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Americana Country Soul Southern Blues Southern Rock

Kyle Daniel : Southern flavors

Tout ici respire le sud des Etats-Unis. L’Alternative Country enrobée d’Americana, de Blues et de Rock rayonne et se diffuse avec évidence sur « Kentucky Gold », premier opus d’un KYLE DANIEL qui se pose déjà comme le futur songwriter incontournable de cette nouvelle génération Southern Rock, décidemment en pleine ébullition. Il a écumé les bars et les clubs et a appris les moindres détails qui font flamboyer l’âme de baroudeur qu’il affiche déjà. Modernes et avec une approche Old School raffinée, ces douze morceaux se savourent encore et encore.  

KYLE DANIEL

« Kentucky Gold »

(Snakefarm Records)

Comme l’indique le titre de son album, c’est bel et bien du Kentucky et plus précisément de Bowling Green qu’est originaire le talentueux KYLE DANIEL. Basé à Nashville depuis la pandémie, celui qui a été élevé en écoutant de la Country et du Southern Rock n’est donc pas dépaysé, même si son style se démarque franchement de sa nouvelle ville d’adoption. Après deux EPs en indépendant, un éponyme en 2018 et « What’s There To Say » l’année suivante, « Kentucky Gold » marque le franchissement d’une étape importante, le tout avec une maîtrise totale et un sens de la chanson captivant.  

Cela dit, KYLE DANIEL n’est pas totalement inconnu sur le circuit Blues, Country et plus largement Southern américain. Redoutable guitariste, il remporte le ‘Kentucky Blues Challenge’ à 17 ans, puis le très renommé ‘International Blues Challenge’ dans la foulée. Autant dire que le musicien sait parfaitement où il va, et en confiant la production à Jaren Johnston (The Cadillac Three), Brian Elmquist (The Lone Bellow) et au faiseur de hits canadien Mike Krompass, il s’assure une entrée en matière somptueuse pour un résultat qui l’est tout autant.

Torride, l’entame de « Kentucky Gold » s’inscrit dans la lignée classique du Rock Sudiste, musclée et fédératrice (« Can’t Hold Me Back »). KYLE DANIEL a aussi pris le soin de se rendre à Muscle Shoals, ce qui libère un côté Soul très authentique (« Me And My Old Man »). Puis, les surprises s’égrainent au fil du disque avec des duos de haut vol. On se régale de « Fire Me Up » avec Maggie Rose, de « Southern Sounds » avec Kendrell Marvel, de « Summer Down South » avec The Cadillac Three et enfin de « Everybody’s Talkin’ » avec Sarah Zimmerman. Epoustouflant !

(Photo : Jason Stolzfus)

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Blues Rythm'n' Blues Soul / Funk

Bette Smith : une gourmandise acidulée

Brute et authentique, la Soul hyper-punchy proposée par la New-Yorkaise ravive avec talent l’esprit des pionnières comme Mavis Staples et résonne même comme une version féminine d’Otis Redding. Terriblement Funky, un brin roots et doté d’un charme rétro irrésistible, BETTE SMITH livre l’un des disques les plus palpitants du style depuis un moment. Aussi intense que tendre, « Goodthing » révèle une force créative et bouillonnante avec un pied dans chaque millénaire.

BETTE SMITH

« Goodthing »

(Kartel Music Group)

Les débuts de BETTE SMITH remontent maintenant à presque 20 ans. Originaire de Brooklyn, la chanteuse et compositrice est d’abord passée par la chorale de son père avant d’éclore sous le nom de Bette Stuy avec un premier opus suivi d’un EP. C’est à partir de 2017 et « Jetlagger » qu’elle prend véritablement son envol et se produit aux côtés de Kenny Wayne Shepherd et Drive-By Truck, tout en participant à de multiples enregistrements studio. « Goodthing » est donc son quatrième album et il en impose !   

Il y a quelque chose d’iconique et d’intemporel dans la voix de BETTE SMITH. Nourrie de Gospel, de Soul, de Rock de Funk et de Blues, la frontwoman dépoussière les codes très 70’s du genre et, tout en les respectant, leur offre une couleur et une fraîcheur très contemporaines. En jouant aussi sur un côté vintage savoureux, elle fait sonner ses morceaux avec énergie et se montre très actuelle dans leur interprétation. « Goodthing » est une sorte de concentré de douceurs acidulées, dont il est difficile de se défaire.

