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Dungeon Synth International

Mørke Og Lys : follow the voice [Interview]

Piqué au vif pendant les deux jours passés au ‘Dark Dungeon Festival II’ en Belgique au printemps dernier par ce style qui restait à mes yeux un mystère à l’époque, j’y avais fait de belles rencontres, découvert un monde assez fascinant et surtout assisté à des concerts saisissants et envoûtants. Celui de MØRKE OG LYS en faisait partie, d’autant que nous avions beaucoup échangé ensemble sur le sujet. La récente sortie de son troisième album, « The Hollow Shadows », était l’occasion parfaite de me replonger dans le ‘Dungeon Synth’ et, peut-être par là même, de vous faire découvrir cet univers fascinant emprunt de mythologie et de rites ancestraux. Entretien (fleuve) avec l’une des très rares one-woman-band du genre, venue de Grèce…

– On te connait sous le nom d’Erkyna, aka Hildr Valkyrie, et tu as déjà une carrière conséquente. Avant de parler de ce nouvel album de MØRKE OG LYS, j’aimerais que tu reviennes sur ton parcours musical, qui a commencé en 1996… Te sens-tu d’ailleurs une âme de pionnière ?

Tout d’abord, je voudrais te remercier pour cette interview, qui est ma toute première pour MØRKE OG LYS ! Alors, pionnière est un titre assez lourd de sens ! Je ne peux pas dire que je me sente vraiment comme telle, car en 1995/96, je n’avais pas pleinement réalisé que créer un groupe sans guitare, basse ou batterie pourrait un jour devenir une étape importante dans la scène Dungeon Synth. Mais, laisse-moi plonger un peu plus dans mon passé…

Mon premier groupe s’appelait ‘Beyond The Forests’, composé de deux membres féminins, à savoir Natasha ‘Saturnalia’, qui était aussi ma meilleure amie, et moi-même. Nous jouions toutes les deux du clavier et je me faisais appeler ‘Iris’. Notre objectif initial était de créer du Black Metal, mais comme nous étions toutes les deux claviéristes, nous avons décidé de créer une musique qui pourrait servir d’intros, de breaks instrumentaux ou d’outros sur des albums. À cette époque, en Grèce, le terme ‘Dark Dungeon Music’ était pratiquement inconnu, nous avons donc simplement décrit notre son comme du ‘Black Metal sans guitare’, pour transmettre et définir notre vision.

Malheureusement, en raison de contraintes financières, nous n’avons jamais eu la chance d’enregistrer dans un studio de manière professionnelle. Nous étions étudiantes et les coûts dépassaient ce que nos familles pouvaient se permettre. Alors, on répétait chez moi, capturant nos sessions sur cassette. Nous avons réussi à faire deux séances photo pour ‘Beyond The Forests’, qui nous ont fait devenir le premier groupe de Dark Dungeon Synth, entièrement féminin, de Grèce. Je ne peux pas dire si nous étions les premières au monde, car ma connaissance des débuts de la scène reste assez floue.

Finalement, nous nous sommes séparées pour poursuivre des chemins musicaux différents dans le Black Metal. Natasha a rejoint ‘Kawir’ en tant que claviériste, et je suis devenue celle de la formation initiale d’’Astarte’ (alors connu sous le nom de ‘Lloth’), le premier groupe de Black Metal entièrement féminin de Grèce et j’ai contribué à leur toute première démo.

De là, j’ai rejoint ‘Nocteriny’ et j’ai ensuite retrouvé Natasha dans le groupe ‘Acherontas’, où nous avons toutes les deux joué jusqu’en 1999/2000. Malgré de multiples tentatives pour m’établir sur cette scène, j’ai fait face à trop d’obstacles. Alors en 2003, j’ai décidé de prendre le contrôle en créant un groupe que je pourrais gérer seule. Cette décision a conduit à la naissance de ‘Hildr Valkyrie’, faisant de moi le premier groupe composé d’une femme seule en Grèce.

