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Psych Stoner/Desert

Karkara : lust in dust

Formé il y a seulement cinq ans, à l’aube d’une pandémie qui leur a peut-être donné des idées, KARKARA poursuit sa route, chemine dans les antres du psychédélisme et se frotte au shamanisme musical avec de plus en plus de grâce et d’habileté. Plus inspirée encore, « All Is Dust » est une réalisation pertinente, obsédante et surtout interprétée et composée sans bride, ce qui lui offre et libère un sentiment de totale liberté. Alors, on se laisse aller, on se laisse prendre dans ce flux fantasmagorique et enchanteur… et le voyage est beau, bien que mouvementé ! Il y a même une certaine magie.

KARKARA

« All Is Dust »

(Le Cèpe Records/Exag Records/Stolen Body Records)

« All Is Dust » est typiquement le genre d’album (le troisième du groupe), qui fait plaisir à écouter et à savourer, car il va si bien à l’encontre des préceptes actuels et de cette frénésie à vouloir découper systématiquement un disque en singles, comme pour mieux en supprimer la substantielle moelle. KARKARA m’a donc rendu le sourire. En effet, pour qui déciderait d’en écouter quelques bribes en le parcourant nonchalamment, il passerait complètement à côté, car la démarche entreprise ici relate une quête quasi-survivaliste entre poésie et rage (« Monoliths », « On Edge », « Moonshiner » et ses oiseaux).

Il fait aussi et d’abord préciser que le style du trio s’y prête également très bien. Dans un Psych Rock oscillant entre Stoner et Desert Rock, il nous raconte une histoire, nous guide dans les pas d’un personnage dont l’épopée se comprend, se ressent et se vit justement en écoutant l’ensemble des six morceaux… dans leur entier et dans l’ordre. Ses étapes, ses rencontres et ses combats sont saisissants. Et je ne vous raconterai évidemment pas la fin de cette aventure aux multiples rebondissements narrée par KARKARA, mais la chute est aussi hallucinatoire que radicale et magnifique.  

Plutôt que vintage, c’est une saveur rétro-futuriste qui englobe « All Is Dust » à travers de longs morceaux, qui sont nécessaires au déploiement de cette ambiance épique et hypnotique, ainsi que galopante et nerveuse. Très organique dans le son, tout comme dans son jeu, KARKARA jour sur les effets de basse et de guitare, ponctue ses titres de notes de synthés d’un autre temps et avance sur un chant aérien et désespéré aussi. Il se permet même l’incursion d’un saxophone démoniaque (« The Chase ») et d’une trompette solaire qui vient presque sonner le glas (« All Is Dust »). Terriblement humain, bravo !

Photo : Guthio
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Hard 70's Heavy Stoner Rock

The Quill : nouvelle odyssée

L’une des particularités de THE QUILL est de savoir proposer à chaque réalisation un Hard Rock hyper-Stoner qui fait aussitôt penser à un véritable travail de groupe. On sent ses membres tellement soudés que l’on s’éloigne des productions actuelles, où les compositions semblent plus tenir de la performance que de l’œuvre créative. « Wheel Of Illusion » est cru, mélodique, brut et non dépourvu de beaux arrangements. Et c’est cette unité entre les vétérans du Rock, qui transpirent sur chaque note et qui les distingue encore aujourd’hui.

THE QUILL

« Wheel Of Illusion »

(Metalville Records)

A l’aube de ses 30 ans de carrière, THE QUILL sort son dixième album et les Suédois se montrent toujours aussi solides et inspirés. « Wheel Of Illusion » fait suite au très bon « Earthrise », sorti il y a trois ans, et qui était terrassant à bien des égards. Le quatuor enfonce le clou, grâce à un Heavy Stoner Rock original. Si la base reste Hard Rock avec des teintes 70’s, le style de la formation nordique s’engouffre dans un registre qui dépasse les époques et les tendances en se distinguant brillamment, grâce à une originalité et un son qui la rendent immédiatement identifiable.

