Ils sont très peu en France à s’aventurer dans un registre comme l’Americana, tant il peut paraître éloigné de notre culture. Pourtant, chez MARGOT VIOTTI, c’est presqu’une évidence et son premier EP, « One And The Same » qu’elle autoproduit, vient confirmer un talent évident, une voix sûre et forte tout comme ses textes, dont on connait l’importance dans ce style. Accompagnée par un groupe incroyable, les trois premières chansons dévoilées laissent entrevoir un avenir rayonnant. Entretient avec une jeune songwriter, musicienne et chanteuse, dont les premiers pas sont plus que prometteurs.
– Commençons par les présentations, puisque tu sors tout juste ton premier EP, « One And The Same », qui est d’ailleurs très abouti et particulièrement mature. Quel a été ton parcours artistique jusqu’à aujourd’hui, car tu es chanteuse et aussi compositrice ?
Je fais de la musique depuis toujours. Plus particulièrement, je chante depuis toujours. Mais j’ai commencé de manière intensive à partir de mes 11/12 ans, je dirais. Quand je dis intensive, ce sont des heures par jour. Tout mon temps libre en fait. La guitare est venue plus tard, vers l’âge de 14 ans à peu près. J’ai appris en grande partie sur YouTube, avec des tutos.
J’ai chanté sur scène pour la première fois à 15 ans. J’ai fait partie de différents groupes et projets souvent autour du Blues. Puis, j’ai commencé à chanter en solo, guitare/voix, et fais pas mal de premières parties. J’ai eu la chance d’être invitée sur scène de nombreuses fois par des artistes que j’adore. Et pour ce qui est de la composition, j’ai toujours aimé écrire et composer mes morceaux.
– L’une des choses étonnantes de cet EP est le style dans lequel tu évolues, qui navigue entre Rock, Blues, Americana et Folk avec une touche de Country Pop. C’est assez surprenant pour une jeune artiste française, car on est très loin de notre culture musicale. Comment devient-on aussi familière avec un registre aussi peu diffusé chez nous ?
Je pense que c’est la question que l’on me pose le plus souvent ! (Désolé ! – NDR) J’ai un souvenir particulièrement marquant, c’est celui de mon père qui me fait écouter pour la première fois l’album « The Wall » de Pink Floyd, lors d’un trajet en voiture. Je devais avoir entre 8 et 10 ans. Et là, c’est la claque ! Et je me dis : « Waouh, mais il faut que je creuse tout ça ! »
Comme si j’avais découvert à ce moment-là une nouvelle facette de ce qui était possible par la musique. Depuis, j’ai cherché, passé des milliers d’heures à écouter tout plein de choses. J’ai écouté énormément d’albums, d’artistes et de fil en aiguille, j’ai découvert The Doors. Et alors là, tout a basculé. Je suis devenue fan absolue et je me suis dit : « Ça, c’est la musique que j’aime ! »
Après ça, j’ai continué mon chemin et mes goûts ont évolué vers des choses plus Folk, comme Joni Mitchell et Crosby, Stills & Nash, par exemple, qui sont deux de mes plus grandes influences. En tout cas, mes goûts sont toujours restés très américains et très ‘Old School’ ! Je ne peux rien y faire, c’est comme si c’était dans mes gênes ! (Rires)
– Si tu nous fais découvrir seulement trois chansons de ton répertoire, on peut facilement l’identifier à la nouvelle génération de chanteuses Country issues de Nashville notamment, avec un petit côté Pop Rock très féminin façon Kelsea Ballerini, Alyssa Bonagura, Lainey Wilson ou Kacey Musgraves pour ne citer qu’elles. C’est une scène qui t’inspire ?
Bizarrement, non, ce n’est pas du tout une scène qui m’inspire. A part Kacey Musgraves que j’adore pour ses textes absolument merveilleux, ses chansons magnifiquement produites et chantées. Mais j’ai du mal avec l’aspect marketing de cette nouvelle mode de la cowgirl, très sexualisée. Ce n’est absolument pas mon truc. Et comme je le disais musicalement parlant, à part pour les chansons de Kacey Musgraves, ce côté ‘Pop/Country commercial’ ne me parle pas du tout.
– A l’écoute des trois morceaux, on est également bluffé par la qualité de la production, dont tu t’es occupée avec Patrick Tayol. Outre un savoir-faire évident, tu avais déjà en tête le son que tu souhaitais obtenir et qui sonne d’ailleurs très américain ?
En partie, oui. J’avais des idées assez précises en tête, qui ont été discutées et retravaillées, avec l’aide précieuse et la connaissance de Patrick Tayol et Quentin Durual.
– J’aimerais que l’on dise justement un mot des musiciens qui t’accompagnent, car il y a vraiment du niveau et on sent une réelle alchimie entre-vous. Quand et comment as-tu réuni une si belle équipe ?
Ah ça oui ! Ils sont incroyables. Je connais Patrick (guitariste) depuis quelques années. L’enregistrement et le mixage, comme le tournage des clips, ont été réalisés dans son studio, le Grange Neuve Studio. Je suis chanteuse dans son groupe et nous avons développé une belle amitié, puis décidé par la suite de travailler ensemble. Lionel Bertani (claviériste) fait également partie du groupe, c’est comme cela que je l’ai rencontré. J’ai ensuite rencontré Quentin, à l’occasion d’un enregistrement au studio. Une belle amitié s’est aussi créée, et Quentin étant guitariste et aussi l’ingénieur du son pour le studio, il était évident qu’il ferait partie du projet et que c’était lui qui s’occuperait de l’enregistrement et du mixage des titres. Lovine et Rej Burlet (les choristes), sont deux amies, avec lesquelles j’avais déjà eu l’occasion de chanter et que j’aime beaucoup. Elles ont des voix extraordinaires. Cyril Gelly (batteur) et Laureen Burton (vidéaste/photographe) sont des connaissances de Quentin. C’est donc grâce à lui qu’ils ont rejoint le projet. Et enfin, je connaissais depuis un moment Anthony Prudent (bassiste) avec qui j’ai eu l’occasion de partager la scène plusieurs fois. Tous sont des artistes exceptionnels, des personnes en or, et je suis vraiment heureuse d’avoir collaboré avec eux.
