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Black Metal Death Mélodique

AcoD : prose ténébreuse

Devenu incontournable au sein de la scène extrême hexagonale depuis une petite vingtaine d’années bientôt, le duo marseillais enchaîne les excellents disques (quatre au total, dont les très bons « Divine Triumph » et « Fourth Reign Over Opacities And Beyond »), deux EPs et des prestations scéniques marquantes. L’annonce de la sortie de « Versets Noirs » chez les Néerlandais de Hammerheart peut aussi surprendre, car la formation ne fait plus partie des ‘Acteurs de l’Ombre’ et vise dorénavant l’international avec l’Europe en ligne de mire.

ACOD

« Versets Noirs »

(Hammerheart Records)

ACOD semble vouloir prendre un nouveau départ avec« Versets Noirs » et cela commence avec une pochette très différente des précédentes. On découvre ici un gros plan sur un visage en noir et blanc avec un œil sortant d’une bouche alors que, précédemment, la palette utilisée jouait sur les tons chauds et les monstruosités lovecraftiennes. De même, le premier morceau, « Habentis Malefica », s’étend sur une vingtaine de minutes, alors qu’auparavant ils excédaient rarement les cinq. Une longueur cependant réjouissante et même obsédante. On en vient même à perdre toute notion temporelle.

D’entrée, « Habentis Maleficia » place la barre très haute. Les passages alternent dans un Metal extrême entre des moments calmes et aériens, un sens du riff soutenu par une production très propre (sans devenir lisse et insipide) et un jeu de batterie qui offre une base solide et entraînante. Pour ouvrir « Versets Noirs », ACOD a osé le pari et il est beau ! Les trois titres originaux qui suivent sont dans la même veine. Efficaces, ils laissent toutefois une place à quelques chœurs, des moments plus apaisés et apporte même un bel équilibre à ce nouvel opus dont le concept vient entretenir l’histoire développée par le tandem.

A noter la reprise du classique des Suisses de Samael « Black Trip » (figurant sur « Ceremony of Opposites », sorti en 1994) en conclusion de l’album. Si celle-ci est intéressante et se fond bien dans l’ensemble, force est de constater que « Habentis Malefica » est LE morceau à retenir. Peut-être trop bon (avec un riff incroyable à 16’30 !), il fait de l’ombre aux autres, pourtant d’excellente facture. En tout cas, ACOD est en pleine forme et découvrir cette nouvelle réalisation sur scène devrait sans nul doute être mémorable ! Entre Black Metal et Death Mélodique, les Phocéens ont trouvé la formule gagnante.

Emilien Nohaïc

Photo : Cana Prod
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Blues Rock Country Folk/Americana

The Bacon Brothers : rootsy

Ils sont finalement quelques-uns, outre-Atlantique, à combiner musique et cinéma avec souvent d’ailleurs le même talent pour les deux arts. C’est le cas du comédien Kevin Bacon qui, depuis 30 ans, a formé avec son frère Michael THE BACON BROTHERS, un groupe plus qu’un tandem, où ils explorent ensemble les racines de la musique américaine avec beaucoup de fraîcheur et d’humour. Loin des habituels stéréotypes marketing de certains, « Ballad Of The Brothers » se montre au contraire très authentique et sincère.  

THE BACON BROTHERS

« Ballad Of The Brothers »

(Forty Below Records)

Assez peu de gens le savent dans notre beau pays, mais l’emblématique acteur Kevin Bacon est également chanteur et musicien, à l’instar d’ailleurs d’un certain Kiefer Sutherland, dont le style n’est pas si éloigné. Depuis 1995, il mène avec son frère Michael une belle carrière dans la musique sous le nom de THE BACON BROTHERS. Tous deux compositeurs, ils se promènent dans un registre très américain entre Rock, Folk, Country et Blues et « Ballad Of The Brothers » est déjà leur douzième album. Une ode à un style assez roots, également  plein de douceur.

La production de ce nouvel opus est classique, efficace et feutrée et n’est pas sans rappeler celles de la scène de Philadelphie et de certaines icônes du Classic Rock. Cela dit, elle colle parfaitement à l’univers des BACON BROTHERS et à leur balade musicale. Assez vintage dans l’ensemble, le son de cette nouvelle réalisation est enveloppant à souhait et l’équilibre trouvé par les deux frères ne manque pas de clins d’œil. S’ils se partagent le chant et les parties de guitares, un groupe redoutable de feeling et de groove les accompagne et les couleurs sont belles.

