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Americana Blues Rock Desert Rock

Freddy And The Phantoms : northern Americana

Avec une approche très cinématographique, FREEDDY AND THE PHANTOM nous conte ses histoires, ses réflexions et ses pensées sur des thématiques comme la liberté, la spiritualité et les nombreux désirs, plus ou moins coupables. Quoi de plus propice qu’un Blues Rock mélodique et sauvage, où l’Americana rencontre le Desert Rock pour ne faire qu’un ? Très modernes dans leurs compositions, les Danois parviennent sans mal à créer un univers particulier et « Heathen Gospels » se montre d’une incroyable variété.

FREDDY AND THE PHANTOMS

« Heathen Gospels »

(Target Group/SPV)

Ce sixième album de FREDDY AND THE PHANTOMS est une promesse, celle de partir à travers les grands espaces et l’on pense bien sûr irrémédiablement à des paysages américains. Pourtant, c’est du Danemark qu’est issue la formation. C’est même dans son propre studio situé sur la côte nord de l’île de Sealand, la principale du pays, qu’elle s’est engouffrée pour concocter ce « Heathen Gospels » aux saveurs multiples, mais dont les sonorités et les influences résonnent en écho à celles de grands noms. Bien digérées, il en ressort un style très personnel, peaufiné au fil du temps.

Ils le reconnaissent eux-mêmes, « Heathen Gospels » est le fruit d’un véritable travail collectif. Et lorsque vous disposez au sein du même du groupe trois guitaristes et que tout le monde se met au chant, il en résulte forcément une richesse musicale intense. Si l’on peut aisément ranger FREDDY AND THE PHANTOMS dans la grande famille du Blues, ce serait tout de même un peu réducteur. Les slides rayonnent, tout comme l’orgue Hammond, et il y a une touche de Desert Rock qui flotte dans l’air et qui lui donne même ce côté très Americana, porté par des textes très bien écrits.

Pour autant, la production est très européenne, ce qui n’est pas un défaut en soi, évidemment, et qui est d’ailleurs peut-être même la marque distinctive de FREDDY AND THE PHANTOMS dans cet univers très Yankee. On voyage ainsi dans un Blues Rock raffiné, très légèrement teinté de Country, de Classic Rock et dans une atmosphère souvent aride (« Heart Is A Highway », « Skeleton Man », « Blood », « Get High », « Tuesday’s Gone », « Times Files By »). Les Scandinaves réussissent le tour de force de nous embarquer dans leur Nord natal dans une atmosphère dépaysante et aventureuse.

Photo : Jacob Fox Maule
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Blues Rock Country Folk/Americana

The Bacon Brothers : rootsy

Ils sont finalement quelques-uns, outre-Atlantique, à combiner musique et cinéma avec souvent d’ailleurs le même talent pour les deux arts. C’est le cas du comédien Kevin Bacon qui, depuis 30 ans, a formé avec son frère Michael THE BACON BROTHERS, un groupe plus qu’un tandem, où ils explorent ensemble les racines de la musique américaine avec beaucoup de fraîcheur et d’humour. Loin des habituels stéréotypes marketing de certains, « Ballad Of The Brothers » se montre au contraire très authentique et sincère.  

THE BACON BROTHERS

« Ballad Of The Brothers »

(Forty Below Records)

Assez peu de gens le savent dans notre beau pays, mais l’emblématique acteur Kevin Bacon est également chanteur et musicien, à l’instar d’ailleurs d’un certain Kiefer Sutherland, dont le style n’est pas si éloigné. Depuis 1995, il mène avec son frère Michael une belle carrière dans la musique sous le nom de THE BACON BROTHERS. Tous deux compositeurs, ils se promènent dans un registre très américain entre Rock, Folk, Country et Blues et « Ballad Of The Brothers » est déjà leur douzième album. Une ode à un style assez roots, également  plein de douceur.

