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Patrick Rondat : back to the light [Interview]

Considéré à juste titre comme le premier guitar-hero français, PATRICK RONDAT nous aura fait patienter plus de 20 ans pour livrer « Escape From Shadows ». Et comme toujours avec lui, l’attente en valait vraiment la peine. Si l’on retrouve immédiatement son toucher, son phrasé et sa technique implacable, l’ensemble sonne nettement plus organique que ce qu’il a pu produire par le passé. Ce sixième album est très instinctif, fait de flâneries musicales et de belles attaques musclées et toujours aussi progressives. Entouré d’amis, le virtuose nous fait même la surprise d’un morceau chanté, une première pour lui sur un disque solo. Entretien avec un musicien, dont l’univers musical n’a pas fini de nous surprendre.

– On te sait très occupé entre différents projets que tu as mené ces dernières années, à savoir les masterclass, les cours et les concerts. Pourtant, de ce que j’ai pu lire, tu travailles sur ce nouveau disque depuis 2018. Est-ce que chacun de tes albums a besoin de mûrir plus ou moins longtemps ? Est-ce qu’une immersion totale t’est nécessaire ?

C’est pire que ça ! J’ai toujours besoin d’un peu de temps pour être convaincu de ce que je fais, que je puisse écouter les morceaux six mois ou un an après et me dire que ça tient la route. C’est la première chose et ensuite, j’ai traversé des périodes difficiles dans ma vie avec le décès de ma femme, puis j’ai commencé à enregistrer le premier morceau, « From Nowhere », en 2010. J’ai poursuivi jusqu’en 2013 en maquettant deux/trois titres. Après, j’avais la tête ailleurs avec des moments de doute et j’ai recommencé à m’y mettre de manière assez ponctuelle sur un laps de temps assez long, finalement. En fait, je n’ai pas bossé longtemps dessus, mais il y a eu des périodes de vide de cinq/six ans. C’est ce qui explique la durée entre l’album précédent et celui-ci.

– Si on considère « An Ephemeral World » comme ton véritable dernier album en solo, il date déjà de 2004, soit plus de 20 ans. En dehors de tes nombreuses collaborations, tes réalisations instrumentales semblent les plus personnelles. Tu as besoin de décrocher de cet univers pour mieux y revenir ?

Oui, et ce dont j’ai aussi besoin, c’est de prendre le temps parce que, si tu prends mes albums et même s’il y a une ligne commune, il y a aussi une identité propre à chacun. Cela se ressent dans le son, dans le compos et, même si on retrouve des choses, je ne pense pas qu’on puisse confondre les disques entre eux. Ils sont tous différents et pour celui-là, c’est pareil. J’ai voulu une empreinte sonore et des morceaux différents et pour faire ça, il faut du temps. Quand tu démarres avec tes premiers albums, tu as bossé plein de choses, tu as plein d’idées nouvelles, etc… Mais quand tu en as déjà fait trois ou quatre, tu as déjà utilisé pas mal de cartouches. Pour te renouveler et trouver de nouvelles choses, c’est une sorte de quête. Sinon, tu enchaînes les disques et tu fais toujours les mêmes. Et je n’ai pas envie de ça. Après, ce n’est pas une critique, beaucoup le font, mais je veux que chaque album ait une réelle identité. Et pour ça, j’ai besoin de temps pour trouver des pistes, avoir une vision de ce que je veux faire au niveau du son, des compos et de mon jeu aussi. Sur ce nouvel album, mes solos sont assez différents, il y a des choses que je ne faisais pas non plus auparavant. Il me faut de plus en plus de temps pour me renouveler, mais j’espère que je ne mettrai pas 20 ans pour le prochain ! (Sourires)

– « Escape From Shadows » est donc ton sixième album, et je lui trouve une tonalité et une production beaucoup plus organiques. Il y a une grande proximité à son écoute. Est-ce que cela a aussi été une volonté dès le départ ?

Totalement ! J’ai voulu aller à contrepied de ce que qui se fait. Aujourd’hui, beaucoup de groupes de Metal sont dans le tout numérique avec des amplis numériques, des guitares à huit cordes, les batteries super-éditées presque mécaniques, … On a voulu aller vers une batterie qui sonne plus acoustique et de mon côté, j’ai juste une tête d’ampli, un Blackstar à lampe, un baffle et un jack. Je n’ai même pas de pédales. La guitare est dans l’ampli et on a juste rajouter quelques effets au mix. Globalement, l’ensemble est très organique. Aux claviers, Manu (Martin – NDR) a utilisé un B3 Hammond enregistré à l’ancienne avec un micro. Je ne voulais non plus faire un truc qui sonne 70’s et qui soit daté. Mais en même temps, je voulais que ça fasse groupe et organique, parce que je pense que c’est ce qui vieillit le mieux et qu’il ne soit pas lié à une mode, non plus. Je ne voulais pas faire un album qui s’écoute deux ans, mais quelque chose qui dure dans le temps. Et plus c’est naturel, plus ça vieillit bien. On a juste ré-ampé les guitares, ce qui m’a permis aussi de mieux me concentrer sur le son.

– On retrouve sur « Escape From Shadows » des amis musiciens de longue date comme  Patrice Guers à la basse, Dirk Bruinenberg à la batterie et Manu Martin aux claviers et même pour la première fois un titre chanté sur lequel on reviendra. Et puis, il y a la présence de la guitare de Pascal Vigné, qui pose d’ailleurs un solo sur le monumental « From Nowhere ». C’est assez rare qu’un guitariste, qui plus est joue en instrumental, laisse une petite place à un autre. Comment cela s’est-il mis en place ?

Pascal est un ami de longue date et on a aussi traversé des épreuves difficiles à quelques mois d’intervalle, ce qui nous a soudés. Nous nous sommes retrouvés seuls avec nos enfants, on a ensuite retrouvé quelqu’un tous les deux aussi. Après, j’ai eu une période où je ne voulais plus finir l’album et il m’a invité à venir chez lui enregistrer des grattes et cela m’a débloqué à un moment où l’album n’aurait peut-être pas été terminé sans lui. Et comme c’est un guitariste que j’adore, c’était un moyen de le remercier d’être allé au bout, ainsi que l’occasion de partager quelque chose ensemble. Et sur ce passage, je me suis dit qu’il pouvait poser un truc chouette, et c’est ce qu’il a fait. C’est un solo magnifique et comme il joue vraiment différemment de moi, cela donne quelque chose de vraiment cool. Je suis très content. C’est d’ailleurs le tout premier morceau que j’ai composé pour l’album et il date de 2010. Il est très naturel dans le sens où tu passes par plein d’ambiances et tout s’enchaine très bien. On suit un chemin…

– Et comme je le disais, pour la première fois sur l’un de tes albums, il y a un morceau chanté, « Now We’re Home », interprété par Gaëlle Buswel. Tout d’abord, c’est une rencontre qui peut surprendre compte tenu de vos univers musicaux très différents. C’est une sorte de challenge, ou quelque chose qui s’est fait naturellement entre vous deux ?

