Avec une incroyable justesse, Anne-Claire Rallo signe son premier effort solo d’une beauté souvent renversante et, même si elle est particulièrement bien entourée, c’est bien elle qui porte « A Brand New World », comme pour conjurer le sort et aussi repartir de l’avant. Un nouveau départ musical en forme d’escapade émotionnelle, dont la narration souvent intense est aussi bouleversante qu’enthousiasmante. FRANT1C est aussi une formation très familiale, où l’on perçoit même les instruments d’un grand musicien qui, tel un ange, est venu hanter avec bienveillance et douceur ce premier opus majestueux.
FRANT1C
« A Brand New World »
(Independant/FTF-Music)
Suite à la disparition de son mari, Eric Bouillette, la reconstruction paraissait l’étape suivante, à la fois évidente et nécessaire pour Anne-Claire Rallo. Musicienne, compositrice et parolière de talent, c’est forcément dans la musique et l’écriture qu’elle s’est replongée pour trouver un nouveau souffle. Et quel souffle ! Avec FRANT1C, son nouveau projet, c’est entouré de sa famille musicale qu’elle s’est remise à l’œuvre pour ce premier album. Et « A Brand New World », dont le titre fait évidemment écho, annonce aussi une belle renaissance artistique dans un Rock Progressif, au sein duquel elle s’est toujours épanouie.
Pas question ici de retrouver les effluves, pourtant délicates, de Nine Skies ou de Solace Supplice. Anne-Claire ouvre un nouveau chapitre bâti sur celui d’un nouveau monde, où l’on va suivre sur plus d’une heure les aventures de Hope, incarnée par l’enchanteresse chanteuse de Sun Q, Helen Tiron, et de Charlie porté par Martin Wilson, le frontman de The Room. Côté textes, celles et ceux qui connaissent ses écrits à travers ses livres et son blog y retrouveront un univers familier. Et puis, l’équipe de FRANT1C est constituée de proches, humainement comme artistiquement, entièrement dévoués à la mise en lumière de l’album.
Comme une évidence, cette première réalisation est conceptuelle et narre une histoire dans laquelle on est vite immergé. Ils sont une dizaine de musiciens à évoluer sur « A Brand New World », se mettant avec application au service des morceaux de FRANT1C. Difficile dans ce type de production se faire ressortir une chanson plutôt qu’une autre, mais on retiendra « The Awakening », « People In Their Cage », « Where Have You Been », « Sweet Confusion », « On The Run », « Take A Little Time » et l’incontournable « The Ballad Of Peggy Pratt » qui, du haut de ses 13 minutes, domine l’ensemble avec beaucoup de force et de délicatesse.
(Photo : Philippe C. Photos)
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A peine « The Lightmaker » sorti, NINE SKIES a pris enfin la route pour une première série de concerts dans le sud de la France, d’où est originaire la majorité de ses membres. Un retour devant le public qui s’est fait attendre et qui s’est soldé par une belle réussite. Pour sa quatrième réalisation, le groupe a vu les choses en grand et livré un album digne des meilleures productions actuelles. Autour d’un noyau dur inamovible, le septet (sur scène) présente un Rock Progressif varié, s’appuyant sur de solides fondations et avec un regard peut-être plus électrique qu’auparavant. Anne-Claire Rallo, claviériste et parolière, et Alexandre Lamia, guitariste, arrangeur et également claviériste reviennent sur ce nouvel opus et les premières dates.
– Vous nous aviez laissé il y a deux ans avec « 5.20 », un album entièrement acoustique, pour revenir aujourd’hui avec « The Lightmaker » où vous renouez avec l’électrique. Sur le précédent, c’était surtout l’envie de tenter une expérience musicale différente et d’explorer d’autres sonorités qui vous avaient motivé ?
Alex : Oui, il y a un peu de ça, car nous aimons énormément explorer des nouvelles facettes musicales. « 5.20 » était en réalité censé être un album où l’on réarrangeait acoustiquement nos anciens morceaux, mais de fil en aiguille, nous en sommes arrivés à un album entièrement original.
– « The Lightmaker » est votre quatrième album et probablement aussi le plus abouti. Et au-delà de ça, c’est aussi le premier sans Eric (Bouillette). Il y a une profondeur évidente qui s’en dégage d’ailleurs. De quelle manière et dans quel état d’esprit l’avez-vous abordé, puis composé ?