La production de ce nouvel opus est classique, efficace et feutrée et n’est pas sans rappeler celles de la scène de Philadelphie et de certaines icônes du Classic Rock. Cela dit, elle colle parfaitement à l’univers des BACON BROTHERS et à leur balade musicale. Assez vintage dans l’ensemble, le son de cette nouvelle réalisation est enveloppant à souhait et l’équilibre trouvé par les deux frères ne manque pas de clins d’œil. S’ils se partagent le chant et les parties de guitares, un groupe redoutable de feeling et de groove les accompagne et les couleurs sont belles.

Il y a un petit côté 70’s dans la fratrie, mais « Ballad Of The Brothers » ne tombe pas pour autant dans une nostalgie exacerbée. Au contraire, entre chansons délicates et moments plus révélés, THE BACON BROTHERS balaie un large éventail, grâce à une interprétation où le piano côtoie les guitares et les cuivres et aussi et surtout où le violoncelle de l’aîné, Michael, libère une atmosphère très Americana sur plusieurs titres. Sans réellement se prendre au sérieux, le duo fait les choses très sérieusement et avec une passion plus que palpable. Vibrant et très convaincant.

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Blues Rock Hill Country Blues

Boogie Beasts : un Blues extra-large

Chaque production de BOOGIE BEASTS se distingue l’une de l’autre et c’est ce qui fait précisément sa force et ce qui forge même son identité. Avec « Neon Skies & Different Highs », la formation de Belgique va encore plus loin, teinte son Blues de Rock et de Fuzz, tout en restant à la fois très roots et résolument moderne. Un modèle du genre qui demeure toujours très pertinent et créatif. Ici, le Blues perd ses frontières, garde ses codes et regarde plus loin.

BOOGIE BEASTS

« Neon Skies & Different Highs »

(Naked)

Incontournable représentant de la scène Blues belge, en mode très alternatif, BOOGIE BEASTS nous fait le plaisir d’un nouvel album, le cinquième au total et le quatrième en studio. Et avec « Neon Skies & Different Highs », la surprise est belle, tant la richesse des morceaux est dense et la production signée Koenraad Foesters particulièrement soignée. Malgré des arrangements aux petits oignons, l’essentiel de la réalisation ne repose pas sur ces seuls détails, mais ils contribuent grandement à la solidité de l’ensemble.

Très différent de « Blues From Jupiter » (2022), l’approche du quatuor se veut plus profonde et il affiche un virage très mature en ne s’interdisant aucune incartade, que ce soit dans des contrées Desert Rock, Psych, R&B ou même légèrement Gospel. Si la base du jeu de BOOGIE BEASTS reste le Hill Country Blues pour l’aspect épuré, il prend ici une toute autre dimension. Toujours aussi identifiable, le son reste brut, parfois froid et assez urbain finalement. La chaleur se trouve ailleurs et elle est très présente encore.

Avec 18 pistes, dont quatre interludes, « Neon Skies & Different Highs » est particulièrement généreux, ce qui permet de multiples expérimentations à travers des ambiances toujours très maîtrisées. Comme de coutume chez BOOGIE BEASTS, l’harmonica mène le bal sur des sonorités propres à Chicago et, grâce à des riffs efficaces et un groove rythmique d’enfer, on passe d’un titre à l’autre avec un plaisir constant. Retenir juste quelques morceaux est presqu’une insulte à ce disque qui s’écoute dans son entier. Well done !

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Blues Rock Soul / Funk

The Black Keys : funky vibes

L’heure est à la détente pour THE BLACK KEYS, qui s’autorise le temps de ce nouvel opus une sorte de récréation nettement plus vaporeuse, mais non sans livrer un ardente prestation. Souvent galvaudée, le terme de groove prend ici tout son sens à travers 14 morceaux où l’objectif du groupe est clairement de prendre du plaisir et surtout d’en donner. Très 70’s dans les sonorités, des effluves de Soul, de Funk et d’un Blues tendre et généreux font cause commune sur « Ohio Players », qui donne autant le sourire que la patate !    