Après avoir travaillé sur ses compositions, l’Américaine a traversé l’Atlantique pour entamer une collaboration avec le producteur Jimmy Hogarth réputé pour son travail avec Amy Winehouse et Tina Turner notamment. Et le duo fait des étincelles sur les 13 pépites que compte « Goodthing », le bien-nommé. Le chant de BETTE SMITH y est électrique (« Eternal Blessings », « M.O.N.E.Y. », « Whup ‘Em Good », « More Than A Billionaire », « Cave »  et le morceau-titre). Ce disque fait un bien fou et s’écoute en boucle !

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Southern Rock

The commoners : well-rounded

Des guitares brillantes, des choeurs ensorceleurs, un groove costaud, un orgue magistral et un chant puissant et envoûtant, THE COMMONERS a vu les choses en grand pour ce troisième effort qui apparait comme son meilleur à ce jour. Avec « Restless », la formation  Southern de Toronto se montre techniquement imparable et ses nouvelles compositions sont plus créatives que jamais. La variété des tempos et la qualité des solos et de la slide confirment l’élan du combo depuis le précédent « Find A Better Way ». Rayonnant.

THE COMMONERS

« Restless »

(Gypsy Soul Records)

Doucement mais sûrement, THE COMMONERS œuvre au renouveau de la scène Southern nord-américaine et est en train de se faire une belle place. Faisant suite au très bon « Find A Better Way » sorti il y a deux ans, « Restless » reste dans la même veine et conforte les premières intentions. Les Canadiens ont gagné en assurance et les multiples concerts donnés ces derniers mois y sont certainement pour beaucoup. Si les références restent évidentes, ils ont renforcé leur identité artistique, tout comme élevé leur niveau de jeu.

Toujours aussi bien produit, chaleureux et organique, ce troisième album fait la part belle aux harmonies et aux refrains, ainsi qu’aux parties de guitares et d’orgue, qui enveloppent littéralement « Restless ». Evoluant désormais en quintet, THE COMMONERS semble avoir trouvé la formule idoine pour rendre son Southern Rock le plus percutant et surtout le plus complet possible. Soutenu par trois choristes, les morceaux prennent l’ampleur qui manquait peut-être sur « Find A Better Way » pour avancer.

Pour ce qui est du son, Ross Hayes Citrullo a encore fait des merveilles et sa complicité à la guitare avec Chris Medhurst apporte beaucoup de dynamisme à l’ensemble. D’ailleurs, ce dernier livre à nouveau une prestation vocale époustouflante. Moins Soul et légèrement plus acoustique, « Restless » combine un Rock très roots avec des saveurs sudistes du plus bel effet. THE COMMONERS passe au niveau supérieur en distillant quelques pépites (« Devil Teasin’ Me », « Shake You Off », « Body And Soul », « Restless », « Gone Without Warning »).

Photo : Paul Wright

Retrouvez la chronique de « Find A Better Way » :

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Blues Rock

Quinn Sullivan : un album réparateur

Il faut parfois des épreuves difficiles pour se forger une identité plus forte. Malheureusement, QUINN SULLIVAN vient d’en subir une, ce qui n’a pas manqué de provoquer une sorte de déclic chez lui. Cependant avec cette nouvelle réalisation, il ne donne pas dans le larmoyant et paraît même avoir beaucoup progressé et gagné en efficacité avec ce très bon « Salvation ». Son Blues Rock est aussi fin que très aiguisé, et les notes de Soul offrent une couleur nouvelle chez lui.

QUINN SULLIVAN

« Salvation »

(Provogue/Mascot Label Group)

Considéré comme un enfant prodige du Blues, le guitariste et chanteur compte déjà cinq albums à son actif avec « Salvation », dont la sortie est pour le moins spéciale. Alors qu’il était en pleine écriture et enregistrement de ce nouvel opus, il a appris le décès de sa mère, ce qui a fortement imprégné le contenu, à commencer par son titre. Forcément très personnel et emprunt d’émotion, c’est pourtant un QUINN SULLIVAN paradoxalement inspiré qui livre des morceaux matures et émouvants. Et c’est peut-être aussi ce qui va faire de lui un musicien de premier plan.

Pour autant, « Salvation » est un disque optimiste et tout sauf résigné. Co-écrit avec John Fields et Kevin Bowe (Jonny Lang, Kenny Wayne Shepherd, Etta James), on doit d’ailleurs aussi la production à ce premier et le résultat est lumineux. QUINN SULLIVAN continue d’aller de l’avant, faisant évoluer son Blues vers un Rock classique teinté de Soul. Six-cordiste aussi technique que gorgé de feeling, le natif du Massachussetts semble avoir fait de ce récent traumatisme une force créatrice étonnante.

