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Blues Rock folk International

Madison Galloway : independent youth [Interview]

Le talent n’attend pas le nombre des années et c’est avec beaucoup de maturité dans l’écriture, comme dans le jeu, que MADISON GALLOWAY présente son deuxième album éponyme. Très bien entourée et parfaitement produite, la Canadienne s’inscrit dans un Blues Rock très contemporain, plein de fougue et assez insouciant. Accrocheurs et vigoureux, les morceaux de la chanteuse et guitariste ne devraient plus tarder à taper dans l’œil des producteurs et organiseurs de concerts européens. Avec ce nouvel effort, elle s’affiche sans complexe et avec une belle assurance. Entretien avec une compositrice indépendante et volontaire.

– Tu n’avais que 19 ans lorsque tu as sorti ton album « Moon & Mercury » en 2019 et c’était même après un premier EP « Who Knows Where », paru quatre ans auparavant. C’est un parcours très précoce. Comment es-tu tombée dans la musique si jeune et à quel âge as-tu commencé à composer ?

Mes parents sont de grands fans de musique, donc elle a joué un rôle important dans ma vie. Nous écoutions toujours des disques, des CD, des cassettes ou la radio. Ils m’ont inscrite à des cours de piano à l’âge six ans et j’ai continué pendant 11 ans. Quand j’avais 12 ans, j’ai commencé à jouer de la guitare, ce qui m’a vraiment passionné. Très vite, j’ai participé à quelques concours de chant destinés aux jeunes talents et à 15 ans, j’ai fait ma première scène ouverte. J’en ai fait de plus en plus. Puis, j’ai commencé à organiser mes propres petits concerts dans des restaurants, des bars et lors d’événements en ville. J’ai grandi à partir de ça. Et la même année, à 15 ans, j’ai commencé à écrire mes propres chansons et j’ai sorti mon premier EP en juillet 2015.

– Après un EP, plusieurs singles, deux albums maintenant et un grand nombre de concerts à ton actif en une dizaine d’années, tu affiches un très beau début de carrière. J’imagine très bien que tout ça demande beaucoup de travail. C’est ce tu ambitionnais depuis toute petite ?

Tu as raison, c’est beaucoup de travail. Il y a tellement à faire en amont et je pense que beaucoup de gens ne s’en rendent pas toujours compte. Même si j’ai toujours aimé écouter et jouer de la musique, devenir artiste de scène n’était pas vraiment mon rêve quand j’étais petite. Au lieu de ça, je voulais être peintre. Le dessin, la peinture et les autres domaines des arts visuels ont toujours été mes passions. C’est lorsque j’avais 14/15 ans, en commençant à rechercher davantage d’opportunités pour réaliser des performances, que j’ai décidé de faire carrière dans la musique.

– Lorsqu’on se penche sur ta discographie, on remarque que tu es passée par la Folk, le Rock, le Blues avec une couleur musicale très américaine et parfois même légèrement Pop. Est-ce qu’aujourd’hui, tu penses avoir trouvé ton identité artistique personnelle, ou te reste-t-il encore des domaines à explorer ?

Je pense que j’en suis proche. Je veux continuer à développer mon son et mon style, mais j’ai l’impression d’avoir trouvé la direction que je veux prendre. J’ai cependant des goûts assez différents et aussi d’autres affinités musicales. Donc, je me vois bien explorer d’autres domaines, et même si cela se fait parallèlement à mes projets principaux.

– Tu es originaire de Fergus en Ontario, un Etat qui a aussi vu grandir des chanteuses comme Alannah Myles et Shania Twain pour en citer qu’elles. On retrouve d’ailleurs quelques similitudes dans certaines de tes intonations. Elles t’ont influencé, notamment Alannah, ou c’est juste parce que tu as grandi en les écoutant ?

En fait, je n’ai pas beaucoup écouté Alannah Myles ou Shania Twain. Les deux artistes canadiennes qui m’ont vraiment inspiré sont Joni Mitchell et Alanis Morissette. Joni Mitchell est en fait l’une des premières artistes dont je me souviens avoir chanté les chansons et m’être dit : ‘Eh, j’aime chanter en fait !’.

– Parlons maintenant de ce deuxième et très bon album éponyme. Je le trouve assez différent de tes précédentes réalisations. Il est très Rock, très mature, accessible aussi et il dégage beaucoup d’énergie. Est-ce que tu as procédé différemment pour la composition et l’écriture de ces nouveaux morceaux ?

