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Ethnic Folk Metal Metal Progressif Rock Progressif

Lumsk : l’énigmatique et poétique retour

Il y a toujours eu une part de mystère chez LUMSK et cette nouvelle réalisation vient l’alimenter, notamment après une très, très longue absence. On ne pensait plus réentendre et surtout réécouter les Norvégiens et pourtant ils reviennent de la plus belle des manières avec un disque où il est question, bien sûr, de Folk, de Metal et de Rock Progressif. « Fremmede Toner » est une immersion complète dans un univers de beauté.

LUMSK

« Fremmede Toner »

(Dark Essence Records)

Disparue des radars depuis 16 ans, on croyait la formation norvégienne évanouie à jamais, ce qui aurait été une énorme perte pour le monde musical nordique, et pas seulement. LUMSK, c’est l’histoire d’un groupe inclassable, étrange même, dont le premier album (« Åsmund Frægdegjevar ») sort en 2003 et sera suivi de deux autres jusqu’en 2007. Ensuite, c’est le silence. Le silence total, malgré une reconnaissance mondiale.

Pourtant, LUMSK travaille depuis des années sur « Fremmede Toner » à en croire ses membres, qui ont également changé pour deux d’entre-eux. On découvre donc ici la nouvelle et ensorceleuse chanteuse Mari Klingen, ainsi que le talentueux guitariste Roar Grindheim. Et cette fois encore, les Scandinaves surprennent et innovent avec un opus entièrement dédié au poète André Bjerke et à ses traductions.

Auteur et également traducteur de Nietzsche, Goethe ou encore Racine et Swinburne, l’écrivain norvégien a laissé de très nombreux écrits, et c’est ce que LUMSK a décidé de mettre en musique, et dans sa langue maternelle, sur cet étonnant quatrième album. On y retrouve les fondamentaux du septet, à savoir ce savoureux mélange d’une douce Folk du Nord où vient se poser un Metal/Rock Progressif toujours très expressif. A (re)découvrir !

Photo : Torbjørn Buvarp
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France Modern Metal

Asylum Pyre : human tribe [Interview]

Moderne, puissant et mélodique, voilà en trois mots comment on pourrait résumer le nouvel album des Français d’ASYLUM PYRE. Bénéficiant d’une production sans faille, massive et fluide, « Call Me Inhuman » est un concentré très actuel de toutes les musiques qui viennent nourrir le quintet avec une prédominance Metal, cela va de soi. Alors que la cinquième réalisation du groupe vient tout juste de sortir, Ombeline ‘Oxy’ Duprat (chant) et Johann ‘Jae’ Cadot (chant, guitare rythmique, claviers et loops) m’ont fait le plaisir de répondre à quelques questions.

– Avant de parler de ce nouvel album, j’aimerais que l’on revienne sur votre parcours. C’est votre cinquième album et il sort en autoproduction comme le premier. Vous avez sorti deux disques avec Massacre Records et un autre chez M&O. Ca devient compliqué de rester sur un label à long terme, ou c’est un désir d’indépendance ?

Ombeline : Ni l’un, ni l’autre ! Concernant « Call me Inhuman », nous avons envoyé notre album à plusieurs labels. Tous les retours que nous avons reçus étaient franchement unanimes et enthousiastes à l’égard de ce nouvel album. Mais… nos ‘chiffres’ Spotify et autres étaient bien trop bas pour les intéresser. S’investir dans un projet, culturel ou musical, c’est devoir faire preuve de patience, d’abnégation et de remise en questions. C’est être en proie aux doutes et se demander pourquoi on fait ça, au final. Et lorsque ce type de réponses arrive, c’est encore plus frustrant. Nous avions deux options : laisser tomber ou tenter de corriger ce défaut. Nous avons décidé de repartir à zéro, et nous travaillons en ce sens.

– Pour « Call Me Inhuman – The Sun – The Fight – Part 5 », vous êtes tout de même distribués par Season Of Mist. C’est une licence qui reste indispensable pour une meilleure visibilité et accessibilité, selon vous ?