Avec « Salvation », QUINN SULLIVAN élève un peu plus son niveau de jeu en réalisant son album le plus varié et abouti à ce jour. Vocalement aussi, l’Américain élargit son champ d’action. Parmi les moments forts, on notera « Once Upon A Lie », « Rise Up Children », « Half My Heart », « Dark Love » et le morceau-titre. En multipliant les collaborations aussi diverses que nombreuses, le songwriter se montre aujourd’hui aguerri et également beaucoup plus identifiable. Il donne même l’impression d’un nouveau départ, avec plus de profondeur.

Retrouvez la chronique de l’album précédent :

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Blues Rock International Soul

Eliza Neals : la tolérance par le Blues [Interview]

Chanteuse, musicienne et productrice accomplie, ELIZA NEALS vient tout juste de sortir son troisième album, « Colorcrimes ». Cette nouvelle réalisation, toujours très Blues Rock mais aussi très Soul, est une sorte de plaidoyer pour la tolérance tant la situation qu’elle vit au quotidien dans sa ville de Detroit la touche. Très pointilleuse également, la frontwoman se renouvelle ici avec beaucoup de talent et une inspiration qui ne la quitte jamais. Retour avec elle sur ses nombreuses collaborations et la création de ce nouveau disque haut en couleur… avec toujours le même plaisir !

– Notre dernière interview date d’avril 2020. Nous étions en pleine pandémie, en plein confinement et tu venais juste de sortir ton album « Black Crow Moan ». Il n’a évidemment pas reçu la lumière méritée, mais as-tu pu le défendre normalement sur scène par la suite et comment a-t-il été accueilli ?

Heureusement, il a été ajouté sur ‘Sirius XM Bluesville Worldwide’ à 37 millions d’auditeurs coincés à la maison, donc je dirais que ce fut un énorme succès après tout. De nombreuses personnes ont été choquées et effrayées en se réfugiant chez elles. J’avais juste besoin de répondre à la tristesse et à l’inquiétude du monde avec ce nouvel album « Black Crow Moan ». J’ai eu la chance de pouvoir faire appel à une icône du Blues Rock et un ami, M. Joe Louis Walker, qui a chanté, joué de la guitare et produit également. Il a insufflé l’intensité parfaite à l’ambiance générale de « Black Crow Moan » et sur « The Devil Don’t Love You ». Il m’a également invité à jouer quatre fois à ‘Musitique Island’, une île privée appartenant au riche et célèbre Mick Jagger. Alors, je me suis dit pourquoi ne pas sortir « Black Crow Moan », puisque je possède mon propre label avec mon partenaire et que je peux guérir certaines âmes. J’essaie toujours de transformer les citrons en limonade (expression typiquement anglo-saxonne : « When life gives you lemons, make lemonade » – NDR).

– Sur « Black Crow Man », tu avais travaillé avec Joe Louis Walker et Derek St Holmes sur les morceaux et sur la production de l’album. Pour « Colorcrimes », c’est avec Barrett Strong Jr et Michael Puwal. Comment se sont faites ces rencontres, car on sent une réelle complicité entre vous autour des chansons ?

J’avais contacté Joe Louis Walker pour produire et figurer sur quelques chansons de mon album après l’avoir rencontré à New York, via mon ami et bassiste Lenny Bradford, un autre musicien emblématique du Blues. Il a réagi avec une véritable sympathie pour moi en tant qu’artiste et auteur-compositrice, ce qui m’a été d’une grande aide dans le milieu, car il est une icône. Derek St. Holmes est quant à lui une Rockstar de Detroit et un phénomène mondial connu pour avoir joué de la guitare et chanté avec Ted Nugent. Je venais de le contacter avec mon coproducteur et ami Mike Puwal, qui vivait à Nashville à l’époque, tout comme Derek, et il a dit oui. Il a adoré jouer sur mon album après s’être renseigné sur moi et écouté ma voix.

– D’ailleurs, « Colorcrimes » a des sonorités très différentes de « Black Crow Moan ». C’est aussi ce que tu cherchais en changeant d’équipe et de collaborateurs ?

