Déjà cinq décennies pour LITTLE BOB au service du Rock Blues, et du Blues Rock c’est selon, et une grosse vingtaine de réalisations à son actif. Depuis la ‘Story’ jusqu’au ‘Blues Bastards’, le Normand d’origine italienne traverse les époques et les modes avec classe et surtout avec une ténacité exemplaire… à l’image de son talent. Presqu’introuvable aujourd’hui, « Time To Blast » ressort en version dépoussiérée, avec un livret de 16 pages digne de ce nom et un son qui fait honneur à ce bel opus.
LITTLE BOB
« Time To Blast »
(GM Records)
Ben alors ? Je croyais qu’on avait dit pas de rééditions, ni de compilations et de singles (et même d’EP !). C’est vrai sauf qu’il s’agit de LITTLE BOB, l’une des trop rares icônes Rock de ce pays et que « Time To Blast » est sans doute l’un des meilleurs disques du Havrais. Et pour être complet, il n’est plus disponible depuis 15 ans et il a été entièrement remasterisé et bénéfice d’une nouvelle et inédite pochette. Et pour les collectionneurs, en plus de sa sortie en CD, il paraît aussi pour la première fois en vinyle.
« Time To Blast » a vu le jour en mai 2009 sur l’excellent label Dixiefrog et le taureau présent sur la cover originelle en disait déjà long sur son fougueux contenu. Huitième album sous le nom de LITTLE BOB, après la ‘Story’ et avant les ‘Blues Bastards’, il est certainement l’un des plus inspirés tant le Rock rugit à travers un Blues explosif, d’où émanent une sincérité et une authenticité qui sont d’ailleurs la marque de fabrique de notre inépuisable rockeur national depuis ses débuts.
Avec toujours cette empreinte 70’s, LITTLE BOB livre de très bons morceaux sur des rythmes saccadés, des changements de tempo bien sentis, de belles guitares et une basse ensorceleuse. « The Phone Call », « The Scream Inside », « I’m Alive », « Take It As It Comes » et « Ringolevio Is Far Away » prennent aux tripes et à l’âme, tout comme la reprise de « Guilt » de Barry Reynolds que chantait aussi Marianne Faithfull, ainsi que « Devil Got My Woman (I’d Rather Be The Devil) » de Skip James. Pas l’ombre d’une ride !
Retrouvez l’interview de LITTLE BOB…
… Et la chronique de son dernier album « We Need Hope »
Figure emblématique de la scène Rock hexagonale, LITTLE BOB vient de livrer un album aussi touchant que rageur et surtout plein d’espoir. Combatif et toujours accompagné de ses BLUES BASTARDS, le Havrais continue son bonhomme de chemin, faisant fi des obstacles, et revient avec « We Need Hope », qui prend tout son sens dans notre société actuelle. Le rockeur entretient le courage de rêver de liberté et aussi de changement. Toujours très positif, Roberto Piazza est plus que jamais ancré dans son époque. Entretien.
– Tout d’abord, félicitations pour ce très bon album… une habitude ! Avant d’entrer dans le détail, « We Need Hope » a été écrit avant la crise du Covid, comme une espèce de vision. Même s’il découle d’un moment personnel très triste, tu sentais déjà que quelque chose se passait dans la société…
Depuis quelques années, il y a un truc qui s’est passé : on s’est tous fait avoir par le capitalisme ambiant et dans le monde entier. On ne fait même plus travailler les gens ici. On va acheter des masques en Chine, par exemple, ce qui est aberrant. Et c’est juste pour que quelques uns s’en mettent plein des poches. Aujourd’hui, l’être humain ne compte pas. Il n’y a que le CAC 40 et le pognon.
– Finalement, alors que tout le monde parle à tort et à travers de résilience, cet album l’incarne parfaitement. Tu aurais même pu lui donner ce titre, non ?
