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Metal Progressif Post-Metal

The Ocean : geologic race

Chaque album de THE OCEAN est un nouveau voyage musical dans lequel on prend le large sans savoir vraiment comment se passera la traversée. Et la donne est la même avec « Holocene », qui nous plonge dans des temps immémoriaux, tout en portant cependant la marque d’une modernité très cyclonique. Inévitable… encore ! Entre Post et Progressive Metal, les Allemands se distinguent à nouveau.

THE OCEAN

« Holocene »

(Pelagic Records)

Toujours aussi imprévisible et insaisissable, THE OCEAN poursuit sa quête et son périple dans le Quaternaire avec un focus cette fois sur sa dernière période, « Holocene ». Et la suite du très bon diptyque, « Phanerozoic I & II » (2018 – 2020) s’avère toute aussi surprenante et envoûtante. Elaborés autour des claviers de Peter Voigtman, ces nouveaux morceaux ne manquent ni d’audace, ni de créativité. Et malgré les changements de line-up, les Berlinois fascinent toujours autant.

Cependant, le collectif est stable depuis 2018 maintenant et il faut avouer que cela s’en ressent dans l’écriture, mais aussi dans l’interprétation de « Holocene ». D’ailleurs, à y regarder de plus près, comment pourrait-il en être autrement tant la discographie de THE OCEAN est d’une qualité si régulière ? Ce dixième album s’inscrit ainssi dans son solide ADN et ce Metal progressif teinté de post-Metal est transcendé par des passages Sludge renversants et d’une fureur très sauvage.

Assez froid de prime abord, « Holocene » ne met pas longtemps à vous embarquer à travers des sonorités jouant sur la texture et les variations instrumentales (« Boreal », « Seed Of Reeds »). Massif (« Subboreal ») et véritablement frénétique avec le soutien de la chanteuse d’Årabrot (« Unconformities »), THE OCEAN déroute encore et ce malgré une unité artistique permanente. Quant à son chanteur, Loic Rossetti, il se montre aussi flottant qu’imperturbable quand il monte au front. D’un esthétisme raffiné et puissant.  

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Extrême France Metal

C R O W N : repousser encore et toujours les limites [Interview]

Stéphane Azam et David Husser, alias C R O W N, viennent de livrer un troisième album où ils se sont tout autorisés, quitte à déboussoler un peu leur public de base. Mais avec le duo de Colmar, garder des œillères : c’est déjà faire fausse route. « The End Of All Thing » va encore plus loin dans l’imaginaire sombre et expérimental du combo. Musicalement, la grande expérience des protagonistes leur permet à peu près tout, et ce nouvel opus est d’une richesse incroyable. Rencontre avec ces deux sorciers du son, qui font de C R O W N ce groupe si atypique de la scène hexagonale.   

Photo : Jenn Brachet

– « The End Of All Thing » sort 6 ans après « Natron », dont il est étonnamment différent. Toutes ces années ont été nécessaires pour parvenir à une certaine maturité des nouveaux morceaux, ou est-ce que ce sont d’autres projets qui vous ont occupé ?

Stéphane : Professionnellement en tant qu’ingénieur du son, je fais des tournées aussi à l’international notamment avec Alcest. Et depuis 2015, j’ai été très occupé, mais j’avais déjà commencé à bosser sur les démos fin 2017. Et puis, ça n’a pas été toujours simple de se voir avec David. C’est venu s’ajouter à la durée du processus de composition.

David : Il faut aussi savoir que l’album est prêt depuis un an et demi déjà. On a du le reporter pour des raisons évidentes. Au final, ça n’a pas pris autant de temps que ça.

– Avant de parler de l’album en lui-même, j’aimerais qu’on parle de la production qui est exceptionnelle. Comment avez-vous travaillé et comment vous êtes-vous réparti les taches étant donné votre expérience d’ingénieur du son ?