Quand j’ai écrit ces chansons, j’avais une idée de la façon dont je voulais qu’elles sonnent dans leur production finale. Et c’était plutôt dans un univers Blues Rock. J’ai commencé à faire beaucoup de collaborations pendant la pandémie et, par conséquent, presque toutes les chansons de cet album ont été co-écrites. C’est quelque chose de différent par rapport à mon précédent album « Moon & Mercury », qui n’en contenait qu’une seule.

– Tu joues également toutes les parties de guitare sur l’album. Par ailleurs, les refrains des chansons sont aussi très accrocheurs. Lorsque tu composes, tu pars d’un riff ou de la mélodie, car elles semblent vraiment guider les morceaux ?

Bien souvent, oui ! Mais cela dépend de la chanson. Parfois, je commence par les paroles, mais je pense que pour la plupart des morceaux de l’album, j’ai d’abord commencé par le riff de guitare. Puis, j’ai créé la mélodie et les paroles ensemble.

– Même si ce nouvel album est très musclé et plus solide aussi, tu restes très attachée à l’acoustique. On t’a d’ailleurs vu à plusieurs reprises seule à la guitare sur les réseaux sociaux à discuter avec tes fans. C’est une manière différente aussi d’aborder tes morceaux ? Et dans quelle configuration es-tu la plus à l’aise ? Et composes-tu également en acoustique ?

Quand j’ai commencé à jouer de la guitare, je jouais toujours en acoustique. En ce moment, je me sens le plus ‘chez moi’, lorsque je joue avec ma guitare Godin à corps creux. Mais j’aime toujours jouer avec l’acoustique. Sur l’une de mes dernières chansons, je l’utilise beaucoup, car je n’ai pas besoin d’ampli. Et cela me permet aussi de composer plus facilement dans ma chambre, ou à l’extérieur.

– En plus de la composition des morceaux, du chant, de la guitare et de quelques percussions, tu as aussi coproduit l’album avec Ross Hayes Citrullo et Stacey Shopsovitz. C’est important pour toi d’être présente à toutes les étapes du processus ?

Oui, c’est important d’être présente à toutes les étapes de l’enregistrement. J’aime l’équipe derrière ce projet et je fais confiance à leur expertise, mais en étant là, je peux m’assurer que ma vision des chansons est respectée. Je souhaite également en savoir plus sur les aspects plus techniques de l’enregistrement. Donc, être impliquée dans toutes ces étapes me permet d’apprendre des personnes avec qui je travaille. Je pense que c’est l’un des avantages d’être une artiste indépendante !

– Justement en parlant de son, la production du disque est très organique, directe et vraiment live. L’album est donc très spontané dans l’interprétation également. C’est une manière aussi de présenter ce à quoi on peut s’attendre en concert ? Cet aspect très roots de ton jeu ?

Je pense que l’objectif de cet album, du point de vue de la production, était de créer des sons Rock organiques, mais avec quelques éléments modernes. J’adore les icônes du Classic Rock, en particulier Led Zeppelin, mais je suis aussi une grand fan de groupes plus récents comme The Black Keys, Larkin Poe et Tyler Bryant & The Shakedown. Je suis inspirée par la façon dont ils sont tous capables de fusionner différents aspects. J’adore ce style très charnel, plein de Soul et doté de nombreux sons granuleux sur des productions modernes, qui créent ces sons Blues Rock actuels et emblématiques. Et puis, je pense que ces chansons conviennent aussi naturellement au concert.

– Justement, un mot sur les concerts. Est-ce que le fait d’être en Ontario, une région anglophone du Canada, t’offre plus de possibilités pour jouer aux Etats-Unis qu’au Québec notamment ? Et te verrons-nous en France bientôt ?

En fait, je n’ai pas encore donné de concerts aux États-Unis, ni au Québec. Mais en ce moment, j’ai plus de contacts avec les États-Unis. J’adorerais jouer dans ces deux endroits. Et bien sûr, j’adorerais venir jouer en France et j’espère pouvoir le faire bientôt ! (Juste après cette interview, la Canadienne a annoncé assurer la première partie de ses compatriotes The Commoners en Angleterre dès le 19 juillet pour une dizaine de dates – NDR)

Le nouvel album éponyme de MADISON GALLOWAY est disponible sur toutes plateformes et, bien sûr, sur le site de l’artiste :

www.madisongalloway.com

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Heavy metal Old School

Sunbomb  : back to the roots

Parfois les side-projets permettent aux artistes de s’échapper un temps de leur chapelle musicale et même à l’occasion de revenir à leurs premières amours en se faisant tout simplement plaisir. Cela semble être le cas avec ces deux monuments du Hard Rock américain, Tracii Guns et Michael Sweet. Loin des L.A. Guns et de Stryper, c’est sur un Heavy sombre et massif qu’ils ont jeté leur dévolu et il faut bien avouer que ça leur va bien et qu’ils sont plus qu’à la hauteur de cette nouvelle entreprise. « Light Up The Sky » ravive toute une époque.