Ombeline : La distribution, et notamment digitale, est au coeur de la stratégie. Mais, le disque physique est aussi important pour nous, dans la mesure où nous continuons à en acheter et nous savons que le public Metal, et a fortiori le nôtre, est en demande de ce type d’objet. C’est aussi une autre manière d’écouter de la musique, en feuilletant le livret, en laissant son imagination vagabonder… En ce sens, une bonne distribution est nécessaire afin de permettre de toucher tous les publics, y compris les derniers gaulois résistant toujours et encore au grand tout numérique (Merci beaucoup, je me sens moins seul ! – NDR).

Ombeline ‘Oxy’ Duprat

– Depuis les débuts d’ASYLUM PYRE, vous développez un concept très précis, tout en incarnant chacun un personnage. C’est quelque chose qu’on ne voit plus beaucoup. Qu’est-ce qui vous a poussé à vous lancer dans cette démarche artistique globale comme celle-ci ?

Johann : Nous n’avons pas vraiment réfléchi à ce qui se faisait ailleurs, tout ceci est venu naturellement, sans vraiment s’en rendre compte en fait. On avait envie de le faire et ça nous permettait un type de composition immersif que l’on tente de retranscrire pour l’auditeur.

– Comme je le disais, vous suivez le même concept depuis le premier album. En 2009, vous aviez déjà en tête la trame de toute l’histoire, ou est-ce que vous l’écrivez et/ou la modifiez au fur et à mesure ?

Johann : Ce concept a grandi avec nous, il est né peu à peu, un peu inconsciemment, par notre regard sur le monde. Depuis « N°4 » il guide un peu plus notre musique et inversement. Il a des inspirations qui viennent directement du monde actuel et de nos études personnelles.

– Parlons de ce cinquième album. Il parle de l’évolution des humanités d’aujourd’hui jusqu’en 2062 dans un univers qui rappelle celui de ‘Mad Max’. Est-ce que vous vous basez uniquement sur de la fiction ou faites-vous aussi des parallèles avec notre époque en imaginant ce que notre monde pourrait devenir ?

Ombeline : Il y a toujours, peu ou prou, plusieurs manières d’interpréter les paroles d’ASYLUM PYRE, mais la trame narrative s’inspire effectivement de notre quotidien. Les métaphores permettent d’établir un rapport direct entre certaines souffrances humaines et celles que nous infligeons à la planète, les deux pouvant être intimement liées sur certains sujets. En 2019, la pochette de « N°4 » arborait un masque… Nous ne savions pas que neuf mois après la parution de l’album, une crise sanitaire d’une telle ampleur allait s’abattre sur nous. Par contre, au regard des expérimentations diverses et variées, sanitaires ou alimentaires, menées par l’Homme, il était tout à fait possible de prévoir une telle catastrophe.

– Votre album, et plus largement ASYLUM PYRE dans son ensemble, fait aussi un focus sur la cause environnementale. C’est le message principal autour du concept du groupe ? Et de quelle manière cela se concrétise-t-il dans vos textes et aussi peut-être dans votre démarche ?

Johann : Oui, c’est le message principal. Avec son impact, de fait, sur l’être humain qui n’est qu’une partie de ce ‘grand’ tout qu’est la planète. ’Grand’ entre guillemets vis-à-vis de l’univers qui nous entoure. C’est présent à chaque seconde. C’est présent dans nos démarches, mais il serait difficile d’en parler ici en quelques mots. Il nous faudrait des représentations graphiques, des équations…

– Parlons de votre musique qui est à la fois très moderne et très Metal. Pourtant, on y décèle aussi de multiples courants avec un ensemble soutenu par une production solide et ample. Là encore, il y a un côté rassembleur et fédérateur. C’est cet aspect et cette intention qui vous guident ?

Ombeline : Pour ma part, je pense que les compositions de Johann offrent un écrin pour nous permettre d’apporter des influences diverses, celles qui nous ont construites en tant que musiciens. Nous sommes un groupe, mais nous sommes aussi des amis, avec des hauts et des bas, mais également, nos forces et la confiance que l’on a pour chacun. Nous arrivons avec nos idées, nous les testons et lorsque nous jugeons cela intéressant et utile pour la chanson, nous validons et travaillons le son.