THE BLACK KEYS

« Ohio Players »

(Easy Eye Sound/Nonesuch Records)

Joie et félicité ! THE BLACK KEYS est de retour, clope au bec, avec une pêche d’enfer et sur un groove aussi démoniaque que réjouissant ! Alors ok, Dan Auerbach et Patrick Carney ne sont pas complètement seuls. « Ohio Players » n’est pas non plus complètement un album de leur composition. Et alors ? Le duo est particulièrement bien entouré et la tracklist est joyeuse, funky et, on ne va pas se mentir, ça fait plutôt du bien par les temps qui courent ! Il y a forcément aussi une explication très rationnelle à ce douzième effort studio des Américains, qui nous emmènent assez loin de l’âpreté du Blues Rock de « Dropout Boogie ».

En titrant ce nouvel opus du nom du cultissime groupe de Funk, THE BLACK KEYS annonce la couleur : elle sera festive, légère et explosive. L’idée de cette création inattendue et originale est née lors de soirées organisées par le groupe, où il passait de vieux 45tr de sa collection. Et c’est l’esprit de ces fêtes qui a constitué le fil rouge de l’album. A l’exception de « I Forgot to Be Your Lover », une chanson écrite par William Bell et Booker T. Jones, l’ensemble de « Ohio Players » est signé et produit par le tandem de la petite ville d’Akron. En revanche, les collaborations ne manquent pas et elles ont même parfois assez surprenantes.

Le guitariste/chanteur et le batteur ne renient pas une seule seconde leur patte musicale et encore moins ce son si particulier qui les distingue depuis leurs débuts. L’approche est la même et on la ressent jusqu’à cette production, certes, plus lisse cette fois, mais tellement riche en arrangements. Facile et aérien, THE BLACK KEYS a donc convié l’ami Beck sur près de la moitié de « Ohio Players », tandis que Noël Gallagher (oui, oui !) intervient aussi dans la composition de trois morceaux. Et la participation des rappeurs Juicy J et Lil Noid libère quelques instants de Hip-Hop langoureux. On sait s’amuser dans l’Ohio et ça fait du bien !

Retrouvez les chroniques de leurs deux derniers albums :

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Blues Rock Contemporary Blues

Fred Chapellier : au naturel

Incontournable sur la scène Blues hexagonale, FRED CHAPELLIER revient dans un format qu’il affectionne tout particulièrement : le live. Envoûtant et instinctif, ce double-album fait la part belle à son dernier opus studio, enrobé de quelques covers. Grâce à un chant irrésistible et des cuivres en osmose, « Live In Paris » irradie de plaisir et magnifie le Blues du Messin. Une superbe plongée dans un lieu au diapason de l’artiste.

FRED CHAPELLIER

« Live In Paris »

(Dixiefrog)

Après le splendide « Straight To The Point » sorti il y a deux ans, FRED CHAPELLIER a repris le chemin des concerts en faisant un beau détour par le ‘Jazz Club Etoile’ de Paris. L’idée a été d’immortaliser la soirée, en prenant soin de ne mettre aucun de ses musiciens dans la confidence, histoire de capter toute la spontanéité et le naturel qui émanent de son Blues à la fois contemporain et intemporel. Et ce « Live In Paris », qui se déploie sur deux CD, retranscrit parfaitement la chaleur du moment et transmet le bel échange avec une salle, qui n’en perd pas une miette.

Et c’est donc son dernier album studio que le guitariste et chanteur a mis en avant, toujours entouré des mêmes musiciens, auxquels il faut ajouter une magnifique session cuivre, qui offre un lustre lumineux à l’ensemble. Michel Gaucher (saxophone), Eric Mula (trompette) et Pierre d’Angelo (saxophone) apportent un souffle Soul et Rythm’n Blues aux morceaux avec beaucoup de feeling, alternant les morceaux calmes et d’autres plus exaltés avec une fluidité incroyable. FRED CHAPELLIER et ses sept compagnons de scène libèrent une énergie enveloppante.