Ca fait plus de 15 ans que je connais Gaëlle, depuis 2010 environ. Je l’ai connu avant même qu’elle n’ait sorti d’album. Je l’ai aussi vu grandir musicalement, je l’avais déjà invité à jouer avec moi sur scène. C’est une belle personne, tolérante et vraiment cool. Et j’adore sa voix, elle a vraiment quelque chose. Lorsque j’ai composé le morceau, « Now We’re Home », il était totalement instrumental et je me suis dit que ça ne collait pas. Alors, soit je le virais, soit j’en faisais quelque chose d’autre. J’ai pensé à elle. Je lui ai envoyé le titre il y a longtemps, en 2015, je crois. Elle m’avait fait une voix témoin, qui m’avait convaincu. Il ne s’est rien passé pendant plus de 10 ans et je l’ai rappelé en lui disant que l’album allait sortir. On a parlé du texte, de ce que je voulais et elle l’a écrit. Et puis, j’aime bien aller là où ne m’attend pas. On s’attendait sûrement à un truc Prog Metal avec une voix à la Symphony X ! Et puis, j’aime sa voix Rock/Blues, qui amène vraiment quelque chose et qui, une fois encore, appelle au voyage que ce soit dans le texte comme dans la musique. D’ailleurs, le solo rappelle un peu « Amphibia ». Je ne voulais pas non plus d’un truc Pop décalé, mais que ça reste du PATRICK RONDAT avec une partie solo assez longue, instrumentale et planante.

– Connaissant ton affection aussi pour la musique classique et le Metal néo-classique initialisé par Yngwie Malmsteen notamment, on retrouve une reprise de « Prelude And Allegro » du violoniste autrichien Fritz Kreisler. C’est un morceau de 1910 et pas forcément très connu d’ailleurs, sauf des amateurs éclairés. Comment et pourquoi l’avoir choisi, sachant en plus qu’il le voyait comme un canular, dont il était assez coutumier ?

En fait, en 1993/94, je faisais une grosse tournée avec Jean-Michel Jarre et en plus de lui, il y avait trois claviers dont Sylvain Durand, qui est malheureusement décédé et qui était pianiste à l’Opéra de Paris. Il était donc musicien classique et il adorait mon jeu de guitare. Il m’avait dit qu’il me verrait bien jouer ce titre-là, que je ne connaissais pas. Je l’ai écouté et je me suis dit qu’en effet, il était chouette. J’avais commencé à le bosser, et même s’il paraît assez simple, il est compliqué à jouer. Je l’ai mis de côté avant de le reprendre en voulant vraiment me l’approprier et en le faisant vraiment sonner guitaristiquement. Tu me parlais de Malmsteen, mais dans ma musique, je suis aujourd’hui beaucoup moins néo-classique que ce que j’ai pu l’être. Ca m’intéresse, mais pas juste pour mettre un morceau classique par album, comme un tic. Celui-ci, je voulais simplement le reprendre et le faire sonner à ma manière.

– J’aimerais aussi qu’on dise un mot d« Amphibia », sorti en 1996, qui était un concept-album très prémonitoire, puisque l’écologie en était le thème principal. Quel regard y portes-tu aujourd’hui dans le monde dans lequel nous vivons et le considères-tu, comme moi, comme une sorte d’apogée musicale de ton style ?

Je ne sais pas. C’est vrai que c’était déjà quelque chose d’un peu écolo. Mais je trouve que l’écologie a tourné d’une manière un peu bizarre récemment. Il y a un côté culpabilisant et moralisateur lié à la taxe sur tout, sans s’attaquer vraiment aux réels problèmes. C’est plus une écologie dogmatique que réelle et je me suis un peu désolidarisé de tout ça. Même si je trouve que c’est un combat complètement légitime, je n’aime pas ce qu’il est devenu. Il y a trop d’hypocrisie et de trucs que je ne supporte pas. Maintenant, sur « Amphibia », c’est dur à dire, parce que les gens ont leur album préféré. Je ne peux pas nier le fait qu’il a été un album marquant, parce qu’il a été le tournant vers un aspect plus Prog avec des morceaux longs. Ca a été le début de quelque chose que l’on retrouve d’ailleurs sur le nouvel album avec plein d’ambiances et de thèmes différents. Cela a aussi été le point de départ d’une nouvelle façon de composer. C’est vrai que c’est un album marquant dont je suis très content, oui.

– Enfin, il y a quelques mois, tu as aussi pris la route avec Pat O’May et Fred Chapellier pour le ‘Guitar Night Project’. J’imagine que ce fut une belle expérience. Toi qui a participé au G3 de Satriani, l’idée était-elle de faire un G3 à la française ? Ca pourrait s’exporter !

C’est très différent. A l’époque quand j’ai fait le G3 avec Satriani, il n’y avait pas de groupe, mais juste une jam de deux/trois titres en fin de concert. Ici, on n’est pas du tout là-dedans, car c’est un seul concert. On fait trois morceaux à trois, puis à deux, après j’en fais un tout seul. Ensuite, j’invite Pat et Fred et après chacun joue seul, puis invite l’un d’entre-nous, etc… Sur les deux heures et demie, on est tout le temps ensemble avec différentes combinaisons et chacun joue sur les morceaux des autres. Ce n’est pas le même concept, la démarche est très différente. Je pense que c’est plus près de ce que Satriani va faire avec Steve Vai (le SATCHVAI Band – NDR). C’est vraiment un concert à trois, et non trois concerts et une jam. On a d’ailleurs plusieurs dates à venir, et notamment à partir de septembre et surtout en 2026. D’ici là, je vais aussi jouer mon nouvel album sur scène.

– Y a-t-il une chance qu’un album sorte dans les mois à venir ?

Pas en studio, mais il y a un Live qui est en cours. On a enregistré un concert et Pat est en train de bosser sur le mix. Et on aimerait le sortir en fin d’année, oui. C’est cool ! (Sourires)

Le nouvel album de PATRICK RONDAT, « Escape From Shadows », est disponible chez Verycords.

Photo ‘Guitar Night project’ : Mat Ninat Studio

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Heavy Stoner Psych post-Rock Stoner Prog

Ikitan : the breath of the earth

Après deux formats courts, les Transalpins passent enfin à la vitesse supérieure et après des années de travail durant lesquelles ils ont investi les Marsala Studios de leur ville de Gênes, voici « Shaping The Chaos ». Mêlant Heavy Stoner Psych et post-Rock progressif, IKITAN se fait très original et paraît avoir minutieusement assemblé ses nouvelles compos en prenant soin de chaque détail. Sur une production parfois rugueuse, mais lumineuse et organique, l’ensemble est fluide et très dynamique.