En tant que ‘Hildr Valkyrie’, j’ai sorti trois albums : une démo et deux albums complets, tous écrits et composés par moi-même. J’ai eu le privilège de collaborer avec des amis qui m’ont rejoint comme guitaristes de session : ‘Alboin’ d’Allemagne et Aled Pashley du Pays de Galles sur le premier album « To Walhall Shall Meet », et Jan ‘Two Thousand Arrows’ d’Italie sur le deuxième « Revealing The Heathen Sun », où il a joué de la guitare et de la basse et m’a aidé à reprogrammer la batterie.

Avec ‘Hildr Valkyrie’, j’ai également eu l’honneur de contribuer à deux hommages à mes groupes préférés : « A Homage to Falkenbach », où j’ai repris « The Heralder », et « In The Darkness Bind Them » (un hommage à Summoning), pour lequel j’ai enregistré « Farewell ».

Au-delà de mes sorties personnelles, j’ai eu la chance de travailler sur de nombreuses collaborations avec des artistes et des groupes remarquables, dont Uruk Hai d’Autriche, Morgan the Bard d’Italie, Folkearth et Folkodia – les collectifs pionniers du Folk Metal -, Voluspaa de Norvège, Eliwagar (originaire de France, aujourd’hui en Norvège), Elffor du Pays Basque, Helrunar d’Allemagne et Emyn Muil d’Italie. L’une de mes dernières collaborations a été avec le talentueux Andrea d’Arcana Liturgia en Italie. J’ai également participé au travail de groupes grecs dont Meneapneontes, Kawir, Kaveiros, Athlos, Sacred Blood, Celtefog et d’autres.

En 2017, je me suis associé à George Golegos pour créer ‘Solis in Antris’, un groupe de Black Metal extrême. Dans ce projet, je fournis tous les chants et les claviers, tandis que George s’occupe des guitares, de la basse et de la programmation de la batterie. Nous avons sorti un album complet intitulé « The Forlorn Warrior », pour lequel j’ai écrit les paroles autour d’un même concept.

Et cela nous amène à MØRKE OG LYS, un projet solo de Dungeon Synth que j’ai lancé en 2022. Ce projet explore le Dungeon Synth avec des touches de Black Metal Atmosphérique, et compte trois sorties jusqu’à présent et toutes sur cassette, via les légendaires Dark Age Productions. J’ai également eu l’honneur de me produire en live pour la toute première fois en tant qu’artiste solo au ‘Dark Dungeon Festival II’, une expérience que je n’oublierai jamais. Ainsi, depuis mes débuts en 1995-1996 jusqu’à aujourd’hui, j’apparais sur plus de 70 sorties à divers titres. Voilà, c’était ma meilleure tentative d’un court résumé! (Sourires)

– Tu étais donc déjà présente à la fin des années 90 et tu t’es essayée ensuite à de nombreux styles comme le Viking, l’Ambient, le Black Metal, le Folk Black pour revenir au Dungeon Synth. Est-ce qu’avec le recul, tous ces passages musicaux ont été nécessaires pour élaborer et trouver ton style, qui nous mène aujourd’hui à MØRKE OG LYS ?

En un sens, j’ai bouclé la boucle ! J’ai commencé avec le Dungeon Synth, je me suis lancée dans le Black Metal, j’ai exploré les influences Viking et Folk, je suis revenu au Black Metal et j’ai finalement retrouvé le Dungeon Synth. Chaque genre a ajouté des influences uniques à mon style personnel, mais ce n’était pas une question de nécessité. Pour moi, c’était une progression naturelle, un mouvement circulaire qui reflète l’évolution de ma passion pour la musique au fil des années. En tant qu’artiste, j’ai du mal à rester ancrée dans un seul genre. Je suis guidée par le ressenti et l’inspiration, où qu’ils me mènent.

– Tu es d’ailleurs très prolifique avec cette nouvelle formation, dont tu viens de sortir le troisième album, « The Hollow Shadows », après « Lethal Sphere » (2022) et « Orcus Animus » (2023). Un album par an est un rythme de création soutenu. A moins que tu l’aies conçu comme une trilogie, parce qu’ils présentent tous les trois une même cohérence et une grande homogénéité ?

Pour la scène Dungeon Synth, je pense qu’une sortie par an est tout à fait acceptable ! (Sourires) Certains artistes font deux ou trois albums dans l’année dans le cadre d’un même projet, ou partagent leur inspiration dans différents projets, les canalisant ainsi à travers des paysages sonores et des histoires variés. Dans le monde de Dungeon Synth, sortir un album par an semble être un rythme naturel, car cela offre suffisamment de temps pour permettre à chaque production de respirer, tout en maintenant un flux constant de créativité.