Oui, je me réinvente toujours d’album en album tout en restant dans le Blues moderne et le style Blues Rock américain. Je travaille également avec le meilleur coproducteur, guitariste, auteur-compositeur et ami depuis 20 ans et qui se trouve également être l’ingénieur du son : Michael Puwal. Je l’avais embauché pour travailler à la fin des années 1990 dans le studio d’enregistrement de Barrett Strong. C’était en 1997, date depuis laquelle nous sommes amis et collaborateurs. Mike Puwal est avec moi depuis de nombreuses années et nous continuons simplement à faire ce que nous faisons. Les sons ne sont pas planifiés, ils viennent naturellement. Si je débute seule au piano, alors cela m’amène à l’idée suivante, mon orgue Hammond B3, puis les chœurs teintés de Gospel et ensuite la guitare glissée encore et encore. Je l’entends se développer dans ma tête. L’ambiance a été une sensation très clairsemée, ouverte et aérée et une sorte d’hymne nostalgique pour le morceau « Colorcrimes ». Je l’ai joué sur scène au ‘Bradenton Blues Festival’ juste avec mon piano et avec le groupe, nous sommes entrés très lentement en augmentant l’intensité de la chanson. C’est ainsi que j’ai abordé l’enregistrement. L’arrangement a été créé sur scène devant des milliers d’auditeurs attentifs, qui attendaient tous une sensation forte et nouvelle. Ils se sont immédiatement connectés avec moi sur le plan spirituel avec « Colorcrimes » et beaucoup ont été émus aux larmes. J’ai su immédiatement que ce serait mon nouveau single et mon inspiration pour tout l’album.

– Et comme pour l’album précédent, tu t’es entourée de nouveaux musiciens encore très, très bons. Comment as-tu effectué tes choix pour « Colorcrimes » ?

C’est toute une vie de travail et de relations avec les meilleurs musiciens du monde venus de Detroit et maintenant d’autres régions. Depuis que je tourne en tant qu’artiste de Blues Rock, je vais dans différents endroits pour enregistrer et s’ils sont là, ils font la session. Je sais qui a le sens des chansons, alors je les contacte. J’ai appris du meilleur auteur-compositeur et producteur que la ‘Motown’ avait à offrir et qui est mon mentor : le légendaire Barrett Strong Jr. Il m’a toujours dit que si je pouvais faire jouer les meilleurs musiciens avec moi sur mes disques, alors il fallait le faire. Et je suis ses conseils dans tout ce que je fais. Il est le maître de la production et de l’écriture de chansons. Cela fonctionne. Il a un ton parfait et son oreille entend tout. Si quelqu’un est hors ton, il est remis en place. Alors oui, c’est une expérience un peu humiliante et c’est ce que j’ai aussi appris à faire en studio.

– Est-ce aussi pour cette raison que tu as été enregistrer à Nashville, dans le New Jersey et dans le Michigan ? Tu es à nouveau allée à l’encontre des musiciens ?

Oui, ça marche comme quand je suis en tournée, je travaille sur des chansons en fonction des sessions et des musiciens en ville. Donc oui, je planifie tout, car la plupart des gens se trouvent dans différentes régions. Si on ajoute New-York, par exemple, j’y ai quatre studios d’enregistrement disponibles répartis sur quatre spots et avec des musiciens stellaires dans mon équipe. C’est une entreprise très coûteuse, donc si j’ai de très bons amis qui sont également des musiciens professionnels de studios, c’est parfait. Barrett Strong me disait aussi toujours que si vous écrivez la chanson, vous êtes également le producteur, parce que vous savez comment ça se passe mieux que quiconque. Donc, jusqu’à présent, ça a fonctionné pour moi. Je suis ouverte à travailler avec d’autres producteurs, mais je ne leur donnerai pas 20.000 $ pour faire ce que je sais faire. Tout cet argent doit être récupéré dans mon budget grâce aux ventes de disques et à la radio.

– D’ailleurs, et ce qui est même assez étonnant, c’est que la production de l’album est très homogène, malgré les différents studios et le nombre importants de musiciens. Le mix et le mastering ont dû être assez longs, j’imagine ?

Non, au contraire, la plupart des gens me regardent et pensent « Oh, vraiment ! C’est une productrice, je parie que ce n’est pas très bon ! ». Ensuite, ça arrive sur les ondes et c’est immédiatement ajouté à toutes les stations de radio et à Sirius XM. C’est donc que ça doit être bien, qu’elle fait quelque chose de bon. Lorsque vous étudiez l’art de la production de The Great Barrett Strong Jr. pendant plus de 20 ans, on acquiert des connaissances de ce génie musical. Il m’a appris comment embaucher des musiciens, comment produire ma propre musique, comment placer les choeurs, comment enregistrer ma voix en studio pour un album, comment mixer, comment obtenir certains sons à la batterie, etc… Tout est réglé dans ma tête et dans mes oreilles. Je suis une Américaine d’origine arménienne et nous sommes une nation de musique. J’ai obtenu un diplôme spécialisé en musique, j’ai étudié la direction d’orchestre, l’opéra, le piano et j’ai fait une tournée mondiale dans une chorale d’élite en compétition pour le chœur du monde à la ‘Wayne State University’. J’ai étudié avec le maître lui-même, M. Barrett Strong, qui a écrit, produit et arrangé la crème de la crème. Je sais comment faire en sorte que chaque chanson fonctionne avec la suivante, car c’est un sentiment et une ambiance que je ressens en studio juste en écoutant. Si c’est enregistré correctement avec d’excellentes performances et bien sûr que la chanson est bonne, vous ne pouvez pas vraiment vous tromper. Michael Puwal a également appris de Strong. C’est un musicien extrêmement talentueux, qui joue de tous les instruments et lui et moi avons travaillé ensemble en toute harmonie.  