IKITAN

« Shaping The Chaos »

(Taxi Driver Records)

Découvert il y a cinq ans à l’occasion d’un EP audacieux, « Twenty-Twenty », constitué d’un seul titre de 20 minutes et 20 secondes, IKITAN avait ensuite récidivé l’année suivante avec « Darvaza y Brinicle », sorti en cassette à une poignée d’exemplaires. On retrouve d’ailleurs ces deux titres sur ce premier album que les Italiens travaillent depuis 2021. Ils y ont peaufiné leur Heavy Stoner Psych aux teintes post-Rock et progressives, et comme « Shaping The Chaos » est entièrement instrumental, il est franchement hypnotique.

Cette fois, le power trio propose près d’une heure de voyage sonore, où il nous offre sa vision d’évènements naturels ayant secoués la planète à des endroits bien spécifiques, neuf au total. Ainsi, ce concept commence avec « Chicxulud », qui fait office d’intro et livre le ressenti puissant et massif d’IKITAN sur le cratère de l’impact qui a tué les dinosaures. Deux minutes qui imposent « Shaping The Chaos » de belle manière. Et la suite nous mène dans la Vallée de la Mort, au Kenya, en Antarctique et même aux côté d’une baleine…

Toujours aussi progressif, variant les tempos et avec à un beau travail sur les tessitures, le groupe se montre particulièrement accrocheur. IKITAN monte en puissance au fil des morceaux, multipliant les riffs solides, les lignes de basse hyper-groovy et avec un batteur très aérien et parfois aussi assez Metal. D’atmosphères planantes en grondements sauvages, le combo fait preuve de beaucoup de créativité comme sur « Natron », pièce maîtresse du disque où s’invitent percussions et violon, ou encore le génial « 52Hz Whale ». Exaltant !

Retrouvez l’interview du groupe à la sortie de sa première production :

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Dungeon Synth

Beyond The Forests : natural resonances

Cela fait déjà trois décennies que Hildr Valkyrie porte son Dungeon Synth en solo et le nombre de projets qu’elle a initié, ou auxquels elle a participé, a même de quoi donner le vertige. Avec BEYOND THE FORESTS, elle renoue avec ses premiers amours pour cet univers qu’elle n’a plus quitté depuis. « Echoes Beneath The Ashen Trees » se veut sans doute plus contemplatif et lumineux que ce à quoi elle nous a habitué avec ses autres formations, notamment Mørke Og Lys qui se meut dans des atmosphères obscures et hantées. Une autre facette, donc, pour cette faiseuse de rêves, dont les claviers rayonnent ici encore.

BEYOND THE FORESTS

« Echoes Beneath The Ashen Trees »

(Independent)

L’artiste Erkyna, aka Hildr Valkyrie, semble avoir eu, et même vivre, plusieurs vies tant elle multiplie les projets qu’elle mène toujours seule pour l’essentiel. Cela lui vaut d’ailleurs d’être l’unique one-woman-band évoluant dans le Dungeon Synth, et surtout l’une des précurseuses du genre. Et avec la sortie de « Echoes Beneath The Ashen Trees », c’est une sorte de retour aux sources qu’elle effectue, puisque c’est en 1995 que BEYOND THE FORESTS a vu le jour aux côtés de la claviériste et amie ‘Saturnalia’. Une petite révolution artistique en Grèce à bien des égards à l’époque.

Essentiellement instrumental, on se laisse glisser au-delà de ces forêts aux contours magiques où nous invite l’artiste. Le cheminement se fait finalement au gré de l’interprétation que l’on se fait des titres des morceaux, car, eux aussi, contiennent leur lot de mystères et de secrets. Au fur et à mesure que l’on s’enfonce dans la musique de BEYOND THE FORESTS, c’est tout un univers qui s’offre à l’écoute, fait de synthétiseurs, de quelques percussions et de chœurs envoûtants. Et ainsi, comme toujours chez elle, Erkyna réussit à rendre l’ensemble très organique et charnelle.

Très palpable dans son rapport à la nature et cette proximité viscérale avec la Terre, la musique de BEYOND THE FORESTS a ce pouvoir d’immersion inhérent au Dungeon Synth, mais c’est cette pluralité dans les arrangements, les petits détails comme une cloche d’église, qui nous ramènent parfois à l’essentiel. Forcément aussi, la touche médiévale est omniprésente et nous transporte dans d’autres temps et d’autres lieux, faisant écho à une sorte d’onirisme et un rappel aussi aux fondations antiques du pays de la musicienne hellène. « Echoes Beneath The Ashen Trees » réveille les âmes.

L’album est disponible sur le Bandcamp de l’artiste :

https://morkeoglys.bandcamp.com/album/echoes-beneath-the-ashen-trees

Retrouvez son interview à la sortie du troisième album de son groupe MØRKE OG LYS :

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Desert Rock post-Rock Space Rock

Yawning Balch : vertigineux

La connexion s’est établie il y a deux ans maintenant et depuis, YAWNING BALCH repousse encore et toujours ses propres limites. Tous très prolifiques et très occupés, les membres de cette formation hors-norme présentent le « Volume Three » de leur aventure désertique, où l’improvisation reste le guide, même si les détails et les arrangements pourraient laisser penser le contraire. Nous sommes ici dans une telle maîtrise qu’il est difficile de savoir si l’invitation lancée à Bob Balch par Yawning Man tient franchement du hasard…

YAWNING BALCH

« Volume Three »

(Heavy Psych Sounds)

Presque deux ans après deux premiers volumes envoûtants, YAWNING BALCH livre enfin son « Volume Three ». Enregistré au printemps dernier au Gatos Trail Studio à Joshua Tree, en Californie, il clot (sauf surprise !) une trilogie assez incroyable, aussi épique que spatiale. Car il faut reconnaître que la communion entre les membres de Yawning Man et le guitariste Bob Balch (Fu Manchu, Big Scenic Nowhere) ne manque pas d’audace et encore moins d’inspiration. Cette rencontre entre deux univers, finalement pas si différents, s’ouvre sur un incroyable champ des possibles que le quatuor s’empresse d’explorer. C’est là tout le charme et la force de ces rencontres hallucinatoires, vagabondes et si réjouissantes.

Entre post-Rock et Desert Rock avec des touches de Space Rock, YAWNING BALCH est un groupe de jam, certes, mais l’élégance avec laquelle il évolue d’un même élan est assez phénoménale et inédite. Si la rythmique composée de Mario Lalli à la basse, qui joue aussi avec Fatso Jetson, et Bill Stinson derrière les fûts se connait par chœur et montre une complicité assez rare à ce niveau, ce sont bel et bien Bob Balch et Gary Arce (également à l’œuvre chez SoftSun) qui font vibrer l’ensemble autour de leur guitare avec un naturel et une fluidité totale. Sans pour autant se montrer rival, chacun prend le lead, tour à tour, avec politesse et beaucoup de respect. Leur entente rayonne et nous emporte.   