SUNBOMB

« Light Up The Sky »

(Frontiers Music)

Avec SUNBOMB, la mention ‘toute ressemblance avec des groupes déjà existants ou ayant existés’ n’a rien de fortuite et prend même tout son sens. Sous l’impulsion du patron de Frontiers Music, Tracii Guns et Michael Sweet se sont réunis il y a quelques années autour d’un projet de Heavy Metal traditionnel pour prolonger, à leur manière, l’héritage laissé par Black Sabbath, Dio, Ozzy ou Judas Priest pour ne citer qu’eux. Et après le très bon «  Evil And Divine » (2021), le duo récidive avec un « Light Up The Sky », tout aussi convaincant.

C’est vrai qu’avec ce groupe, le leader de L.A. Guns et le frontman de Stryper s’éloignent de leur registre habituel respectif, mais ils démontrent avec beaucoup de vigueur et avec le talent qu’on leur connait qu’ils sont bel et bien des guerriers et, si certains en doutaient encore, « Light Up The Sky » est une réponse franchement éclatante. SUNBOMB propose un répertoire très dark et nous propulse directement dans les années 80/90 sur une production actuelle et puissante. Et le plaisir des deux musiciens est palpable.

Tandis que Tracii signe toutes les guitares et la basse, soutenu à la batterie par l’ex-L.A. Guns Adam Hamilton, Michael Sweet donne de la voix et offre un beau contraste avec son groupe, qui vient d’ailleurs de sortir un nouveau single (« End Of Days »). Il y a même un petit côté fétichiste chez SUNBOMB dans sa recherche de l’aspect intemporel du Heavy Metal des origines. De « Unbreakable » à « In Grace We’ll Find Our Name », « Steel Hearts », « Rewind » ou « Scream Out » et « Setting The Sail », cet opus est marqué au fer rouge.

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Hard Rock Hard'n Heavy

Shotgun Mistress : burning Rock

Pas sûr que ce deuxième album de SHOTGUN MISTRESS soit si révolutionnaire que ça, mais en tout cas, il a le mérite de libérer un Hard Rock pur jus et bien rentre-dedans. « Kings Of The Revolution » nous renvoie de belles saveurs 80’s et 90’s savamment actualisées et est surtout remarquablement interprété et très bien produit. Avec un chanteur et un guitariste de ce calibre, le quatuor peut envisager l’avenir avec sérénité et un grand sourire.

SHOTGUN MISTRESS

« Kings Of The Revolution »

(Independant)

Il y a de l’effervescence sur la scène (très) Rock australienne et le nouvel opus de SHOTGUN MISTRESS tombe à point nommé pour entretenir ce bel élan. Depuis 2020 seulement et après le très convaincant album éponyme qui a fait sensation sur leur grande île natale, les quatre rockeurs récidivent de belle manière avec l’électrisant « Kings Of The Revolution ». Avec une sincérité sans faille, ils s’inscrivent dans les pas des Rose Tattoo, Airbourne et The Poor dans l’intension comme dans l’intensité.

Aux côtés de l’excellent Matt Willcock, véritable machine à riffs et délivreur d’implacables solos, on retrouve Dave Lee à la batterie, Ben Curnow à la basse et le survolté frontman Glenn Patric, qui galvanise et magnétise littéralement ces nouveaux titres. SHOTGUN MISTRESS est en ordre de bataille et n’a pas à rougir face aux formations Hard Rock actuelles. Les références fondatrices sont immédiatement perceptibles elle aussi, mais n’enlèvent absolument rien à la pertinence du propos.

Puissant et accrocheur, « Kings Of Revolution » envoie du bois, même si certains hommages, ou clins d’œil, passent aussi pour des clichés. Ainsi, « Welcome To The Fight » rappelle furieusement « Patience » de G N’R et surtout il y a « Mary Jane » de leurs compatriotes d’Electric Mary. Même si la version est meilleure que l’originale et accueille son chanteur Rusty Brown, sa présence est loin d’être indispensable. Cela dit, SHOTGUN MISTRESS nous régale avec « Sweet Woman », « Shot Down », « Jude Judas », « Headspace » et « Down ».  

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Groove Metal Metal Progressif Post-Metal

Hippotraktor : heavy monster

La Belgique fournit régulièrement des formations atypiques qui se font plaisir en repoussant les frontières et les limites du Metal. A cette belle liste vient s’ajouter dans la durée HIPPOTRAKTOR avec un deuxième album monstrueusement exigeant et perfectionniste. Dans un post-Metal très progressif et Groove, « Stasis » développe une énergie sinueuse franchement phénoménale et d’une puissance qui s’affiche sans complexe en opposition à des passages apparemment plus éthérés.   