Alex : Merci beaucoup. Ce fut une épreuve terriblement compliquée pour moi, mais en même temps libératrice. J’ai tendance à réfugier et libérer mes émotions par la sincérité de la musique. Elle ne trompe jamais, et j’ai voulu m’investir encore plus pour honorer Eric et tout ce qu’il a donné et m’a donné. J’ai longtemps critiqué le résultat final de « The Lightmaker », mais je suis content que le public reçoive l’album aussi bien.
– Dorénavant, NINE SKIES repose sur un socle solide et également encore différent. Anne-Claire, tu t’es occupée de l’écriture des textes et du concept de l’album. Comment vous êtes-vous répartis la composition des morceaux de « The Lightmaker » ?
Anne-Claire : A vrai dire, nous n’avons pas eu besoin de nous répartir la composition, puisque nous avons, Alex et moi, travaillé tous les deux sur la base de chaque morceau avant de les envoyer aux musiciens. Alex sur l’instrumental et moi sur le concept et les paroles. Mais nous échangeons toujours nos idées et nos sentiments sur chaque titre : Alex au niveau thématique et moi pour l’aspect musical.
– C’est une habitude chez vous maintenant, on retrouve de nombreux guests, dont certains sont même familiers aux auditeurs. Peux-tu nous faire les présentations et nous expliquer la répartition et le choix de chacun sur les nouveaux morceaux ?
Anne-Claire : Nous sommes très chanceux. D’abord, parce que tous ces musiciens sont des artistes bourrés de talent, mais aussi parce que chaque participation fait sens. Il ne s’agit pas d’une pyramide de lego. D’ailleurs beaucoup d’entre eux sont également des amis.
Riccardo était une évidence. Il entretenait un rapport très fort avec Eric, et ils sont très proches tant au niveau artistique qu’émotionnel. Il s’est totalement approprié le poème que je lui ai envoyé pour « The Explorer » et a réussi à se l’approprier tout en faisant un superbe hommage à Eric. Arnaud et Laura ont parfaitement cerné l’esprit que nous voulions dégager de « The Chaotic », et Adam Holzman est juste, comme à son habitude, exceptionnel. L’ambiance de ses claviers tout au long de la chanson, et bien sûr avec ce solo dont lui seul a le secret, rendent le morceau magique.
Kristoffer (Gildenlöw) a également été une des plus belles surprises de cet album. Il est non seulement doué au-delà du commun, mais c’est quelqu’un d’exceptionnel humainement. Son travail vocal et de basse sur « The Lost » est exceptionnel et cela a été un réel plaisir de travailler à la création de ce morceau avec lui, étape par étape.
Charlie (Bramald) est également un ami proche. C’était, comme Riccardo, une évidence, pour l’album comme pour Eric. Et il a fait un travail extraordinaire. Je n’ai même pas besoin d’en parler, il vous suffit d’écouter !
Et « The Architect »… Ce morceau est très particulier pour moi, et cher à mon cœur, pour beaucoup de raisons. Je pense que c’est la conclusion parfaite pour l’album et je suis ravie de voir qu’il est très bien accueilli par les auditeurs. Le chant d’Achraf est splendide, Marco Minnemann est, comme à son habitude, royal et la guitare de John Mitchell vit d’elle-même, grâce à cette magie dont lui seul à le secret, et tout en donnant à la fois une seconde vie au morceau et même à l’album lui-même. J’aime vraiment que le disque se conclue ainsi.
– Je trouve les titres de ce nouvel album beaucoup plus incisifs que sur les autres. Cela s’explique par le concept, par les circonstances qui ont touché le groupe de très près ou, là encore, c’est un nouvel aspect de NINE SKIES que vous souhaitiez présenter et découvrir peut-être aussi vous-mêmes ?
Anne-Claire : il est certain que les expériences personnelles d’un artiste influencent, consciemment ou pas, ses créations, mais nous n’avons pas réfléchi à un aspect particulier que nous voulions atteindre. C’est juste réellement le résultat sincère des choses telles qu’elles avaient besoin de sortir.
Alex : Ce qui est bien avec NINE SKIES, c’est que nous faisons confiance à nos ressentis plus qu’à une direction déjà définie. Nous essayons de les transformer plutôt que de penser à un concept. Celui-ci vient après les émotions.