Bardé d’effets dont ils sont probablement les seuls à détenir les secrets, nos deux six-cordistes jouent crescendo et les descentes dans des sonorités plus ‘reconnaissables’ se font discrètes. Une manière aussi peut-être de se passer le relais pour mieux repartir. Car Bob Balch et Gary Arce tiennent à la fois le lead et la rythmique sur les deux seuls morceaux tout en longueur de ce « Volume Three » (« The Taos Hum » et « Winter Widow »). YAWNING BALCH est de ces rencontres où les frontières sonores et musicales disparaissent au gré des accords et qui survolent un duo basse/batterie tout en rondeur et au feeling tellement évident. Une fois encore, le voyage est magnifique !

Retrouvez les chroniques des deux premiers volumes :

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Hard'n Heavy Metal Progressif

Bumblefoot : double fun

Révolutionnaire et exalté, BUMBLEFOOT fait partie d’une short-list de six-cordistes aussi novateurs qu’imprévisibles. Techniquement hyper-créatif, l’homme à la fretless double-manche ne cesse de se réinventer et d’aller vers l’inconnu pour libérer une musique qui n’appartient qu’à lui et qui semble si évidente à l’écoute. Sur « Bumblefoot… Returns! », il multiplie les surprises avec une incroyable fluidité dans des atmosphères changeantes et toujours très maîtrisées. Ces 14 nouveaux morceaux sont d’une audace totalement débridée et jubilatoire.

BUMBLEFOOT

« Bumblefoot… Returns! »

(Bumblefoot Music LLC)

Iconoclaste, fantasque et surtout virtuose, Ron Thal est un musicien étonnant, qui mène depuis plus de trois décennies une carrière qui lui ressemble finalement beaucoup. Après des débuts sous son propre nom, il adopte BUMBLEFOOT à la fin des 90’s et il se distingue aussitôt par son jeu hors-norme. En 2006, il intègre G N’R comme troisième guitariste, forme ensuite Act Of Anarchy, Sons Of Apollo et plus récemment le super-groupe Whom Gods Destroy. Et pourtant, son champ d’action est bien plus large et varié qu’il n’y paraît.

Du Breton Pat O’May en passant par Asia, il multiplie les collaborations en tant que producteur, compositeur et même enseignant, tout en prenant soin de ne jamais rester dans sa zone de confort. D’ailleurs, en a-t-il vraiment une ? BUMBLEFOOT est un technicien brillant doté d’une culture musicale complète et érudite. Sans virer à la démonstration, « Bumblefoot… Returns! » est un modèle du genre rassemblant à peu près tout ce qu’il peut faire avec son étonnant instrument, conçu sur mesure pour dépasser ses propres limites.

Cette nouvelle réalisation donne suite à « The Adventures Of Bumblefoot » sorti il y a tout juste 30 ans et qui présente l’Américain dans un registre entièrement instrumental, où il passe en revue tous les styles qui le font vibrer. BUMBLEFOOT transcende les genres (Metal, Rock, Blues, Acid Honky-Tonk, …), soigne les mélodies et présente ici quelques invités de choix comme Steve Vai, Brian May, Guthrie Govan et Ben Karas. Et surtout, complexe et pointu, l’album ne s’adresse pas qu’aux puristes. Une prouesse et une vraie gourmandise!

Photo : Andre Tedim

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Hard'n Heavy International

Joe Satriani : alien connection [Interview]

En 1987, en sortant l’album « Surfing With The Alien », JOE SATRIANI allait bouleverser le petit monde de la guitare et du Rock avec un disque entièrement instrumental et pourtant si fédérateur. Non pas qu’il fut le premier, ni même le plus technique, mais c’est ce feeling si particulier qu’il allait marquer plusieurs générations de musiciens et d’amoureux de musique, plus simplement. Depuis il n’a cessé d’expérimenter, d’innover et de se réinventer, tant en proposant des albums toujours accessibles malgré leur technicité. Aujourd’hui, c’est avec le G3, qu’il a fondé en 1996, qu’on le retrouve avec le line-up originel aux côtés de Steve Vai et Eric Johnson sur ce génial « Reunion Live ». Entretien avec le grand ‘Satch’, qui revient sur ce projet d’amoureux de la six-cordes.

– L’an dernier, c’était la première fois en 28 ans que G3 se produisait dans sa formation originelle avec Steve Vai et Eric Johnson. J’imagine qu’il devait y avoir beaucoup d’émotion et d’excitation pour vous trois. Est-ce que c’est cette magie retrouvée qui vous a poussé à enregistrer ce concert à l’Orpheum Theatre de Los Angeles ?

Oh, tu sais, l’histoire derrière tout ça est intéressante. Tout a commencé avec mon fils. Il avait l’idée de faire un film pour documenter sa première fois avec nous alors qu’il n’avait que quatre ans. C’était en octobre 1996, le tout premier ‘G3 Tour’. Et quelques jours plus tard, il s’est retrouvé avec nous dans le bus et ensuite il les a tous fait ! Il a donc voulu faire un film là-dessus et il a un peu utilisé G3 comme une sorte de véhicule pour expliquer son lien avec sa grande famille de guitaristes. Son père a un métier un peu bizarre et il connaissait aussi Steve Vai, Robert Fripp (le guitariste et fondateur du groupe Rock Progressif King Crimson – NDR) et tous ces grands musiciens depuis des années. Et même s’il est un bon guitariste lui-même, il n’a jamais voulu devenir professionnel. Son truc, ce sont les films. L’idée est donc venue sur la dernière tournée avec Steve et Eric et il ne voulait pas seulement filmer le concert. Le point culminant a été lorsqu’il m’a rejoint sur scène pour jouer « Summer Song ». Cela a vraiment été un moment magnifique pour nous nous deux, père et fils, de pouvoir la jouer tous les deux. Tout sera dans le film qu’il est actuellement en train de finaliser.

Et à la fin de cette tournée un peu particulière, earMusic, notre maison-de-disques, s’est montrée très intéressée pour sortir l’enregistrement d’un album. C’est donc à ce moment-là que les choses se sont faites et Steve, Eric et moi étions vraiment ravis. Tu sais, on ne reçoit plus beaucoup d’offres pour réaliser un album live. Mais on savait que le travail serait remarquable avec quatre vinyles et deux CD. C’est un projet magnifique, car le package est tellement beau et le set l’est tout aussi. Et puis, cela a été un peu comme une tornade, comme quelque chose de très excitant, car tout s’est réalisé très rapidement. Je pense que cela a ajouté encore plus d’énergie au projet, car tout a été très spécial pour nous.