Johann : « Rassembleur et fédérateur », si tu as perçu ça, alors tu fais déjà de moi un homme heureux !

Johann ‘Jae’ Cadot

– Ombeline, c’est ton deuxième album avec ASYLUM PYRE et le duo formé avec Johann également au chant montre une belle entente et une complémentarité évidente. Est-ce que, comme moi, vous pensez tous les deux que « Call Me Inhuman – The Sun – The Fight – Part 5 » est l’album le plus abouti du groupe artistiquement et vocalement en l’occurrence ?

Ombeline : Me concernant, je ne peux comparer qu’avec notre précédent album, « N°4 », même si j’ai mon avis sur les autres productions du groupe. Mais très clairement, cet album me paraît être celui de la maturité, et en tout cas, la suite logique de ce que nous avions commencé à faire avec « N°4 ». Vocalement, j’ai senti une différence, peut-être plus de lâcher prise, de confiance vis-à-vis de l’équipe, mais aussi de moi-même ! Johann sait aussi comment me ‘pousser’. J’ai enregistré en deux jours, comprenant aussi les très nombreuses pistes de doublage. Cela m’a valu quelques courbatures. Mais je pense que l’énergie impulsée s’en ressent dans l’album !

– Enfin, ASYLUM PYRE joue également beaucoup sur les ambiances et les atmosphères des morceaux. Est-ce que c’est quelque chose sur laquelle vous allez tout particulièrement travailler pour rendre vos concerts encore plus immersifs ?

Ombeline : Très clairement, cela serait intéressant de pouvoir proposer des concerts sortant des sentiers battus et nous avons déjà évoqué plusieurs idées. Il va nous falloir un peu de temps pour travailler ça et faire une belle proposition au public. En attendant, on se concentre sur la promotion de l’album. Les retours sont vraiment excellents et nous sommes ravis de l’accueil fait à « Call Me Inhuman » de la part de nos auditeurs, ainsi que des professionnels !

Johann : On va faire le max pour ça oui !

Le nouvel album d’ASYLUM PYRE, « Call Me Inhuman », est également disponible sur le Bandcamp du groupe : https://asylumpyre.bandcamp.com/

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Metal Progressif

Jirfiya : un univers unique

Dotée d’une très bonne production, les Parisiens s’affirment avec talent sur une première réalisation menée de main de maître. Eclectique et pimenté, JIRFIYA se dévoile à travers un registre où les parties instrumentales dominent pour s’étendre dans des ambiances colorées et puissantes. Très bien arrangé, « W » est loin de livrer tous ses secrets à la première écoute. Il faut donc creuser un peu pour en saisir toute la substance.

JIRFIYA

« W »

(Independant)

Déjà auteur de deux EP, JIRFIYA présente enfin son premier album et les Franciliens frappent fort. Sorti il y a quelques semaines en autoproduction, « W » est à l’image de la scène progressive française actuelle : techniquement imparable et particulièrement inspirée. Oscillant entre Metal et Rock, le groupe s’est construit un univers riche et varié, qui lui permet d’aborder des atmosphères et des sonorités très originales.

Dès « Asylum » et ses neufs minutes, le ton est donné. JIRFIYA ne manque ni d’ambition, ni de créativité. Puissante et atmosphérique, l’entrée en matière laisse présager d’un opus plein de surprises… et c’est peu de le dire ! Au chant, Ingrid Denis (frontwoman du groupe de Rock Progressif Oscil) se montre sobre et efficace, laissant le côté lyrique aux amateurs de Metal Symphonique. Très bien structuré, « W » ne montre que peu de failles.

Pour accompagner les deux guitares, JIRFIYA a fait appel à la violoniste Coline Verger sur cinq morceaux, au violoncelliste Quentin Fauré sur ces mêmes titres et au trompettiste Jules Jassef sur deux compositions qui prennent une dimension incroyable dans la veine d’un certain Amin Maalouf. Envoûtante sur « Sister In Blood », « Dark Storms », « The Factory » ou « The Girl With The Perfect face », la formation régale et enchante.