On pourrait, en effet, considérer ces trois sorties comme une trilogie. Chaque album ajoutant un nouveau chapitre à une histoire globale. Pourtant, le voyage ne s’arrête pas là. Un quatrième album est déjà en train de remuer dans les profondeurs. Il reste encore tant de couches de magie à déterrer, tant de sorts cachés et de rituels anciens à révéler. Au cœur de tout cela se trouvent les histoires de sorcières, que j’insère dans la musique et que j’incarne dans le personnage de ma propre sorcière, une figure mystérieuse, dont le nom est enveloppé de secret et ne sera jamais prononcé. C’est la voix qui guide MØRKE OG LYS, emmenant les auditeurs à travers des paysages hantés et des royaumes obscurs.

– MØRKE OG LYS est donc un one-woman-band, l’un des rares dans le style. Le projet est si personnel que tu ne pouvais le partager et même le mener à bien en groupe ? D’ailleurs, tu gères l’ensemble seule, en dehors de quelques paroles signées Felf Dragon et Shadowkeeper. De la composition au mix, en passant par le mastering, tu es de toutes les étapes. C’est important pour toi de contrôler le projet à tous les niveaux ?

Comme je te le disais, je voulais créer quelque chose de sérieux et de durable. Et entreprendre ce voyage en solo semblait être le seul moyen de vraiment concrétiser cette vision. Oui, je gère tout moi-même, même si je suis autodidacte. En essayant beaucoup de choses, j’apprends aussi de mes erreurs. Même si je n’atteins pas toujours les standards professionnels que j’envisage, je suis incroyablement fière de ce que j’ai accompli. Je compose la musique, gère le mixage et le mastering et je produis même mes propres vidéos, avec l’aide précieuse d’amis. J’ai conçu le logo moi-même et j’ai même fabriqué des accessoires faits main pour ma tenue de scène.

Ce n’est pas par nécessité que je m’occupe de chaque détail, c’est plutôt un besoin personnel. Idéalement, j’aimerais travailler avec des professionnels, mais je n’ai tout simplement pas les moyens financiers pour le faire. Vivre et travailler en Grèce présente ses propres défis, ce qui rend difficile de supporter de tels coûts seule.

Pour les paroles, je reçois de l’aide, car même ma créativité a des limites. Un seul cerveau ne peut pas tout faire ! Je suis incroyablement reconnaissante d’avoir à mes côtés Felf Dragon (qui m’a également aidé pour le spectacle en direct que j’ai donné au ‘Dark Dungeon Festival’) et Shadowkeeper. Nous commençons par discuter du concept de chaque chanson, je leur fournis un cadre, puis je laisse faire leur magie. Je peux ensuite adapter les paroles pour qu’elles correspondent à la chanson selon les besoins.

– Le Dungeon Synth est un style très immersif et étonnamment très narratif, même s’il est essentiellement instrumental. Avec MØRKE OG LYS, tu poses aussi des voix, en elfique et en anglais, et quelques guitares Black assez discrètes. Le style est fait d’univers multiples et variés. Quel est le tien ? Comment le décrirais-tu et quelles histoires racontes-tu ?

Oui, le Dungeon Synth est généralement instrumental, avec parfois des narrations, mais la créativité n’a pas de limites ! Le Dungeon Synth ‘flirte’ naturellement avec le Black Metal, et en tant que fan dévouée, dont l’instrument principal est le clavier, il semblait tout à fait approprié de créer un projet Dungeon Synth avec des éléments de Black Metal Atmosphérique tissés partout.

Thématiquement, les paroles tournent autour des ingrédients mystérieux qu’une sorcière pourrait utiliser dans ses potions. Le premier album était consacré aux plantes vénéneuses, le deuxième aux champignons toxiques et le troisième explore une combinaison unique de ces éléments. De plus, les deuxième et troisième albums commencent à raconter les aventures de la sorcière de MØRKE OG LYS. Certaines de ces histoires sont purement issues de mon imagination, tandis que d’autres sont inspirées des riches traditions du folklore européen, profondément imprégné de mysticisme et de surnaturel.