– Depuis 1996, G3 a connu plusieurs lines-up et accueilli beaucoup de virtuoses de la guitare. J’aimerais savoir comment tu as choisi tous ces musiciens au fil des années ? D’abord parce que ce sont des amis, ou pour le simple plaisir de partager une fois la scène avec eux ?

C’est un processus vraiment intéressant. En fait, j’arrive avec des idées, uniquement basées sur la musique. Et ensuite, je me dis que ce sera génial d’avoir des gens vraiment différents les uns des autres, comme c’est le cas avec Steve et Eric. Je les ai d’abord contactés, parce que sont des gars qui font vraiment des choses uniques et qui sont en même temps tellement opposés dans leur jeu. Et je sais que la magie peut opérer. Ca ne sert à rien de mettre des gens qui font la même chose, comme on le voit tout le temps. C’est cette différence qui provoque et amène toute cette énergie.

Maintenant, voici le partie la plus compliquée : en tant que leader de G3, c’est aussi mon travail de vendre l’idée à des promoteurs. Et ils doivent aussi apprécier les deux autres personnes que j’ai invitées. Alors, parfois, il peut y avoir des problèmes liés à des points de vue artistiques différents, notamment concernant ensuite la vente des billets, car ils peuvent ne pas y croire. Et c’est quelque chose que je dois gérer moi-même. D’habitude, un projet de G3 se met en place au bout d’un an, en raison de ce que veulent les promoteurs ou les artistes qui veulent, ou pas, venir jouer. Tu vois ? Car certains ne veulent pas jouer ensemble ! (Rires) Et puis, je recherche toujours une sorte de défi musical. Mais peu de gens pensent comme moi. Je veux aussi être aux côtés de guitaristes qui jouent mieux que moi. Certains veulent aussi être perçus comme les meilleurs et être les plus brillants chaque soir. Alors, je me demande toujours quel serait le meilleur show et si le public appréciera. Mais c’est une tension positive entre trois guitaristes, car on s’amuse vraiment beaucoup ! C’est un sacré challenge pour moi. Et j’apprends énormément. Beaucoup de gens ne l’imaginent pas, mais lorsque l’on sort d’un concert, on discute beaucoup de ce que l’autre a joué et à quel point c’était cool ! On est vraiment des gosses excités par la guitare ! (Rires)

– Je ne vais pas te demander quel a été le meilleur G3, j’ai ma petite idée, mais est-ce que tu penses que chaque formation correspond parfaitement à une époque précise où tous ces musiciens étaient alors à leur sommet ?

Ah oui ? (Rires) En fait, je pense que chaque G3 que nous avons fait était exceptionnel. A l’exception d’un seul… Malheureusement, j’avais énormément d’espoir pour celui que nous avions fait en 1998, je crois, avec Uli Jon Roth que je trouve brillant. On n’en d’ailleurs pas fait d’autres. C’était pourtant incroyable, car c’est quelqu’un de formidable. Et il y avait Michael Schenker, qui est un guitariste génial dont j’ai beaucoup appris et que je faisais d’ailleurs apprendre aussi à mes élèves comme Steve Vai et Alex Klonick. Ils l’adoraient ! Seulement tourner avec lui a été très difficile, ce n’était pas son truc, en fait. Ce n’était pas le bon espace pour lui. Ce que je n’ai pas oublié c’est qu’il y avait énormément de tension, pour ne pas dire plus, entre lui et Uli Jon Roth. On était toujours sur la brèche. Je pensais que tout ça était terminé entre eux, par rapport à Scorpions, mais en fait, les problèmes sont revenus. La tournée a été très compliquée et je me sentais mal vis-à-vis des fans, qui n’ont pas pu voir les mêmes amitiés et les émulations des autres G3. Mais bon, on a joué tous les concerts. Par chance, Patrick Rondat, qui est un excellent guitariste français, que je connais bien, nous a sauvés sur la date française. Et là, ça été génial… sans Michael Schenker ! D’ailleurs, la dernière fois que nous sommes venus en France, Patrick, nous a rejoint sur scène et a joué avec nous. C’est un très bon ami et les connexions entre nous ont été fabuleuses.

– Revenons à ce « Reunion Live », qui est un peu particulier par rapport aux autres, car il contient trois sets complets de chacun de vous avant une jam finale. C’était important pour toi que vous ayez tous un espace de liberté conséquent ?

Oui, je pense la clef de la création de G3 est de donner à chaque musicien suffisamment de temps pour qu’ils puissent tous apporter leur lot de magie au public. Au départ, j’avais imaginé des plans avec huit/douze guitaristes. On s’est vite rendu compte qu’il fallait qu’ils aient vraiment le temps nécessaire pour s’exprimer. Quand on s’est retrouvé à trois, on s’est aperçu que tout le monde pouvait vraiment jouer pendant une heure ses propres morceaux, ce qui les a ravis, car ils avaient le temps de délivrer leur message. Et c’est ça qui est vraiment intéressant. Cela leur donnait vraiment la possibilité de faire leur truc pleinement.  Et on ne s’implique pas non plus dans les autres sets. La seule chose que nous faisons, c’est cette jam où nous reprenons des chansons que tout le monde connait et sur lesquelles nous pouvons aussi apporter chacun notre touche, car ce sont des titres qui s’y prêtent vraiment. Et on peut laisser parler notre folie ! Et puis, on peut aussi y inviter n’importe quel autre musicien. On décide de ça environ deux mois avant. Par exemple, quand on reprend Jimi Hendrix, tout le monde connait et c’est facile d’y inviter deux ou trois guitaristes et c’est d’ailleurs ce qu’on a fait sur les deux derniers concerts à l’Orpheum Theater à Los Angeles. On avait sept invités ! Il y avait notamment Brendan Small, Jason Richardson et Nina Strauss, et c’était super excitant ! Et Phil X est aussi venu, on s’est bien amusé. Ce sont les chansons qui permettent ça.  

– D’ailleurs, comment as-tu composé ton set ? Est-il tout de même différent des derniers concerts que tu as donnés en solo ?