HIPPOTRAKTOR

« Stasis »

(Pelagic Records)

Avec « Meridian » sorti il y a trois ans, HIPPOTRAKTOR avait soigneusement posé les fondations d’un Metal moderne assez fulgurant et façonné sur des bases progressives, Groove et post-Metal. Et ce premier opus en avait secoué plus d’un par sa maîtrise, sa production et surtout l’originalité avec laquelle les Belges avaient réussi à mettre en œuvre la fluidité de tous ces éléments. Avec « Stasis », le combo ne fait pas autre chose, si ce n’est qu’il le fait encore mieux et en affichant une assurance indéfectible. Solide et massif, il paraît franchement inarrêtable.

Doté des redoutables Sander Rom (L’Itch) et Stefan de Graef (Psychonaut) au chant qui créent une sorte de miroir vocal très contrasté, HIPPOTRAKTOR peut développer à l’envie ce choix des nuances qui le rend imprévisible. Parfaitement produit par son guitariste Chiaran Verheyden, « Stasis » joue et trouve même l’équilibre entre les extrêmes tout au long des sept morceaux. Violent, aérien, lourd, voire écrasant, le jeu du quintet impressionne autant par la grande technicité de ses membres que dans la structures des titres.  

Cela dit, derrière l’imposante machine à broyer se niche aussi une formation sachant évoluer tout en finesse dans un post-Metal plus léger et parfois même contemplatif. Assez complexe dans la composition, HIPPOTRAKTOR n’en reste pas moins très lisible et on se laisse vite emporter par la multiplicité des reliefs et des tessitures sonores, le tout dans un ensemble millimétré (« Descent », « Stasis », « The Indifferent Human Eye », « Silver Tongue », « Echoes »). Avec une telle réalisation, les prestations scéniques s’annoncent aussi magistrales que résolument intenses.

Photo : Sam Coussens
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France Grunge Metal Indus Rock Indus

Wallack : l’urgence temporelle [Interview]

Malgré des changements de line-up finalement inhérents à chaque groupe, WALLACK est toujours debout et ressert dorénavant son jeu autour d’un Rock Indus aux légères teintes Metal et Grungy. Devenu trio depuis la récente sortie de « Loveless », les Poitevins s’aventurent dans des atmosphères bien plus sombres, mais toutes aussi prégnantes. Après deux albums (« White Noise »  et « Black Neons »), c’est dans un format plus court que le groupe joue avec le Fuzz et les machines dans un univers très personnel et saisissant. Cyprien Tillet (guitare, chant, synthé) revient sur les dernières péripéties du combo et surtout sur l’élaboration de ce deuxième album massif et compact.

Photo : Thibault Berthon

– Avant de parler de ce nouvel album, il s’est passé quatre ans depuis « Black Neons » et il y a eu quelques changements, à commencer par votre batteur et puis vous êtes désormais un trio, même si l’album a  été enregistré à quatre. Ça a été compliqué de maintenir le cap pendant et après la pandémie ? C’est l’une des raisons de ces mouvements de line-up ?

Notre précédent batteur, Vincent, a souhaité se consacrer pleinement à son entreprise de réparation et maintenance de matériel électronique et Marco, notre bassiste, a vogué vers de nouveaux projets musicaux. Thomas est arrivé à la batterie et, après avoir envisagé d’intégrer un nouveau bassiste, on s’est finalement rendu compte qu’on fonctionnait très bien en trio. On a décidé d’ajouter aux pistes programmées de synthé une piste de basse. Cela colle assez bien avec l’orientation Electro/Indus du nouveau disque. WALLACK a toujours été un groupe à géométrie variable et cela influe assez peu sur le rendu live ou studio. Pour en revenir à la période du Covid, ça a bien sûr été une période compliquée pour nous comme pour beaucoup de groupes, d’autant que notre album est sorti en début de confinement, ce qui nous a privés d’une diffusion efficace et d’une tournée promotionnelle. Il faut néanmoins relativiser les choses : beaucoup ont été plus durement touchés, et notamment au niveau sanitaire…

 On vous retrouve cette fois avec un EP ou un mini-album, c’est selon. C’est le format que vous aviez envisagé dès le départ ? Il n’était pas question d’un album complet ?

