Parce qu’il y a beaucoup, beaucoup de disques qui sortent et qu’il serait dommage de passer à côté de certains d’entre eux : [Going Faster] se propose d’en mettre plusieurs en lumière… d’un seul coup ! C’est bref et rapide, juste le temps qu’il faut pour se pencher sur ces albums, s’en faire une idée, tout en restant toujours curieux. C’est parti !
FEAR FACTORY – « Aggresion Continuum » – Nuclear Blast
Alors qu’on célèbre les 25 ans de « Demanufacture », album emblématique et inégalé du groupe, FEAR FACTORY revient avec « Aggression Continuum », son onzième opus en presque 30 ans de carrière. Désormais seul rescapé du line-up originel, Dino Cazares (guitare) semble en avoir terminé avec les procès à répétition et continue l’aventure. Etonnamment, on retrouve Burton C. Bell au chant avec une bonne prestation et, pour le reste, l’impact chirurgical est toujours à l’œuvre tant à travers les riffs que dans la froide rythmique qui sévit sur l’album. Pourtant, « Aggression Continuum » a une sonorité plus organique que ses prédécesseurs et ce malgré la présence plus marquée des claviers. Aussi, l’ensemble fait penser au chant du cygne de FEAR FACTORY, qui va devoir se réinventer, afin de retrouver la créativité et la puissance qui ont fait sa force.
FRACTAL UNIVERSE – « The Impassable Horizon » – Metal Blade Records
Originaire de Lorraine, le quatuor commence à avoir une solide discographie. Après un EP, trois albums et un Live, FRACTAL UNIVERSE signe donc un quatrième opus dans lequel le combo confirme déjà tout le bien que l’on pense de lui. Créatif, complexe et remarquablement bien produit, le groupe n’en finit de surprendre et « The Impassable Horizon » est sans doute l’une de ses réalisations les plus concluantes. Technique et mélodique, le Death Metal des Français fait aussi la part belle à des parties progressives avec même un saxophone qui se fait assez présent. Costaud et massif, FRACTAL UNIVERSE fait preuve de maîtrise et ne semble connaître aucune limite dans l’expérimentation d’un style qui se détache peut à peu. Le groupe s’avère très, très convaincant.
KOLLAPSE – « Sult » – Fysisk Format
Malgré sa courte existence et « Angst », premier album sorti il y a quatre ans, KOLLAPSE a marqué de son empreinte la scène la scène danoise et même bien au-delà. C’est aujourd’hui sous la forme d’un power trio que le groupe livre « Sult ». Hors-norme et décapant, ce deuxième opus frappe fort avec son Sludge post-Metal et post-HardCore et cette fois mâtiné de sonorités Noise, qui viennent se répandre sur des titres massifs et gras. Fracassant et puissant, le trio scandinave appuie là où ça fait mal et, entre désespoir et réalisme, « Sult » vient jeter un énorme pavé dans le petit monde du Metal. KOLLAPSE réveille autant qu’il assomme et ne laisse pas indifférent. Anticonformiste au possible, le combo affiche une force et une détermination sans faille. Une belle et grosse claque.
Après avoir sorti son deuxième album l’an dernier de son côté et entre deux déconfinements, le groupe a été approché par Listenable Records pour la distribution de « Void », petit bijou de Death Metal Progressif. LUNA’S CALL a dorénavant les coudées franches pour avancer plus librement et surtout s’adresser à un plus large public. Il faut dire que « Void » est étonnant et percutant, tout en étant très technique. L’occasion était donc trop belle pour en parler avec son chanteur et guitariste Neil Purdy.
– En dehors du fait que vous ayez sorti votre premier album « Divinity » en 2016 et que vous êtes anglais, on vous connait malheureusement assez peu en France. Pouvez-vous nous dire dans quelles conditions s’est créé LUNA’S CALL et ce qu’il représente musicalement pour vous ?
