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Doom Metal Heavy metal International

Old Night : twilight odyssey [Interview]

Trois ans après « Ghost Light », le quintet fait son retour avec de nouvelles intentions et surtout un line-up dont les lignes ont bougé avec l’arrivée d’un nouveau membre, notamment. Toujours aussi mélodique et épique dans son approche, OLD NIGHT présente un Doom aux teintes très Heavy et où les atmosphères sont captivantes. Grâce à des riffs soignés, des chorus bien sentis et des solos millimétrés, « Mediterranean Melancoly » varie autant dans les tempos que dans les parties vocales, pour mieux édifier ces ambiances qui leur sont si personnelles. Luka Petrović, fondateur, compositeur, bassiste et chanteur de la formation croate, revient sur les changements au sein du groupe et la création de ce quatrième album, qui se présente comme une véritable odyssée.

– Sur ce quatrième album, il y a quelques changements suite au départ de Matej Hanžek, votre ancien chanteur et guitariste. Cela a donné lieu à une sorte de jeu de chaises musicales au sein du groupe, et Rafael Cvitković vous a aussi rejoint. Comment avez-vous abordé cette transition ?

Rafael est un ami de longue date, qui a d’ailleurs souvent joué de la guitare lors des balances et nous a même aidés avec le merchandising. Alors, quand Matej a quitté le groupe, nous avons décidé d’intégrer un troisième guitariste pour le remplacer et prendre le temps de trouver un chanteur. Rafael était le seul candidat. Comme il appréciait déjà notre musique et connaissait la plupart de nos morceaux par cœur, la décision a été facile. Ensuite, nous avons répété la setlist de base pendant deux semaines. En revanche, changer de chanteur s’est avéré bien plus compliqué. Ivan était notre premier choix, mais il était réticent au départ. Il se considérait avant tout comme notre guitariste et ne souhaitait pas se concentrer principalement sur le chant. Après avoir contacté plusieurs chanteurs potentiels, nous avons vite compris que nous ne trouverions personne de ce calibre dans la région. Par ailleurs, les autres options étaient soit trop éloignées, ce qui aurait rendu les répétitions au complet quasiment impossibles, soit elles ne correspondaient tout simplement pas à ce que nous recherchions. Finalement, nous avons convenu de faire une répétition avec Ivan au chant, et à la moitié de la première chanson, nous nous sommes regardés et nous avons su que c’était lui, et que nous avions notre nouveau chanteur.

– On peut aussi de dire que le renouvellement dans un groupe apporte un regain de créativité, un nouveau souffle, notamment dans ces changements de rôles pour vous. Est-ce que cela a été le cas et cela vous a-t-il ouvert de nouvelles perspectives ?

Absolument ! Même si la perte de notre chanteur principal a été un choc au départ, elle nous a en réalité rapprochés et nous a peut-être même permis d’apprécier davantage les choses. D’une certaine manière, nous avons dû repartir de zéro, du moins vocalement. Ivan avait toujours chanté dans OLD NIGHT, mais surtout en tant que choriste, et son style est assez différent de celui de Matej. Nous avons donc décidé de miser sur cette différence et de l’exploiter au maximum. Cela nous a sans aucun doute apporté un regard neuf et ouvert de nouvelles perspectives.

– Sur « Mediterranean Melancoly », OLD NIGHT se présente donc avec trois guitaristes, dont un nouveau. Est-ce que ce nouvel équilibre s’est fait naturellement et est-ce que vos rôles ont été définis rapidement ?

Nous avons toujours eu trois guitares, puisque Matej jouait aussi la rythmique. Mais oui, comme tu l’as justement remarqué, cet album est clairement plus axé sur la guitare. C’était en partie un choix délibéré, et aussi en partie dû aux influences musicales de Rafael. Il est plutôt branché Funeral Doom, Death Doom et Death Metal. Le seul ajustement que nous avons dû faire a été de réarranger certaines sections, car il était devenu trop difficile pour Ivan de chanter et de gérer tous les solos en même temps.

– Ce nouvel album est donc tourné, plus que les précédents, vers la guitare. Pour autant, votre Doom n’est pas techniquement plus démonstratif. Avez-vous profité de cette nouvelle configuration pour justement travailler plutôt sur les atmosphères, comme cela s’entend, puisque de nouvelles possibilités sont apparues ?

Les possibilités offertes par trois guitaristes sont quasi illimitées. On peut simplifier les parties et les arranger de façon à donner plus d’ampleur et de richesse au son. Il ne s’agit pas forcément de faire jouer chacun un solo différent en même temps. Quand j’ai commencé le Metal, j’écoutais Iron Maiden, Judas Priest et Blind Guardian. Voir ces groupes en concert m’a fait réaliser à quel point l’absence de cette troisième guitare, audible sur les albums, me manquait, notamment lors des solos à deux. Et bien sûr, comme tu l’as dit, on utilise aussi cette configuration pour les passages atmosphériques, car elle nous offre une multitude d’options.

