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International Stoner Rock

Greenleaf : indestructible foundation [Interview]

A la tête de deux institutions, qui sont autant de locomotives du Stoner européen, Tommi Holappa mène de front les groupes Dozer et GREENLEAF. Alors que le premier a sorti « Drifting in the Endless Void » l’an dernier, c’est avec le très bon « The Head & The Habit » qu’il réapparait aujourd’hui, toujours animé d’une passion inébranlable et d’une bonne humeur contagieuse. Très prolifique, le guitariste et ses trois camarades de jeu livrent un nouvel album riche et compact, tout en restant véloces et accrocheurs. Ce neuvième opus est l’un des meilleurs des Suédois et il s’accompagne aussi d’un changement de label. Entretien avec un musicien toujours aussi créatif.  

– La première sensation qui ressort de l’écoute de « The Head & The Habit » est une impression d’aboutissement, une sorte d’apogée du style de GREENLEAF. C’est aussi ton sentiment, celui d’être aller au bout d’un processus de création fort ?

Je peux te dire qu’après avoir eu le mixage final de l’album pendant presque cinq mois avant sa sortie, j’aime toujours beaucoup l’écouter ! Habituellement, bien sûr, j’apprécie chaque nouveau disque que nous faisons, mais avec le temps, on finit par avoir quelques favoris et aussi des chansons qui ne se sont peut-être pas révélées aussi bonnes qu’on l’aurait souhaité. Cela peut, par exemple, être de petits détails dus au mixage, comme le son de la guitare qui n’est pas parfait sur un solo. Des choses comme ça peuvent parfois m’énerver, donc je ne peux plus supporter certains morceaux ! (Rires)

Mais cet album, je peux l’écouter du début à la fin et j’en suis très satisfait ! L’écriture des chansons est forte, la production est excellente, il y a beaucoup d’énergie et on a l’impression que tout le travail acharné que nous avons prodigué a payé ! Alors oui, pour le moment, j’ai l’impression que c’est probablement notre album le plus fort à ce jour. Redemande-moi dans un an et on verra s’il aura résisté à l’épreuve du temps ! (Rires)

– Vos précédents albums gardaient toujours un petit côté imprévisible, tandis que celui-ci est assez direct avec un songwriting plus resserré aussi. L’objectif de « The Head & The Habit » était d’aller à l’essentiel, de gagner en efficacité ?

Quand nous avons commencé à écrire des chansons, nous savions que nous voulions faire un album un peu plus ‘joyeux’. « Echoes From A Mass » était un album assez sombre, parce qu’Arvid était en instance de divorce et il se sentait déprimé pendant la composition. Cette fois-ci, il n’y a pas eu de divorce et tout le monde était dans une bonne situation de vie personnelle. Donc, il s’est agit de passer un bon moment, de profiter de la compagnie de chacun et de composer le meilleur album possible. Bien sûr, les textes sont toujours aussi sombres, car Arvid ne peut pas écrire de paroles joyeuses ! (Rires) Mais la musique est plus énergique et un peu plus entraînante.

– On retrouve bien sûr l’ADN de GREENLEAF avec ce savant mélange de Fuzz, de Desert Rock et de Blues enrobé d’un Stoner Rock véloce et percutant. Et l’album est aussi très bien équilibré. Justement, comment avez-vous travaillé cette fois-ci, et est-ce que vous avez œuvré, dès le départ, pour trouver la manière de rendre l’ensemble le plus homogène et complet possible ?