– Est-ce que, pour les concerts à venir, tu gardes le même dur noyau dur de musiciens, c’est-à-dire ceux qui t’accompagnaient déjà sur l’album précédent ?

J’ai différents musiciens partout dans le monde qui sont les meilleurs du genre. De nos jours, garder la même équipe coûte très cher, car il faut avoir un bus, acheter de la nourriture, payer les hôtels, etc…. Même les artistes avec de grandes maisons de disques font faillite en faisant des tournées. Tout dépend de combien vous dépensez en amont et gagnez ensuite au final.

– J’aimerais que tu me parles de la genèse de « Colorcrimes » et aussi de son titre. Est-ce que la pandémie, notamment, a eu impact sur l’écriture des textes, car ils sont paradoxalement très positifs ?

« Colorcrimes » a été écrit il y a longtemps sous l’influence de Mr. Strong. Nous avions même un chœur Gospel dessus, lorsque nous l’avons enregistré. Je l’ai écrite sur mon piano et il a adoré. J’ai grandi dans la banlieue de Detroit, où le racisme et l’intolérance sont bien vivaces. Je le ressens tous les jours, que cela s’adresse à moi également, parce que je suis blonde, arménienne, femme et aussi à mes amis noirs, musulmans et à d’autres minorités. Je me suis toujours sentie à l’aise avec les minorités, je ressens le besoin d’aider mes amis s’ils sont maltraités par un autre groupe ethnique. Et la plupart du temps, ce sont les suprématistes blancs. Je suis blanche, mais ne vous laissez pas tromper par l’extérieur. Par ailleurs, pour le morceau, j’ai senti qu’il y avait besoin d’une refonte des arrangements et je l’ai faite sur scène au ‘Bradenton Blues Festival’ l’hiver dernier. Les gens étaient en larmes, car cela a touché une corde sensible. Donc, je savais qu’il fallait insister sur le fait que nous avions encore des imbéciles racistes et sexistes sectaires à soigner dans ce monde. Alors, j’espère qu’ils entendront tous « Colorcrimes ».

– Un mot aussi sur l’atmosphère globale de l’album, qui est moins Blues Rock et plus Soul avec d’incroyables parties d’orgue et de piano encore. Et tu as également interprété l’intégralité des voix, c’est-à-dire incluant les chœurs. C’est ce côté très solaire que tu recherchais ?

Oui, j’adore le mélange de l’orgue B3, du piano et de ma voix qui est bluesy, Rock avec un soupçon de Soul. Donc oui, je suis contente de ce son global. Barrett Strong m’a appris à empiler les voix pour que cela ressemble à une chorale, c’est ce que j’ai fait. Tous les chœurs sont de moi. Je sais aussi comment apporter un son plus religieux. Je suis très heureuse de l’album dans son ensemble. Si je peux l’écouter et que je ne m’en lasse pas, alors j’ai réussi.

– Enfin, j’aimerais qu’on parle aussi de ta venue en France en septembre prochain au ‘Léman Blues Festival’ et en tête d’affiche d’ailleurs. Quels sont les sentiments qui t’animent et surtout vas-tu en profiter pour donner d’autres concerts ici, ou ailleurs en Europe ?

J’attends avec impatience le ‘Léman Blues Festival’ le 13 septembre prochain et je vous apporterai mon vaudou de Détroit ! Merci beaucoup ! La France est un endroit que j’ai toujours voulu visiter. Lorsque le festival m’a appelé, j’ai été très heureuse d’accepter. Il inclura des amis et des musiciens fabuleux dans une ambiance Blues Rock et Soul de Detroit et ce sera quelque chose que vous n’avez encore jamais entendu.

L’album d’ELIZA NEALS, « Colorcrimes », est disponible chez E-H Records LLC et sur toutes les plateformes de streaming.