Fidèle à lui-même, le bluesman se fait plaisir à reprendre Roy Buchanan et Peter Green à qui il a d’ailleurs consacré deux albums (« A Tribute to Roy Buchanan » et « Fred Chapellier Plays Peter Green »). En totale liberté, le groupe enchaîne les titres, fait chanter son public et se livre aussi à quelques impros savoureuses, comme pour mieux faire durer le plaisir. FRED CHAPELLIER rayonne et offre de superbes solos, qui se fondent dans un répertoire taillé sur mesure auquel ce « Live In Paris » rend toute l’authenticité. On se retrouve totalement immergé au sein du club parisien pour un moment de grâce total.

Photo : Philip Ducap

Retrouvez la chronique de « Straight To The Point » :

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Blues Rock Contemporary Blues

Ellis Mano Band : un moment de grâce

Les albums live sont souvent des instants hors du temps et en matière de Blues, cela se vérifie quasi-systématiquement tant ils se vivent intensément… et ils n’ont d’ailleurs pas vraiment le choix, sinon c’est la chute. ELLIS MANO BAND est un groupe de scène et il ne faut pas bien longtemps pour s’en rendre compte. Sur un groove constant, une délicatesse et une finesse qui font dans la dentelle et un chanteur totalement investi, la formation helvète fait plus que jouer du Blues, elle le respire à travers chaque note. « Live : All Access Areas » n’est pas une démonstration, mais une parfaite partition.

ELLIS MANO BAND

« Live : Access All Areas »

(SPV Recordings/SPV)

Pour celles et ceux qui l’ignorent, ELLIS MANO BAND est la rencontre explosive et placée sous le signe du feeling et de la complicité entre le chanteur Chris Ellis et le guitariste Edis Mano. Musiciens chevronnés, c’est assez naturellement qu’ils sont rejoints par le bassiste Séverin Graf, le batteur Nico Looser et Luc Bosshardt aux claviers. Basé en Suisse, comme l’équipe de France de tennis (pardon…!), le quintet s’est vite retrouvé autour d’un Contemporary Blues, comme on dit aujourd’hui, c’est-à-dire un style très actuel, mais qui fait aussi beaucoup de place à des teintes Soul, R&B et à quelques jams bien senties sur scène. 

Et c’est précisément en concert que le ELLIS MANO BAND nous embarque cette fois et la balade sur les 15 morceaux est majestueuse, n’ayons pas peur des superlatifs, car ils sont plus que justifiés. Le groupe, qui présente d’ailleurs un line-up multinational, passe en revue ses trois albums studio, histoire de nous faire patienter jusqu’à la sortie du quatrième, qui devrait intervenir à la fin de l’année ou au tout début de 2025. Et ce « Live : Access All Areas » se perçoit comme une visite guidée d’un parcours sans faute et ouvre les portes de son répertoire avec classe et une fluidité dans le jeu exemplaire de leur part à tous.

Et quoi de plus normal que d’entamer l’album avec « Whiskey », leur tout premier single, suivi quelques mois plus tard par un premier opus, « Here & Now », déjà prometteur ? Le ton est donné et le public chaleureux n’en perd pas une miette. Enregistré en Allemagne et en Suisse, « Live : Access All Areas » livre quelques pépites et autres moments suspendus particulièrement immersifs. ELLIS MANO BAND se faufile dans toutes les ambiances avec une facilité déconcertante, qui donnent lieu à des versions de haut vol (« Bad News Blues », « Forsaken », l’enivrant « Bad Water », « Only With You », « Johnny & Suzy »). Magique !   

Photo : Isaak LiveArt
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Blues Blues Rock

Philip Sayce : la puissance de l’élégance

Né au pays de Galles, c’est au Canada, puis aux Etats-Unis, que PHILIP SAYCE a passé le plus clair de sa vie et surtout qu’il s’est construit artistiquement en tant que musicien et chanteur. Accompagné par le gratin de la scène californienne devant comme derrière la console, il livre « The Wolves Are Coming », un nouvel opus qui surfe sur une dynamique Blues Rock explosive, souvent saturée et terriblement accrocheuse. Et la finesse du panel de son jeu balaie l’horizon avec un feeling solaire.