En effet, nous sommes un quatuor de Death Metal Progressif originaire du Lincolnshire, au Royaume-Uni. Tout a commencé en 2012, c’était mon projet solo alors que j’étudiais à l’université. J’ai écrit et enregistré une démo et j’ai demandé à mes colocataires de l’époque, Brad et James, s’ils aimeraient me rejoindre pour réenregistrer les parties de basse et de batterie. J’avais déjà fait partie de plusieurs groupes avec Brad (Laver – basse) et James (Batt – batterie), donc je savais que nous aurions une bonne base pour le groupe. Puis, nous avons rencontré Liam (Underdown – guitare), lors d’un concert, où il jouait avec un autre groupe. On a tout de suite su qu’il devait rejoindre LUNA’S CALL. Ironiquement, alors que nous avons tous des goûts musicaux différents, nous n’écoutons pas beaucoup de Death Metal Progressif. En fait, nous faisons la musique que nous aimerions écouter !
– Votre deuxième album, « Void », est sorti en août 2020 et la situation due à la pandémie a bouleversé beaucoup de choses. C’est pour cette raison que vous le ressortez actuellement chez Listenable Records ?
Listenable Records nous a contacté fin 2020 et nous a demandé si nous serions intéressés pour rééditer « Void ». La raison pour laquelle nous les avons rejoint est que nous voulions que notre musique atteigne un public beaucoup plus large. Le fait qu’ils prennent en charge nos ventes physiques me libère plus de temps pour travailler sur d’autres choses, comme l’écriture et l’enregistrement de nouveaux morceaux. La pandémie nous avait en fait aidé à prendre du recul par rapport à la pratique, et à nous concentrer davantage sur la promotion en ligne de « Void ».
– Par rapport au premier album, « Void » est nettement plus abouti et il semble aussi que vous soyez vraiment parvenu à définir votre style et votre son. C’est aussi votre sentiment ?
Écrire les chansons de « Void » nous a semblé beaucoup plus naturel. Après de nombreuses années à jouer ensemble, il est bon de connaître ses forces, mais aussi ses faiblesses, pour savoir comment avancer musicalement. « Divinity » était plus une expérience personnelle pour voir comment je pouvais me dépasser en tant que guitariste. « Void » a un son plus défini, mais cela changera, espérons-le, encore une fois sur le prochain album. Nous voulons continuer à être un groupe ‘Progressif’, de par la nature même de ce terme. On veut grandir, se développer et modifier notre son au fur et à mesure.
– Ce nouvel album est particulièrement bien réalisé et sa production est toute aussi massive. Dans quelles conditions l’avez-vous enregistré, avec qui et quelle a été votre degré d’implication dans les différentes étapes du processus ?
Nous avons réalisé la majorité de la production nous-mêmes. L’album a été écrit en l’espace d’un an et demi environ, puis on est entré en phase d’enregistrement en 2018. Nous voulions faire tout ça près de chez nous et enregistrer autant que nous le pouvions nous-mêmes. La batterie a été enregistrée dans notre studio de répétition. Nous l’avons réservé pendant cinq jours d’affilée et avons essayé d’enregistrer autant que possible. On n’avait pas de date limite pour l’album, et avec les concerts et le travail à temps plein, on a du espacer l’enregistrement de toutes les instruments. Il a parfois fallu plusieurs semaines entre les prises !
Ces courtes pauses m’ont permis de réfléchir à chaque morceau et de continuer à expérimenter d’autres idées, telles que les percussions ou les éléments orchestraux. Ce n’est que lorsque tout a été enregistré et terminé que nous avons demandé à Russ Russell de mixer et de masteriser l’album. Nous savions que Russ ferait un travail incroyable et que le disque était entre de bonnes mains. J’ai eu la chance de passer quelques jours avec lui à le regarder mixer les morceaux et dans l’ensemble, j’ai eu très peu de choses à lui demander. Dès le début, il était clair qu’il savait ce que nous essayions de réaliser avec cet album, et il est même allé au-delà.