L’aspect rétro-futuriste encore à l’œuvre sur « Wheel Of Illusion » fait toujours plus l’effet d’une petite bombe que celui d’une madelaine de Proust. Inventif, le quatuor continue d’envoûter et d’assener ses compos avec force et vigueur. Au chant, Magnus Ekwall se montre impérial, capable d’autant de douceur que de force. THE QUILL puise justement son originalité dans ce contraste et cette dualité entre l’aspect planant d’un Stoner Psych et des accélérations très Metal. Solide, la rythmique donne le ton et Christian Carlsson distille ses riffs et ses solos avec une ferveur constante.

Poussé par une énergie folle, les Scandinaves poursuivent leur voyage musical mouvementé débuté en 1995 et, plus surprenant, parviennent sans mal à réinjecter autant de puissance que de dynamisme à un genre très maîtrisé, qui va puiser chez ses pionniers. Dès le morceau-titre en ouverture, THE QUILL affiche ses ambitions et se montre imparable sur « Elephant Head », « L.I.B.E.R. », « The Last Thing » avant l’ultime assaut « Wild Mustang », véritable pièce maîtresse de ce nouvel opus. Conquérant et accrocheur, « Wheel Of Illusion » recèle de quelques trésors et devrait enflammer les prochains concerts.    

Photo : Goran Markov

Retrouvez la chronique de « Earthrise » :

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Heavy Stoner Rock Stoner Doom

Greyborn : clair-obscur

Les Limougeauds continuent leurs explorations Stoner Doom avec un nouvel effort, qui vient faire suite à « Leeches », sorti il y a deux ans. Sur une production-maison très organique, GREYBORN côtoie le lugubre sans s’apitoyer et en se montrant plutôt obstiné. En s’immergeant aussi dans des atmosphères Space Rock, « Scars » avance dans cette introspection torturée, où seule la voix de son batteur libère quelques éclaircies, même fragmentées.

GREYBORN

« Scars »

(F2M Planet)

Avec « Scars », son deuxième EP, GREYBORN continue son cheminement dans un style où, forcément, le gris est teinté d’autres variations de gris. Une façon aussi et sûrement pour le power trio de ne pas se perdre dans le trop sombre, ou dans le trop lumineux, mais d’évoluer dans des ambiances claires-obscures et de bénéficier d’un champ d’action bien plus vaste. Comme pour « Leeches », le groupe s’est encore attelé à l’enregistrement et au mix de son nouveau format court, une manière de garder la main sur un univers très personnel, où la lourdeur des notes et la clarté du chant font cause commune.

Loin du Heavy Stoner Blues de Blackbird Hill, l’autre formation menée par Maxime Conan (guitare) et Théo Jude (chant, batterie – ex-Mama’s Gun), GREYBORN évolue sur un Doom écrasant et épais, tout en restant dans un Stoner Rock massif. Ils sont accompagnés par le bassiste Guillaume Barrou (ex-Mama’s Gun), une nouvelle histoire entre amis qui se connaissent bien en somme. Le groupe tire ici sa force d’une rage et d’une violence à l’œuvre sur les quatre morceaux, auxquels s’ajoute « Tetany », une virgule instrumentale suspendue, qui apporte une note de légèreté dans ce sombre océan.

Malgré une formation assez récente, GREYBORN a déjà parfaitement cerné les contours de son style et pour mieux en saisir l’entièreté, rien de mieux que d’écouter les deux EP dans l’ordre. C’est le gros et ultime défaut de ce genre de réalisations car, en l’occurrence, le groupe se savoure sur la longueur. Dès le morceau-titre, on entre dans le vif du sujet et « Ravenous » vient confirmer cette densité presque hypnotique, qui se forme dans un fuzz appuyé. Plus véloce sur « A Thousand Dreams Away », c’est « The Grand Design » qui clot ce chapitre d’un Doom solide. On attend maintenant impatiemment le premier album.

Photo : Victor Leonchenko

Retrouvez la chronique du premier EP du groupe, « Leeches » :

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Heavy Psych Rock International Progressif Space Rock Stoner Prog

Monkey3 : no code [Interview]

Originale, percutante, hors-norme : les adjectifs ne manquent pas pour qualifier la musique du quatuor de Lausanne. Avec « Welcome To The Machine », on replonge dans cet univers singulier, fait de Stoner et de Metal, de Rock et de Psych, le tout dans une dynamique progressive aux redoutables crescendos. Toujours instrumentaux, les morceaux de MONKEY3 interpellent et les riffs, comme les solos, valent souvent mieux qu’un trop long discours. C’est justement Boris, guitariste (virtuose) du groupe, qui revient sur ce nouvel album aux teintes Space-Rock et inspiré de classiques SF du grand écran. Entretien.    