– On a parlé du côté guitaristique de « Mediterranean Melancoly », mais la dimension vocale n’est pas en reste et OLD NIGHT cultive cette dualité entre le growl et le chant clair. Comment procédez-vous au moment de composer pour distinguer les deux aspects ? Et d’ailleurs, est-ce que chacun écrit et interprète sa propre partie ?

Je suis le principal compositeur du groupe et je m’efforce de finaliser au maximum les morceaux. En général, j’écris au moins deux parties de guitare et la basse. Je compose aussi la plupart des mélodies. Ensuite, le batteur et moi préparons les morceaux et les présentons au reste du groupe. Puis, nous travaillons ensemble sur les arrangements et, bien sûr, sur le peaufinage des parties de guitare. Je n’écris pas leurs solos, car je ne suis pas guitariste à proprement parler. Si j’ai des idées, je les partage, mais je leur laisse le soin de prendre les décisions finales, car ils sont bien meilleurs que moi dans ce domaine. Pour ce qui est des parties vocales, c’est principalement le travail du chanteur. J’essaie simplement de donner quelques indications et de signaler où chanter, mais je n’interviens pas beaucoup. Et les growls viennent en dernier. Je les considère surtout comme un élément d’accompagnement et nous ne les utilisons que lorsque les paroles le justifient vraiment, pour accentuer des moments précis.

– Votre Doom s’inscrit dans l’esprit Old School du genre avec également un élan épique et un jeu clairement Heavy Metal, assez éloigné du Death malgré les growls. Est-ce par désir de rester proches des fondamentaux et d’une certaine tradition, ou parce que vous ne vous reconnaissez pas dans l’approche moderne du genre ?

Quand j’ai commencé à écouter du Doom Metal, c’était surtout ce qu’on appelle aujourd’hui du Death Doom, et beaucoup de ces groupes font encore partie de mes préférés. Mais c’était surtout parce qu’un ami, qui me prêtait des cassettes, écoutait ce genre de musique. Je me souviens encore de ma première écoute de Solitude Aeturnus, j’ai été complètement époustouflé. C’était au début des années 90, et Internet tel qu’on le connaît aujourd’hui, n’existait pas. Je ne savais même pas que le Doom avec du chant clair était possible. Beaucoup de mes groupes préférés ont fini par adopter le chant clair, ou du moins à l’intégrer davantage. Les autres membres sont plus branché Heavy Metal traditionnel. Et je pense que le mélange de toutes ces influences a posé les bases de notre son. Je ne suis pas vraiment fan de Death Metal classique, donc même les parties les plus lourdes qu’on compose ne sont pas ancrées dans l’agressivité ou l’esthétique Death Metal. Ce sont juste des riffs bien lourds.

– J’aimerais que l’on parle du concept de l’album, qui contient cinq morceaux qui s’étendent de plus de sept minutes à près de dix. Les avez-vous composé un par un, ou est-ce la structure en elle-même du disque qui a guidé la tracklist ?

En fait, je compose d’abord la dernière chanson de l’album. Je l’avais déjà fait pour notre premier album et c’est devenu une habitude. Ce n’est pas forcément intentionnel, mais je ne suis pas vraiment tranquille tant que je ne connais pas la fin de l’album. Ensuite, je compose la première chanson, le début de l’histoire. Comme j’écris toujours les paroles avant la musique, celle-ci est composée spécifiquement pour ces mots. Je n’ai pas de règle stricte, mais je travaille généralement sur plusieurs chansons à la fois. Je ne suis pas un compositeur prolifique, alors j’essaie d’écrire très régulièrement. Cela me donne un large choix de riffs et de parties mélodiques pour les morceaux. Tout ne convient pas forcément à une chanson en particulier, ni même à l’album, ni parfois même au groupe, mais cette méthode de travail m’évite d’être obligé d’utiliser quelque chose qui ne colle pas à l’ensemble.

L’autre chose que nous faisons bien à l’avance, c’est commander la pochette. Nous aimons qu’elle soit terminée pendant que nous sommes encore plongés dans l’écriture, car elle devient une source d’inspiration. Cet album parle de notre maison, une sorte d’ode à l’endroit où nous vivons, mais c’est aussi une lamentation. Cela a indéniablement influencé l’atmosphère de l’album, car certaines mélodies et lignes vocales ont une sonorité résolument méditerranéenne. Quant à la durée des morceaux, j’essaie de les garder aussi courts que possible, même s’il m’arrive de couper des paroles pour réduire un peu l’ensemble. Bien sûr, ce qui nous paraît ‘vraiment long’ et ce que l’auditeur lambda perçoit ne sont pas toujours les mêmes. Notre façon de composer engendre naturellement des passages plus longs, parfois presque cinématographiques. Alors, les morceaux s’étirent simplement parce que c’est l’histoire qui veut ça.

– Enfin, ce qui est assez étonnant avec le Doom d’OLD NIGHT, c’est une certaine légèreté dans votre jeu et dans les atmosphères, qui donnent parfois même une sensation apaisante. L’idée est-elle d’aller un peu à contre-courant de l’image sombre et ténébreuse du style ?