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Metal Progressif

Klone : la marque des grands

En pleine ébullition depuis des années, la scène française de Metal Progressif connait une ascension fulgurante grâce à sa qualité et surtout à la constance de sa créativité. Fer de lance de cette explosion artistique, KLONE assume plus que jamais sa stature de formation incontournable de l’hexagone depuis 20 ans, et « Meanwhile » enfonce le clou de façon impressionnante.

KLONE

« Meanwhile »

(Kscope Music)

Très attendu, ce septième album de KLONE est à l’image de sa carrière, à savoir mené de main de maître. Avec le « Le Grand Voyage » et « Alive », les Poitevins exploraient de manière profonde un style très aérien, plus calme et même intimiste, loin de laisser insensible. Sur « Meanwhile », le quintet renoue avec un registre plus massif, plus Metal et remet le bleu de chauffe comme pour mieux en découdre.

Une sorte de retour aux sources, ou plutôt une affirmation de son ADN, dont les fans du groupe devraient se délecter. D’une authenticité sans faille et porté par une incroyable et majestueuse production signée Chris Edrich (Leprous, The Ocean), KLONE livre une partition dont il est difficile de se défaire. « Meanwhile » est imparable et se nourrit de l’élégance qui fait sa force.  

Si la prestation XXL de Yann Lignet au chant porte littéralement cette nouvelle réalisation, c’est un groupe très soudé et évoluant à l’unisson qui se présente ici. Très riche en arrangements et parfaitement équilibré, il est difficile de détacher l’un ou l’autre des dix morceaux de « Meanwhile ». De « Within Reach » à « Bystander » en passant par « Apnea », « Night And Day », « Disobédience » et le morceau-titre, KLONE s’élève encore un peu plus.

Photo : Léo Margarit
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Metal Progressif

Leprous : en scène !

Tout en annonçant une grande tournée européenne, LEPROUS a eu la bonne idée de ressortir « Aphelion » en version augmentée. Y figurent l’intégral de l’album, ainsi que deux bonus et surtout six titres enregistrés en live et notamment au festival ‘Motocultor’. Et sur scène, le Metal Progressif des nordiques prend une ampleur captivante.  

LEPROUS

« Aphelion (Tour Edition) & Live 2022 »

(InsideOut Music)

Sorti fin août 2021, le septième album des Norvégiens avait frappé les esprits et laissé une énorme emprunte dans la discographie du groupe et dans le monde du Metal Progressif plus largement. Alors, si vous avez manqué ce petit bijou, c’est le moment de se rattraper (et de belle manière !), car LEPROUS présente une « Tour Edition » d’« Aphelion » avec deux bonus et six inédits interprétés en public sur un beau double-album.

On ne reviendra pas sur la grande qualité de la réalisation studio (voir chronique ci-dessous), mais les morceaux bonus déjà présents sur plusieurs éditions valent le détour. « A Prophecy To Trust » et le live « Acquired Taste », enregistré en 2021, s’inscrivent dans le prolongement d’«Aphelion ». Et si le second morceau date de 2011 et de l’album « Bilateral », l’excellente production remédie à cet écart d’une décennie.  

L’autre disque, « Live 2022 », qui parait aussi séparément en édition limitée, présente sur 40 minutes six morceaux captés lors de la première partie de la tournée européenne de LEPROUS. On en retrouve donc quatre issus de leur prestation au ‘Motocultor’, où les Scandinaves communient littéralement avec leur public. Et c’est à Berlin que le quintet brille sur « Nighttime Disguise » et le phénoménal « The Sky Is Red ». Magistral !

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Dark Metal Metal Progressif Symphonic Metal

Sleeping Romance : dark feelings

Et si ce récent changement de chanteuse allait enfin permettre à SLEEPING ROMANCE de prendre son envol et d’acquérir cette stature plus imposante qui lui tend les bras et qui serait amplement méritée ? C’est en tout cas la question que l’on peut se poser à l’écoute de ce très bon « We All Are Shadows », qui navigue entre Metal Progressif et Symphonique avec un côté dark et moderne plus prononcé qu’à ses débuts.