Il y a un petit côté 70’s dans la fratrie, mais « Ballad Of The Brothers » ne tombe pas pour autant dans une nostalgie exacerbée. Au contraire, entre chansons délicates et moments plus révélés, THE BACON BROTHERS balaie un large éventail, grâce à une interprétation où le piano côtoie les guitares et les cuivres et aussi et surtout où le violoncelle de l’aîné, Michael, libère une atmosphère très Americana sur plusieurs titres. Sans réellement se prendre au sérieux, le duo fait les choses très sérieusement et avec une passion plus que palpable. Vibrant et très convaincant.

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Blues Rock Soul / Funk

The Black Keys : funky vibes

L’heure est à la détente pour THE BLACK KEYS, qui s’autorise le temps de ce nouvel opus une sorte de récréation nettement plus vaporeuse, mais non sans livrer un ardente prestation. Souvent galvaudée, le terme de groove prend ici tout son sens à travers 14 morceaux où l’objectif du groupe est clairement de prendre du plaisir et surtout d’en donner. Très 70’s dans les sonorités, des effluves de Soul, de Funk et d’un Blues tendre et généreux font cause commune sur « Ohio Players », qui donne autant le sourire que la patate !    

THE BLACK KEYS

« Ohio Players »

(Easy Eye Sound/Nonesuch Records)

Joie et félicité ! THE BLACK KEYS est de retour, clope au bec, avec une pêche d’enfer et sur un groove aussi démoniaque que réjouissant ! Alors ok, Dan Auerbach et Patrick Carney ne sont pas complètement seuls. « Ohio Players » n’est pas non plus complètement un album de leur composition. Et alors ? Le duo est particulièrement bien entouré et la tracklist est joyeuse, funky et, on ne va pas se mentir, ça fait plutôt du bien par les temps qui courent ! Il y a forcément aussi une explication très rationnelle à ce douzième effort studio des Américains, qui nous emmènent assez loin de l’âpreté du Blues Rock de « Dropout Boogie ».

En titrant ce nouvel opus du nom du cultissime groupe de Funk, THE BLACK KEYS annonce la couleur : elle sera festive, légère et explosive. L’idée de cette création inattendue et originale est née lors de soirées organisées par le groupe, où il passait de vieux 45tr de sa collection. Et c’est l’esprit de ces fêtes qui a constitué le fil rouge de l’album. A l’exception de « I Forgot to Be Your Lover », une chanson écrite par William Bell et Booker T. Jones, l’ensemble de « Ohio Players » est signé et produit par le tandem de la petite ville d’Akron. En revanche, les collaborations ne manquent pas et elles ont même parfois assez surprenantes.

Le guitariste/chanteur et le batteur ne renient pas une seule seconde leur patte musicale et encore moins ce son si particulier qui les distingue depuis leurs débuts. L’approche est la même et on la ressent jusqu’à cette production, certes, plus lisse cette fois, mais tellement riche en arrangements. Facile et aérien, THE BLACK KEYS a donc convié l’ami Beck sur près de la moitié de « Ohio Players », tandis que Noël Gallagher (oui, oui !) intervient aussi dans la composition de trois morceaux. Et la participation des rappeurs Juicy J et Lil Noid libère quelques instants de Hip-Hop langoureux. On sait s’amuser dans l’Ohio et ça fait du bien !

Retrouvez les chroniques de leurs deux derniers albums :

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Dark Metal Occult Rock

Saturday Night Satan : occult fever

Entre mystère, sorcellerie et ésotérisme, « All Things Black » ouvre les voies à SATURDAY NIGHT SATAN dans une atmosphère, qui n’est pourtant pas aussi sinistre qu’il n’y paraît. Mené par une frontwoman qui joue sur les contrastes avec une belle assurance et beaucoup de talent, cette nouvelle formation hellène est à la fois un brin vintage dans l’esprit et très actuel dans l’écriture. Metal et Rock, aérien et lourd, le disque des deux architectes à l’œuvre propose une obsédante fusion mélodique, subtile et solide.  