Oui, bien sûr. En fait, le titre est venu comme ça : il était en moi. Je suis très heureux d’avoir donné ce titre à l’album. Il y a des chansons qui ont un sens profond et qui traite de sujets très actuels comme des migrants sur « Walls And Barbed Wires ». D’autres sont plus légères comme « I Was Kind » qui parle du moment où j’ai été touché par la grâce du Rock’n’Roll, où encore « Looking For Guy-Georges » du prénom de celui qui était mon premier guitariste dans Little Bob Story. Et puis, il y a des titres plus ou moins tristes qui parlent de ce qui est arrivé dans ma vie privée avec la disparition de ma femme il y a deux ans. J’ai fait beaucoup de chansons pour elle, et j’aurais même pu en faire plus ! Une chanson comme « You Can’t Come Back », je peux à peine la chanter d’ailleurs. Mais toutes ne sont pas si dures, elles racontent aussi notre rencontre. Sur l’album, on trouve des titres qui râlent, politiquement parlant, d’autres plus joyeux et plus graves en ce qui me concerne.
Tout ça a découlé d’une tournée en Angleterre fin 2019. Le fait d’être allé jouer à Londres, et même si la ville a beaucoup changé, m’a donné une pêche incroyable. En rentrant, je me suis mis à écrire et avec le groupe, on a mis le reste en place, chacun apportant son petit grain de sel et son talent aussi. On a enregistré fin février-début mars l’an dernier juste avant le premier confinement. On a juste repris quelques jours de studio en juin pour retoucher quelques voix, faire des chœurs et une guitare ou deux aussi. Tonio, notre ingé-son, a mixé l’ensemble et on était prêt. On devait le sortir avant mais vu la situation, ce n’était pas possible. Et aujourd’hui, certaines enseignes dans les centres commerciaux sont aussi fermées. La situation est déjà assez compliquée à cause de l’industrie du disque, alors ça n’aide vraiment pas. Et je ne te parle pas des concerts annulés, des fans qu’on ne voit plus lors des dédicaces et du nombre très restreint de disques dans les bacs, par exemple…
– « We Need Hope » a bien été enregistré avec tes Blues Bastards. Comment s’est passé l’enregistrement ? J’imagine que ça a aussi du faire du bien à tout le monde de se retrouver en studio ?
L’album a été enregistré avant le Covid et avant le confinement. Nous étions ravis d’enregistrer, mais après on a eu les boules pendant un an, parce que le disque ne sortait pas. On avait presqu’envie de faire d’autres morceaux pour le suivant ! On essaie de répéter ensemble quand même de temps en temps ici au Havre, mais nous sommes trop dispersés et éloignés les uns des autres.
– On te retrouve toujours aussi sincère et authentique et presqu’imperméable aux modes. Tu n’as jamais été tenté de sortir un peu de son registre ? Ne serait que pour essayer ?
Non, parce que j’aime quand ça joue, donc je ne tomberai jamais dans l’Electro. Il y a déjà trop de rappeurs qui chantent avec des machines. Je n’aime pas ça, je préfère quand les êtres humains jouent, y mettent leur cœur et leur savoir-faire. Mais je pourrais faire un disque acoustique, par exemple, pour le fun. Ça, on sait faire avec le groupe. Ce sont tous des supers zicos, donc ça pourrait très bien arriver.
– Beaucoup de morceaux sont dédiés à ton épouse et on le comprend très bien, et comme un retour à tes racines italiennes, tu chantes aussi le magnifique « Il Bello Della Vita ». C’est quelque chose que tu avais en tête depuis longtemps ?
Je l’avais déjà fait à deux reprises par le passé, dont « Libero » en 2001. Pour « Il Bello Della Vita », c’est très simple : le goût de la vie, c’était elle. Je l’ai écrit très vite, d’une traite et en italien, car elle adorait ça. Elle ne le parlait pas, mais elle apprenait. Et cette chanson parle de nous, tout simplement.
– Justement comme un clin d’œil à notre époque, tu reprends également « Bella Ciao » qu’on commence d’ailleurs à réentendre beaucoup depuis quelques temps, y compris dans des séries télé. Vu le ton de l’album et son titre, ça t’a paru naturel d’interpréter cette chanson si emblématique ?
Tu sais, je ne regarde pas la télé. Alors, ça n’a aucune influence sur moi. En fait, j’ai trouvé une version de « Bella Ciao » traduite en anglais par Tom Waits, qui en a fait une version Blues avec son guitariste. Je me suis dit : « Tiens, une version anglaise et par Tom Waits en plus, c’est cool ! ». Et puis, j’avais envie de la faire parce que le racisme ressort beaucoup en ce moment. Les gens sont mal et ça fait renaître ces choses, même si elles ont toujours existé.