–  Ce qui est également fascinant sur « The Hollow Shadows », c’est cette richesse musicale, car les morceaux fourmillent de détails et d’arrangements. Comment crées-tu les sons que tu utilises ? Tu échantillonnes beaucoup, car c’est surprenant de voir à quel point tes morceaux ont un côté organique, alors qu’ils sont pour l’essentiel électroniques ? 

Lorsque j’utilisais un clavier traditionnel, je créais mes propres sons selon mes goûts. Maintenant, avec le nouvel équipement qui est un midi avec VSTI, j’utilise simplement des sons soigneusement sélectionnés, afin qu’ils puissent ‘raconter’ ce que j’ai en tête ! Je ne force pas le processus. Il coule naturellement depuis des années. Je trouve qu’il est presque impossible de m’en tenir à une seule mélodie simple. Alors, je m’appuie sur la structure principale, en superposant des textures et des arrangements jusqu’à ce que la chanson me donne la chair de poule. C’est à ce moment-là que je sais qu’elle est complète. Si elle n’évoque pas cette réaction, alors je sais qu’il manque encore quelque chose. Pour moi, chaque morceau doit être un voyage immersif aussi riche que profond.

– Le chant est assez spécial lui aussi avec des moments chantés, parlés, screamés et parfois même chuchotés offrant ainsi une grande diversité. Cela vient de l’interprétation des personnages interprétés, car ta palette vocale est très large ?

En ce qui concerne le chant, je me laisse guider par les émotions et l’atmosphère de chaque morceau. Mon approche consiste à donner vie aux paroles par des voix parlées, criées et même chuchotées, créant ainsi un paysage sonore diversifié qui amplifie l’ambiance de la chanson. Cette variété vocale ne découle pas nécessairement du travail sur les personnages. Il s’agit plutôt d’exprimer l’essence des paroles et d’améliorer la qualité immersive de chaque morceau.

Actuellement, la narration se concentre sur un seul personnage : celui de la sorcière de MØRKE OG LYS. Sa voix à elle seule contient toute la gamme d’émotions nécessaires pour raconter ces histoires, de ses incantations chuchotées à ses cris féroces qui résonnent dans les ombres. Cette approche permet de garder un récit simple, mais puissant. Cependant, il se peut que j’introduise d’autres personnages à l’avenir. La direction de ce projet est organique et je veux le laisser évoluer naturellement. Pour l’instant, je suis complètement immergée dans la voix de la sorcière, mais je reste ouverte à la suite de l’histoire.

– « The Hollow Shadows » est très hypnotique et on plonge malgré nous dans ton univers, tant il est mélodique et fluide. Est-ce qu’au moment de commencer l’écriture et la composition, tu penses à l’album dans son entier, de manière conceptuelle ?

En vérité, j’essaie de ne penser à rien du tout, lorsque je commence à écrire et à composer. Mon objectif est de me vider l’esprit complètement, de me libérer de toute idée ou de tout plan préconçu. Lorsque je m’assois derrière mes claviers, je ferme les yeux et je me laisse aller à la mélodie, me perdant dans chaque note et laissant la musique prendre forme naturellement. C’est un processus très instinctif, presque comme entrer en transe.

Cette approche est peut-être mon ‘petit secret’, si je puis dire, car elle garde mes compositions fluides et organiques. Plutôt que de façonner consciemment un concept, je laisse la musique elle-même dicter la direction, laissant les émotions et les atmosphères me guider. Ce n’est qu’après avoir terminé plusieurs morceaux que je commence à voir émerger un thème, et c’est là que l’identité de l’album se révèle.

– On te sait inspirée du monde de JRR Tolkien et cela renvoie, pour beaucoup de monde, aux livres bien sûr, mais aussi aux films et aux séries. Est-ce que tu as déjà imaginé et composé ta musique avec une approche de musique de films, par exemple ? On en revient encore à ce côté narratif…

Je ne pense pas qu’il y ait un seul d’entre nous qui ne soit pas au moins un peu inspiré par le monde de Tolkien ! Son travail résonne à un niveau très profond, non seulement pour ses histoires, mais aussi pour la vaste mythologie qu’il a créée. Cependant, si le monde de Tolkien m’influence, je m’inspire aussi beaucoup des riches traditions de l’Europe, qui sont remplies de leurs propres légendes et éléments mystiques.