Photo : Giuseppe Aufiero

– A l’écoute de « Welcome To The Machine », l’atmosphère rétro-futuriste, façon « Blade Runner », est omniprésente et devient rapidement hypnotique. Pourtant, vous restez très Rock, c’est-à-dire direct et avec des guitares très incisives notamment. Celles-ci donnent presque l’impression d’être le narrateur. C’était l’objectif en composant l’album ?

L’objectif était de raconter une histoire autour de la thématique homme-machine. Pour ce faire, nous avons tenté d’opposer et/ou de juxtaposer les sonorités électroniques aux sonorités purement analogiques, afin de développer un son particulier et de créer une atmosphère un peu futuriste. Je dirais que le narrateur est l’auditeur. Chacun peu imaginer sa propre histoire, son propre monde, sa propre aventure. Cet album pose des questions plus qu’il ne donne de réponses.

– Même si la composition de l’album est très précise, tout comme les arrangements d’ailleurs, il reste une touche que l’on peut interpréter comme étant l’esprit jam dans ces nouvelles compositions. Est-ce que c’est ce qui leur donne cet aspect de liberté, selon toi, et auquel vous tenez peut-être aussi ?

Dans notre cas, la jam est très souvent un point de départ pour la composition, mais ensuite nous passons beaucoup de temps à élaborer les morceaux afin de trouver un équilibre satisfaisant à notre goût. Au moment de l’enregistrement, peu de choses sont laissées au hasard. En situation de live, c’est par contre différent, les morceaux continuent d’évoluer à chaque concert.

– Avec ce septième album, vous avez dit vous être inspirés du 7ème Art, et notamment de films mythiques comme « 2001 : l’Odyssée de l’Espace », « Matrix » ou « Solaris ». Est-ce que, et spécialement lorsque l’on fait de la musique instrumentale, une certaine approche visuelle est aussi importante dans le processus de création ?

La chose la plus importante, lorsque nous écrivons de la musique, est que nous puissions ressentir l’histoire que nous voulons raconter et nous imaginer voyageant dans une sorte de paysage fait de sons et de textures.

– Comme « Welcome To The Machine » vous a été inspiré par un certain cinéma, celui de la SF, est-ce que vous avez déjà été tenté par la musique de film, sachant aussi que cela n’offre pas forcément de partage direct avec le public comme un concert ?

Composer une BO de film est un rêve absolu que nous aimerions réaliser un jour. Ce serait pour nous une sorte d’aboutissement complet.

– Ce nouvel album est une réflexion sur l’avenir de l’humanité à travers la dualité entre l’homme et la machine. C’est justement un sujet qui est au cœur des préoccupations actuelles autour de l’Intelligence Artificielle notamment. Cela vous a-t-il aussi inspiré et d’ailleurs, vous basez-vous sur une sorte de synopsis écrit pour composer ?

Au début de l’écriture de ce nouvel album, nous avons privilégié la spontanéité en laissant l’esprit libre d’orientations musicales et stylistiques. Nous avons composés la plupart du temps de manière collective. Au fur et à mesure de l’avancée des morceaux, le concept de l’album a commencé à apparaître. C’est à ce moment-là que nous nous sommes inspirés de certains films qui abordent ces thèmes, comme « Matrix » ou « 2001 : l’Odyssée de l’Espace » et des livres tels que « 1984 » ou « Le Meilleur Des Mondes ». La thématique du disque portant, entre autre, sur la dualité homme-machine, nous avons volontairement poussé en avant l’aspect électronique de notre son, afin que l’histoire racontée se ressente et s’exprime au travers de la texture sonore, des mélodies et de l’impact rythmique.

Photo : Giuseppe Aufiero

– Puisqu’on évoque l’IA, est-ce que c’est quelque chose que vous envisageriez pour composer, alors que votre son est si organique ? Il y aurait une sorte d’antagonisme, non ?