En fait, c’est plus court et il faut créer une vague d’intensité et donner un certain rythme aussi. C’est d’ailleurs quelque chose d’assez amusant à faire et de voir si ça va prendre dans le public. Et puis, chaque personne se met sa propre pression. Steve doit ouvrir chaque concert et c’est quelque chose d’unique d’être le premier qu’on va voir sur scène. Ensuite, Eric doit le suivre et il peut y avoir quelque chose d’un peu effrayant. Il doit s’occuper de lui-même avec son jeu tellement unique et si différent. Et ensuite, c’est à moi de suivre ces deux excellents guitaristes (Rires). On se regarde tous jouer les uns les autres et on se demande à chaque fois comment on peut compléter les parties des autres, tout en apportant quelque chose de nouveau. En fin de compte, cela m’a aidé à trouver des éléments importants, comme la chanson « Sahara », qui possède une atmosphère très particulière et un peu étrange. J’ai aussi voulu faire « Big Dab Moon » où je chante, je joue de l’harmonica et de la slide guitare. C’est différent de d’habitude. Et puis, j’ai aussi désiré ce moment avec mon fils sur « Summer Song », qui est probablement l’une de mes chansons les plus connues. Il y a un peu de tout ça, y compris une belle ballade comme « Always With Me, Always With You » avec ensuite des trucs plus Rock très 80’s. C’est super intéressant. Enfin, on a aussi joué « Rasphberry Jam », sur laquelle on s’est vraiment amusé ! (Rires)

– Et puis, il y a les reprises d’Eric Clapton, de Jimi Hendrix et de Steppenwolf. Les avez-vous choisi ensemble et sur quels critères ? Et d’ailleurs, est-ce que trois guitaristes comme vous ont vraiment besoin de les répéter assidûment lors des préparations ?

Oui !!! (Rires) Je vais parler pour moi-même. J’aime répéter, car c’est toujours une exploration et j’aime ça. Quand tu es jeune et que tu commences, tu t’entraînes pour la mémorisation, pour développer la coordination et les bonnes techniques. Et cela dure même toute la vie. Mais après, peut-être quatre ou cinq ans plus tard, il faut espérer que tu maîtrises tout ça, les notes, les accords… Finalement, il faut que ça permette à tout ce travail de te donner ensuite toute la liberté d’explorer la musique en général. Mentalement, c’est la chose la plus difficile. Les limites que nous avons posées dans notre esprit vont répéter ce que nous pourrons, ou pas, jouer ensuite. Donc, répéter pour un musicien expérimenté permet d’aller de l’avant et de détruire tout ce qui est préconçu et qui pose des barrières. On choisit de jouer « Spanish Castle Magic » et « Crossroads », car ce sont des chansons que tout le monde connaît. Alors, comment les jouer différemment ? Doit-on faire ce que tout le monde attend, ou au contraire laisser nos sentiments personnels prendre le dessus ? Et c’est là que la pratique aide vraiment, parce qu’on détruit nos propres restrictions et on laisse parler notre feeling ! (Rires) Tu sais, à chaque concert, on joue tous les trois quelque chose de différent et c’est à moment-là qu’on voit les yeux des gens se tourner. Et que ce soit, Steve, Eric ou moi, c’est toujours un grand moment de plaisir, car nous nous lançons dans une exploration inédite pour nous. Et c’est vraiment ce qu’on adore faire !

– Ce qu’il y a aussi d’étonnant chez G3, c’est qu’au-delà de jouer ensemble, vous donnez l’impression aussi de le faire les uns pour les autres. C’est cette forte amitié qui vous lie qui efface si facilement les egos ? Ou c’est une question que vous ne vous posez même pas ?

Oh oui ! Ce n’est pas seulement une question d’amitié, c’est surtout l’immense respect que nous avons les uns pour les autres ! Cela comprend notre travail, notre créativité et l’originalité que nous avons chacun choisi de suivre. C’est aussi difficile de rester très vigilant et authentique vis-à-vis de notre rêve et de notre vision musicale. C’est compliqué, car nous vivons notre seule et unique vie sur cette seule planète et cette vie est difficile… C’est quelque chose d’assez fou ! Et si tu peux rester concentrer et continuer à créer ton propre monde, c’est assez remarquable. C’est pour ça que le respect que nous avons les uns pour les autres est extrêmement important. Jouer pour l’autre est aussi la raison pour laquelle nous sommes là. Etre présent pour tout le monde, peu importe la situation qui peut se produire sur scène. Même quand nous sommes moins bons ! On est là pour se rattraper aussi ! (Rires)

– Il y a une question que je me pose depuis des années. Tu n’as jamais envisagé de sortir un album studio de compositions originales de G3 ? C’est essentiellement une question d’emploi du temps, ou le groupe a-t-il une vocation uniquement live ?

C’est quelque chose d’assez inconcevable pour trois guitaristes comme nous de trouver du temps et de se retrouver en studio pour composer et enregistrer un album. Même si quelqu’un venait et nous dise qu’il nous donne assez d’argent pour faire le disque qu’on voudrait. L’une des principales raison est que Steve, Eric et moi avons des standards super élevés. Et puis, nous sommes vraiment entièrement dédiés à notre propre musique et ce que l’on peut faire en solo. Je sais que d’autres pourraient le faire, car ils sont à l’aise à ça, mais nous ne le ferons jamais. Nous prenons la musique de chacun très au sérieux. Il faudrait que nous faisions des enregistrements et des compositions dont nous soyons sûrs que c’est ce que nous voulons et il faudrait aussi que cela s’adapte à notre trajectoire et à nos carrières solos. Pas juste pour avoir quelque chose à vendre. Tu vois ce que je veux dire ? Cela dit, trouver le temps et abandonner le travail que nous faisons pour nous y consacrer ne s’est jamais présenté. Mais on ne le fera jamais, car nous prenons tout ça vraiment au sérieux.

Cela dit, c’est vrai que Steve et moi travaillons ensemble sur un album studio et c’est la première fois que nous le faisons. Et nous allons le faire du mieux possible ! (Rires) Nous avons terminé trois chansons et il y en a une vingtaine sur lesquelles nous travaillons. Nous allons essayer de tout terminer pour le mois de mars. Et puis, nous avons aussi quelques obstacles, car nous travaillons avec d’autres groupes et maintenant, il y a cette catastrophe à Los Angeles… Je n’ai d’ailleurs pas les mots, car cela va nous éloigner aussi du projet. Mais nous y travaillons ! Mais imaginer que nous arrêtions tous les trois ce que nous faisons pour nous consacrer à un album n’est pas envisageable pour le moment. Dans un monde idéal, j’adorerai, mais nous ne sommes pas dans un monde idéal ! (Rires)

– Lors d’un concert à Paris il y a des années, j’avais été très surpris de voir le public chanter les mélodies de tes morceaux, alors qu’ils sont instrumentaux. Est-ce aussi quelque chose qui t’étonne et te touche aussi ?

Oui et j’adore ça, c’est vraiment incroyable ! C’est une expérience fantastique et c’est le rêve de tout artiste. On m’a toujours demandé si je voulais faire partie d’un groupe de Rock et c’est amusant, car j’ai déjà vécu cette expérience. Mais il n’y a rien de similaire que de travailler dans le monde entier et de jouer devant des milliers de gens qui ont mémorisé la mélodie et qui la chantent ! Que ce soit à Paris, à New-York, à Numbai en Inde… Il se passe la même chose partout où nous jouons. Et c’est la plus belle chose pour moi de vivre de pareils moments.