En ce qui concerne une approche de musique de film, je dois dire que si je prétendais composer avec cette intention, ce serait un peu un mensonge ! Je ne suis pas naturellement enclin à penser en termes de bandes sonores ou à envisager ma musique comme cinématographique. Je me concentre davantage sur une création qui capture un moment, un sentiment, ou un lieu mystique dans mon imagination. Si on m’invitait un jour à composer pour un film, je relèverai le défi sans réserve et j’adapterai mon travail en conséquence. Mais de mon côté, je n’ai jamais entrepris de le faire.

– D’ailleurs, pour composer du Dungeon Synth, qui est une musique assez contemplative, faut-il être (ou se mettre) dans un état d’esprit particulier à savoir calme, voire méditatif, ou au contraire rester en alerte en fonction des textes, par exemple ?

C’est une excellente question et elle rejoint ce que je disais juste avant ! En fait, mon approche consiste à vider mon esprit de toutes pensées, me permettant de m’immerger complètement dans le monde des mélodies. Je ne me prépare pas consciemment, ni n’entre dans un état méditatif. Au lieu de cela, je me contente de tout libérer mentalement pour laisser la musique couler naturellement. Les paroles viennent toujours après, une fois que la musique a pris forme.

Je n’ai pas le luxe d’un rituel ou d’une préparation particulière. La plupart du temps, je compose après une longue journée de travail de 12 heures. Et parfois, l’inspiration me vient au milieu de la nuit. Alors, je me réveille avec une mélodie en tête et je me précipite sur mon clavier pour la capturer avant qu’elle ne s’estompe.

– J’ai eu la chance de te voir sur scène à la deuxième édition du ‘Dark Dungeon Festival’ dans le magnifique château d’Avouerie à Anthisnes, près de Liège en Belgique. Outre ta musique, qui est très prenante et captivante, il y a également une réelle mise en scène du spectacle, une sorte de cérémonial. Quelles sont les significations de cet espèce de rituel, car c’était très ‘Black’ ?

C’est exactement l’atmosphère que je souhaitais créer : une cérémonie qui transmettrait l’essence-même de la sorcière. Je voulais que la performance ressemble à un rituel sombre, quelque chose qui attirerait le public dans son monde, à la fois visuellement et musicalement. Le spectacle a commencé avec la « Ghost Dance », où je tenais une lame cérémonielle, préparant le terrain pour la descente de la sorcière dans les ombres. C’était une façon d’exprimer la nature obsédante et surnaturelle du personnage, une figure qui existe entre les royaumes.

Tout au long de la performance, j’ai cherché à incarner les images et les symboles qui m’étaient venus pendant la composition, en leur donnant vie sur scène. Chaque chanson reflétait différents aspects de son voyage, que ce soit par des incantations chuchotées, des voix féroces ou l’utilisation symbolique d’accessoires.

La danse cérémonielle finale s’inspire des rituels de la Grèce antique, symbolisant le voyage de l’âme à travers le monde souterrain, un passage dans les profondeurs où les ombres et les esprits s’entremêlent. C’est un hommage aux origines mystiques et anciennes de la sorcière, ainsi qu’aux rituels intemporels qui nous lient à nos ancêtres. Pour moi, ce n’est pas seulement une performance, c’est une forme puissante de narration qui capture l’esprit de MØRKE OG LYS.

– Comme on me l’avait fait remarquer, le Dungeon Synth nécessite une solide culture musicale, qui s’étend aussi à la littérature fantasy et aux jeux vidéo ce qui en fait, de fait, un style de niche. Il y a un côté très élitiste finalement. Quels sont, pour toi, les éléments essentiels à maîtriser avant de se mettre à composer, car il semble y avoir beaucoup de codes ?

C’est vrai que le Dungeon Synth, en tant que genre, s’inspire souvent d’un large éventail d’influences telles que la littérature fantastique, les jeux vidéo et même les films. De nombreux artistes et fans de Dungeon Synth ont une profonde passion pour ces univers, car ils contribuent à cultiver les paysages vivants et immersifs que la musique elle-même s’efforce d’évoquer. Il y a, il faut l’admettre, un certain ‘élitisme’ dans le Dungeon Synth. Pour apprécier, comprendre pleinement ou créer dans ce genre, il faut être imprégné de ces royaumes fantastiques et d’une certaine profondeur de l’histoire musicale.