C’est un format qui s’est imposé, car nous visions à l’efficacité et voulions insuffler une vraie intensité et une forme d’urgence à ce disque. Pour autant, nous avons essayé de contrebalancer cette violence avec des plages plus ambiantes, presque cinématographiques. On a écrit beaucoup de morceaux entre mars 2020 et septembre 2022, date du début de l’enregistrement de « Loveless », et certains morceaux figureront peut-être sur un futur album. Mais nous avions un vrai désir de cohérence pour ce disque-là, ce qui nous a poussé à épurer le propos au maximum, pour arriver finalement à ce mini-album.

– L’univers musical de WALLACK est toujours aussi distinctif sur « Loveless » et il s’affirme nettement dans une dynamique Indus, qui n’est d’ailleurs pas rappeler Treponem Pal par moment. L’idée est maintenant de se poser clairement dans ce registre ?

Avant d’écouter du Stoner ou du Psyché, j’ai grandi dans une décennie où le Rock industriel et le Grunge ont explosé et j’ai toujours eu envie de marier ces deux styles sans vraiment savoir comment m’y prendre. Et puis le titre « Anxiety » sur le précédent album est arrivé et nous a montré une voie intéressante. Pour autant, on ne veut pas reproduire une recette, ni se concentrer sur un style au détriment d’autres influences chères à chacun de nous.

Photo : Thibault Berthon

 Pourtant, le Metal et le Rock font toujours cause commune dans des sonorités très organiques, loin de l’image souvent froide et sophistiquée de l’Indus. Malgré les claviers et/ou les samples, la musique de WALLACK garde beaucoup de proximité et même de chaleur. Tout en faisant preuve de beaucoup de modernité dans la démarche, vous restez fidèles à un son assez Rock. Cela dit, l’émancipation du Stoner semble faite, non ?

Même s’il y a un petit côté Metal, notamment dans la production, on est beaucoup plus proche du Rock, en effet. Nous avions l’objectif de faire un disque Rock et agressif, aux sonorités industrielles et qui n’oublie jamais d’être accessible. Pour autant, on ne s’interdit rien en termes d’influence et certains riffs comme les refrains de « Lux Altera » ou « More A Shade Than A Man » ne dépareilleraient pas dans un contexte Stoner. De même, on va trouver des influences Doom, voire Drone, sur un titre comme « To the End »… L’important est de faire coexister en toute intelligence ces différents styles.

– Tout comme sur « Black Neons », vous avez de nouveau fait appel à Fabien Devaux, qui s’est occupé de l’enregistrement, du mix et du mastering de « Loveless ». Il a dû s’adapter à cette évolution musicale, ou c’est le résultat d’une réflexion commune sur le son ?

Fabien n’a pas eu de mal à s’adapter à cette nouvelle orientation, puisqu’il a déjà une bonne expérience des projets Metal/Electro/Indus avec Step in Fluid ou Carpenter Brut. Il nous a même conseillés tout au long de la composition du disque et a suggéré nombre d’idées en terme de son compact et massif, sorte de fusion entre la basse, les guitares et les synthés Moog et Korg. On a finalement poursuivi les recherches sonores entamées sur certains titres de notre précédent disque, tout en allant plus loin dans la lourdeur avec l’omniprésence du fuzz. C’est aussi Fabien qui a organisé la rencontre avec notre batteur Thomas. Il existait déjà entre eux un passif de travail collaboratif, ainsi qu’une vraie alchimie, ce qui est un plus dans l’élaboration de notre nouveau son.

Photo : Thibault Berthon

– « Loveless » est aussi beaucoup plus sombre que « Black Neons » et le titre le souligne d’ailleurs aussi. Vous avez calqué la thématique du ‘Memento Mori’ sur vos morceaux, ou c’est la composition de ces nouveaux titres qui vous ont mené au sujet principal de ce nouvel EP ?

Cette thématique s’est imposée aux personnes que nous sommes aujourd’hui, préoccupées du temps qui passe, des choses que nous avons accomplies ou non, et du temps incertain qu’il nous reste pour les accomplir. J’ai toujours été obsédé par ces questions… Rien d’original au fond et quelque chose de terriblement humain. Cette urgence, nous l’avons mise dans des titres assez courts, visant à l’essentiel pour épouser d’un côté le ‘Carpe Diem’, la quête d’un plaisir immédiat, exigeant, insatiable, et de l’autre le ‘Memento Mori’, cette angoisse face au temps qui nous échappe et nous détruit.

 Ce qui ressort également de « Loveless », c’est l’aspect assez brut et très efficace, puisqu’on ne retrouve plus les sonorités post-Rock et Stoner. L’objectif était d’aller à l’essentiel, quitte à épurer vos compos au maximum ?