– Que ce soit dans le mix, au niveau des instruments comme des chœurs, tu as apporté beaucoup de soin aux arrangements. Le travail est remarquable et j’imagine que tu as passé des heures à peaufiner ces trois titres. Est-ce que c’est un aspect de la production que tu apprécies également ?
Oui, ce sont des heures de ‘peaufinage’ effectivement ! Avec l’aide précieuse de Patrick et Quentin, ça a été un régal. Se soucier du moindre détail, aller chercher le moindre son qui vous mettra le frisson, c’est quelque chose que j’aime particulièrement, oui. Ce travail avec Patrick et Quentin a été très enrichissant.
– Tu es également compositrice et auteure comme on l’a dit, et tu évolues dans un registre où être songwriter est un gage d’authenticité et de créativité aussi. Quand as-tu commencé à écrire tes propres chansons et de quelle manière procèdes-tu ?
J’ai commencé à écrire mes chansons très tôt. Dès le départ en fait. Je ne savais jouer d’aucun instrument, mais j’avais un mini-synthé et je m’amusais à écrire et mettre en musique mes mots. Je le faisais aussi faire à mon petit frère, je m’en souviens bien !
Aujourd’hui, le processus est assez aléatoire. Des fois, j’ai un thème en tête, je gratte des accords, puis une mélodie m’apparait. Je fredonne quelques mots et parfois des phrases me viennent. Je construis ensuite autour de cela. Parfois au contraire, ce sont les mots qui me viennent en premier. Ça m’arrive de me réveiller la nuit et de me dépêcher de prendre de quoi noter, parce que j’ai la sensation que quelqu’un me souffle quelque chose. Ou alors, j’ai parfois l’impression de canaliser quelque chose qui me dépasse. Comme si je ne contrôlais rien. Les mots me viennent, et moi, je ne fais que retranscrire. C’est assez magique.
– Ce qui peut surprendre, une fois encore, c’est que tu sortes cet EP uniquement en numérique et dans un format trois titres. Même si c’est une façon de faire courante aujourd’hui et que tu fais aussi partie de cette génération. N’est-ce tout de même pas un peu frustrant de ne pas avoir l’objet physique entre les mains ? A moins que ce ne soit déjà prévu pour bientôt…
Frustrant, c’est le mot, oui ! La vérité est que je rêve de pouvoir le sortir en version physique. Mais l’EP étant autoproduit, j’ai préféré attendre de voir comment les gens réagiraient avant de me lancer là-dedans. Car tout ça a un coût, qu’on se le dise ! Mais c’est dans un coin de ma tête, j’y réfléchis…
– Vocalement aussi, tu réussis à montrer un large panel de tes capacités. Sur « One And The Same », tu mets tout le monde d’accord en affichant beaucoup de puissance. Avec « And So It Goes », tu te montres plus sensible dans une ambiance très Gospel qui va crescendo et « On The Road To Be A Woman » présente un aspect plus Folk et Americana/Country. En choisissant ces chansons, l’objectif était aussi de présenter l’éventail le plus large possible?
En quelques sortes, oui. Je souhaitais que cet EP me serve de ‘carte de visite’. Le style Americana étant assez large, je voulais pouvoir faire découvrir ces trois facettes de ma personnalité musicale.
– L’Americana est un style assez peu représenté en France, le chemin peut donc paraître très ouvert. Même s’il reste beaucoup à faire auprès du public, cela reste plus simple que de se faire une place aux Etats-Unis. Cependant, est-ce que c’est un rêve d’aller jouer là-bas rapidement, car ton EP n’a rien à envier aux productions américaines ?
Effectivement, il reste beaucoup à faire auprès du public, même si la voie a été ouverte par de grandes stars comme Taylor Swift ou Beyonce avec son album « Cowboy Carter ». Je crois qu’en fait, l’Americana devient même une tendance. Ça tombe bien, c’est pile le bon moment pour nous, artistes de ce milieu ! La difficulté en France, je trouve, reste la barrière de la langue. Les textes occupent une grande place dans cette musique, et ici beaucoup ne comprennent pas l’anglais…C’est d’ailleurs pour cela que j’ai fait le choix de mettre les sous-titres sur mes deux clips. Et c’est évidemment un rêve de pouvoir jouer mes titres aux Etats-Unis. Quel musicien ne rêve pas de ça ?
– Enfin, il est peut-être trop tôt pour en parler, mais un album complet est-il déjà dans un coin de ta tête ? Et surtout, vas-tu défendre « One And The Same » sur scène dans les mois qui viennent ?
L’album est bien sûr dans un coin de ma tête. Et ça viendra, évidemment. Je l’imagine depuis bien des années. Mais chaque chose en son temps et je vais d’abord m’occuper de chouchouter un peu cet EP. Pour ce qui est de le défendre sur scène, c’est en bonne voie. Tout ça est en construction. J’annoncerai les premières dates du projet quand tout sera prêt. En attendant, au boulot !
Le premier EP de MARGOT VIOTTI, « One And The Same », est disponible sur toutes les plateformes.