Cependant, mon approche personnelle est un peu différente. En raison d’un manque de temps, je ne peux pas m’immerger autant que je le voudrais dans les médias ou les jeux fantastiques. Au lieu de cela, je m’inspire des mythes, de l’Histoire et des traditions auxquels je me sens étroitement liée, en particulier du folklore et de la mythologie européens.

– Tes albums sortent en numérique sur Bandcamp et aussi en format cassette chez Dark Age Productions, un label spécialisé américain, et en assez peu d’exemplaires. C’est un vrai parti-pris que le style reste si confidentiel et très underground ?

Je suis extrêmement reconnaissant à Bard Algol et à Dark Age Productions d’avoir cru en ma vision et d’avoir soutenu MØRKE OG LYS dès le début en publiant mes albums sur cassette. Travailler avec un label si profondément ancré dans la scène underground est un véritable honneur, car ils comprennent l’essence et l’esprit du Dungeon Synth à un niveau profond.

Le format cassette, en particulier, a une signification particulière dans ce genre. Il préserve cette qualité brute et intime essentielle à l’atmosphère de la musique, et il reflète également la nature underground et de niche du Dungeon Synth. Les éditions limitées de cassettes donnent l’impression d’être des artefacts uniques, personnels, à collectionner et conçus pour ceux qui se connectent véritablement à cette musique. En ce sens, elles deviennent plus que de simples enregistrements ; ce sont des reliques de l’esprit du genre.

Cela dit, je suis tout à fait ouverte à l’exploration d’autres formats s’il y a de l’intérêt. En fait, ce serait un rêve de voir ma musique pressée sur vinyle un jour. La sortie d’un LP est une étape que je n’ai pas encore franchie dans ma carrière, et je pense que cela apporterait une nouvelle profondeur et une intemporalité à MØRKE OG LYS !

– Enfin, la question qui se pose, puisque tu produis beaucoup de musique : est-ce que tu travailles déjà sur un prochain album et y a-t-il des projets de concerts également ?

Oui ! Je travaille actuellement sur mon prochain album, j’ai toujours envie de créer ! Même si je n’ai reçu aucune nouvelle offre de collaboration avec un groupe, j’ai une proposition de sortie séparée qui m’enthousiasme vraiment. C’est toujours inspirant de s’associer à d’autres artistes qui partagent une vision similaire. Alors, j’ai hâte de voir où cette collaboration me mènera.

Dernièrement, j’ai aussi revisité certaines de mes chansons préférées, ce qui a ravivé ma ‘fièvre des reprises’ ! J’en ai récemment publié trois sur la page Bandcamp de MØRKE OG LYS. La première est « Long Lost To Where No Pathway Goes » de Summoning, que j’ai également interprétée en live au ‘Dark Dungeon Festival II’. La deuxième est « The Prologue » d’Evol, et la troisième « Son Of The Shades » d’Elffor. Les trois morceaux sont disponibles en téléchargement gratuit sur la page Bandcamp pour tous ceux qui souhaitent les écouter !

Les trois albums de MØRKE OG LYS sont disponibles chez Dark Age Productions et sur le Bandcamp de l’artiste : https://morkeoglys.bandcamp.com/

Retrouvez l’article consacré au ‘Dark Dungeon Festival II’ :

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France Hard 70's Rock 70's Rock Progressif

Moundrag : dragon’s flight [Interview]

MOUNDRAG, c’est l’histoire de deux frangins, Camille et Colin Gœllaën-Duvivier, biberonnés au Rock Progressif et psychédélique depuis leur plus tendre enfance. Originaire de Paimpol en Bretagne, le duo détonne et étonne grâce à un line-up surprenant, puisqu’ici point de guitare, ni de basse : juste (beaucoup !) des claviers et une frénétique batterie. A eux d’eux, ils viennent de sortir leur premier album, « Hic Sunt Moundrages », savante concoction de Hard Prog/Heavy Psych dans un  univers de science-fiction 70’s ancré dans une réalité très actuelle. Camille (claviers) nous en dit un peu plus sur ce groupe hors du commun et du temps…

Photo : Théo Gosselin

– MOUNDRAG a commencé à faire parler de lui il y a trois ans avec un premier EP éponyme. Depuis, les choses se sont accélérées. C’était déjà ce que vous imaginez en 2018 en créant le groupe ?