Jamais, nous n’utiliserons l’IA pour composer de la musique. La beauté, l’intérêt et le charme de la création et de la composition musicale réside, selon moi, dans l’émotion  et l’intention que chacun y met et dans l’imperfection propre à l’humain, ce qui rend chaque œuvre totalement unique.

– « Welcome To The Machine » s’inscrit clairement dans un registre progressif et psychédélique. Vous vous imprégnez autant de Stoner que de post-Metal, ce qui confère un aspect très futuriste à l’album. C’est une connexion très fluide. Comment travaillez-vous sur cet équilibre, à moins que cela se fasse naturellement, sans calcul ?

Cela se fait assez naturellement. En général, nous ne faisons pas très attention à l’orientation stylistique. Nous nous concentrons plutôt sur les atmosphères et les sonorités que nous cherchons à développer, afin de raconter une histoire de la manière la plus cohérente possible.

– J’aimerais aussi que l’on dise un mot de la production. Elle est à la fois aérée et âpre et mélange des passages parfois contemplatifs et d’autres souvent très fulgurants et sombres. Comment avez-vous travaillé sur cette profondeur sonore à l’œuvre sur l’album ?

Le travail des sonorités synthétiques et électroniques fourni par dB (claviers) a permis de développé un son beaucoup plus large et profond. Je pense que cela a été la clef du son de ce disque. Il y a eu aussi beaucoup de travail effectué sur les textures sonores des guitares, afin qu’elles fonctionnent bien avec les murs de claviers, et que le mélange amène de la dynamique à l’ensemble. Mais tout commence par une fondation solide, autant sonore que du groove basse-batterie.

– Vous avez aussi la particularité, comme d’autres dans ce registre, de composer des morceaux assez longs et sur « Welcome In The Machine », ils sont cinq à osciller entre 6 et 12 minutes. Est-ce qu’être plus concis et directs vous paraît inapproprié au regard de votre style, ou au contraire l’idée est toujours de poser un climat sur la longueur ?

La longueur d’un morceau est toujours dépendante de l’atmosphère et de l’impact que nous cherchons à créer, donc cela peut varier. Nous ne suivons pas de canevas particulier. Tout format est approprié du moment que l’histoire est racontée dans le bon sens.

– Etant donné que « Welcome To The Machine » est un album conceptuel, et c’est vrai qu’il s’écoute dans son entier et dans l’ordre, la mise en place de vos prochaines setlists risque de virer un peu au casse-tête, non ? A moins que vous ne pensiez, au contraire, que les liens entre les morceaux ne soient pas un obstacle…

Nous sommes en pleine phase de préparation des concerts et, effectivement, l’intégration des nouveaux morceaux est pour le moment un peu un casse-tête. Nous avons le désir de proposer un panachage entre anciens et nouveaux titres et nous devons trouver la bonne formule, afin de pouvoir raconter l’histoire de manière cohérente et fluide pour que le live show soit agréable à suivre.

Le nouvel album de MONKEY3, « Welcome To The Machine », est disponible chez Napalm Records.

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Stoner Rock

Waste A Saint : rockin’ angels

Peut-être dû à la rudesse du climat, les pays du Nord de l’Europe ont toujours eu une réelle prédisposition pour le Stoner Rock et, de fait, un talent certain. Venant s’incruster avec insistance dans le crâne, les morceaux de « Ravenous », deuxième effort studio des Scandinaves, marient avec beaucoup d’habileté la dureté du style avec une voix féminine qui captive, mais n’apaise pas pour autant les choses. WASTE A SAINT tient un line-up performant, qui sert des compos grisantes.

WASTE A SAINT

« Ravenous »

(All Good Clean Records)

WASTE A SAINT a réellement pris son envol il y a deux ans avec « Hypercarnivore », un premier album qui lui a permis de sillonner sa Norvège natale et de roder son style. Après quelques concerts, le quatuor est d’ailleurs aussitôt retourné en studio. Avant cela, il avait sorti un EP, « At Quarter Speed » en 2017, puis quelques singles épars. Avec « Ravenous », le combo fusionne avec force des inspirations qui vont du Hard Rock au Psych Rock avec quelques touches bluesy et surtout à travers un Stoner Rock mélodique et accrocheur.