David : C’est mon job et j’ai fait une quantité d’albums en tant que producteur. J’avais déjà mixé « Natron » que j’avais récupéré sur la fin, car Stéphane sentait qu’il y avait besoin d’un petit coup de boost. J’y ai ajouté quelques programmations, de la basse ce qui était inédit chez nous et surtout j’avais remarqué que c’était mortel lorsqu’il chantait. Du coup, je l’ai poussé dans ce sens. Il a aussi composé l’intégralité de l’album et je suis assez peu intervenu en dehors de quelques riffs et arrangements. Je me suis vraiment concentré sur la prod’ en poussant aussi le truc un peu plus loin.

– Au-delà de ça, j’imagine que ce doit être un plaisir pour vous de produire vos propres compos et de pouvoir y apporter une touche très personnelle sans contraintes extérieures ?

David : Evidemment ! Je fais de la prod’ depuis une trentaine d’années maintenant, et depuis que j’ai un studio chez moi : ça change la vie ! Je ne calcule plus les jours de studio dont j’ai besoin. C’est fantastique de pouvoir travailler comme tu l’entends, et pour qui que ce soit d’ailleurs. C’est aussi lié à l’évolution de la technologie. Aujourd’hui, tu n’es plus obligé d’investir deux millions d’Euro dans un studio pour avoir un truc qui tienne la route.

– Justement, et après on parle musique, est-ce que vous avez pu expérimenter ou mettre des choses en place au niveau de la production que vous n’aviez pas eu l’occasion jusqu’à présent ?

David : J’ai repris pas mal de choses que je faisais à la fin des années 90/début 2000, où j’expérimentais beaucoup. J’avais eu l’impression d’être arrivé au bout de ce que je pouvais faire à la guitare dans ce contexte-là. Là, j’ai repris en quelque sorte les choses des années plus tard, et là où je les avais laissé. Il y avait encore des choses à dire au niveau guitare/synthé, par exemple, et aussi dans l’utilisation et même l’abus de certains effets et certaines techniques de guitare qui sont assez loin de ce qui se fait conventionnellement. Après, beaucoup de choses sont parties à la poubelle, mais c’était le bon terreau pour planter ce genre de graines. (Rires)

Photo : Jenn Brachet

– « The End Of All Thing » sonne vraiment différemment de vos deux derniers albums notamment. Je sais bien que tous les groupes disent qu’ils n’aiment pas refaire le même album (et pourtant !), mais là vous faites le grand écart. Ca s’est fait sur un coup de tête, ou c’est une chose à laquelle vous réfléchissez depuis longtemps ?

Stéphane : C’est venu très naturellement en fait. Au départ, je voulais faire quelque chose de beaucoup plus extrême et surtout ne pas faire la même chose. Je me suis laissé aller en essayant  de dégager quelque chose d’émotionnel, qui pourrait aussi toucher les gens.

– Est-ce qu’avec un virage aussi radical, vous n’avez pas peur de perdre du monde en route ? A moins que le but soit justement d’élargir votre audience ?

David : On n’a pas du tout réfléchi comme ça. Tu sais, les coups de tête, ça n’existe pas vraiment dans le monde musical. Ou alors, un coup de tête qui dure un après-midi et deux jours après, tu te reprends. C’est toujours un petit peu réfléchi. Jusqu’ici, les retours sont très positifs, alors que je m’attendais à beaucoup d’insatisfactions. Quand je vois ce que certains prennent dans la gueule, juste parce qu’ils ont baissé un peu les guitares, alors que c’est le même groupe ! Je me demandais un peu à quoi on aurait le droit avec C R O W N !

Stéphane : Et puis, sur la dernière tournée par exemple, le public était composé de gens de 20 ans à la cinquantaine et plus, et donc assez ouverts. Avec une bonne ouverture d’esprit, ça ne pose pas de problème. Ce n’est pas quelque chose qui m’inquiète plus que ça. Et on a toujours ce côté sombre dans notre musique.

David : De toute façon, on a fait ce qu’on avait envie de faire et surtout du mieux qu’on a pu. C’est vraiment ça qui nous a drivé. Et puis, si à la fin de la journée, tu n’es pas un peu meilleur que la veille, c’est que tu ne l’as pas réussi ! Aujourd’hui, les choses ont quand même beaucoup évolué et c’est nettement plus ouvert malgré tout.