Eh bien non, pas vraiment ! En créant MOUNDRAG, nous avions comme objectif premier de faire les premières parties des groupes en tournée en Bretagne, afin de démontrer aux groupes et au public qu’il n’y a pas besoin de guitare pour faire du Rock’n’Roll ! Mais les choses se sont bousculées après qu’on est joué au Trans Musicales de Rennes en 2019. Depuis, on joue partout en France et en Europe… et on ne joue plus en premier !

– Comme de plus en plus de groupes, vous évoluez en duo, qui est d’ailleurs aussi une fratrie. Justement, est-ce que cela vous a aidé dans le sens où vous avez sûrement été bercés par la même musique ? Finalement, les repères étaient déjà là

Exactement, on a commencé à jouer ensemble très tôt (Playmobil, Lego…) et vers mes 13 ans, notre oncle irlandais nous a offert le CD de Deep Purple « Made in Japan », et ça a été un choc ! On est passé des Playmobil du grenier au studio de répétition dans la cave. De plus, nos parents sont musiciens, on a depuis tout petit été bercé par la musique et le rythme des tournées et des enregistrements, car on les accompagnait beaucoup.

Photo : Jean-Adrien Morandeau

– MOUNDRAG évolue dans un registre très marqué par les 70’s avec, forcément, de l’orgue en cascade et des morceaux progressifs. Cette évasion sonore et musicale que vous proposez, vous ne la retrouviez pas dans la musique d’aujourd’hui ? Ou plus simplement, c’est son intemporalité qui la rend toujours très actuelle, qui vous a séduit ?

Il est vrai que le Rock 70’s n’est pas du tout diffusé par les médias mainstream… Mais pour nous, ce style de musique et les messages des chansons sont toujours d’actualité ! Les problèmes sociaux, religieux ou encore environnementaux sont toujours présents. Le Rock Progressif et psychédélique est notre moyen de dénoncer et de parler des sujets qui nous angoissent… Et franchement, le Rock des années 70, c’est pas le kiff absolu ?

– « Hic Sunt Moundrages », votre premier album, vient tout juste de sortir et il est d’une incroyable fraîcheur et surtout il bénéficie d’une production très live et spontanée. Dans quelles conditions l’avez-vous enregistré, car il est le reflet parfait de vos concerts ?

Merci beaucoup ! Il a été enregistré en février 2021 dans les studios ZF Prod à côté de Rennes. Nous étions en osmose, perdus dans la campagne et sous la neige pendant dix jours ! Nous avons enregistré les parties rythmiques (basse, batterie, orgue) en live. Nous avons ensuite fait les overdubs des voix et des autres instruments (piano, percussions, mellotron, Moog…). Nous avons fait le choix de ‘surproduire’ ce premier album, car nous aimons différencier le live du studio. Maintenant le challenge, c’est de réarranger les morceaux studio pour le live.

– En vous écoutant, on pense à beaucoup de groupes, mais il dégage de MOUNDRAG beaucoup d’originalité et un souffle que l’on ne retrouve pas souvent dans la musique des 70’s. Votre intention est-elle de ‘dépoussiérer’ un peu un registre, qui peut paraître lointain pour certains ?

Nous aimerions que plus de personnes, et notamment des jeunes, écoutent ce style de musique, c’est pour cela qu’on essaye de rendre le Rock 70’s plus ‘actuel’ avec les codes de la musique d’aujourd’hui. Cela se traduit par une structure musicale, des refrains, des sonorités (parfois) plus actuelles, tout en gardant une énergie et une esthétique 70’s. Nous adorons jouer aux archéologues de la musique. D’ailleurs, « Hic Sunt Moundrages » est rempli de références et d’hommages aux groupes qu’on adore, tout en gardant notre patte de jeunes de 2022.