J’ai toujours perçu nos chansons comme des récits et la musique comme un véritable voyage. Nous explorons une multitude d’émotions au sein d’un même morceau, et il est parfois nécessaire de créer cette sensation d’apaisement pour bien raconter l’histoire. Il ne s’agit donc pas de s’opposer à l’image sombre et lugubre du genre, mais plutôt de suivre le chemin émotionnel que la chanson exige. Bien sûr, ces moments plus doux et paisibles rendent les passages plus intenses d’autant plus percutants, créant un contraste naturel. Je pense que cet équilibre est l’un des éléments qui nous distinguent des autres groupes du genre, ce qui donne à notre Doom une profondeur et un dynamisme uniques.

Le nouvel album d’OLD NIGHT, « Mediterranean Melancoly », est disponible chez Meuse Music Records.

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Blues Rock folk

Vanja Sky : access all Blues

Si à l’Est de l’Europe, la Serbe Ana Popovic brille de mille feux, il faudra dorénavant aussi compter aussi sur la Croate VANJA SKY, qui n’a rien à lui envier. Elle se dévoile comme une musicienne accomplie, une chanteuse polyvalente et une songwriter très inspirée. Avec « Access All Areas – Live », elle démontre sur la totalité d’un concert qu’elle est une incroyable et captivante frontwoman. Sans filet et avec audace, elle séduit sans mal un auditoire attentif et conquis.

VANJA SKY

« Access All Areas – Live »

(Flick The Flame)

Depuis la sortie de « Bad Penny » en 2018, VANJA SKY multiplie les concerts et semble même passer sa vie à en donner. Quittant parfois la route, elle a tout de même enregistré « Woman Named Trouble « (2020), puis « Reborn » (2023) et figure même aux côtés de Mike Zito et de Bernard Allison sur le « Blues Caravan Live 2018 », chapitre de la belle série en trio de Ruf Records. Autant dire que la chanteuse et guitariste ne manque pas d’expérience, bien au contraire, et que la scène, comme cela s’entend ici, est véritablement son jardin.

C’est finalement assez normal de retrouver un témoignage discographique en public aussi rapidement dans son parcours. Et l’enregistrement est même très récent, puisque « Access All Areas – Live » a été capté en une soirée au Theaterstübchen de Kassel en Allemagne le 28 janvier 2024. Le temps d’un double-album, VANJA SKY présente 16 chansons marquantes de son répertoire, dont quelques reprises comme « Shadow Play » de Rory Gallagher (l’une de ses références), ou les plus connues « Louie, Louie » et « Wild Thing ».

Ce qui est toujours étonnant dans le jeu de la Croate, c’est qu’elle a parfaitement assimilé de très nombreux courants du Blues pour atteindre une personnalité musicale forte. Si l’on perçoit du Chrissie Hynde dans la voix, c’est plutôt du côté du Texas et chez SRV que son jeu de guitare prend racine. Grâce à une setlist savamment étudiée, VANJA SKY nous embarque pour plus d’une heure et demi entre Blues Rock, moments Folk et Southern, ou d’autres plus Old School et Classic Rock. Attachante et virtuose, elle subjugue et on en redemande !

Photo : Adam Kennedy

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Blues

Voodoo Ramble : le Blues croate

A la fois très costaud et sensible, on sent que VOODOO RAMBLE a dû barouder pour en arriver à un Blues Rock aussi efficace. Tout en puissance et en feeling, les Croates menés par un Boris Zamba impérial à la guitare et au chant, livre un nouvel album remarquablement bien produit et au contenu qui balaie le style de ses racines américaines jusqu’en l’Europe de belle manière. « That’s Why » est aussi accrocheur que profond et fait vraiment du bien.    

VOODOO RAMBLE

« That’s Why »

(Thoroughbred Music)

Fondé il y a un peu plus de 10 ans en Croatie par Boris Zamba, leader de la formation, VOODOO RAMBLE a longtemps écumé les bars, les festivals, les rassemblements de bikers et autres clubs pour bâtir sa réputation aujourd’hui irréprochable et étendue jusqu’en Italie et à Memphis. Guitariste, chanteur et songwriter, le musicien a eu tout le loisir de peaufiner un Blues, qui sonne très Rock et même Rythm’n Blues. 

Pour son premier album sur le label indépendant Thoroughbred Music, le groupe n’a pas fait les choses à moitié. Sur une superbe production signée Drago Smokrovic Smokva, alias ‘The Fig’, VOODOO RAMBLE propose 12 titres très aboutis aux saveurs variées, passant d’une ambiance très cuivrée à la Blues Brothers à un style plus profond et rude et des sonorités à dominante européenne.

On retrouve pourtant chez les Croates une interprétation très américaine et Soul sur une énergie débordante. Très groove et tout en feeling, Boris Zamba mène ses hommes dans un registre plein de fraîcheur (« Raise Your Hand », « Yellow River », « The Man »). Avec ce très bon « That’s Why », VOODOO RAMBLE se hisse tranquillement au rang des meilleures formations Blues Rock actuelle sans trembler (« Midnight Train », « Sally »).