SATURDAY NIGHT SATAN

« All Things Black »

(Made of Stone Recordings)

Issu de l’underground athénien, SATURDAY NIGHT SATAN est la rencontre et le fruit du travail d’un duo, qui vient montrer avec « All Things Black » que le Dark Metal de son pays ne manque toujours pas d’imagination et qu’il est bel et bien vivace. Kate Soulthorn (chant) et Jim Kotsis (guitare, basse, chœurs) livrent un premier effort très abouti, bien produit et surtout d’une richesse assez étonnante. Outre les différentes époques passées en revue, les courants Metal, Rock et Hard Rock se fondent brillamment dans un même et seul élan créatif et homogène.

Le duo, qui est complété par un groupe en live, s’était au départ lancé dans ce qui devait rester un projet studio, mais il faut croire que l’avancée de la composition les a fait changer d’avis. Et c’est une très bonne chose ! Le multi-instrumentiste (également membre du groupe de Heavy Metal ‘Black Soul Horde’) et sa chanteuse s’inscrivent dans une mouvance Rock Occult en s’appropriant les codes du cinéma d’horreur et de sa sombre imagerie. Frissons de plaisir garantis avec SATURDAY NIGHT SATAN, dont le spectre musical s’étend aussi à travers le temps dans ses références.

S’appuyant sur les décennies allant des 70’s aux 90’s pour l’essentiel, les Grecques n’en sont pas moins modernes dans leur approche. Certes, la voix féminine n’est pas sans rappeler Lucifer, mais le groupe possède bien d’autres atouts. Nourri de quelques claviers, de sonorités psychédéliques, de thérémine (« Witch’s Dance ») et même de flûte sur l’excellent « Of Love And The Void » qui clôt l’album, SATURDAY NIGHT SATAN provoque la fièvre par des incantations dynamiques et accrocheuses (« 5AM », « Devil In Disguise », « Lurking In The Shadows » « Crown Of Arrogance » et le morceau-titre). Belle première !  

Photo : Petros Poulopoulos
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Alternative Metal Alternative Rock Heavy Rock

Bad Situation : une belle ferveur

Frais et enthousiaste, ce premier opus complet de BAD SITUATION est peut-être celui que les amateurs de Rock musclé, Heavy et grungy attendaient pour démarrer enfin le printemps de la plus belle des manières. Très groove et même joyeux, les deux musiciens avancent sur un rythme soutenu et de bons gros riffs, soigneusement mis en valeur par une production-maison, qui tient bien la route. « Bad Situation » se dresse dans un esprit live, vivifiant et terriblement addictif.

BAD SITUATION

« Bad Situation »

(Thrash Talkin Records/Klonosphere/Season Of Mist)

Direct et efficace, BAD SITUATION se présente donc avec un premier album éponyme, qui ne manque pas d’énergie. Pour un peu, on en oublierait presque qu’ils ne sont que deux. Aziz Bentot (guitare, chant) et Lucas Pelletier (batterie, chœurs) confirment les bonnes choses entendues sur leur EP « Electrify Me », sorti il y a deux ans. Forcément sans fioritures, ces nouvelles compos s’inscrivent dans un Alternative Rock synthétisant les 30 dernières années. Le panel des références est vaste, mais le rendu très cohérent et carrément pêchu.

On connait l’explosivité des duos dans d’autres registres, mais c’est vrai aussi qu’en termes de Heavy Rock, la basse tient un rôle essentiel et remplir l’espace sonore ne règle pas tout. Et il faut reconnaître que BAD SITUATION s’en sort très bien grâce, notamment, à des guitares très présentes et solides et une bonne balance dans le chant entre le lead et les chœurs. Positifs et dynamiques, les Français distillent avec beaucoup d’entrain des morceaux accrocheurs et se promènent entre Nickelback et QOTSA, le sourire aux lèvres.

Sur un Rock massif flirtant avec le Metal, et malgré quelques touches de Punk californien, BAD SITUATION trouve l’équilibre entre puissance, mélodies entêtantes et refrains fédérateurs (« On My Own », « Fallin’ Apart », « Nothing Lasts Forever », « Echoes », « Won’t Back Home »). La belle ballade « Drown » offre une belle respiration, pleine d’émotion et dotée d’un songwriting imparable. On peut affirmer avec conviction que « Bad Situation » va faire des ravages en concert et guider le public dans une belle communion. Bien joué !