Lorsque nous commençons à travailler sur du matériel pour un nouvel album, cela prend toujours du temps avant d’entrer véritablement dans le flow. Nous pouvons avoir deux ou trois bonnes idées, mais qui ne nous semblent pas géniales pour autant. Cela peut prendre des semaines, ou parfois des mois, avant d’avoir cette idée de chanson qui nous fait vraiment dire ‘Wow !’. Pour cet album, « Avalanche » a été la chanson qui a tout déclenché. Cela devient plus facile d’écrire tranquillement quand on a une idée de morceaux qui nous inspirent vraiment. Ensuite, le reste arrive naturellement et après un certain temps, on a en quelque sorte un fil rouge qui traverse tout cela, et on commence à entendre ce qui manque à l’album. Les deux dernières chansons écrites ont été « That Obsidian Grin » et « An Alabastrine Smile », parce que nous avions déjà des titres très rythmés et on voulait ralentir un peu les choses. Et la tracklist de cet album a été décidée avec l’idée du vinyle en tête, car nous voulions deux faces, qui se terminent toutes les deux par un titre plus doux. C’est vrai que nous consacrons beaucoup de temps à essayer de trouver l’ordre parfait des morceaux, car un bon album doit être comme un bon film : avoir des hauts et des bas, ainsi que te tenir en haleine et te captiver jusqu’à la fin.

– Comme pour « Echoes From The Mass » et depuis très longtemps maintenant, vous avez travaillé avec Karl Daniel Lidén, qui vous connait très bien. Pourtant, le son paraît plus clair sur « The Head & The Habit » et la production plus accessible et accrocheuse aussi. Est-ce que cela tient tout simplement au contenu de l’album et des textes, ou c’est le son que vous cherchiez à obtenir depuis un moment déjà ?

Oui, Karl Daniel est en quelque sorte le cinquième membre du groupe et il sait exactement ce dont les chansons ont besoin. Habituellement, lorsque nous arrivons à la moitié d’un album, nous faisons un enregistrement merdique des chansons en répétition et en direct avec nos téléphones, puis nous l’envoyons à Karl Daniel. C’est à ce moment-là qu’il élabore généralement un plan sur la façon dont l’album devrait sonner. Il écoute les chansons et commence alors à entendre dans sa tête comment devrait être la production. Il fait vraiment ressortir le meilleur de nous !

– Un mot aussi au sujet des textes qui sont très introspectifs et qu’Arvid Hällagård a écrit en se servant de son expérience personnelle avec des personnes en souffrance. Et c’est vrai que l’album a un aspect très narratif dans son déroulé. On a l’impression que vous avez voulu apporter plus de profondeur et d’émotion en explorant ces thématiques. Pourtant, l’ensemble est étonnamment lumineux. Votre envie était-elle de jouer sur ces contrastes ?

Comme je te le disais, Arvid a du mal à écrire des paroles ‘joyeuses’ sur les voitures rapides, les filles et l’alcool ! (Rires) Nous laissons ça à d’autres groupes, qui le font mieux que nous. Sur cet album, les textes parlent principalement de problèmes de santé mentale et de dépendance et nous avons pensé qu’il était intéressant d’avoir des contrastes entre la musique et les paroles. La chanson peut être entraînante et dansante, mais ensuite les mots peuvent te transporter dans un endroit totalement différent.

– Ces dernières années, tu avais pu te consacrer uniquement à GREENLEAF et l’an dernier Dozer a aussi fait son retour (et quel retour !) avec le très bon « Drifting In The Endless Void ». De quelle manière mènes-tu les deux groupes de front ? Je pense surtout à la composition, à ton jeu de guitare et à ton son ? C’est facile de passer de l’un à l’autre ? Et est-ce que ta configuration personnelle est différente sur ton instrument et sa sonorité ?

En fin de compte, c’est facile car Fredrik (Nordin – NDR) et Arvid travaillent tous les deux de manière différente et ce sont des chanteurs très distincts aussi. Si je soumettais une idée de riff à Fredrik, puis la même à Arvid, cela donnerait deux chansons totalement différentes. Mais bien sûr, il y a des parties de guitare dans GREENLEAF, qui pourraient être celles de Dozer et inversement. Les trucs les plus Blues que je propose vont toujours à GREENLEAF et les trucs plus durs à Dozer. Et par ailleurs, je ne travaille pas sur des chansons pour les deux groupes en même temps, ça prêterait à confusion, je pense. Un album à la fois et avec un seul groupe. Et puis, j’ai la chance de travailler et de faire de la musique avec deux grands chanteurs.

– D’ailleurs, les albums de GREENLEAF et de Dozer sont assez proches dans leur sortie respective. Comme allez-vous défendre « The Head & The Habit » sur scène, est-ce que l’on pourrait rêver à une affiche regroupant les deux groupes, comme on a déjà pu le voir avec d’autres musiciens ?