Photo : Jean-Adrien Morandeau

– Une autre de vos particularités est que vous chantez tous les deux. Comment cela se passe-t-il ? Chacun chante ce qu’il écrit, ou est-ce que vous adaptez vos voix et vos textes aux morceaux ?

Nous avons commencé à chanter sérieusement avec la création de MOUNDRAG, et donc chanter ensemble était la meilleure chose à faire. En unissant nos deux voix, on a réussi à trouver des harmonies comme celles des groupes Folk et Prog des seventies que nous aimons tant. En général, il n’y a pas de règles sur qui chante le lead et qui écrit les textes. On partage nos voix aussi en fonction de ce qui nous rend à l’aise à chanter et surtout pour ne pas laisser l’autre dans la difficulté.

– MOUNDRAG est empreint d’une forte communion entre votre musique et un aspect visuel très présent. Et au-delà des histoires de dragons (que j’adore !), vous abordez aussi des problèmes actuels très forts où se croisent religion et diverses cultures. Iriez-vous jusqu’à dire que vous avez un message à livrer à travers votre musique ?

L’univers musical étant bien particulier, il faut que l’univers visuel le soit aussi. Donc, c’est à travers des paysages de science-fiction que nous trouvons l’inspiration des thèmes de nos chansons. Les thèmes de sciences fictions sont en général plutôt pessimistes vis-à-vis de l’évolution des sociétés, et c’est en imaginant le futur sur notre terre à partir de ce que nous vivons actuellement que nous ne voyons que des problèmes pour les années à venir. Nous sommes très inquiets du chemin que nos politiciens, nos cultures et les religions nous font prendre… Et la musique progressive est parfaite pour mettre en abîme ces sujets pas faciles à exploiter dans le Rock’n’Roll.

– Parlons de l’album, qui est finalement assez court, puisqu’il contient cinq titres. Parmi eux, il y a « La Poule » et ses 20 minutes. Le morceau est incroyable en rebondissements et passe par de nombreuses émotions. Même s’il laisse apparaître un esprit très jam, il est très écrit avec des chapitres bien distincts. Comment ce morceau emblématique de votre répertoire a-t-il vu le jour, et est-ce que l’envie de composer un titre aussi long était présente dès le début, comme une sorte de challenge ?

Avant même de commencer MOUNDRAG, nous avions déjà la première partie de « La Poule » et il était déjà question d’en faire un morceau de 20 minutes, c’était notre rêve ! C’est comme ça que nous l’avons créé, parties par parties, comme pour bâtir un édifice pierre par pierre. Et cela prend du temps, en tout cas, ça nous a mis du temps à composer. Souvent les choses venaient très facilement et parfois c’était totalement l’inverse… Il nous est arrivé de buter sur un passage, ne plus savoir quoi faire après, ou comment faire la transition d’une partie à une autre. Il y a eu même des moments de questionnement sur le concept-même de composer ce titre, d’aller au bout. Finalement, on s’est retrouvé en studio avec tout en tête et tous les arrangements prévus. On l’a enregistré sans se poser toutes ces questions et c’est comme ça qu’est né « La Poule ».

– J’aimerais enfin qu’on dise aussi un mot sur Komodrag & the Mounodor, qui est la fusion entre MOUNDRAG et le groupe finistérien Komodor. Sur scène, il y a une réelle osmose entre vous à tel point qu’on a l’impression que vous vous connaissez depuis toujours. Est-ce qu’on pourrait imaginer la sortie d’un album ? D’ailleurs, est-ce que vous en avez déjà parlé entre vous ?

Les premières dix minutes de notre rencontre avec les Komodor en 2019 nous ont paru comme si c’était dix ans. Les relations humaines sont la base de toutes créations musicales et quand il y a l’étincelle entre différentes personnes, il faut foncer car on ne sait pas quel brasier va naître de cette étincelle. Les Komodor et nous, c’est puissant et sur scène c’est l’extase ! Et en studio, il ne vaut mieux pas imaginer… Bien sûr, il va y avoir un album qui sortira ! On attend juste tous ensemble que « Hic Sunt Moundrages »fasse un peu de route, mais on sent qu’on n’aura même pas le temps de souffler un peu entre les deux albums !

L’album de MOUNDRAG, « Hic Sunt Moundrages », est disponible chez Dionysiac Records/Modulor.