PHILIP SAYCE

« The Wolves Are Coming »

(Atomic Gemini/Forty Below Records)

Le parcours de PHILIP SAYCE a quelque chose qui teint du conte de fée, ce qui ne signifie d’ailleurs pas que le Gallois n’ait pas eu à travailler dur, mais il faut avouer que les planètes se sont particulièrement bien alignées. Ayant grandi à Toronto, il a été initié au Blues par ses parents. Adolescent, il brille déjà et le grand Jeff Healey le prend sous son aile, le fait participer à ses enregistrements et à ses tournées. Au début des années 2000, c’est à Los Angeles qu’il pose ses valises, rencontre Melissa Etheridge et joue sur ses disques. Puis, c’est en 2005 qu’il se lance en solo et sort « Peace Machine » et les fans commencent alors à le suivre et à écouter ce Blues si vivant.

Presque 20 ans plus tard, PHILIP SAYCE revient avec un septième album studio, auquel il faut ajouter un EP et un live, et il faut reconnaître que « The Wolves Are Coming » est sa réalisation la plus aboutie à ce jour. Songwriter inspiré et aguerri, le guitariste et chanteur montre une incroyable fraîcheur, qui est due à une technique, un feeling et une énergie présents sur chaque morceau. Entouré d’un groupe de musiciens chevronnés et reconnus, la production est somptueuse, aussi naturelle en apparence que travaillée dans le moindre détail. Quant au Canadien d’adoption, il s’occupe des guitares, du chant, de la basse et du piano.

Pourtant composé en pleine pandémie, « The Wolves Are Coming » révèle l’ambiance ludique et très libre qu’a précisément ressenti PHILIP SAYCE en studio à ce moment-là.  Très bruts dans le son, certains titres font l’effet d’un ouragan (« Oh ! That Bitches Brew », « Backstabber »), d’autres sont presqu’apaisants (« It’s Over Now ») et il sait aussi se faire rayonnant (« Lady Love Divine », « Black Moon »). A noter également la délicate reprise de John Lee Hooker, « This Is Hip », et « Blackbirds Fly Alone », qui aurait eu sa place sur le « Mama Said » de Lenny Kravitz. Le Bluesman excelle autant dans la douceur que dans une exaltation frénétique. Génial !

Photo : Matt Barnes
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Blues Blues Rock Contemporary Blues

Walter Trout : incomparable

« Broken » est déjà la 31ème réalisation du grand bluesman WALTER TROUT, et pourtant il donne toujours cette impression d’émerveillement dans son jeu, tout comme dans le chant à travers lequel il se livre littéralement. Au-delà du simple Blues Rock qu’il pourrait se contenter d’interpréter et de composer avec la facilité qu’on lui connait, il se frotte ici au Boogie, au Country Blues, à des morceaux clairement Rock et d’autres toujours aussi poignants. Et puis, la participation de quelques guests triés sur le volet apporte une lumière réjouissante.

WALTER TROUT

« Broken »

(Provogue/Mascot)

Le parcours de WALTER TROUT parle de lui-même et ne peut qu’imposer, sans discussion aucune, le respect. Avec plus de trente albums à son actif, des collaborations avec tout ce que compte comme talents le monde du Blues et du Rock et une longue lutte contre ses démons personnels avec lesquels il a longtemps pactisé, l’Américain a gagné depuis bien longtemps sa place sur le mont Rushmore de la guitare Blues. Avec « Broken », il vient se frotter comme toujours aux émotions les plus authentiques. Et on ne peut que constater, et avec le sourire, qu’il n’y absolument rien de cassé dans son jeu. Le maître se tient debout.