Solide et épais, le registre des nordiques peut s’apparenter, même de loin, à celui de QOTSA pour ce qui est de l’efficacité des refrains, qui deviennent vite entêtants. Mais l’ensemble est beaucoup plus âpre et rugueux. Et cet atout résolument solaire et fédérateur, on le doit notamment à Bogey Stefandottir, la frontwoman de WASTE A SAINT. Cependant, si elle apporte une belle dose de féminité au Stoner Rock du groupe, grâce à un entrain véloce, elle se montre tout aussi capable de durcir le ton et de montrer les crocs.

« Ravenous » démontre que l’on peut faire un Stoner accessible, sans forcément en renier ses fondements et jouer au bulldozer. Mais que tout le monde se rassure : la puissance est bel et bien au rendez-vous. Les riffs appuyés d’Alexander Skomakertsen et le duo basse/batterie formé par Ole Nogva et Øivind Fossem viellent au grain. Moderne et entraînant, WASTE A SAINT est la vraie bonne surprise du moment (« Schizofriendia », « Sore Spot », « Femme Fatale », « Avoid My Wits », « Aeronaut »). A suivre de très près !

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Classic Hard Rock Proto-Metal Stoner Rock

Tigers On Opium : un panache hyper-Rock

Pour son premier album, c’est presqu’une leçon que donne TIGERS ON OPIUM, tant les sonorités à l’œuvre sur les titres de « Psychodrama » paraissent à la fois tellement évidentes et d’une grande créativité. C’est une espèce de revue des effectifs Rock et Metal qu’est parvenu à réaliser la formation, tant les ambiances et les mélodies impressionnent par leur maîtrise et leur originalité. On assiste très rarement à de telles entrées en matière aussi Heavy et planantes que groovy et percutantes.  

TIGERS ON OPIUM

« Psychodrama »

(Heavy Psych Sounds)

Après avoir écumé les scènes de l’Ouest des Etats-Unis et sorti deux EP, le fougueux groupe de Portland, Oregon, passe enfin aux choses sérieuses et présente « Psychodrama », un premier effort exceptionnel. On y découvre sur la longueur tout le talent des Américains à travers un style personnel très particulier, qui se trouve au croisement de nombreux registres qui se fondent dans une belle et fluide harmonie. TIGERS ON OPIUM développe un Classic Rock mâtiné de proto-Metal avec des éclats de Stoner Rock bien sentis et quelques solides coups de Fuzz.

« Psychodrama » est une sorte de concept-album, basé sur le modèle d’une thérapie de groupe dont le frontman Juan Carlos Careres s’est inspiré pour l’écriture des morceaux. Abordant des sujets graves, TIGERS ON OPIUM ne livre pourtant pas un album trop sombre, malgré quelques passages tempétueux, où il flirte même avec le Psych et le Doom. La richesse musicale du quatuor sort vraiment des sentiers battus et la production très organique de l’ensemble a un côté épique et solaire, avec ce grain 70’s parfaitement distillé.

Autour des deux six-cordistes, on se perd dans les twin-guitares, les riffs soutenus et les solos aériens. TIGERS ON OPIUM parvient toujours à capter l’attention grâce à la voix directe de son chanteur, soutenu par ses camarades aux chœurs. Les quelques parties de piano viennent apporter ce qu’il faut d’accalmie dans ce dédale d’émotion (« Black Mass », « Diabolique », « Sky Below My Feet »). Avec une grande liberté, le combo s’offre de magnifiques envolées, qui culminent sur les géniaux « Radioactive » et « Separation Of Mind ». Du grand art !

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Grunge Heavy Stoner Psych Stoner Rock

Disastroid : sauvagerie urbaine

Avec ce quatrième album, les trois Américains risquent de marquer les esprits, tant la lourdeur vibratoire qui enveloppe et s’étend sur l’ensemble de « Garden Creatures » a de quoi faire trembler la faille de San Andreas. Massifs et percutants, les morceaux de ce nouvel opus de DISASTROID prennent tous les chemins de traverse, via un flux où s’entrechoquent Stoner, Noise, Grunge et un soupçon de Psych. Une synthèse palpitante et insaisissable.   

