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Black Metal Post-Black Metal

Ecr.Linf : l’infâme écrasé

Groupe de Black Metal moderne, ECR.LINF sort un premier album fracassant : « Belluaires ». Quatuor parisien actif sur la scène extrême depuis plusieurs années, ce nouveau projet promet d’en surprendre plus grâce à un son dense et une dynamique plutôt rare dans le genre. Issu de longues discussions et de réflexions sur la nature humaine, cet opus très voltairien ne va pas laisser pas grand-monde indifférent et risque même d’en bousculer plus d’un… et pourquoi pas de conquérir de nouveaux adeptes !

ECR.LINF

« Belluaires »

(My Kingdom Music/Source Atone Records)

Concevoir un disque n’a jamais été aussi simple, parvenir à se démarquer et à sortir du lot n’a jamais été aussi difficile. Si « Belluaires » est la première réalisation d’ECR.LINF (‘Ecrasons l’Infâme– NDR), ce n’est pas une première pour la sauvage équipe à l’œuvre. En effet, Krys (chant), Dorian (guitare), Rémi (batterie) et Jiu (basse) jouent, ou ont joué, dans différents groupes qui ont marqué les esprits ces dernières années : Demande A La Poussière, Hyrgal, Igorrr, Svart Crown, Jarell… Il s’agit donc d’une nouvelle étape dans leur histoire musicale. Les musiciens ont une belle maîtrise des codes du genre, ici le Black Metal, et savent jouer avec pour proposer une production moderne, à laquelle on ne s’attendait pas. Et la surprise n’en est que plus belle !

Dans un format classique de huit titres d’une durée presque égale (sauf les deux derniers), il ne s’agit pas là d’un blast-beat sans âme et de tremolo picking baveux sur un cri mal maîtrisé. Les morceaux d’ECR.LINF sont bien équilibrés, avec des passages plus posés et apaisés, mettant en lumière la violence et l’acharnement des moments extrêmes. De même, l’accordéon, les chœurs, les moments parlés ou chuchotés, les guitares sèches s’invitent intelligemment et apportent une belle nuance à un ensemble célébrant la crasse humaine. Saluons aussi la qualité du chant qui reste compréhensible. La progression est cohérente et ce n’est pas une surprise si le dernier titre, « Valetaille », résonne longuement entre les tympans, grâce à un refrain particulièrement efficace. « Feu Pâle » est l’outro, et la porte de sortie qui permet de relancer le CD.

C’est vraiment rafraîchissant de voir ECR.LINF marcher dans les pas de références qui ont réussi à casser les codes et moderniser cette musique. Regarde les Hommes Tomber, Blut Aus Nord, Great Old Ones viennent à l’esprit assez rapidement, et pour un premier effort, ça en jette ! Il n’est pas nécessaire d’être un inconditionnel du genre pour l’apprécier. Passé le mur du son, c’est vraiment un ensemble solide et subtil qui se laisse facilement écouter. Bref, il sera difficile de se lasser. Quant à savoir si on pourra les voir bientôt sur scène, la réponse de Dorian est sans appel : « nous préparons doucement le live, nous ne voulons pas nous précipiter afin de rendre hommage à cet album et proposer des performances mémorables ».

Emilien Nohaïc

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Melodic Metal Post-Black Metal Symphonic Metal

Euphrosyne : Au-delà des ténèbres

En alternant colère et douceur, les Grecs d’EUPHROSYNE ont trouvé un beau compromis et font avant tout parler leur créativité à travers un style où la technicité du quatuor est au service de compositions complexes parfois, mais très bien ciselées. « Keres » est un court voyage dans un post-Black Metal musclé avec des couleurs progressives et symphoniques, parfaitement mises en valeur par sa frontwoman à la palette vocale étonnante.

EUPHROSYNE

« Keres »

(Independant)

Après des débuts prometteurs avec deux singles très bien accueillis (« Thorns Above the Skies » et « Rattus »), Efi Eva (chant) et Alex Despotidis (guitare) se sont renforcés avec l’arrivée de George Gazis (basse) et de Kostas Mamalis (batterie) pour faire d’EUPHROSYNE une machine redoutable et très organique où s’entremêlent un post-Black rugueux et un Metal mélodique épuré plein de nuances et de clarté.

Très atmosphérique, « Keres » présente beaucoup d’originalité, grâce notamment à sa chanteuse, aussi à son aise dans un growl surpuissant que dans des parties chantées claires et limpides ou des chuchotements très pertinents. EUPHROSYNE ne se reste pas figer dans un registre, mais construit sa force sur un amalgame intelligent de sonorités mises en lumière sur des morceaux très bien structurés et accessibles.

Très captivants, les sept titres de « Keres » montrent une évolution progressive au fur et à mesure que l’on avance dans l’album. Les claviers jouent un rôle essentiel dans la mise en lumière des compositions avec même quelques incursions symphoniques (« Pale Days », « When My Fears Conquered All »). Entre violents coups de blast et envolées progressives, EUPHROSYNE livre une très belle partition (« Within The Age »).

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Post-Black Metal Sludge

Deliverance : l’impossible sevrage musical

Même les registres les plus extrêmes obéissent à des codes, sortes de frontières imposées ou souvent même résultantes d’une autocensure rassurante. Mais chez DELIVERANCE et depuis trois albums maintenant, on fait fi de ce type de recommandations analgésiques pour s’affranchir de toutes formes de dictats musicaux. Guidé par cette liberté sans limite, les Français expérimentent, repoussent et s’engouffrent dans un post-Black Metal teinté de Sludge et d’un Psych Prog unique, mais peu lénifiant, c’est vrai. Unique donc et incontrôlable surtout.

DELIVERANCE

« Neon Chaos In A Junk-Sick Dawn »

(Les Acteurs de l’Ombre)

Comme il y a deux ans, DELIVERANCE revient jeter un énorme pavé d’une heure dans nos fragiles oreilles. Après l’excellent « Holocaust 26 :1-46 » qui n’aura malheureusement que trop peu goûté aux joies de la scène, le quatuor est parvenu à composer un album d’égale puissance et surtout à recréer des atmosphères aussi titanesques. Plus ambitieux encore, le groupe dépasse les limites de son post-Black Metal qu’il agrémente toujours de Sludge et cette fois d’un Psych Prog cathartique.

Pour ce troisième opus, le line-up reste inchangé. Tandis que Sacha Février (basse) et Fred Quota (batterie) martèlent une rythmique surpuissante, Etienne Sarthou (guitare) enchaine les riffs tranchants et épais. Quant à Pierre Duneau, on le sent littéralement habité par un chant imprévisible et sauvage. DELIVERANCE se déploie dans un univers sonore singulier, qui gagne en profondeur grâce à quelques effets savamment dosés et pertinents. Et que dire que cette production qui le rend incroyablement immersif ?

Afin de passer un cap dans la compréhension de « Neon Chaos In A Junk-Sick Dawn », un passage par le livret de l’album et une lecture des textes s’imposent. Ecrits dans des conditions très particulières et presqu’extrêmes, ils posent le concept et rendent les morceaux encore plus saisissants. Tout en percussion sur « Salvation Needs A Gun » et « Neon Chaos », DELIVERANCE est impérial sur les mastodontes « Odyssey » et « Fragments Of A Diary From Hell » longs de 18 minutes chacun. Gigantesque !

Photo : Patrick Baleydier