Toujours produit par son ami de longue date Eric Corne, ce nouvel album va piocher dans les nombreux recours du style, passant par du Blues Rock tonique et exalté, à des titres plus Country Blues (« Turn And Walk Away ») ou du Boogie pour celui qui a côtoyé de très près John Lee Hooker (« Bleed »). WALTER TROUT fait étalage d’un savoir-faire, d’une virtuosité et d’un feeling qu’il est l’un des rares à posséder aujourd’hui. A 72 ans, on aurait presque pu envisager qu’il se repose un temps sur des lauriers acquis de longue date, mais c’est tout le contraire. Musclé ou bouleversant (« Love Is My Life »), il sait décidemment tout faire.

Au chant aussi, WALTER TROUT se fait plaisir comme sur « Breathe », écrit pendant le confinement par Richard ‘Bear’ Gerstein et ce n’est pas la seule surprise. L’album s’ouvre sur le morceau-titre, un splendide duo avec la grande Beth Hart, où ils arpentent ensemble des chemins vocaux rocailleux et savoureux. La présence du légendaire harmoniciste Will Wilde illumine également « Bleed », mais c’est celle de Dee Snider, leader de Twisted Sister, qui fait de véritables étincelles sur « I’ve Had Enough ». On ne l’attendait pas à ce niveau-là et le duo est explosif. Enfin, « Courage Is The Dark », « Heaven Or Hell », « Talkin’ To Myself », « Turn Away And Walk » ou « Falls Apart » régalent aussi.

Photo : Leland Hayward

Retrouvez la chronique de son album précédent, « Ride » :

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Blues Blues Rock Contemporary Blues

Mike Zito : the Blues cure

C’est en s’immergeant dans ce Blues qu’il connait si bien que MIKE ZITO a décidé de conjurer la peine causée par la récente perte de sa femme. Avec « Life Is Hard », il revisite un répertoire plein d’émotion, bien sûr, et où la souffrance se mêle à l’espérance avec beaucoup de classe. Avec une honnêteté tellement perceptible, le musicien chante et fait sonner sa guitare avec le talent qu’on lui connait. Les frissons traversent les morceaux sur ce vibrant hommage, qui met aussi beaucoup de baume au cœur.

MIKE ZITO

« Life Is Hard »

(Gulf Coast Records)

Quelques mois après le décès de sa femme, MIKE ZITO revient avec un disque magnifique. Si certains pourraient penser que c’est rapide, il faut savoir qu’il avait scellé un pacte avec son épouse, lui promettant de continuer à faire ce qu’il fait de mieux : du Blues. Ainsi, deux ans après « Blues For The Southside » et plus récemment l’excellent « Live In Canada » des Blood Brothers avec son compagnon de toujours Albert Castiglia, le guitariste et chanteur présente « Life Is Hard », un retour en piste touchant, émouvant et aussi plein d’optimisme.

Pour le soutenir dans son effort et l’aider à traverser cette épreuve, MIKE ZITO a pu compter sur Joe Bonamassa et Josh Smith, qui ont produit l’album et sur lequel ils jouent également quelques parties de guitares. Une belle preuve d’amitié entre les trois bluesmen. Sûrement peu enclin à se lancer dans l’écriture d’une production complète, « Life Is Hard » est constitué pour l’essentiel de reprises, superbement adaptées, de chansons souvent douloureuses, mais pleines d’espoir. Et finalement, cet opus a quelque chose de réconfortant et de réparateur. Une sorte de thérapie.

Brillamment accompagné par les redoutables Reese Wynans (claviers), Calvin Turner (basse), Lemar Carter (batterie) et d’incroyables choristes, MIKE ZITO se montre lumineux dans son jeu de guiatre et au chant. Il signe d’ailleurs « Forever My Love » et « Without Loving You », deux des titres phares de « Life Is Hard », l’emblématique chanson de Fred James dont l’Américain signe une superbe cover. Puis, il enchaîne avec des morceaux de Little Milton, Tinsley Ellis, Tab Benoit, du révérend Gary Davis ou encore Stevie Wonder tout en Blues. Un bijou !