DISASTROID

« Garden Creatures »

(Heavy Psych Sounds)

A en croire le groupe, les recoins des maisons résidentielles de San Francisco ne sont pas si sûrs que ça et il s’y passe même des choses sinon terrifiantes, tout au moins lugubres. Au sein des jardins envahis de végétation, dans les caves pleines de secrets et au hasard des crimes et dans une solitude pesante, DISASTROID a imaginé et conçu un album assez obsessionnel, à l’épaisseur trouble et dans un registre où le Grunge et le Noise se fondent dans un Stoner Rock vrombissant et sérieusement Heavy.

Et l’un des grands artisans de l’atmosphère si spéciale de « Garden Creatures » est aussi Billy Anderson, connu pour ses collaborations avec Sleep, Melvins et Neurosis entre autres, qui a réalisé une incroyable production, que ce soit dans l’ambiance globale du disque que dans chaque détail. Si DISASTROID se sert du Stoner Rock comme socle principal et aussi comme fil conducteur, c’est pour mieux distiller un Grunge 90’s hyper-fuzz, d’où la voix d’Enver Koneya, également guitariste, s’envole dans une forme de songe vaporeux, mais appuyé.  

Entre Noise et Heavy Rock, le power trio nous présente probablement la facette la moins glamour de San Francisco. De leur côté, Travis Williams (basse) et Braden McGaw (batterie) procèdent à un broyage en règle sur un groove dévastateur, flirtant même avec certains aspects Doom. Décidemment, DISASTROID n’est jamais à court d’idées, n’hésitant à mêler le son de la scène de Seattle du siècle dernier avec un Stoner moderne et pachydermique (« Garden Creatures », « Figurative Object », « 24 », « Light’Em Up, « Jack Londonin’ »). Une baffe !

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Heavy Stoner Psych Stoner Prog

Mr Bison : des ondes astrales

Depuis « We Don’t Like Love Songs », son premier EP sorti en trio en 2011, MR BISON en a fait du chemin et la route tracée devient de plus en plus limpide au fil des albums. Quatre ans après le superbe et conceptuel « Seaward », les Transalpins montrent une ambition débordante sur « Echoes From The Universe », à nouveau saisissant. Heavy, Psych et Prog, leur Stoner Rock se démarque habillement et se pose hors du temps.  

MR BISON

« Echoes From The Universe »

(Heavy Psych Sounds)

Pourtant originaire d’une petite ville de la côte de Toscane, c’est la mythologie nordique qui a cette fois inspiré MR BISON, à laquelle il a d’ailleurs intégré des éléments SF, offrant à « Echoes Of The Universe » une ambiance très particulière. En jouant sur l’aspect Heavy du Stoner et un côté Psych très progressif, le quatuor parvient, comme sur ses précédents opus, à combiner force et délicatesse pour mieux nous embarquer dans un univers féérique et très polymorphe avec brio.

Grâce à un équilibre parfait, MR BISON allie des références 70’s issues de la scène progressive, à un son très moderne qui rappelle l’actuelle vague Stoner européenne. Aidé de synthés, d’orgue Hammond et de mellotron, le groupe installe des atmosphères soignées et très travaillées. Bercé et enveloppé de la voix de Matteo Sciochetto, « Echoes From the Universe » n’élude pas de somptueuses parties de guitares, sa faisant même acoustiques comme pour libérer certaines respirations.

S’il y a bien un disque où l’on peut parler de créations de paysages musicaux élaborés, c’est bien celui de MR BISON, qui atteint des sommets avec ce cinquième opus. Aérés et aériens, mais aussi massifs et dynamiques, ces sept nouveaux titres disposent d’une très bonne production signée de son guitariste Matteo Barsacchi, qui nous fait pleinement profiter de ce voyage sonore enchanteur (« Child Of The Night Sky », « Dead In The Eye », « The Promise », « The Veil »). Les Italiens livrent leur réalisation la plus aboutie à ce jour.

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Hard Rock Heavy Rock Stoner Rock

Emergency Rule : en acier trempé

Tout vient à point à qui sait attendre. Tel pourrait être le mantra d’EMERGENCY RULE, qui a patienté plus d’une décennie avant de sortir « The King Of Ithaca ». Et cette première réalisation est une bombe qui nous plonge dans la fureur et l’efficacité primale et palpitante du Rock véritable. Apre et mélodique, véloce et écrasant, fédérateur et musclé, le combo est à découvrir de toute urgence… et à écouter très fort !