Photo : Kevin Merriaux
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International Psych Prog Rock 70's Stoner Rock

Sun Q : shamanic trip [Interview]

Entrer dans l’univers de SUN Q est à la fois une aventure et un voyage musical assez unique, faits de rêveries qu’on lit dans les détails souvent vertigineux de ses morceaux. Entre Psych Rock et Stoner, la marque vintage domine, tandis que l’approche est résolument moderne. Sur « Myth », son dernier album en date, le duo russe, composé d’Elena Tiron et Ivan Shalimov, brise les codes et les frontières artistiques pour créer un style très personnel. La voix de la chanteuse flirte avec des couleurs chamaniques très aériennes, pour l’instant suivant déferler dans des fulgurances puissantes et captivantes. Rencontre avec une frontwoman inspirée, déterminée et d’une saisissante créativité.    

– Sept ans se sont écoulés depuis votre premier album « Charms ». D’ailleurs à l’époque, vous vous présentiez comme un quatuor, contrairement à aujourd’hui, où vous vous affichez en tant que duo. Qu’est-ce qui a changé entre temps ? Vos chemins se sont séparés et vous avez préféré vous recentrer tous les deux ?

Notre groupe est jusqu’à présent un projet non-commercial, ce qui signifie qu’il nécessite une énergie et des ressources importantes qui ne sont pas récompensées financièrement. Certains membres, à un moment donné, ont réévalué leurs priorités. Même si nous nous positionnions auparavant comme un quatuor, tout au long de cette période, le noyau et la force motrice derrière les idées ont toujours été nous deux. Cependant, nous sommes toujours heureux de partager le processus créatif avec des musiciens talentueux.

– Cela dit, lorsque l’on voit le line-up à l’œuvre sur « Myth », on constate que vous êtes encore très nombreux sur l’enregistrement de l’album. C’est dû au fait que vous composiez tout tous les deux, et qu’ensuite vous construisez le groupe au gré des compositions ?

Au départ, quand les idées et les éléments ont émergé, nous avons recherché des personnes qui s’aligneraient là-dessus. Nous sommes restés ouverts aux suggestions, surtout lorsque nous avons trouvé des musiciens, qui pensaient être en phase avec nous et qui partageaient notre sens du beau et du goût. L’album comprend plusieurs moments qui ont été apportés pour certains lors de l’enregistrement ou de la composition, et ils constituent une partie essentielle de notre création artistique. Néanmoins, le résultat final et les décisions que nous prenons constamment en cours de route restent entièrement de notre responsabilité.

– D’ailleurs, si l’on revient sur votre discographie, il y a eu cinq singles avant « Charms » et autant avant « Myth », même si l’on y retrouve que trois morceaux. Pourquoi n’y avez-vous pas intégrer « Severe » et « Searching The Skull » ? Ils n’entraient pas dans l’atmosphère générale de l’album ?

En fait, nous avons bien inclus « Searching for the Skulls » dans le nouvel album, mais dans une interprétation différente. Il s’intitule « Still Searching for the Skulls » et il vient souligner que nous les recherchons toujours ! (Sourires) Pour l’album « Myth », nous avons décidé d’utiliser des synthétiseurs analogiques vintage, uniquement parce qu’ils correspondent mieux à notre concept sonore. La version album de cette chanson penche davantage vers le genre Synthwave et est plus calme. Nous avons aussi eu l’idée de créer une ‘pause’ entre les deux parties de l’album. La version single est sortie, parce qu’un de nos amis avait entendu la démo et avait hâte de tourner une vidéo. C’était quelque peu impulsif.

Quant à « Severe », nous adorons cette chanson, mais nous ne la percevons pas dans le cadre d’un album. Elle est très indépendante à nos yeux et a été créé à l’origine pour être ainsi. D’ailleurs, le chœur gospel, qui apparaît sur « Severe », a également été enregistré en partie pour la chanson « Tree ».

– Justement, la force de SUN Q réside précisément dans les ambiances. Tout en empruntant un nombre assez conséquents de styles différents, il y a une réelle unité musicale qui forme un son original, varié, parfois même opposé, mais où l’on se retrouve toujours. Finalement, votre identité sonore est constituée de nombreux éléments avec le Rock comme moteur. Pour qui ne vous connaîtriez pas, comment définissez-vous l’univers de SUN Q ?