Oui, cette urgence répondait à un vrai besoin à un instant T, là où par le passé nous aimions étirer le propos en écrivant de longues montées, sans doute aussi parce que nous aimons la musique progressive et psychédélique. C’est en tout cas l’esthétique qu’on a souhaité insuffler à ce disque. Rien ne dit qu’on ne reviendra pas à des titres de huit minutes dans le futur ! On ne s’interdit rien, dans les limites de la cohérence inhérente à chaque disque.

– Il y a également une identité visuelle qui se dessine à travers les pochettes de vos deux dernières réalisations. La personnalité de WALLACK passe-t-elle aussi par l’image ? C’est devenu indissociable dans la musique aujourd’hui ? De pouvoir être rapidement identifié ? 

En effet, c’est indissociable. On pourrait le regretter, car l’image supplante souvent la musique. On cherche à capter l’œil rapidement, notamment dans les clips, car notre capacité d’attention est de plus en plus limitée, soumise à une culture du zapping. J’ai parfois l’impression que tout cela se fait au détriment de la musique. Cela court-circuite aussi l’imagination de l’auditeur qui, par un phénomène de correspondance, pourrait visualiser tout un monde, des paysages, des images, en fermant les yeux et en se laissant aller au rythme de la musique. Pour autant, je ne boude pas mon plaisir devant un super clip qui évite cet écueil et sublime un son ! Mais pour revenir plus précisément à la question de l’artwork, celui-ci est en effet très important, car il associe immédiatement un son à une image. Pour celui de « Loveless », on voulait représenter une vanité et, même si c’est un motif récurrent dans le Rock, le choix du crâne s’est imposé.  Seb a travaillé là-dessus et le résultat nous a bluffé tant il se démarquait des représentations ‘Rock’ habituelles. Il a aussi la subtilité de ne pas être immédiatement reconnaissable, de suggérer des visions personnelles et inconscientes.

 « Loveless » de WALLACK est disponible chez Klonosphere/Season Of Mist.

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Blues Blues Rock

Blue Deal : l’heure bleue

Originaire du sud de la Forêt-Noire, la formation menée par l’expérimenté Joe Fisher (chant, claviers, cigarbox, guitare) se présente avec un nouvel effort d’un Blues nourri de Rock qui trouve son équilibre entre une puissance bien calibrée et d’autres moments plus délicats. « Can’t Kill Me Twice » est une belle démonstration de force, qui met en lumière quatre musiciens inspirés, qui font preuve de beaucoup de diversité sur de solides compos très soignées.

BLUE DEAL

« Can’t Kill Me Twice »

(Dixiefrog)

Après avoir fait les beaux jours du Cadillac Blues Band pendant plus de deux décennies, Joe Fisher a monté BLUE DEAL, un quatuor haut en couleur avec lequel il navigue dans un Blues Rock enflammé sous s’interdire quelques escapades Swamp. « Can’t Kill Me Twice » est le deuxième album des Allemands et le premier sur le label français Dixiefrog. En bluesman expérimenté, le frontman est entouré de Jürgen Schneckenburger (batterie), Martin Bürger (basse) et du jeune virtuose Tom Vela à la guitare.

Ce dernier, considéré comme l’un des meilleurs de cette nouvelle génération Blues en Allemagne, ne se contente pas d’éblouir par sa technique et son feeling, il produit aussi « Can’t Kill Me Twice » et le résultat est éclatant. Il multiplie les atmosphères et les sonorités, faisant de BLUE DEAL un combo multi-facettes aussi à l’aise dans un registre inspiré du Mississippi et de la Louisiane que dans un Blues Rock plus brut et presqu’urbain. Et cet éclectisme est l’une de ses principales forces.

Ce n’est donc pas une surprise si Joe Fisher et ses compagnons ont fait partie, aux côtés des Français de The SuperSoul Brothers, du dernier carré lors de l’International Blues Challenge (IBC) en janvier dernier à Memphis. BLUE DEAL s’inscrit donc comme le fer de lance du renouveau du Blues germanique et ce nouvel opus se déguste avec gourmandise et sans modération (« Short Time Runner », « Gilded Cage », « Favorite Mistake », « Got 2 Go », « Stand By » et le morceau-titre). Energique et franchement indomptable.

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Metal Progressif Post-Metal Sludge

Cobra The Impaler : une odyssée sauvage

Combinant les courants les plus novateurs du Metal, COBRA THE IMPALER s’est forgé une personnalité forte et originale. Si « Colossal Gods » avait déjà posé de solides fondations, « Karma Collision » vient enfoncer le clou magistralement. Entre Sludge, Prog et post-Metal, la formation originaire de Belgique s’autorise de belles embardées, faisant d’elle l’une des plus intéressantes du moment. Un voyage musical saisissant.

