à ce que l’album soit prêt à être présenté à un label. Pour « EC4 », nous voulions expérimenter avec des sons différents et superposés, un peu plus doux et avec de longues parties, qui ouvrent de nouveaux paysages sonores.
Ross (Dolan, guitare – NDR) gère la plupart de nos compositions instrumentales et ses idées ont tendance à se concrétiser rapidement, même si c’est toujours un travail collaboratif avec le groupe. Nick (Vogelpohl, basse – NDR) apporte des lignes de basse percutantes et une contribution créative. Owen (Lee, claviers – NDR) a co-écrit « Tuning Tree » et a ajouté des couches de clavier essentielles, tandis que la batterie et les percussions de Nate (Wagner, batterie – NDR) opèrent leur magie habituelle. Et enfin, j’écris les paroles et les mélodies vocales, bien que Ross ait eu les idées initiales pour « Lizard Brian ».
Je dois aussi aborder un sujet personnel, qui a certainement ralenti le processus. Pendant l’écriture de l’album, j’ai été confronté à un grave problème de santé : un mélanome. Grâce à un dépistage précoce et à une opération chirurgicale, je suis là aujourd’hui et complètement rétablie. Alors, tout le monde, faites examiner votre peau. Ce n’est pas seulement un conseil, c’est ce qui m’a sauvé la vie.

– Vous avez déclaré que « EC4 » amorçait un renouveau pour ELECTRIC CITIZEN. Même si musicalement, on note quelques changements, qu’entendez-vous par un retour aux sources ? Une façon de revenir à l’essentiel du Rock, même si vous ne vous en êtes jamais vraiment éloigné ?
C’est la première fois depuis notre premier album « Sateen » que nous composons avec un claviériste dédié. Sur « Higher Time » et « Helltown », nous avons fait appel à des musiciens invités pour apporter des parties sur des morceaux déjà terminés. Si ces collaborations ont été excellentes, le fait que ces textures soient intégrées dès le début de la composition façonne véritablement la façon dont le groupe aborde la musique. Nous sommes toujours restés très liés à notre son de base, mais nous avons aussi toujours souhaité évoluer en tant que musiciens. Cette approche nous permet d’explorer de nouveaux sons, tout en restant fidèles à nous-mêmes.
– Pour le mix et le mastering de l’album, vous avez fait appel à Collin Dupuis (Lana Del Rey, The Black Keys) et JJ Golden (Calexico), qui n’évoluent pas forcément dans le même univers que vous. Vous aviez besoin d’un regard neuf pour ces nouveaux morceaux ?
Ce sont tous deux des ingénieurs du son pour lesquels nous avons un immense respect. Nous avions déjà travaillé avec Collin sur « Higher Time ». C’est le genre de gars qui comprend immédiatement ce que l’on veut. Son véritable génie est de réussir à intégrer parfaitement chaque instrument dans le mix sans qu’ils se gênent. Pour cet album, il nous a recommandé JJ, et il a réussi à sublimer le tout en restant fidèle aux mixages originaux. Nous avons eu beaucoup de chance de travailler avec eux deux.

– Ce qui surprend sur « EC4 », c’est la construction des morceaux qui évoluent dans des ambiances très variées et surtout qui bénéficient d’arrangements particulièrement soignés. Votre objectif était-il de fusionner tous les genres qui forgent votre identité musicale ?
Oui, c’est une approche que nous défendons, car rien ne se crée de manière isolée. La musique s’appuie sur ce qui l’a précédée, à travers toutes les époques et tous les styles. Je pense que la clef est d’honorer toutes ces influences en créant en même temps quelque chose qui reste profondément personnel. Nous sommes attirés par les sonorités vintage, mais nous ne cherchons pas simplement à les reproduire. Pour nous, il s’agit d’intégrer cet esprit dans quelque chose de nouveau et d’actuel.
– Par ailleurs, le sentiment qui domine sur certains titres est qu’ils suivent tes lignes vocales. Avez-vous composé dans ce sens, ou peut-être avez-vous changé votre façon de travailler ?
Ross a toujours été notre moteur. Il pose d’abord les bases de chaque chanson et cette approche n’a pas changé. Pour ma part, je traite les mélodies vocales comme un instrument supplémentaire. Parfois, elles se faufilent dans la musique, parfois elles lui répondent. C’était particulièrement agréable de chanter sur « Tuning Tree », par exemple, grâce à la façon dont mon chant se combine à la basse, comme si elle était une seconde voix dans la conversation.

– Cette fois encore, vous puisez dans le proto-Metal, le Psych et le proto-Doom, ce qui est la marque de fabrique d’ELECTRIC CITIZEN. Est-ce que dans la déferlante de productions et les changements de supports d’écoute actuels, c’est le son et la créativité des années 70 qui vous touchent toujours le plus ?
Oui, on adore ces genres, surtout les sons des années 60 et 70. Mais on apprécie aussi le classique, la Soul et le Folk, pour n’en citer que quelques-uns. Nos goûts sont très variés. Quant aux sons Heavy du passé, ils alimentent ceux du futur. Et si on y participe, même un peu, c’est l’essentiel.
– Comme toujours, l’ensemble est très organique avec une forte présence de sonorités acoustiques, qui confèrent à « EC4 » un aspect presque épuré. C’est un contraste que lequel vous vouliez jouer également, malgré la densité des morceaux ?
Merci de l’avoir remarqué ! Oui, c’était intentionnel. Nous voulions des couches riches qui fonctionnent ensemble, et non les unes contre les autres. Le retour de la guitare acoustique, que nous n’avions d’ailleurs pas utilisée depuis notre premier album, a permis de libérer ce potentiel. Elle apporte des textures Folk très organiques, tout en ajoutant une profondeur qui s’intègre parfaitement au mix.

– Un petit mot aussi sur la pochette de l’album signée Neil Krug, qui avait réalisé celle de votre premier album, « Sateen ». On peut d’ailleurs y voir beaucoup de symbolique, dont j’aimerais que tu nous parles. Est-ce que cela fait-il aussi partie de ce retour dont vous parliez ?
Nous avons l’immense chance de collaborer avec Neil Krug, car sa vision photographique est unique. Les images de la pochette et de la back cover proviennent de ses archives. Nous lui avons parlé de notre nouvel album et de sa direction générale, et il a trouvé la perle rare. C’est l’un de ces moments heureux, où des morceaux distincts s’assemblent comme s’ils étaient faits pour être ensemble. Les thèmes de ces chansons, qui s’articulent toujours autour de visions surnaturelles, de futurs apocalyptiques et de démons intérieurs obsédants, s’accordent avec ses images d’une manière que nous n’aurions jamais pu imaginer.
– Enfin, j’aimerais qu’on dise aussi un mot sur votre changement de label avec une signature chez Heavy Psych Sounds. Qu’est-ce qui a motivé le choix d’une maison de disques européenne ?
Nous sommes ravis de collaborer avec Heavy Psych Sounds. Ils nous correspondent parfaitement et ont été des partenaires fantastiques sur cet album. Pour nous, la question de savoir si un label est américain ou européen ne s’est jamais vraiment posée, puisque nous tournons sur les deux marchés.
Cela dit, nous serons toujours reconnaissants à Riding Easy Records d’avoir lancé notre groupe. Ils nous ont permis de démarrer et nous entretenons toujours une excellente relation. Nous continuons de collaborer sur les licences de nos trois premiers albums, dès que l’occasion se présente.
Le nouvel album d’ELECTRIC CITIZEN, « EC4 », est disponible chez Heavy Psych Sounds.

Photos : Kevin Blumeyer (1), Sally Townsend (4) et Andrew Benge (5).