– Contrairement à ce qu’on pourrait penser de prime abord, « We Need Hope » dégage beaucoup plus d’amour que de tristesse ou de colère. C’était ton intention de faire ce beau contrepied ?
Bien sûr, parce qu’il faut y voir aussi le fait que nous avons besoin de cet espoir pour un changement. Si on veut réussir à vivre heureux sur cette Terre, il faudrait changer beaucoup de choses. Ça paraît impossible, car il faudrait une révolution mondiale. Et ce n’est malheureusement pas prêt d’arriver…
– Enfin, j’aimerais que tu me parles un peu de ces trois très bonnes reprises d’Humble Pie, des Kinks et de Richie Heaven. Quand on connait ta carrière, ça n’a rien de surprenant. C’était une manière de remercier ces artistes et ou est-ce que c’est venu un peu par hasard ?
« Natural Born Boogie » figurait sur le premier album d’Humble Pie et a été écrit par Steve Marriott. On a trouvé que ça swinguait grave et on a tout de suite eu envie de la reprendre. Gilou (Gilles Mallet, guitariste de Little Bob depuis 1981 – NDR) m’a proposé « Where Have All The Good Times Gone » des Kinks, qui reste totalement actuel, parce qu’on regrette tous les beaux jours avec les concerts, les coups au bar, les restos… Et enfin, « Freedom » est une chanson qui hurle vraiment la liberté et que j’avais très envie de chanter avec ce petit côté Gospel. J’y ai même ajouté un couplet que j’ai moi-même écrit. C’est une chanson qu’on jouera aussi bien sûr, car quand on parle de liberté : c’est moi ! (Sourires)
Après 45 ans de carrière, des milliers de concerts et des épreuves de la vie qui auraient pu avoir raison de son envie et de sa motivation, le légendaire rockeur hexagonal LITTLE BOB est de retour en ces temps compliqués avec une énergie positive et communicative. Révolté et poignant, le chanteur livre ce « We Need Hope » plein d’espoir, de hargne mais aussi de tendresse et de sincérité.
LITTLE BOB Blues Bastards
« We Need Hope »
(Verycords)
Roberto Piazza, alias LITTLE BOB, nous fait le plaisir d’un 23ème album, toujours entre Rock’n’Roll et Blues mais qui a cette fois une tonalité toute particulière. La légende française du Rock semble vouloir conjurer le sort qui s’est abattu sur lui à travers 13 morceaux où se s’entrelacent avec fureur et pudeur des sentiments de révolte (“Bella Ciao“), de tristesse ainsi que d’espoir et d’amour. « We Need Hope » est probablement la production la plus intime et la plus touchante du chanteur.
C’est à Londres qu’il est parti retrouver son souffle et l’envie de continuer à distiller de qu’il sait faire de mieux après la disparition de sa muse. Et la petite flamme scintille toujours dans le cœur de LITTLE BOB. Comme un réflexe naturel, on retrouve les Blues Bastards au grand complet : Gilles Mallet (guitare), Bertrand Couloume (contrebasse), Mickey Blow (harmonica), Nicolas Noël (piano) et en alternance à la batterie son neveu Jérémie Piazza et Mathieu Poupard, enfant du pays.
Conçu avant la crise du Covid, « We Need Hope » est porteur d’attentes et se veut fédérateur en cette période torturée. Si ce nouvel album est marqué par des chansons naturellement dédiées à sa femme (« You Can’t Come Back », « Made For Me » et le magnifique « Bello Della Vita » en italien, sa langue maternelle), il reste très Rock et pêchu (« I Was A kid », « Walls And Barbed Wires »). LITTLE BOB n’a rien perdu de sa superbe et chante le Rock et le Blues comme il le vit… intensément.
Le rockeur havrais livre en fin d’album trois reprises irrésistibles et fidèles à son image et son parcours. On retrouve avec plaisir « Natural Born Boogie » d’Humble Pie, « Where Have All The Good Times Gone » des Kinks et le somptueux « Freedom » de Richie Heaven, immortalisé à Woodstock. Malgré un passé récent compliqué et douloureux, LITTLE BOB est plus que jamais fidèle au poste et répond avec classe, le Rock’n’Roll et le Blues chevillés au corps. « We Need Hope » fait autant de bien aux oreilles qu’à l’âme.