Retrouvez la chronique de l’album précédent :

Et une première interview réalisée avant la création du site sur Facebook…

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… Tout comme la chronique de « Black Crow Moan » :

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Rythm'n' Blues Soul / Funk

The Supersoul Brothers : lumineux

Dans son univers feutré et explosif à l’occasion, la Soul, le Blues et la Funk font cause commune dans une belle harmonie et avec « By The Way », la formation du sud-ouest impose définitivement son style, sa patte et un son très personnel. Bien sûr, on perçoit encore brièvement des références comme celles des Blues Brothers, l’ambiance de ‘The Commitments’ ou même les fulgurances d’un Maceo Parker, mais THE SUPERSOUL BROTHERS est plus identifiable que jamais, preuve d’un allant créatif imperturbable.

THE SUPERSOUL BROTHERS

« By The Way »

(Dixiefrog/Pias)

Bien que fondé en 2015, c’est surtout depuis trois ans que l’on n’arrête plus THE SUPERSOUL BROTHERS. Depuis « Shadows & Light » en 2021, suivi de près par le monumental « The Road To Sound Live » sur lequel le groupe livre une performance incroyable dans son Béarn natal, les choses se sont franchement accélérées. Parti à la conquête de Memphis en janvier dernier pour le légendaire International Blues Challenge (IBC) où ils ont terminé dans le ‘Final Four’, les Français réapparaissent déjà avec « By the Way », leur deuxième album studio. Et là encore, ils surprennent autant qu’ils enchantent.

Dorénavant incontournable sur la scène Soul hexagonale, et pas seulement, THE SUPERSOUL BROTHERS réussit le tour de force de concrétiser la qualité de ses précédentes prestations vinyliques avec une réalisation plus profonde de prime abord, d’où émane à nouveau une atmosphère à la fois douce et festive. Sur une production et des arrangements très soignés, l’énergique combo, qui a entretemps changé de batteur, met un peu plus l’accent sur l’aspect cuivré de son registre, tout en laissant une place de choix à l’orgue Hammond et ses effluves enveloppantes.

Autour de son frontman David Noël, les SUPERSOUL BROTHERS se sont parés d’une section cuivre de quatre musiciens, qui viennent grossir le groove à l’œuvre sur « By The Way ». La chanteuse Claire Rousselot-Paillez se fait aussi plus présente et prend même le lead sur l’excellent « Play It Like A Sister ». Les Palois prennent du volume, de l’assurance et dégagent plus que jamais beaucoup de classe. Au milieu du très addictif morceau-titre, de « Toy Party Tim », « Time Is Right », « Snow Day In The World » ou « Take My Hand » vient même se nicher l’ensoleillé Reggae des Viceroys « Heart Made Of Stone ». Envoûtant !

Retrouvez la chronique de l’album live du groupe :

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Crossover Funk Metal Metal Fusion

Sonic Universe : living souls

Alors que Living Coloür a repris la route, son chanteur s’offre une petite escapade avec SONIC UNIVERSE, nouveau groupe ultra-dynamique, qui évolue dans un style pas si éloigné. Entre Metal et Funk, « It Is What It Is » se montre d’une créativité gourmande guidée par quatre cadors, qui font parler leur expérience avec talent et spontanéité. Très vivant et tout aussi sensible, l’ensemble assène une bonne claque revigorante !

SONIC UNIVERSE

« It Is What It Is »

(earMUSIC)

Eternel frontman de Living Coloür depuis 1994, Corey Glover réapparait avec un nouveau projet très ambitieux et qui aurait même presque pu être une nouvelle réalisation de sa formation d’origine. Mais la touche et le son de son emblématique fondateur et guitariste Vernon Reid ne sont pas de la partie. Cependant, SONIC UNIVERSE ne manque pas de piquant et vient réoxygéner un registre à bout de souffle. Car, il est ici encore question d’un Crossover Metal Funk de haut vol.

Cette fois encore, le frontman est très bien entouré, puisqu’il a fondé le groupe avec le six-cordiste Mike Orlando d’Adrenaline Mob et les très, très bons Booker King à la basse et Tyakwuan Jackson à la batterie. SONIC UNIVERSE, c’est du lourd et la technicité du quatuor en est presqu’étourdissante. Le groove de la rythmique percute autant qu’il envoûte et, même si le jeu hyper-shred d’Orlando se perd parfois un peu, l’intense fraîcheur dégagée prend toujours le dessus. 