– En plus de vous présenter avec un son plus synthétique et donc moins organique ou analogique, c’est selon, il y a aussi un changement important sur la voix. C’est définitivement celle de C R O W N qu’on entend sur ce nouvel album ?

Stéphane : Pour celui-là en tout cas, oui ! (Rires) Pour les prochains, il y aura de toute façon de la voix claire, parce que cela me plait beaucoup et des voix hurlées aussi. Il n’y a pas vraiment de plans, c’est une question de ressenti. Mais pour le côté organique, avant il n’y avait que des machines alors que là, il y a une vraie batterie, par exemple. On a essayé de mélanger ce côté batterie naturelle avec des machines. Après, elles ont été retraitées, mais il en ressort un aspect plus dynamique et plus vivant aussi.

David : On a enregistré un vrai batteur et on l’a fait sonner comme une boîte à rythme, tu as tout à fait raison. Je pense d’ailleurs que si nous avions eu un peu plus de temps, j’aurais probablement refait la batterie pour l’avoir encore plus naturelle. Entre le moment où on a commencé et celui où on a fini, on a tellement dénaturé les choses, on s’est tellement éloigné de ce qui avait été fait à la base. Ca va pouvoir paraître un peu grossier, mais j’avais presqu’envie d’un côté Hip-Hop au sens noble du terme, c’est-à-dire un son très sec et au premier plan, un peu médium et dur. C’est comme ça que je l’entendais. C’est vrai que quelque part, c’est très synthétique, mais paradoxalement, c’est peut-être l’album le plus organique de C R O W N.

Photo : Jenn Brachet

– Et contrairement aux autres albums, on ne retrouve que la chanteuse Karin Parks d’Årabrot. Comment s’est porté votre choix, alors que d’habitude, on compte beaucoup plus de guests sur vos albums ? 

David : Lorsque j’ai mixé l’album d’avant, c’est vraiment ce que j’avais préféré. La voix de Stéphane en clair est très réussie mélodiquement. Et c’est donc la première chose que je lui ai proposé : de s’occuper de la partie vocale tout seul, ou presque. C’est aussi une histoire de cohésion et surtout, c’est parce que je savais qu’il y avait quelque chose à creuser de ce côté-là. C’était peut-être du à une certaine timidité ou un manque de confiance de sa part, mais je pensais qu’il fallait le pousser dans ce sens. Il méritait d’être soutenu dans cette voie. J’étais persuadé que Stéphane pouvait tenir la voix sur tout l’album sans forcément gueuler, et ça a même profité aux morceaux.  

– Enfin, l’album est très prenant et laisse place à l’imaginaire où se bousculent beaucoup d’images. C’est quelque chose à laquelle vous pensez déjà pour la scène ?

Stéphane : On utilise déjà des vidéos sur scène. Mais c’est vrai que les nouveaux morceaux en eux-mêmes sont assez cinématiques. Nous avons récemment réalisé un Live Stream avec un fond Led, et c’est effectivement quelque chose à renouveler et qui apporterait une dimension supplémentaire à la musique aussi.

David : Il y a un côté onirique évident, c’est sûr. Mais, par exemple, lorsque Pink Floyd a fait « The Wall » et qu’il y a eu le film après, plusieurs membres du groupe, y compris le producteur, ont dit qu’ils n’aimaient pas du tout le film. Il imposait des images au public, alors que l’album laissait libre-court à une tonne d’interprétations différentes. Dans notre musique, on ne réfléchit pas à la façon dont les gens vont pouvoir interpréter les choses. En revanche, ce que je peux te dire, c’est que très souvent le public a une vision bien plus radicale, et plus intéressante même, que l’artiste quand ils interprètent eux-mêmes les choses. J’adore vraiment discuter avec eux des morceaux qu’ils ont aimé, car je me dis souvent que j’aurais du l’écrire comme ça. C’est toute la beauté de l’esprit humain. On y pense bien sûr et en espérant que ça puisse apporter telle vision ou telle réflexion par la suite.

« The End Of All Things » est disponible depuis le 16 avril chez Pelagic Records

Retrouvez également CROWN sur Facebook et notamment le Stream Live bientôt en ligne !

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