Merci pour cette question, car nous accordons en effet une grande attention à la création des ambiances. Elles ont parfois magiques, parfois rêveuses, passionnées, désespérées, voire étranges, mais toujours captivantes. A travers nos chansons, nous visons à plonger l’auditeur dans une atmosphère qu’il aura envie d’explorer. Nous voulons que notre musique soit vibrante et émotionnelle. Lorsque nous écrivons une chanson, nous ne nous concentrons pas sur le style ou le genre, dans lequel elle s’intégrera. Ce qui compte le plus, c’est que l’auditeur trouve cela intriguant et se demande ce qui va suivre.

– Vous avez enregistré « Myth », chez vous en Russie, puis le mix a été réalisé en Angleterre. C’était compliqué pour vous de tout faire en un même endroit, ou est-ce que vous avez senti le besoin d’avoir un regard extérieur, peut-être pour mieux canaliser votre musique, qui ne manque pas de sonorités en tous genres ?

Nous croyons fermement que les personnes qui partagent notre direction créative peuvent améliorer et enrichir notre musique. Une nouvelle perspective dans la musique est toujours importante, surtout lorsque vous êtes dans le processus de production depuis très longtemps. Nous avons cherché pendant des mois un tel spécialiste dans le monde entier ! Nous sommes reconnaissants envers notre ingénieur qui a réalisé le mixage, Sean Genockey, car son œil extérieur a revitalisé notre musique et l’a rendue plus belle.

– Si l’on prend en compte les variations Stoner, Psych, Blues, Prog et Heavy Rock, ce qui ressort de SUN Q est une sorte de côté théâtral, une mise en scène musicale où le texte semble guider les chansons. C’est cet aspect narratif qui a le dessus sur le reste ?   

En fait, la musique russe met l’accent sur les paroles. Cela la distingue considérablement de la musique occidentale où, à notre avis, la musique joue souvent un rôle plus important. Même si nous penchons vers un concept occidental, il est intéressant de noter que notre musique donne toujours l’impression que les paroles prennent le dessus. En fait, nous apportons beaucoup d’efforts dans nos paroles, avec beaucoup d’attention pour chaque mot.

– Si l’on revient sur l’ensemble des musiciens qui vous accompagnent sur « Myth », on est assez surpris de voir à quel point tous se fondent dans un même élan, une même voie et ce grâce à un travail assez phénoménal sur les arrangements. Vous ne vous êtes trop arrachés les cheveux au moment du mix justement, au moment de faire une place à tout le monde ?

Nous étions terriblement inquiets de la façon dont l’ingénieur gérerait cette tâche, car nous avions parfois vraiment l’impression d’en faire trop. Néanmoins, il était important pour nous de transmettre notre musique telle que nous la souhaitions et avec tous les instruments, chacun apportant sa propre couleur.

– On l’a dit, le son de SUN Q est résolument Rock, avec de multiples variantes. Et pourtant, on y retrouve du saxophone, de la trompette, du violon, du violoncelle, du trombone et même (plus étonnant !) de la nickelharpa, un instrument traditionnel suédois. Toutes ces idées sont venues au fur et à mesure de la composition, ou plutôt au moment de l’enregistrement ?

Toutes ces idées sont apparues au cours du processus de composition, mais assez spontanément. Comme « Jane Doe » a un côté très Soul, nous avons pensé que ce serait une bonne idée d’enregistrer une section de cuivres. Dans « Crystal Doors », le saxophone a véritablement ajouté une ambiance noire sur la fin. Les autres cuivres ont rendu le tout plus épique. Ces idées sont venues indépendamment les unes des autres. Cependant, conceptuellement, cela a parfaitement fonctionné : l’album commence et se termine par des cuivres. Les cordes ajoutent une touche Folk sombre et même une touche plus underground.

Et lorsque nous avons découvert l’existence du nyckelharpa, il n’était pas nécessaire de discuter de l’endroit, ou de la manière dont il sonnerait. Nous avons vite réalisé que, sans son caractère médiéval, la chanson « Animals » ne serait pas complète. Nous sommes également très satisfaits de « I Am The Sun », où nous avons réussi à mélanger des percussions africaines, des parties de synthétiseur très 80’s, du Disco, des chœurs et des couplets très sombres. L’objectif n’était surtout pas de rassembler des éléments disparates, bien au contraire, tout s’est produit de manière très organique et naturelle.