Retrouvez d’autres chroniques d’albums de MIKE ZITO :

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Blues Rock France Southern Blues Southern Rock

LeanWolf : du Blues dans la bergerie [Interview]

Pour son deuxième EP, LEANWOLF a insufflé une touche Southern à son Blues Rock, quoi de plus normal finalement lorsque l’on vit en Languedoc-Roussillon. « Limbo » sent bon le sud, certes, mais plutôt celui des Etats-Unis. Quentin Aubignac, à l’état civil, a marié des saveurs sudistes à un jeu très groovy et percutant, mais également au parfum Soul. Avec une formule en quatuor, le songwriter, guitariste et chanteur s’exprime avec talent et beaucoup de liberté sur ce nouveau six-titres accrocheur. Entretien avec un musicien inspiré.

Photo : Arbre E. Saldana

– Tu avais sorti un EP en 2021 et tu récidives aujourd’hui avec « Limbo ». Le format court te convient mieux, ou ce sont les plus simplement les circonstances qui se sont présentées comme ça et t’y ont mené ?

J’ai préféré sortir un deuxième EP, car je ne me sentais pas prêt pour un album. Je suis perpétuellement en train de me chercher dans la composition, ça me sert de croquis en quelque sorte, même si cette fois, on est arrivé à quelque chose de beaucoup plus abouti. Il y a bien sûr aussi l’aspect financier qui entre en jeu, c’est beaucoup plus pratique de sortir un EP sur plein d’aspects.

– Pour conclure sur ce chapitre, le cap du premier album est toujours important pour un artiste. J’imagine que cela doit aussi te titiller, à moins que la scène soit véritablement ta priorité et non la production de disque ?

Oui complètement, c’est une forme d’aboutissement dans la recherche de son identité, je pense. Et aujourd’hui personnellement, je me sens prêt à sortir un album. D’ailleurs, j’ai commencé à y travailler. Bien sûr, il faudra trouver les fonds ! Mais pour l’instant, je dirais que la scène est ma priorité en effet. C’est devenu un peu le nerf de la guerre et il nous faut d’abord défendre ce nouvel EP avant de passer à autre chose.

– Avant de préparer cette interview, je me suis bien sûr replonger dans ton premier EP éponyme. Ce qui m’a tout de suite surpris, ce sont ces sonorités Blues assez ‘classiques’, tandis que « Limbo » sonne clairement plus Southern. Tu te cherchais encore à l’époque, ou c’était une volonté claire de creuser dans un registre au spectre peut-être plus large et moins caractérisé ?

Tu as complètement raison, c’est un peu des deux. Lorsque j’ai écrit mon premier EP, j’étais clairement à fond dans la musique Blues ‘classique’. Je cherchais vraiment à rentrer dans cette ‘niche’, car je pensais ne pouvoir faire que ça comme style. Donc bien sûr, je me cherchais, il s’agissait de mes premières compos, de mes premiers textes… Mais avec « Limbo », j’ai voulu sortir de ce carcan. J’ai été énormément inspiré par Marcus King, qui est très Blues dans son jeu de guitare et dans la voix, alors que ses morceaux pas du tout. D’autre part, ça m’est venu naturellement. Ce nouvel EP représente qui je suis aujourd’hui, et, au final, le voyage musical est une perpétuelle recherche de soi à mon sens.

Photo : Arbre E. Saldana

– LEANWOLF est un groupe assez jeune finalement, et pourtant vous affichez tous les quatre une assurance de vieux briscards et aussi et surtout une culture musicale conséquente, vu le registre. A quel âge êtes-vous tous tombés dans le Blues et le Southern Rock qu’on entend plus cette fois ?

Pour ma part, je suis tombé assez jeune dans le Blues. Dès mes premiers cours, mon prof m’a initié à Gary Moore, qui a été mon modèle pendant longtemps. Puis, de fil en aiguille, j’ai découvert Stevie Ray Vaughan, Jeff Beck et BB King. Ce n’est que plus tard que je suis tombé amoureux du Southern Rock, c’est même tout frais à vrai dire !