C’est une bonne idée ! Mais je pense que Sebastian (Olsson – NDR), qui est aussi le batteur des deux groupes, et moi mourrions sur scène si nous faisions deux sets d’affilée ! (Rires) Et ce ne serait pas juste envers le groupe qui joue en dernier d’avoir Sebastian et moi après deux ou trois heures de scène dans les pattes ! (Rires)

– Tu es à la tête de deux groupes majeurs de la scène Stoner européenne, qui se distinguent dans des approches différentes et créatives. Même si les journées ne font que 24h, est-ce que tu pourrais avoir l’envie, ou juste l’idée, de créer une autre entité dans une nouvelle déclinaison Stoner ?

On m’a demandé de rejoindre différents projets, mais pour le moment, je n’ai pas le temps. Jouer dans ces deux groupes, avoir un travail quotidien, puis une famille et une fille m’occupent 24 heures. Mais un jour, je monterai un groupe avec Karl Daniel et Peder de Lowrider. Nous en parlons depuis des années. Nous sommes tous des gens très occupés, mais dans le futur, cela arrivera. C’est sûr !

– Enfin j’aimerais qu’on dise aussi un mot sur votre changement de label. Vous avez quitté Napalm Records pour Magnetic Eye Records. Pour quelle raison et est-ce un label qui répond plus et mieux à vos attentes et qui s’éparpillent aussi peut-être moins dans son catalogue ?

Nous avons changé de label, parce que nous avions fait trois albums avec Napalm. Ils ont fait du bon travail, mais il était temps d’essayer autre chose. Nous voulions revenir à un label un peu plus petit, où nous serions l’un des plus grands groupes au lieu d’être un petit groupe de Stoner parmi beaucoup de groupes de Power Metal. Jusqu’à présent, tout se passe très bien avec Magnetic Eye Records ! Nous sommes heureux et eux ont l’air de l’être aussi… C’est un accord parfait !

Le nouvel album de GREENLEAF, « The Head & The Habit », est disponible chez Magnetic Eye Records.

Retrouvez la chronique de l’album précédent de GREENLEAF…

…Et les deux interviews de Tommi pour DOZER :

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Stoner/Desert

Greenleaf : rêveries hallucinatoires

Les cadors du Stoner Rock Suédois se sont servis de la situation bloquée de 2020 pour composer et enregistrer « Echoes From A Mass », un album taillé dans la roche la plus dense. Avec Karl Daniel Lidén aux manettes, un ancien de la maison, GREENLEAF a mis tous les atouts de son côté pour cet atomisant huitième opus.

GREENLEAF

« Echoes From A Mass »

(Napalm Records)

Avec les rééditions de trois albums cultes de Dozer et la récente sortie d’un EP, « Vultures », par le label italien Heavy Psych Sounds Records (Merci !), on n’attendait pas forcément de si tôt GREENLEAF avec un nouvel opus. Et pourtant, c’est avec ce très bon « Echoes From A Mass » que Tommi Holappa et sa bande se présente et, une fois encore, les quatre Suédois sont toujours aussi inspirés et leur Stoner parfaitement huilé.

Le successeur du très bon « Hear The Rivers » sorti en 2018 est nettement moins Doom, mais le rouleau compresseur scandinave reste toujours aussi puissant et il magnétise. Avec au chant un Arvid Hällagård dont la voix captive et hypnotise, GREENLEAF semble s’orienter vers un Stoner Rock musclé rappelant les belles heures de Dozer. Mais le quatuor affiche son identité et elle est très personnelle.

Le grondement et la frappe du batteur Sebastian Olsson se fondent dans les lignes de basse de Hans Fröhling dans un maelstrom inouï et ravageur. Dès le très envoûtant « Tides » en passant par « Love Undone » ou « Neeckle In My Eyes », Tommi Holappa maltraite sa guitare jusqu’au très bluesy « Bury Me My Son » et le très Desert Rock « March On Higher Grounds ». GREENLEAF livre une nouvelle cuvée exceptionnelle dont il sera difficile d’être rassasié.