– Et puis, il y a aussi cet esprit très 70’s qui domine et qui, par son atmosphère, libère une production très organique justement sur l’album. C’est aussi quelque chose qu’il était important pour vous de conserver ?

Oui, nous considérons le son vintage et le style Rock de cette époque comme le fondement de notre musique, que nous complétons ensuite avec d’autres éléments. Le son vintage possède une crudité, une authenticité et une imperfection que nous apprécions profondément et qui nous manquent dans le Rock moderne.

– Un mot tout de même sur ta voix, Elena, qui l’un des atouts majeurs de SUN Q. On te sent très à l’aise dans de nombreux registres, qui vont d’une douceur incroyable à des éclats plus bruts. C’est toujours très instinctif dans la perception qu’on en a, et aussi très captivant. Est-ce que cela vient de cet esprit psychédélique, parfois chamanique, qui parcourt ce nouvel album ?

Merci beaucoup ! Je m’efforce d’utiliser ma voix pour transmettre ce que nous considérons comme l’une des techniques les plus puissantes de la musique : le contraste. Je suis ravie que tu aies ressenti cet esprit chamanique, cela signifie que tout n’a pas été vain. Dans les régions du Nord de la Russie, plusieurs groupes ethniques entretiennent encore des traditions chamaniques et communiquent avec les forces de la nature. Cette ambiance correspond à notre désir de créer des images de cet héritage à travers nos chansons. Nous donnons beaucoup d’importance à toutes ces anciennes traditions, où il y a toujours quelque chose de magique.  Il y a en elles un grand pouvoir qui nous inspire.

– Enfin, sans entrer dans des considérations politiques, car ce n’est pas le lieu, est-ce que la guerre en l’Ukraine et la pression internationale ont mis un frein à l’activité artistique en Russie ? Et surtout, est-ce que cela vous a impacté directement ?

Oui, cela a un impact. La scène musicale a considérablement diminué en Russie. Les musiciens se retrouvent dans une situation délicate, soumis à une forte censure. Ils doivent surveiller attentivement chaque mot qu’ils prononcent, mais il y a toujours un risque de se retrouver sur les listes de ‘groupes interdits’, qui circulent dans les clubs du pays, interdisant les représentations. Nous sommes véritablement préoccupés par l’orientation de la culture musicale russe. Simultanément, des services comme Spotify ont quitté le pays et les labels internationaux retirent aussi leur musique des catalogues, ce qui rend difficile l’accès aux nouveautés étrangères. Nous pensons que les échanges culturels sont cruciaux et, malheureusement, ils ont considérablement diminué. Après le début de la guerre, il s’est avéré que la seule chose qui nous a aidés à faire face à l’état de choc et d’horreur a été de commencer à composer de nouvelles chansons. Elles seront sur notre prochain album, que nous espérons sortir malgré tout.

Le dernier album de SUN Q, « Myth », et les autres sont disponibles sur le Bandcamp du groupe, ainsi que les singles :

https://sunqband.bandcamp.com/

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Americana Country folk

Jesper Lindell : une douce mélodie nordique

Et si un souffle frais venu d’Europe du Nord venait rafraîchir et revigorer le petit monde de l’Americana ? C’est en tout cas la promesse faite avec « Before The Rain », troisième réalisation en cinq ans du songwriter JESPER LINDELL. L’écriture et la composition sont très sûres, l’interprétation en sextet donne du volume et un relief mélodique souvent familier. Les morceaux du chanteur dévoilent une âme de caractère et un cœur tendre et entier. Un disque qui fait du bien !

JESPER LINDELL

« Before The Sun »

(Brunnsvik Sounds)

S’il n’était pas originaire du nord-ouest de Stockhölm, on aurait peine à imaginer JESPER LINDELL les pieds dans la neige, mais plutôt en balade du côté des Appalaches ou dans l’Amérique profonde. Avec son Americana, teinté de Folk, de Soul et de Country Rock, le Suédois est au diapason d’un registre qu’il embrasse pleinement et avec beaucoup d’élégance et de finesse. Bien sûr, on perçoit une sensibilité proche de The Band, Ray LaMontagne et surtout Van Morrison et Chris Stapleton. Pour autant, son style est très personnel, lumineux et ce troisième album l’inscrit parmi les valeurs sûres du genre. 