EMERGENCY RULE

« The King of Ithaca »

(Wormholedeath Records)

Si les Australiens sortent aujourd’hui leur premier album, ce n’est pas pour autant des nouveaux venus sur la scène Metal et Rock. Depuis 2012, EMERCENCY RULE distille des singles au compte-goutte (« Snakes Eyes », « Blind », « Flag And A Medal », « The Zealot »). Composé de musiciens plus qu’aguerris ayant œuvré aux côtés d’Universum, Bruce Kulick et Mike Tramp, le quatuor balance un énorme pavé de Hard Rock avec « The King Of Ithaca », dont le contenu est d’une rare explosivité.

Si la puissance paraît être l’un des principaux arguments du groupe, c’est sans compter sur la richesse des genres présents sur ce très vigoureux opus. Le groove épais et gras des deux guitaristes, Chris George et Cal Wegener, mène la danse sur des riffs massifs et incendiaires, qui deviennent inévitablement contagieux au fil du disque. Il y a du Zakk Wylde dans l’air. Et EMERGENCY RULE s’appuie sur les martèlements de son cogneur de batteur, tout autant que sur les lignes de basse de Doug Clark, également chanteur.

Rugueux et brut, le style de la formation océanique puise dans les origines du Heavy, du Hard Rock, ainsi que du Southern et du Stoner. Difficile de résister à cet ouragan de décibels et à la voix rauque et enveloppante de son frontman. L’approche résolument live d’EMERGENCY RULE le rend irrésistible et très vite addictif (« Garden », « Bartender », « Abuse », « Ulysses », « Corporation », « From The Grave »). Et comme chez beaucoup de ses compatriotes, on retrouve cette touche si identifiable de son île-continent.

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Classic Rock Progressif Stoner/Desert

Big Scenic Nowhere : sans limite

Ils ont beau être très occupés tous les quatre avec leur groupe respectif et différents projets annexes, les membres de BIG SCENIC NOWHERE continuent l’aventure en se livrant cette fois dans un répertoire Classic Rock, toujours emprunt de Stoner et de Desert Rock, guidé par un groove tantôt progressif, tantôt plus costaud. « The Waydown », troisième album auxquels viennent s’ajouter deux EP, plonge dans des espaces plus identifiables, certes, mais tout en mélangeant toujours des tempos et des ambiances variés.

BIG SCENIC NOWHERE

« The Waydown »

(Heavy Psych Sounds)

Fondé il y a quatre ans sous l’impulsion d’un quatuor constitué de cadors de la scène Stoner/Desert Rock, BIG SCENIC NOWHERE continue de livrer des albums toujours plus aboutis et surprenants. L’une des particularités des Américains est aussi d’évoluer au fil des réalisations devenant un collectif dans lequel viennent se greffer et se fondre des invités prestigieux qui se prêtent à l’exercice avec talent et virtuosité. « The Waydown » révèle cette fois un visage nouveau, sans pour autant renier les fondements qui ont forgé son identité sonore et musicale.

Sur des bases aussi diverses qu’inamovibles, BIG SCENIC NOWHERE explore de nombreux horizons et va encore étonner tant le champ d’investigation est spectaculaire depuis sa première production, « Vision Beyond Horizon » en 2020. Bob Balch (Fu Manchu, Slower) à la guitare et sur tous les fronts actuellement, Tony Reed (Mos Generator) à la basse, aux synthés et surtout au chant, Gary Arce (Yawning Man) à la guitare et Bill Stinson (Yawning Man) à la batterie forment une entité très soudée et capable d’atteindre des sommets de créativité.

Avec « The Waydown », c’est dans une lignée Classic Rock, toujours très infuzzée, que BIG SCENIC NOWHERE s’engouffre en proposant des morceaux lumineux et hors du temps. Loin  des jams qui l’ont toujours caractérisé, le songwriting est plus traditionnel, faisant la part belle au Rock Progressif, à la Funk Psyché, à quelques passages Surf Rock et même Soul Blues. L’interprétation est magistrale et Reeves Gabrels (The Cure, Bowie), Per Wiberg (ex-Opeth) et Eliot Lewis (Hall And Oates) viennent aussi prêter main forte sur cet opus aussi accrocheur qu’envoûtant. Monumental !