– J’aimerais aussi qu’on parle de SATCH/VAI que tu as monté avec Steve. On a pu découvrir la première partie de « The Sea Of Emotion » l’an dernier. Quand est-ce que vous allez sortir la suite et y aura-t-il un album complet dans la foulée ?

Oui, l’album est en cours. Les trois parties de « The Sea Of Emotion » sont terminées et nous avons déjà présenté la première. Cet album va être fou ! Je ne sais pas encore quelle chanson sera le prochain single. Ce sera d’ailleurs peut-être avec un chanteur, mais je ne peux pas t’en dire plus pour le moment. C’est encore un peu tôt pour en parler, mais ça arrive ! (Sourires)

– Vous serez aussi en tournée cet été en Europe tous les deux pour le « Surfing With The Hydra Tour » avec un passage par la France. De quoi seront composés les concerts de ce ‘G2’ ? Avec de tels répertoires personnels, comment avez-vous bâti votre set-list ?

Oui, c’est une sorte de ‘G2’ ! (Rires) Nous n’avons pas encore défini la setlist, c’est un peu prématuré ! (Rires) Nous avons créé ce groupe et Steve et moi serons sur scène ensemble. Nous jouerons ses chansons, les miennes et les nouvelles de Satch/Vai. Nous travaillons vraiment dessus et la tournée est presque totalement bookée. Je sais aussi que quelques dates ont été ajoutées en Europe de l’Est. Et nous avons le groupe au complet, c’est fait. Il nous reste à trouver un bus de tournée, réserver les hôtels et les vols ! (Rires) Notre principale préoccupation aujourd’hui, et c’est ce sur quoi nous travaillons, est de finir l’album. Je pense que nous ferons les premiers concerts en mars.

– Pour conclure et justement à propos d’Hydra, que penses-tu de cette nouvelle, incroyable et presque folle guitare de Steve, et t’a-t-il laissé l’essayer ?

Tu sais quoi ? Je suis resté autour de cette ‘chose’, cette ‘Hydra’, pendant plusieurs semaines, même quelques mois ! (Rires) Et puis, j’ai vu Steve en jouer… Et je n’arrive toujours pas à croire ce qu’il fait avec ! C’est tellement étrange pour moi d’imaginer écrire une chanson avec cet instrument qui a trois manches, des cordes différentes, etc… mais c’est tellement Steve Vai ! Elle lui ressemble ! C’est assez marrant pour moi, car je me souviens d’un Steve, qui avait 12 ans et qui venait à la maison prendre des cours ! (Rires) J’ai toujours su que c’était un génie. Je le vois sur scène, je le vois jouer et c’est vraiment quelque chose. Mais pour te répondre, je n’ai jamais voulu toucher cette guitare si spéciale. Si je l’avais fait, je l’aurais peut-être gardé ! (Rires) C’est quelque chose de spécial pour Steve, quelque chose qui lui est propre et qui représente aussi beaucoup d’espoir pour son jeu. Alors, je le laisse faire ! (Rires)

– Et toi personnellement, tu n’as jamais été tenté de jouer sur une guitare à double-manche, voire plus ?

Non, en fait, j’adore les guitares classiques avec six cordes et les basses avec quatre ou cinq. Et je suis toujours à la recherche d’une nouvelle… mais avec un seul manche ! (Rires) D’ailleurs avec cette ‘Hydra’, Steve devra la mettre sur un stand pour jouer, car il n’arrivera pas à la porter sur un concert ! (Rires) J’ai fait de rares expériences avec des guitares un peu curieuses à double-manche et autres avec Chickenfoot et il faut souvent les poser pour en jouer car, quand tu commences, ça peut durer des heures ! (Rires)

Le nouvel et double-album de G3 sera disponible chez earMUSIC dans quelques jours.

JOE SATRIANI et STEVE VAI défendront leur nouveau projet, ‘Satch/Vai’, en France avec un concert au Hellfest à Clisson le 21 juin, le lendemain au Palais des Congrès de Paris, puis au Festival ‘Guitare en Scène’ à Saint-Julien-en-Genevois (Haute-Savoie) le 18 juillet.

Photos : Max Crace (2, 7) et Jen Rosenstein (3, 5).

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Heavy Psych Rock Heavy Stoner Psych Stoner Prog

Kalabrian Syndrome : inner trip

Toujours aussi bien structurée, la musique de KALABRIAN SYNDROME prend une nouvelle ampleur sur ce très attendu premier album. Avec « II », la formation grecque peut enfin s’exprimer plus longuement et l’éclectisme dont elle fait preuve ici montre toute l’étendue d’un répertoire très vaste, qui se joue avec brio des étiquettes pour imposer un registre original. Sur un Stoner Rock/Metal très Psych aux saveurs Doom, ces nouveaux morceaux naviguent dans des ambiances captivantes.

KALABRIAN SYNDROME

« II »

(Independant)

Il y a quatre ans déjà, le power trio de Thessalonique avait livré un très bon premier EP éponyme, qui laissait entrevoir de bien belles choses. Solide et créatif, il l’est encore après cette importante absence et cette fois, c’est sur la longueur qu’on se délecte de son Stoner Psych Rock, toujours instrumental. C’est vrai que le format court nous avait un peu laissé sur notre faim, mais « II » nous rassasie d’autant plus que KALABRIAN SYNDROME présente également quelques surprises, notamment à travers une inspiration grandissante.

Côté line-up, le combo constitué de Kleanthis Semlikos (guitare), George Harizanis (basse) et Danny Cola (batterie) nous embarque dans un voyage qui nous fait passer au travers d’atmosphères très variées, qui évoluent pourtant dans une direction musicale claire et étonnamment narrative. KALABRIAN SYNDROME avance sur un groove hypnotique se détachant de toute emprise stylistique. Dans cet univers psychédélique, le Doom côtoie ainsi des instants bluesy, parfois très Prog, entre Rock et Metal avec beaucoup de fluidité.

En ouvrant « II » avec un sample vocal sur « Alice (Got A Secret) », les Grecs nous mettent déjà un peu la puce à l’oreille. Ponctuant ce nouvel opus de titres plus courts assez mystérieux (« Vakhou » et « Flickering Light »), KALABRIAN SYNDROME s’offre quelques respirations pour mieux nous emporter dans les morceaux « Hispanolagnia », « The Attic » et le génial « Rave Party », avant d’accueillir Panos Lambropoulos au chant sur le génial « The Wisp », où le frontman issu de la scène Metal extrême locale fait des prouesses.