Enregistré chez lui, dans son studio, et avec ses cinq musiciens de tournée, JESPER LINDELL a écrit et composé l’ensemble de « Before The Sun », excepté « Honesty Is No Excuse » du grand Phil Lynnot. Et le songwriter ne manque pas d’inspiration puisque ce nouvel opus arrive dans la foulée de « Twilights », sorti il y a à peine deux ans. Des ennuis de santé désormais derrière lui (il a subi une greffe de rein), le Scandinave se meut dans une certaine mélancolie assez positive et ensoleillée, offrant de beaux contrastes à travers des chansons à la narration douce et à l’interprétation souvent surprenante.

Très cuivré, « Before The Sun » a un aspect très ‘Muscle Shoals’ dans la couleur et la chaleur très organique qu’il dégage. « One Of These Rainy Day » donne une pulsation originale dès l’entame et tout en émotion par la suite (« A Little Light In The Dark »), JESPER LINDELL montre un large spectre musical et ce n’est pas tout. L’un des moments forts est aussi le duo avec la chanteuse de l’Oregon Kassi Valazza, valeur montante de la Country Folk (« A Strange Goodbye »), puis le génial « Do Me In » où il alterne un chant très aigu avec sa voix normale. Il se montre bluffant de bout en bout. Un futur très grand !

Photo : Emilia Bergmark Jiménez
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Ambient Progressif Soft Rock

North Sea Echoes : la puissance du calme

L’avantage de se connaître depuis de longues années permet de se trouver les yeux fermés. Forts d’une expérience commune conséquente, le très prolifique guitariste Jim Matheos et le génial frontman Ray Alder se sont une fois encore réunis autour d’un projet parallèle, né de la très féconde créativité du multi-instrumentiste et de sa fascination pour les musiques progressives évidemment, mais aussi Ambient. NORTH SEA ECHOES se dévoile avec « Really Good Terrible Things » dans univers pas si tranquille qu’il n’y parait.

NORTH SEA ECHOES

« Really Good Terrible Things »

(Century Media Records)

Piliers indissociables de Fates Warning depuis des décennies, le chanteur Ray Alder et le guitariste, compositeur et producteur Jim Matheos ne se quittent plus. Au départ destiné à Tuesday The Sky, son projet très instrumental et Ambient, ce dernier a eu la certitude que ses morceaux auraient un tout autre relief avec une voix. Le duo s’est donc remis à l’ouvrage pour un album aussi étonnant que parfaitement réalisé. Avec NORTH SEA ECHOES, les deux hommes sortent de leur zone de confort avec brio.

Au risque que leurs fans ne les suivent pas dans cette nouvelle aventure, où le Metal est totalement absent, Alder et Matheos mènent ce projet de main de maître et cela mérite vraiment d’être souligné. Dans des atmosphères plus douces et feutrées, NORTH SEA ECHOES conservent un petit côté progressif dans un esprit Soft Rock apaisant, mais non sans émotions, bien au contraire. Brillamment composé, « Really Good Terrible Things » séduit aussi par la qualité des textes du songwriter. Et Alder sait y faire.  

Dès « Open Book » en ouverture, le ton est donné sur un rythme contemplatif, assez dépouillé, mais qui capte d’entrée l’attention. Assez sombres, les morceaux de « Really Good Terrible Things » n’en restent pas moins positifs, grâce aux paroles d’Alder. Avec le raffinement comme leitmotiv, les deux artistes nous embarquent dans un voyage souvent intime, parfois secret, et l’on se perd avec plaisir dans les méandres de ce Rock aux saveurs Ambient (« Flowers In Decay », « Empty », « Unmoved », « Where I’m From » « No Maps »).

Photo : Jeremy Saffer
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Blues

Louis Mezzasoma : bumpy Blues

On pourrait facilement énumérer les artistes qui ont forgé la culture musicale de LOUIS MEZZASOMA, c’est assez évident, mais ce serait sans compter sur l’originalité et la personnalité artistique à l’œuvre dans son répertoire. Toujours aussi variée et chaleureuse, cette quatrième réalisation du musicien du Forez l’élève un peu plus parmi les plus créatifs de l’hexagone. « Good Or Bad Time » s’écoute en boucle.