– Même si NINE SKIES évolue bien sûr autour d’un noyau dur de cinq musiciens, est-ce que vous ne seriez pas tenté à l’avenir par la réalisation d’un album juste entre vous ? Ou est-ce que ce partage et ces collaborations ne font-ils pas finalement partie intégrante de l’ADN du groupe ?
Anne-Claire : Comme je le disais, nous créons dans l’intensité du ressenti, rien n’est réfléchi. Cela ne signifie pas que nous faisons n’importe quoi non plus, bien sûr ! Le premier album était du 100% NINE SKIES, sans guests. Chaque participation a un sens profond et une réelle signification. Nous ne pensons pas encore au prochain album, nous verrons comment les choses se présentent le moment venu.
Alex : Qui sait ! Nous n’y pensons pas encore et nous voulons pour l’instant nous tourner vers le live, un maximum. Mais nous sommes complètement ouverts pour tester des choses différentes à l’avenir.
– Depuis sa création, NINE SKIES s’est produit assez peu sur scène en raison des distances entre vous. Là, une série de concerts vient de s’achever. Comment l’avez-vous abordé étant donné le line-up très fluctuant du groupe ?
Anne-Claire : En effet, les évènements divers et le Covid nous ont forcé à annuler les dates et les tournées prévues après le ’Prog en Beauce’. Nous sommes très impatients de pouvoir enfin leur donner vie. Nous avons enfin le line-up parfait et cela est plus rassurant qu’une source de stress. Tous les musiciens apportent énormément avec leur touche personnelle et nous pouvons facilement adapter en live les morceaux sans les guests présents en studio, surtout dans le sens où nous ne sommes pas un groupe qui joue sur du backing ou qui reproduit une copie parfaite du CD sur scène.
Alex : Je peux, du coup, te répondre après cette première tournée, car elle fut une expérience absolument inoubliable. Les musiciens sont tous des monstres dans leur domaine et nous avons une telle énergie, une communication et une connexion que je peux juste dire que nous attendons vivement la suite, c’est-à-dire la tournée anglaise en mars 2024 !
– Un peu de légèreté pour conclure, et même si j’ai évidemment ma petite idée sur le sujet : que cache cette appellation de ‘Rock Frogressif’, dont vous vous affublez depuis peu ?
Anne-Claire : A vrai dire, c’est un de nos auditeurs qui nous a un jour attribué ce titre. Nous l’utilisons évidemment de manière ironique, notamment en réponse (taquinerie, mais jamais méchante) à certaines classifications, dont nous sommes régulièrement le sujet : néo-prog, prog de chambre, etc… La chose est restée depuis !
« The Lightmaker », le nouvel et quatrième album de NINE SKIES, est disponible sur le Bandcamp du groupe :
Après la tragique disparition d’Eric Bouillette, l’un des principaux maîtres d’œuvre de la formation, on aurait pu s’interroger sur la suite qu’auraient donné les membres de NINE SKIES, et à juste titre d’ailleurs. En lui dédiant « The Lightmaker », le groupe de Rock Progressif opte donc pour la poursuite de leur si belle entreprise et on ne saurait que les en remercier. Très varié, aérien et parfois même aux frontières du Metal, les Français montrent une créativité toujours aussi féconde et basée sur une histoire saisissante.
NINE SKIES
« The Lightmaker »
(Independant/FTF Music)
Depuis ses débuts en 2017, NINE SKIES ne cesse de surprendre en se réinventant au fil des albums. « The Lightmaker » est le quatrième des Français en studio, auquel il faut ajouter « Live @ Prog En Beauce », sorti en 2021. Suite à la disparition de son multi-instrumentiste et compositeur Eric Bouillette, le groupe évolue aujourd’hui autour d’un cercle de six musiciens chevronnés, dont notamment la parolière, musicienne et créatrice du concept de l’album, Anne-Claire Rallo, et Alexandre Lamia (guitares, claviers), qui s’est aussi chargé de l’ensemble de la production dans ses moindres détails.
Suite à « 5.20 », entièrement acoustique, NINE SKIES revient avec un album-concept électrique de haute volée, qui voit se côtoyer de nombreux courants du Rock Progressif. Et si l’éventail musical est large, la liste des invités conviés sur « The Lightmaker » est également impressionnante et d’une qualité toujours aussi éclatante. On y retrouve Marco Minnemann, Adam Holzman, Kristoffer Gildenlöw, John Mitchell, Riccardo Romano, Martin Wilson, Charlie Bramald, Arnaud Quevedo et Laura Piazzai. Autant de talents qui font rayonner cette nouvelle réalisation.