– Les six titres de « Limbo » sont remarquablement bien produits et bénéficient d’un volume important et d’un équilibre parfait. Il en émane aussi une énergie très live sur un son tout aussi organique. Dans quelles conditions a-t-il été enregistré, et est-ce le disque vous aviez en tête dès le début ?

Merci pour David Darmon (Mirador Sound Studio) qui a mixé notre EP et Joe Carra (Crystal Mastering) qui l’a masterisé. Pour commencer je dirais que oui : c’est le disque que nous avions en tête depuis le début. On voulait, à l’inverse du premier, un côté plus organique et live dans le son, et pour ça il n’y a pas 36 solutions : on devait l’enregistrer en live. Alors bien sûr, la voix a été enregistrée après coup, mais le reste était vraiment en live. Il y a donc des petites imperfections, qui rendent aussi le tout vivant.

– Faire du Southern Blues Rock est suffisamment rare en France pour être souligné. Si les influences sont assez évidentes et on pense à Lynyrd Skynyrd, Allman Brothers Band et Gov’t Mule. Cela dit, je vous trouve aussi beaucoup de points communs avec la nouvelle génération et des groupes comme Blackberry Smoke, Robert Jon & The Wreck et Whisky Myers. Est-ce que tu as aussi le sentiment d’appartenir à cette lignée d’artistes ?

Oui complètement, en tout cas pour ce nouvel EP, on est vraiment dans cette lignée et je suis très fier de défendre cette musique trop peu présente à mon goût en France. Maintenant, je ne sais pas si la suite sera toujours dans cette lignée, car on ne sait pas de quoi demain sera fait et quelles seront mes inspirations. En tout cas, on n’en sera jamais très loin !

Photo : Arbre E. Saldana

– Il y a autre chose qui est assez surprenant. Les sonorités Southern sont très marquées et elles se mêlent habillement au British Blues Rock et notamment à celui de Gary Moore. Ca peut paraître étonnant d’avoir ainsi un pied dans les deux continents, et c’est également ce qui forge en partie ton identité musicale. C’est quelque chose d’inconscient ou au contraire de très travaillé ?

Je pense que c’est inconscient, mais maintenant que tu le dis, oui ça fait sens, merci ! En tout cas, c’est vrai que Gary Moore a eu beaucoup d’influence sur moi.

– Outre des parties de guitares exceptionnelles, « Limbo » fait aussi la part belle à l’orgue bien sûr, mais aussi à ta prestation vocale. Est-ce que tu les as travaillé avec la même implication, ou as-tu une préférence claire pour l’une ou l’autre ?

Et bien, j’ai toujours plus travaillé ma guitare que ma voix, sachant que je suis complètement autodidacte au chant. Mais j’avoue qu’après avoir sorti « Limbo », j’ai senti qu’il fallait que j’améliore ma technique vocale. Donc, je la travaille beaucoup plus depuis, j’essaie de rattraper le coup pour être à 50/50, aussi bon avec les deux ! (Rires)

– Même si « Limbo » est assez Heavy dans l’ensemble, il y a aussi beaucoup d’aspects Soul. C’est important pour toi de placer les moments d’émotion au même niveau que les aspects plus musclés de ton Blues Rock ?

Oui, j’adore jongler entre deux extrêmes. C’est important pour moi d’exprimer ces deux types d’émotions qui sont, en gros, la colère et la mélancolie. C’est bien sûr plus compliqué que ça, c’est histoire de donner un exemple. Il y a un côté cathartique : les jouer en live et les enregistrer me permet de me sentir mieux, c’est une part de moi.

– Enfin, on t’imagine aisément écumer les scènes américaines. Est-ce quelque chose que tu as dans un coin de la tête, ou la France reste d’abord ta priorité ?

Alors oui, le rêve Américain sera toujours présent. J’y travaille tous les jours pour y arriver et peut-être qu’un jour… qui sait ! En tout cas, oui clairement, on va essayer de ‘conquérir’ la France pour l’instant ! (Rires)

Le nouvel EP de LEANWOLF, « Limbo », est disponible sur toutes les plateformes.