LOUIS MEZZASOMA

« Good Or Bad Time »

(Le Cri Du Charbon)

Le Stéphanois avait déjà attisé ma curiosité avec « Mercenary », son troisième album sorti en 2021. Très authentique et direct, LOUIS MEZZASOMA accueillait pour la première fois un batteur-percussionniste, alors qu’il évoluait jusqu’alors en one-man-band. Pour « Good Or Bad Time », c’est dans une formule en trio que le bluesman présente onze nouveaux titres. Alors, si son ‘Dirty Old Blues’ a pris du volume, l’intention est toujours la même,  tout comme sa démarche qui reste d’une sincérité absolue.

Et ce nouveau line-up a même de quoi surprendre. Bien sûr, LOUIS MEZZASOMA est au chant, aux guitares, au banjo et joue de son Diddley Bow personnel, qui lui fait remonter aux origines du style. A ses côtés, pas moins de deux batteurs qui assurent aussi les chœurs : Arthur Parmentier et Hugo Etay Mora. Sur les textes du multi-cordiste, le groupe a composé ensemble les chansons sur lesquelles intervient également Brice Rivey au violon et au banjo. Un beau travail d’équipe où le songwriter semble s’épanouir.

Musicalement toujours aussi épuré, LOUIS MEZZASOMA navigue dans des atmosphères Southern, où il continue sa recherche du Blues originel qu’il parcourt pourtant avec talent. Traversant la Folk, la Country et le Rock, son jeu poursuit une même direction entre ballades et morceaux plus enlevés et électrisants, porté par un esprit roots à la fois serein et exacerbé (« Funny Boy », « Decent Man », « Lucky Tim », « Cloudy Day », « Corruption »). Aussi moderne qu’intemporel, « Good Or Bad Time » s’inscrit dans une belle tradition.

Retrouvez l’interview de LOUIS MEZZASOMA accordée à la sortie de « Mercenary » :

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Blues Blues Rock Soul / Funk

Brave Rival : une incroyable communion

Une rythmique infaillible et tout en souplesse, un guitariste inspiré et virtuose et deux chanteuses qui se complètent autant qu’elles se distinguent, voici les délicieux ingrédients à l’œuvre lors des prestations scéniques de BRAVE RIVAL. En l’espace de quelques années seulement, l’Angleterre a été prise d’assaut par son Blues Rock aussi fougueux que sensuel et si l’on en croit ce somptueux « Live At The Half Moon », ça ne va pas en rester là.    

BRAVE RIVAL

« Live At The Half Moon »

(Independant)

S’il y a des groupes qui excellent en studio, la scène a très souvent le pouvoir de les transcender et dans le domaine du Blues, c’est même régulièrement une évidence. Ce n’est  donc sans doute pas une coïncidence si BRAVE RIVAL a commencé avec « Live At The Echo Hotel Music Club », un premier album enregistré en 2019 et en live. Pour autant, l’an dernier, les Britanniques ont livré « Life’s Machine », un effort studio salué, qui a permis à leur Blues Rock de mettre en évidence le talent de ses membres.

Nominé entretemps aux UK Blues Awards, BRAVE RIVAL a repris la route et c’est lors d’un passage en juin dernier à Putney dans la banlieue sud de Londres qu’il a immortalisé ce « Live At The Half Moon », éclatant de bout en bout. Le son et la personnalité du quintet s’affirment et se peaufinent et ce concert montre toute la confiance acquise et engrangée depuis ses débuts. D’ailleurs, le public présent ne s’y trompe pas et est littéralement sous le charme de cette énergie très communicative.

D’entrée de jeu, le survolté « Run And Hide » montre que BRAVE RIVAL sait déployer un Rock vigoureux sur des riffs appuyés que l’on retrouve ensuite sur « Magnetic », « Thin Ice » ou le truculent « What’s Your Name », qui clôt le disque. Avec son irrésistible duo de chanteuses, Chloe Josephine et Lindsey Bonnick, les Anglais présentent aussi des instants Soul d’une grâce incroyable (« Come Down », « Fool Of You », « Insane »). Le Blues Rock du combo ne connait ni frontière, ni limite et on se régale.

L’album est disponible sur le site du groupe : https://braverival.com/

Retrouvez l’interview accordée à Rock’n Force l’an dernier :