SLEEPING ROMANCE

« We All Are Shadows »

(NoCut Entertainment)

Depuis un peu plus de dix ans, les Italiens nous ont habitués à un Metal Symphonique dans la veine d’Evanescence et de leurs compatriotes de Lacuna Coil, mais pour « We All Are Shadows », SLEEPING ROMANCE a apporté quelques ajustements à son registre. Plus sombre et plus lourd, ce troisième album voit tout d’abord l’arrivée de Lina Victoria au chant dans un  style très féminin et envoûtant, mais volontaire et solide.

Toujours mené de main de maître par Federico Truzzi (guitare, claviers, piano, production) qui a imposé une forte empreinte classique sur ces nouveaux titres, SLEEPING ROMANCE conserve son côté très mélodique, parfois parsemé de growls, où la douceur et la délicatesse de la nouvelle frontwoman font des merveilles. D’une grande fraîcheur et très coloré, les Transalpins se renouvellent avec brio.

Puissant et accrocheur, « We All Are Shadows » est probablement la réalisation la plus aboutie de SLEEPING ROMANCE. Un brin théâtral dans son approche, l’ensemble reste très groovy, Metal et entraînant. Les repères sont toujours présents et le quintet développe un jeu plus progressif, profond et peut-être aussi moins extravagant (« Smoke And Mirrors », « Stuck In Your Hand », « Ressemblance Of Light », « Haven »). Une parfaite transition.

Photo : Bianca Serena Truzzi
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Metal Progressif Rock Progressif

Wedingoth : un regard vers l’espace

Fluide et plein d’émotion, « Five Stars Above » navigue dans un univers progressif entre Metal et Rock sur un ton très narratif et où les ambiances se croisent et s’entrechoquent pour ne faire qu’une. WEDINGOTH est au sommet de son art et les Français, servis par une voix féminine stupéfiante, offrent une prestation irréprochable et tout en finesse.

WEDINGOTH

« Five Stars Above »

(Independant)

Il aura fallu attendre six ans pour découvrir la suite des aventures progressive de WEDINGOTH. Après « Alone In The Crowd », le quatuor lyonnais refait surface avec « Five Stars Above », un album traversé par les voyages et les rêves et dans un registre qui se distingue du reste de la scène hexagonale. Fort d’une grande technicité, le groupe se met pourtant au service des mélodies avec beaucoup de talent.

Bien qu’autoproduit, cette quatrième réalisation n’a pas à rougir face à celles du même style, bien au contraire. Développé sur près d’une heure, « Five Stars Above » est parfaitement équilibré offrant un vaste espace à chaque instrument et ne s’encombrant d’aucune fioriture. WEDINGOTH maîtrise son sujet et parvient à faire de chaque morceau un moment suspendu, presqu’intemporel, où il rayonne pleinement.

Au chant, Céline Staquet hypnotise autant qu’elle libère une incroyable puissance sur les neuf titres du disque. Soutenue par une rythmique souple et solide, la frontwoman peut aussi se reposer sur les riffs accrocheurs de son guitariste. WEDINGOTH affiche donc une unité indéfectible dans une harmonie envoûtante (« Masterpiece Of Life », « I Don’t Care », « Time », « My Own Sacrifice »). Epoustouflant !

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Groove Metal Nu Metal

Brain For The Masses : furious Esperanto

Le Portugal ne cesse de réserver de bonnes surprises en matière de Metal et BRAIN FOR THE MASSES vient renforcer cette belle scène émergeante au talent indéniable. Solide et massif, le quintet vient se loger quelque part entre Fear Factory, Linkin Park et Meshuggah en assumant pleinement la violence de son jeu et l’aspect très fédérateur de ses compos. Une sorte de Modern Metal en version organique et tout en finesse…

BRAIN FOR THE MASSES

« Monachopsis »

(Independant)

C’est assez rare que je chronique des EP, souvent faute de place et notamment aussi face à une quantité démentielle de sorties. Cependant, l’histoire de ce quintet portugais force le respect et surtout, « Monachopsis » est une très bonne réalisation de cinq titres d’une demi-heure intense où de nombreux courants du Metal viennent se bousculer intelligemment. BRAIN FOR THE MASSES fait une magnifique entrée en matière.