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Stoner Metal

Six Months Of Sun : monsters gallery

Jouer sur l’imaginaire à travers un Stoner Metal instrumental n’est pas forcément le plus évident des exercices. Pourtant, l’univers des Genevois s’y prête et l’interprétation souvent chimérique sur le bien-nommé « Creatures » ne met pas bien longtemps à agir. On visualise sans mal les bêtes sauvages comme l’irlandais Dobhar-chú, le terrifiant islandais Vatnagedda, l’étonnante et aquatique japonaise Ningen ou encore notre bête de Gévaudan nationale. Un effrayant tableau brillamment mis en musique par SIX MONTHS OF SUN.

SIX MONTHS OF SUN

« Creatures »

(Cold Smoke Records/Urgence Disk)

On peut compter sur les doigts d’une main les groupes qui, tout en se faisant rares, parviennent à surgir avec une réalisation encore meilleure que la précédente. C’est le cas de SIX MONTHS OF SUN qui se présente avec « Creatures », son troisième album en l’espace de 15 ans et il permet enfin de mieux cerner les contours du Stoner Metal du power trio. Depuis leurs débuts, Christophe Grasset (guitare), Cyril Chal (basse, synthés) et Daniel Stettler (batterie) ont bâti un registre solide et personnel dans des sphères instrumentales saisissantes, qui laissent place à l’imagination.

L’aventure a débuté en 2013 avec « And Water Flows », puis « Below The Eternal Sky » en 2018 et « Creatures » vient apporter beaucoup de certitudes sur les intentions musicales des Suisses et les contours de leur Stoner Metal se font donc plus précis. Grâce à une vision claire de son jeu, SIX MONTHS OF SUN se montre même assez étonnant. Sans voix, ce nouvel opus est pourtant très narratif dans son déroulé et on le doit sans doute à cet aspect conceptuel développé tout au long des neuf titres et à une production massive et peu commune.

Certes, le combo libère un Stoner épais et aux textures multiples, appuyées par des notes de synthétiseurs discrètes, mais enveloppantes. Mais le travail sur les riffs est assez phénoménal, tout comme les parties de basse rugueuses et c’est la batterie qui vient vraiment distinguer SIX MONTHS OF SUN de la scène du même genre. Loin des rythmiques sourdes et pachydermiques à l’œuvre d’habitude, l’approche est clairement Metal, musclée et véloce. On se laisse littéralement embarquer dans cette odyssée aux atmosphères presqu’oniriques (« Zaratan », « Gevaudan », « Jersey Devil », « Dahu »).

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post-Rock Psych

God Is An Astronaut : le mouvement des paysages

Depuis plus de 20 ans, GOD IS AN ASTRONAUT façonne son univers comme on élabore une œuvre complète. Chaque production est un nouveau chapitre qui vient compléter cet ensemble instrumental singulier et tellement reconnaissable. Echafaudé dans des circonstances très particulières, « Embers » s’inscrit dans une continuité artistique que le trio peaufine avec talent. Organique, immersif et aérien, le post-Rock du combo est atmosphérique, psychédélique et bouscule les émotions comme personne.

GOD IS AN ASTRONAUT

« Embers »

(Napalm Records)

C’est malheureusement suite au décès de leur père en novembre dernier que les frères jumeaux, Torsten et Niels Kinsella, ont entamé la composition de ce onzième opus. Si le déclic est tout sauf enthousiasmant, « Embers » n’est pas forcément le plus sombre du groupe. Comme à chaque fois chez GOD IS AN ASTRONAUT, il est question de contrastes entre une pénombre très présente et une forte luminosité et c’est même sa marque de fabrique, celle qui donne vie à ce post-Rock psychédélique et cinématographique si original.

Les Irlandais ont souhaité et conçu cet album comme un pont entre le passé et le présent et c’est précisément ce qui émane d’« Embers ». D’un côté, il y a toujours cette utilisation de matériel vintage qui offre ce grain et cette chaleur, et de l’autre une approche et une vision très modernes dans l’écriture des morceaux et dans la dynamique globale. Ainsi, tout en consolidant son ADN post-Rock, GOD IS AN ASTRONAUT ne réalise jamais le même disque et développe sa musique au fil du temps. 

D’ailleurs, le très étiré morceau-titre peut lui aussi être perçu comme un pont faisant le lien entre deux mouvements distinctifs. Sur la première partie, on est guidé par les sitars de Dara O’Brien et de Sean Colerman, tandis qu’on retrouve un habitué de la maison, à savoir Jo Quail et son violoncelle sur « Realms » et « Prism ». En jouant avec toujours autant d’habileté sur la longueur des titres, GOD IS AN ASTRONAUT multiplie les voyages sonores, qui sont autant de moments d’évasion (« Apparition », « Odysee », « Hourglass »).

Retrouvez la chronique de « Ghost Tape #10 », l’album précédent de GIAA :

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Desert Rock Psych

Ruben Romano : rush to the West

Avec « Twenty Graves Per Miles », RUBEN ROMANO a suivi ses envies et celles-ci l’ont mené à travers un univers Desert Rock entre Psych et musique de film. De western plus précisément. Le multi-instrumentiste et songwriter de The Freeks, batteur de Fu Manchu et ex-Nebula, prend ici un virage artistique aussi étonnant que parfaitement maîtrisé. Avec cette escapade musicale, l’Américain nous propose de sauter dans un wagon et de se laisser entraîner dans un périple saisissant.

RUBEN ROMANO

« Twenty Graves Per Mile »

(Desert Records)

Imaginer et concevoir la bande originale imaginaire d’un western imaginaire, telle a été l’entreprise de RUBEN ROMANO, artiste complet et ingénieur du son. Actuel leader de The Freeks dans lequel il officie au chant et à la guitare, mais aussi à la basse et à la batterie au niveau de la composition, il est également et surtout connu pour être, ou avoir été, derrière les fûts des mythiques formations Fu Manchu et Nebula. Un CV conséquent et qui en dit long, mais ce n’est pas de Stoner dont il est question ici. 

Loin des élans Rock’n’Roll qui le caractérise habituellement, RUBEN ROMANO a profité d’un break avec son groupe et c’est sans calcul que « Twenty Graves Per Mil » a vu le jour. Très organique, l’atmosphère Psych et Desert Rock de l’album possède en effet des allures de western. Immersif et très acoustique, c’est ce côté épuré que l’on retrouve sur l’intégralité de cette aventure solo aride et presqu’entièrement instrumentale, à l’exception de quelques voix sur « Jump Off Town (From Anywhere) » en toute fin.

Ce road-trip à travers les grands espaces menant vers l’Ouest américain demeure toutefois très narratif, malgré l’absence de textes. En ouvrant et en refermant « Twenty Graves Per Miles » avec le titre « Load The Wagon » décliné en deux parties, RUBEN ROMANO peut laisser son imagination et sa créativité s’étendre à travers des sonorités où chacun peut librement se raconter ses propres histoires. Car c’est d’histoires dont il s’agit, et de liberté aussi, dans cette ambiance paisible et captivante.