COBRA THE IMPALER

« Karma Collision »

(Listenable Records)

Il y a deux ans, COBRA THE IMPALER avait littéralement propulsé un énorme pavé avec « Colossal Gods », un premier album étonnamment mature, audacieux et surtout très créatif. Les Belges se sont forgés un univers très personnel, où le Metal tend vers le Progressif, le Sludge et le Groove avec une touche très particulière. Avec « Karma Collision », ils vont encore plus loin en se frayant un chemin entre Mastodon et Gojira, tout en imposant un style désormais facilement identifiable.

Mené par son guitariste et tout aussi brillant illustrateur, Tace DC, COBRA THE IMPALER parvient encore à surprendre grâce à de nouveaux titres racés, musclés et toujours aussi intenses. Comme pour le premier opus, la production a été confiée à Ace Zec, batteur du combo, et elle s’inscrit avec beaucoup de puissance, de clarté et de densité une fois encore. Et la variété du chant d’Emmanuel Remmerie, soutenu aux chœurs par Michele De Fendis, libère un territoire mélodique très riche vocalement.

Toujours aussi lourd et dynamique, « Karma Collision » fait même preuve d’avant-gardisme grâce à un duo de guitaristes très complémentaires, qui multiplie les riffs et les solos de haut vol. COBRA THE IMPALER s’aventure aussi dans des contrées Thrash comme post-Metal et, finalement, on découvre un peu plus cette nouvelle réalisation au fil des écoutes (« Magnetic Hex », « Season Of The Savage », « The Fountain », « The Message » et le morceau-titre). Depuis sa création le quintet réalise un véritable sans-faute.

Photo : Visuels Germaux

Retrouvez la chronique du premier album :

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Hard'n Heavy

AnimS : intemporel

Elegant et accrocheur, ce nouvel opus d’ANIMS devrait ravir les fans de la scène Hard Rock et Heavy Metal des 90’s à laquelle les Italiens sont insufflé une belle énergie et un son très actuel. Mélodique et véloce, « Good’n’Evil » ne donne pas dans la nostalgie, mais propose au contraire un élan volontaire dans un style très convaincant. Et le chant féminin offre également beaucoup de couleurs à des titres bien ciselés.

ANIMS

« Good’n’Evil »

(Sneakout Records/Burning Minds Music Group)

En formation power trio depuis ses débuts, ANIMS donne une suite à « God Is A Witness » sorti il y a deux ans maintenant. Toujours dans un registre Hard’n Heavy inspiré des années 90, le groupe affiche des compos et une production très actuelles. Il faut aussi préciser que ses membres ne sont pas les premiers venus sur la scène Rock et Metal italienne. On retrouve, en effet, Francesco Di Nicola (Danger Zone, Crying Steel, Krell) à la guitare et à la basse, Paolo Caridi (Ellefson-Soto, Geoff Tate) derrière les fûts et la chanteuse Elle Noir qui évolue aussi en solo.

Aguerris et plus que chevronnés, les trois musiciens sont dans une totale maîtrise et le travail sur le son donne un relief complet à « Good’n’Evil ». L’une des principales richesses de l’album réside aussi dans les guitares, car ANIMS a en quelque sorte dédoublé son guitariste, multipliant les rythmiques et offrant une belle liberté aux solos. Le jeu de son batteur est lui aussi irréprochable et costaud. Les Italiens peuvent donc compter sur leur talent, ainsi que sur une expérience perceptible sur l’ensemble des morceaux, où la frontwoman tient aussi un rôle majeur avec beaucoup d’assurance.  

Si l’on détecte des références comme celles de Doro et de Lita Ford dans le chant très Rock d’Elle Noir, tout comme celle de Dokken à ses plus belles heures dans le jeu de Francesco Di Nicola, ANIMS parvient cependant à imposer une touche bien à lui sur « Good’n’Evil ». Que ce soit sur « Fear Of The Night », « Satellite », « Dry Bones », « Lena », « Victim Of Time » ou le morceau-titre, les Transalpins font preuve de diversité, de fluidité et réussissent sans mal à captiver grâce à des titres solides et distinctifs. Avec un album de ce calibre, le combo met toutes les chances de son côté.  

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Alternative Rock Rock Hard

Collateral : melody maker

Après un premier album éponyme en 2020 très remarqué en Angleterre et qui a bénéficié d’une version remixée il y a deux ans (« Re-Wired ») avec des guests comme Jeff Scott Soto, Phil X et Joel Hoekstra, COLLETERAL apporte beaucoup de fraîcheur au Rock anglais. Très américain dans l’approche et dans le son, le combo réunit avec une touche très moderne tous les ingrédients à même de réunir les fans de Rock au sens très large du terme. Avec son côté très ’stadium’, il devrait rassembler les fans d’une époque estampillée FM comme ceux de l’actuel Alternative Rock.