Obstinés, les Lusitaniens ont déjà six ans d’existence et même si ce premier effort ne sort qu’aujourd’hui, il a été enregistré en 2019, puis bloqué par cette satanée pandémie. Pourtant, ils n’ont jamais lâché l’affaire et « Monachopsis » montre beaucoup de dynamisme, de volonté et surtout un Metal virevoltant. Capable de nous transporter dans un Groove Metal massif et lourd, BRAIN FOR THE MASSES affiche bien d’autres envies.

Flirtant avec le Nu Metal, le Groove donc, mais aussi avec le Heavy et le Metal Progressif, le combo ne s’interdit rien et paraît même à l’étroit tant il est difficile à loger. Mélodique et puissant, BRAIN FOR THE MASSES livrent des titres aboutis, très bien structurés et que des arrangements soignés font bien respirer (« Bleak », « Seclusion », To Be Alive », « Stay Afloat »). Soutenu par une telle production, les portes semblent grandes ouvertes.  

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Doom France Metal

Monolithe : persévérance, expérience et puissance [Interview]

S’il y a bien un groupe atypique dans le milieu underground hexagonal, et plus particulièrement dans le Doom, c’est MONOLITHE. Grâce à une discographie étonnante constituée d’albums-concepts singuliers par leur contenu mais aussi par leur durée, ou celle de leurs morceaux, le sextet s’est forgé une solide réputation basée sur une exigence constante et des productions très soignées. Entretien spatial avec le compositeur Sylvain Bégot (guitares, claviers, programmation) sur cet incroyable « Kosmodrom », qui vient de sortir.

– MONOLITHE a la particularité d’avoir toujours beaucoup de guests sur ses albums, et c’est encore le cas sur « Kosmodrom ». Est-ce c’est une chose à laquelle tu penses dès la phase d’écriture ?

Ça dépend. Parfois, ce sont les particularités d’un musicien qui influent la composition, car je sais qu’il, ou elle, sera capable de l’interpréter de la manière dont je l’ai imaginé. C’est le cas pour Jari, par exemple, ou de Raphaël Verguin sur notre album précédent, « Okta Khora », même si, au final, il a joué quelque chose de complètement différent de ce qui était prévu. Sur « Kassiopea », quand nous demandons aux chanteurs de participer, nous connaissons évidemment leurs capacités et leur tessiture, donc le but est d’obtenir un résultat qu’eux seuls seront capables de nous offrir. Dans d’autres cas, un musicien est invité pour jouer quelque chose que nous ne pouvons pas interpréter nous-mêmes, et pas nécessairement pour sa personnalité musicale intrinsèque.

– MONOLITHE évolue aussi sur des concepts très différents à chaque album. Avec « Kosmodrom », vous entamez un nouveau chapitre. Quel était l’état d’esprit en le commençant ?

Il y a quelque chose de très cinématographique dans notre musique. Il y avait donc aussi l’envie de proposer un voyage, une odyssée. Tu as entièrement raison en parlant de nouveau chapitre, car « Kosmodrom » est le début d’une autre ère après le bouclage de nos deux sagas précédentes, « The Great Clockmaker » constituée des quatre premiers albums et « The Tame Stars », constituée des quatre suivants. 

– Pour « Kosmodrom », vous vous êtes plongés dans la conquête spatiale soviétique à la fin des années 50 (en 1957 précisément). Qu’est-ce qui a vous attiré dans ce choix ? Et j’imagine aussi que cela a dû demander de très bien se documenter également…

Nous nous étions déjà intéressés à la science-fiction un peu métaphysique, façon « 2001, l’odyssée de l’espace », sur nos premiers albums. Puis, nous avons raconté des histoires de SF inspirés de l’âge d’or de ce courant littéraire, des années 50 à 70, avec comme toile de fond l’existence (ou non) de vie extra-terrestre, de premiers contacts ou de civilisations aliènes ultra-agressives. Pour « Kosmodrom » l’idée était cette fois de se recentrer sur l’humain et tout particulièrement ses premiers pas dans l’espace. Donc, quoi de mieux que de prendre la course aux étoiles entre les deux grandes puissances spatiales de l’époque, à savoir les Etats-Unis et l’URSS, comme décor ?