– La musique de LUNA’S CALL est assez complexe notamment dans la structure des morceaux et à travers son aspect très technique. De quelle manière travaillez-vous et combien de temps vous a pris l’écriture de « Void » ?
Il y a une grande partie de moi qui souhaite pouvoir être un musicien capable de s’asseoir dans une pièce avec d’autres et jouer. Mais le compositeur solitaire que je suis préfère rester avec ses idées et les sculpter lentement. Habituellement, j’essaie d’intégrer dans les démos ce qui va ressembler à l’idée finale avant de les envoyer au reste du groupe. Puis, il y a encore beaucoup d’apports et de changements dans l’étape de pré-production et même pendant l’enregistrement. L’album n’ayant pas de date limite, nous avons pu expérimenter et essayer différentes approches des chansons et des arrangements.
– Votre Death Metal Progressif emprunte autant à un style très brutal qu’à des composantes de Rock Progressif plus classiques. On a souvent l’impression que contrairement à d’autres groupes, vous tenez presque à séparer et distinguer les deux registres. C’est quelque chose qui vous a paru important dans vos morceaux et sur l’ensemble de l’album ?
Il n’a jamais été dans mon intention de séparer les différents styles en deux registres. J’ai toujours essayé de me mettre au service de la chanson et cela a été un objectif majeur dans l’écriture de « Void ». Je voulais que les chansons possèdent une sensation et un flux naturels, plutôt que de se sentir forcés de passer d’une section Death Metal à du Rock Progressif. L’idée était qu’elles se fondent l’une dans l’autre. Être étiqueté comme groupe progressif me donne certainement la liberté artistique d’expérimenter et d’inclure toutes ces idées.
– LUNA’S CALL se distingue aussi à travers le chant qui est tantôt clair, tantôt growl. Est-ce parce que vous tenez à ce que certains textes soient plus compréhensibles afin de faire passer certains messages, par exemple ?
C’est un point de vue intéressant ! Je suppose que je fais ce qui sonne le mieux pour la chanson. J’essaie souvent différentes approches du chant (clean ou growls) dans certaines parties et je garde la version qui me convient le mieux au final.
– Techniquement, à travers « Void », vous êtes assez étourdissants tout en maintenant une grande cohésion sur tout l’album. Vous n’avez jamais peur d’en faire trop ? Ou au contraire, est-ce que vous vous freinez même un peu ?
On a voulu que « Void » ait des moments très techniques et extrêmes propres au Metal. Cependant, l’équilibre est quelque chose que nous voulions maintenir tout au long de l’album. Nous aimons le Death Metal Technique et même les formes extrêmes de musique progressive, mais un album entier peut, selon moi, souvent paraître épuisant et un peu fatiguant pour l’auditeur. Nous voulions que « Void » l’emmène dans un voyage, un peu comme dans un film. Il y a des moments extrêmes et d’autres plus calmes tout au long de l’album. L’essentiel est que les choses soient fraîches et intéressantes.
– Enfin, j’ai lu beaucoup d’articles sur LUNA’S CALL et tous vous comparent sans cesse à Opeth. Si le lien existe, c’est indéniable, c’est assez hallucinant et très restrictif de s’en contenter. De votre côté, vous êtes amusés ou agacés par le manque d’imagination et finalement de culture musicale de certains médias Metal ?
Un peu des deux je suppose ? Nous sommes ravis de la comparaison avec Opeth, et il me semble que tous les groupes qui impliquent à la fois du clair et de l’extrême leur seront désormais comparés par défaut. Nous avons eu cette discussion d’innombrables fois, et nous ne voyons pas d’autres raisons que celle d’avoir une gamme vocale et un style similaires. Bien que nous ne puissions nier qu’Opeth nous ait influencé en tant que musiciens, ils ne représentent qu’une petite partie du nombre d’artistes que nous aimons et par lesquels nous sommes influencés.
L’album « Void » est disponible chez Listenable Records depuis le 30 avril.