Et face à cette déferlante décibélique et cette avalanche de riffs, la voix gorgée de Soul de Glover surnage et son authentique émotion fait le reste. Comme toujours, ses textes prônent la tolérance et appellent à l’unité dans une Amérique plus fascisante que jamais. De rebondissements en rebondissements, SONIC UNIVERSE évolue avec une folle énergie, tout en se forgeant une identité forte (« I Am », « My Desire », « Life », « Higher », « I Want It All » et le morceau-titre). Une première qui atteint des sommets !

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Soul Southern Blues

Marcus King : over the spleen

Les fans de la première heure de la pourtant très courte carrière du guitariste-chanteur risquent de peiner à reconnaître le fougueux six-cordiste qu’il était sur ses premières réalisations. « Mood Swings » s’inscrit plus dans la lignée d’un Marvin Gaye que de l’Allman Brothers Band… Très Soul, moins Rock, très produit, moins sauvage, ce troisième effort (c’est le cas de le dire !) fait un pas de côté par rapport à son registre, ce qui n’enlève cependant rien à l’immense talent de MARCUS KING.

MARCUS KING

« Mood Swings »

(American Recordings/Republic/Universal)

Loin de l’esprit jam très Southern auquel le natif de Caroline du Sud nous a habitué avec son groupe, puis en solo, MARCUS KING livre cette fois un album très personnel et intimiste. A travers « Mood Swings », il dresse un état des lieux très sombre de ce qui paraît être les tourments et les travers par lesquels il est récemment passé. Et c’est vrai qu’à la première écoute, le musicien, habituellement si lumineux, montre une grande tristesse que sa propre musique accroît encore un peu plus… ou sublime, c’est selon. Mais n’est-ce pas là le signe des grands albums finalement, et donc ce qu’on en attend ?

Loin de la production brute et enjouée de Dan Auerbach sur « Young Blood », MARCUS KING a confié les clefs de la boutique au non-moins mythique Rick Rubin avec qui il s’est enfermé aux fameux Shangri-La Studios de Malibu. Changement de décor et aussi de ton, puisque « Mood Swings » est résolument Soul, moins Rock mais toujours bluesy avec un zest de l’âme sudiste du musicien. L’ensemble se veut plus feutré, plus poli aussi et les arrangements de cordes très présents, comme l’orgue, confirment cette ambiance moite propice à une certaine introspection.

Cependant, l’humeur de ce nouvel opus n’est pas si maussade que ça. La voix d’ange de MARCUS KING est plus envoûtante que jamais, et même s’ils sont beaucoup moins présents, les solos de guitare ne manquent ni de feeling, ni de virtuosité. Ils sont juste plus millimétrés et jamais à côté du propos. La marque des grands. La lumière passe donc sur ce « Mood Swings » aux humeurs changeantes, c’est vrai, et laisse apparaître des morceaux de toute beauté (« F*ck My Life Up », Soul It Screams », « Cadillac », « Hero », « Deliah », « Me Or Tennessee » et le morceau-titre). En espérant que la douleur passe…

Photo : JM Collective

Retrouvez la chronique de son précédent album :

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Blues Rock Soul / Funk

The Black Keys : funky vibes

L’heure est à la détente pour THE BLACK KEYS, qui s’autorise le temps de ce nouvel opus une sorte de récréation nettement plus vaporeuse, mais non sans livrer un ardente prestation. Souvent galvaudée, le terme de groove prend ici tout son sens à travers 14 morceaux où l’objectif du groupe est clairement de prendre du plaisir et surtout d’en donner. Très 70’s dans les sonorités, des effluves de Soul, de Funk et d’un Blues tendre et généreux font cause commune sur « Ohio Players », qui donne autant le sourire que la patate !    

THE BLACK KEYS

« Ohio Players »

(Easy Eye Sound/Nonesuch Records)

Joie et félicité ! THE BLACK KEYS est de retour, clope au bec, avec une pêche d’enfer et sur un groove aussi démoniaque que réjouissant ! Alors ok, Dan Auerbach et Patrick Carney ne sont pas complètement seuls. « Ohio Players » n’est pas non plus complètement un album de leur composition. Et alors ? Le duo est particulièrement bien entouré et la tracklist est joyeuse, funky et, on ne va pas se mentir, ça fait plutôt du bien par les temps qui courent ! Il y a forcément aussi une explication très rationnelle à ce douzième effort studio des Américains, qui nous emmènent assez loin de l’âpreté du Blues Rock de « Dropout Boogie ».