Cette époque a déjà été célébrée de nombreuses manières dans la littérature et le cinéma du côté américain, mais plus rarement du côté soviétique alors qu’il est tout aussi passionnant. Et puis, il y a du côté russe une dimension supplémentaire, qui est le fait qu’il s’agissait d’un régime autoritaire qui a envoyé des êtres vivants au casse-pipe dans des caisses à savon, tout en parvenant à accomplir des choses extraordinaires avant tout le monde. Et c’est absolument fascinant. Je connais plutôt bien ce morceau d’Histoire de l’humanité, cela n’a donc pas demandé beaucoup de recherche, surtout que « Kosmodrom » n’est pas un album qui parle réellement d’Histoire avec un grand ‘H’, mais qui explore la thématique des pionniers, de l’exploration et de la découverte à travers la métaphore de la conquête spatiale et l’emploi de références réelles, comme la chienne Laika sur « Kudryavka » et des figures de cosmonautes légendaires, comme Vladimir Komarov sur « Soyuz » ou encore Alexeï Leonov sur « Voskhod ».

Sylvain Bégot (guitare, claviers, programmation)

– Ce qui surprend aussi sur « Kosmodrom », c’est cette dualité entre un aspect un peu rétro forcément, mais aussi un côté très futuriste. C’est l’inconnu que représentent l’espace et sa conquête qui offrent cette sensation de profondeur et aussi d’histoires qui restent à écrire finalement ?

Bien sûr, l’espace est fascinant parce qu’il reste à explorer et parce que beaucoup de connaissances à son sujet échappent encore à l’être humain à ce stade de son évolution technologique. Il y a une ligne de texte dans « Sputnik-1 », qui résume cela en disant : « regardant le ciel, en se demandant quoi et pourquoi ». L’humain possède, je pense, une soif de découverte de son environnement. Après avoir exploré sa planète sous tous ses angles, ou presque, au cours des siècles, il cherche ensuite à aller plus loin encore. Et ce côté rétro dont tu parles est lié au fait que les événements historiques référencés plus ou moins clairement dans l’album datent de plus d’un demi-siècle. Ce qui, à l’échelle de l’humanité, et pire encore, de l’Univers dans son ensemble, est une broutille. Mais le regard que nous posons sur l’exploration spatiale et la place de l’homme dans cet environnement cyclopéen et inamical est résolument porté sur l’avenir et ce que l’humain doit encore accomplir pour y parvenir.

– En matière de Doom, de très nombreux groupes reviennent à un style très éthéré et de plus en plus organique, alors que MONOLITHE continue son avancée en intégrant des éléments sonores plus synthétiques. A l’image du concept de « Kosmodrom », c’est l’infini de l’espace qui vous a guidé sur l’album ?

Je pense que notre savoir-faire vient de notre capacité à intégrer tout cela à une base Doom/Death de manière subtile, tout en gardant une cohérence plutôt qu’un mic-mac d’influences collées les unes aux autres. Et à ce titre oui, les possibilités sont infinies… bien qu’il soit désormais admis que l’espace, lui, ne l’est pas !

– Le morceau « Kosmonavt » referme l’album avec 26 minutes étonnantes. Ce sont les titres longs qui vous attirent le plus et à travers lesquels vous pouvez pleinement vous exprimer ?

Sur « Nebula Septem », nous avions des titres de sept minutes, ce qui est plutôt bref pour nous ! Il faut voir « Kosmonavt » comme une sorte de grand final de l’album, un titre épique qui résume et conclue l’album. C’est en quelque sorte la continuité de la tradition de ce qu’on pu faire des groupes de Rock Progressif dans les années 70 ou des groupes de Metal des années 80, qui concluaient leurs albums par un titre fleuve et homérique. Il s’agit aussi d’une autoréférence à nos débuts plus ‘Funeral Doom‘, car ce titre est, par son style, plus proche de nos premiers albums constitués d’une seule très longue piste, que de nos albums plus récents.