COLLATERAL

« Should’ve Known Better »

(Big Shot Records)

A en croire la presse spécialisée d’outre-Manche, ce nouvel album de COLLATERAL retranscrit parfaitement toute l’énergie déployée en live par le groupe. On est donc en droit d’attendre un disque costaud et déterminé. Et il faut reconnaître que la formation du Kent est séduisante à bien des égards. Dans un Alternative Rock à la Nickelback et un Hard Rock soft façon Def Leppard ou Bon Jovi, les mélodies sont mises à l’honneur, ce qui n’empêchent nullement son guitariste, très en verve, et son frontman notamment d’apporter un souffle très véloce à un « Should’ve Known Better », séduisant et accessible.

Et si la rythmique basse/batterie (Jack Bentley-Smith et Ben Atkinson) n’est bien sûr pas en reste, COLLATERAL doit beaucoup à son chanteur, Angelo Tristan, au timbre très personnel et à la puissance vocale remarquable. Mais le frontman n’est pas le seul garant de l’identité musical du quatuor. Son guitariste, Louis Malagodi, imprime littéralement de son jeu les compositions de ce « Should’ve Know Better » très varié et entraînant. Et enfin, le relief de ce deuxième opus prend toute sa dimension grâce à la production de Dan Weller (Enter Shikari, Kris Barras, Bury Tomorrow). Un  travail d’orfèvre.

Visiblement, les nombreuses tournées des deux dernières années ont fait beaucoup de bien à COLLATERAL, dont les nouveaux morceaux sont très fédérateurs. Les Britanniques imposent leur marque sur des refrains entêtants et une redoutable efficacité dans le songwriting. On peut déjà imaginer l’impact sur scène de chansons comme « Glass Sky », « Original Criminal », Teenage Dream », « No Place For Love » et « Final Stand ». Parfois un peu convenu et attendu sur certains passages, « Should’ve Known Better » s’adresse à un vaste public sans se perdre dans le côté émotionnel du genre.

Photo : Blackham
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Blues Rock Classic Rock Rock 70's

Ebba Bergkvist & The Flat Tire Band : flying free

Spontané et vivifiant, « Four Wings » est un superbe condensé de Classic Rock et de Blues porté par la voix de son électrique frontwoman, EBBA BERGKVIST, qui guide THE FLAT TIRE BAND, lui aussi très inspiré et délicieusement vintage. Cette production aux sonorités analogiques et terriblement organiques libère un côté revival, qui résonne comme un appel aux grands espaces dans un élan de liberté très Rock et soutenu. Les Suédois jouent sur les émotions dans une dynamique à l’énergie débordante.

EBBA BERGKVIST & THE FLAT TIRE BAND

« Four Wings »

(The Sign Records)

Après le très bon « Split Milk » sorti il y a quatre ans et acclamé à juste titre, EBBA BERGKVIST & THE FLAT TIRE BAND présente sa deuxième réalisation qui vient confirmer tout le talent de la jeune formation. Toujours mené de main de maître par sa chanteuse et guitariste, le groupe reste dans cette veine et ce son très 70’s, tout en faisant soigneusement passer ses compositions au prisme d’un élan très contemporain. Entre Classic Rock et Blues Rock avec une touche Southern et Psych, « Four Wings » affiche une étonnante et très riche diversité.

Accompagnée par Björn Björnehult Korning (basse), Adam Randolph (batterie) et le Finlandais Jonas Skeppar (guitare) qui forment THE FLAT TIRE BAND, EBBA BERGKVIST signe ces nouveaux morceaux et a également enregistré et produit ce nouvel opus. C’est d’ailleurs à elle que l’on doit également les visuels du disque. Artiste complète donc, sa prestation vocale est aussi incroyable de puissance comme de délicatesse. Une force que l’on perçoit sur l’ensemble des chansons et qui transcende notamment les parties les plus Blues de « Four Wings ».

Dès le morceau-titre qui ouvre l’album comme sur « The Pack » et « Vice Versa », c’est surtout le côté Heavy Rock qui domine, tout en délivrant des mélodies et des refrains accrocheurs. EBBA BERGKVIST & THE FLAT TIRE BAND fait preuve d’une grande maturité et de beaucoup de fraîcheur (« Backside », le génial « Black Horse », « Treachery », « Eastern Prairies »). Se faisant hypnotique et torride, le quatuor montre sa passion et n’a pas son pareil pour varier les ambiances, tout en maintenant habillement un cap très personnel et bouillonnant.  

Photo : Pontus Maina