En titrant ce nouvel opus du nom du cultissime groupe de Funk, THE BLACK KEYS annonce la couleur : elle sera festive, légère et explosive. L’idée de cette création inattendue et originale est née lors de soirées organisées par le groupe, où il passait de vieux 45tr de sa collection. Et c’est l’esprit de ces fêtes qui a constitué le fil rouge de l’album. A l’exception de « I Forgot to Be Your Lover », une chanson écrite par William Bell et Booker T. Jones, l’ensemble de « Ohio Players » est signé et produit par le tandem de la petite ville d’Akron. En revanche, les collaborations ne manquent pas et elles ont même parfois assez surprenantes.

Le guitariste/chanteur et le batteur ne renient pas une seule seconde leur patte musicale et encore moins ce son si particulier qui les distingue depuis leurs débuts. L’approche est la même et on la ressent jusqu’à cette production, certes, plus lisse cette fois, mais tellement riche en arrangements. Facile et aérien, THE BLACK KEYS a donc convié l’ami Beck sur près de la moitié de « Ohio Players », tandis que Noël Gallagher (oui, oui !) intervient aussi dans la composition de trois morceaux. Et la participation des rappeurs Juicy J et Lil Noid libère quelques instants de Hip-Hop langoureux. On sait s’amuser dans l’Ohio et ça fait du bien !

Retrouvez les chroniques de leurs deux derniers albums :

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Soul

Texas : religieusement groovy

Il y a beaucoup de grâce et de malice dans ce « The Muscle Shoals Sessions » que se sont offerts Sharleen Spiteri et le maître de la Soul qu’est le grand Spooner Oldham. Car il s’agit bel et bien d’un cadeau mutuel que partagent les deux artistes. D’ordinaire basé sur une Pop/Rock entraînante, voire Hip-Hop avec le Wu Tang Clan, c’est dans un style très gospélien que les classiques de TEXAS prennent ce magnifique reflet, pas si étonnant quand on y pense, d’une beauté renversante. La rencontre des deux mythes était inéluctable et elle est prodigieuse. 

TEXAS & Spooner Oldham

« The Muscle Shoals Sessions »

(PIAS)

Lorsque l’on connait la discographie de TEXAS et surtout la sublime voix de sa chanteuse, il n’y a finalement pas de réelle surprise à voir sortir un album tel que ce brillant « The Muscle Shoals Sessions ». La surprise viendrait même plutôt du nombre d’années à avoir du patienter pour qu’une telle réalisation voit enfin le jour. Car en 35 ans de carrière et du haut de ses 40 millions d’albums vendus avec son groupe, Sharleen Spiteri n’a vraiment plus rien à prouver, alors elle cherche évidemment à se faire plaisir. Et c’est le cas ici avec ce grand Monsieur qu’est Spooner Oldham, pianiste et surtout organiste de génie.

Dès les premières notes de « Halo », la complicité est flagrante et ce n’est qu’un début. Né en Alabama il y a 81 ans, non loin des fameux studios où a eu lieu la rencontre, le musicien américain a joué avec les plus grands de JJ Cale à Neil Young, de Bob Dylan à Linda Ronstadt ou les Everly Brothers. Songwriter reconnu et intronisé au légendaire ‘Rock And Roll Hall Of Fame’, Spooner Oldham incarne le groove avec son jeu à la fois Soul, Bluesy et Gospel. Sur ce fond de Northern Soul, et même si nous sommes dans le Sud, cette collaboration est un petit miracle et le résultat tient de la magie, tant les hits de TEXAS rayonnent.

Photo : Clide Gates

Enregistré à l’été 2022, ce nouvel album, car c’est beaucoup plus qu’une compilation, résonne de ce son si particulier propre aux Studios de Muscle Shoals et notamment le fameux ‘Fame’, que Spooner Oldham connait bien et dont la réputation remonte aux années 60/70, puisqu’il était la source de la Southern Soul américaine. Autour de douze titres emblématiques et deux reprises, Sharleen Spiteri semble guidée par l’orgue, soutenue à l’occasion par des chœurs aussi discrets qu’envoûtants, une basse légère et quelques cordes. Il est étonnant de voir la métamorphose des morceaux de TEXAS dans un style si épuré.  

De « Summer Son » à « Say What You Want », « The Conversation », « Black Eyed Boy », « Everyday Now » et l’incontournable « I Don’t Want A Lover », on redécouvre ces chansons si populaires presque mises à nu sous le prisme d’arrangements d’une subtilité inouïe, dans une atmosphère intimiste comme suspendue à la voix enchanteresse, délicate et puissante de la Britannique. Si vocalement, elle sait absolument tout faire, que dire de la prestation pleine de classe de Spooner Oldham que le clavier fait chavirer ? Sa faculté à s’approprier les chansons de TEXAS est fascinante, instinctive et d’une déconcertante élégance. Bravo !

Photo : Clide Gates