C’est même devenu une marque de fabrique et une habitude qui offrent une belle diversité cette fois encore à des morceaux d’une rare élégance, où l’on retrouve d’ailleurs des aspects très percutants sur des morceaux relativement longs (« The Explorer », « The Dreamer », « The Chaotic », « The Lost », « The Architect »). Désormais incontournable sur la scène progressive hexagonale, le sextet livre un brillant opus, et c’est donc assez naturellement qu’ils s’exprimeront très prochainement ici même pour une explication plus en détail de la conception et de l’enregistrement de « The Lightmaker ». A suivre…
Les années ne semblent pas avoir d’emprise sur ARENA, dont le Rock néo-Progressif est aussi moderne qu’emprunt d’une tradition musicale éprouvée. Avec « The Theory Of Molecular Inheritance », le quintet britannique accueille aussi un nouveau frontman d’expérience et de grand talent, Damian Wilson.
ARENA
« The Theory of Molecular Inheritance»
(Verglas Music)
Fondé il y a plus de 25 ans par le claviériste Clive Nolan et le batteur Mike Pointer, ARENA livre le dixième album de sa belle discographie avec un nouvel atout… et il est de taille. Damian Wilson (ex-Threshold) fait en effet son arrivée au micro, ce qui fait de lui le cinquième chanteur du quintet anglais. Et il faut bien reconnaître que le poste lui va comme un gant, tant il rayonne sur ce « The Theory Of Molecular Inheritance ».
Alliant puissance et émotion, le nouveau frontman se fond parfaitement dans le collectif au point que tous les membres d’ARENA ont participé à l’écriture des nouveaux titres. Pour autant, l’identité musicale est intacte et les Britanniques sont identifiables dès les premières notes de « Time Capsule ». Caractérisé par son élégance, le style du groupe continue son évolution, tout en restant ancré dans un Rock Progressif très actuel.
La finesse des parties de guitares de John Mitchell et le groove de Kylan Amos restent un maillon essentiel, tout comme les claviers qui apportent beaucoup de vélocité et des atmosphères prenantes (« Integration », « The Heiligenstadt Legacy », « Under The Microscope », « Part Of You »). Sans se réinventer, ARENA continue d’oxygéner son Rock néo-Progressif avec talent et une technicité incontestable depuis ses débuts.
Toujours très présent sur la scène progressive, FROST* se détache peu à peu de l’étiquette de super-groupe qui lui colle à la peau et affirme au fil des albums un style de plus en plus personnel et reconnaissable dès les premières notes. Sur ce quatrième véritable album, les Britanniques font parler la poudre sur des mélodies originales, entre percussion et raffinement.
FROST*
« Day And Age »
(InsideOut Music)
Et si on arrêtait de demander à des groupes comme FROST* de révolutionner le genre pour n’attendre simplement d’eux qu’ils livrent de bons et même de très bons albums ? Le hasard (quoique) faisant bien les choses, c’est très précisément ce que les Britanniques viennent de faire avec « Day And Age ». Nul besoin de revenir sur la qualité technique du trio tant elle est incontestable, alors profiter simplement de ce nouvel album suffit finalement à y prendre du plaisir.
Les plus austères aficionados de Rock Progressif y verront toujours des sonorités proches de Genesis, Alan Parson ou encore Pink Floyd et le reste du catalogue. Mais peu importe, FROST* mène avec vigueur, dextérité et créativité sa barque, qui n’est pas prête de chavirer… contrairement à toutes celles précitées. Le trio reste dans un registre qui a construit sa réputation et qui, s’il ne surprend pas toujours tout le monde, a au moins le mérite d’être très bon à bien des égards.
Talentueux et chevronnés, Jem Godfrey (claviers, chant), John Mitchell (guitare) et Nathan King (basse) font toujours preuve de puissance et de raffinement dans leurs compos (« Day And Age », « The Boy Who Stood Still »). Mélodique et sur des structures aux breaks féroces, FROST* a également fait appel à trois batteurs différents, tout en maintenant un groove explosif (« Island Life », « Repeat To Fade »). Multipliant les ambiances, les Anglais livrent un album intense et très personnel.