Vous proposez également un CD bonus, « Kassiopea », constitué de reprises très éclectiques. Quelle était l’intention première avec ces morceaux ? Les rendre à votre image en y apportant le son et la patte de MONOLITHE ?

 « Kosmodrom » est notre album ‘Covid’. Il a été créé alors qu’on ne pouvait rien faire d’autre. Comme les restrictions ont duré encore et encore, nous avons aussi eu le temps de travailler sur quelque chose d’autre, et qui est devenu « Kassiopea ». C’est un petit bonus pour les fans hardcore qui ont précommandé l’album et ça a été l’occasion pour le groupe de rendre hommage à des titres que nous aimons beaucoup et que nous avons réarrangés à notre sauce.

– Enfin, vous démarrez les concerts au moment où sort l’album, alors que la plupart des groupes se concentrent sur la promo. C’est le côté underground de MONOLITHE qui prend encore et toujours le dessus ?

C’est un peu une coïncidence, en fait. Les restrictions liées au Covid, encore elles, ont provoqué un certain chaos dans le milieu de la musique. Nous avons donné des concerts dont certains étaient en réalité des reports de dates, qui auraient dû avoir lieu en 2020. De toute façon, ce n’est pas nécessairement un problème de tout faire en même temps. C’est juste fatigant ! Mais c’est de la bonne fatigue, tu sais, comme celle que tu ressens après une bonne séance de sport !

L’album de MONOLITHE, « Kosmodrom », est disponible chez Time Tombs Production et sur le Bandcamp du groupe : https://monolithe.bandcamp.com

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Dark Gothic Metal Progressif

Rioghan : un lustre boréal

Sur des structures musicales très élaborées, une production aux petits oignons et grâce à des musiciens en complète maîtrise, les Finlandais de RIOGHAN surprennent avec « Different Kinds Of Losses », qui est pourtant seulement leur première longue réalisation. Mené par une chanteuse dont la voix possède une puissance telle qu’elle peut emprunter une multitude de chemins, le trio rayonne grâce à une technique hors-pair et un souffle artistique impressionnant, savamment distillé dans un Metal Progressif assez dark.

RIOGHAN

« Different Kinds Of Losses »

(Inverse Records)

Après avoir suscité l’intérêt et la curiosité avec un premier EP « Blackened Sky » sorti en mars 2021, RIOGHAN se livre cette fois, et enfin, sur un premier album complet, qui ne manque pas de piquant. Très original, le groupe est le projet initial de la chanteuse et poétesse Rioghan Darcy, aka Jenni Perämäki, dont la voix se fait porte-parole d’une identité musicale très forte et mouvante. Car à travers son Metal Progressif, le trio verse également  dans des atmosphères gothiques avec quelques aspects extrêmes déchaînés.

Composé du trio Teemu Liekkala (guitares, basse, claviers et production), Valtteri Revonkorpi (batterie) et de sa frontwoman, RIOGHAN a su parfaitement s’entourer, car on retrouve les collaborations de Jonas Renkse (Katatonia), Einar Solberg (Leprous) et Teemu Koskela (ex-Celesty) sur ce « Different Kinds Of Losses » aussi bien produit que sa conception est riche. Avec une vocaliste à même de se faire aussi délicate que rageuse, le trio avance avec une assurance de musiciens plus que confirmés.

Sur des morceaux qui ne traînent pourtant pas en longueur vu le registre, RIOGHAN parvient à multiplier les ambiances au sein-même des titres pour délivrer une saveur toute particulière à son Metal très protéiforme (« Promises », « Breath », « Home »). S’engouffrant aussi dans des sonorités électroniques (« Bruises », « Innocence »), les Scandinaves montrent une audace d’une grande fraîcheur et imposent déjà une touche très identifiable grâce à un jeu très inspiré (« Lights », « Summer »). Des débuts plus qu’enthousiasmants !