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Groove Metal Hard-Core Thrash Metal

Swarm : un groove exponentiel

La scène Metal française ne s’est jamais aussi bien portée et SWARM en est le parfait exemple. Malgré une exposition bien trop discrète, la formation d’Antibes enchaîne les concerts et les albums depuis une bonne décennie maintenant. Le groove brutal et mélodique à l’œuvre sur « Omerta » devrait sans mal conquérir les fans de Thrash Hard-Core aux riffs tranchants et aux solos survoltés. Cette belle offrande décibélique ne doit rien au hasard, tant le groupe monte en puissance à chaque disque.  

SWARM

« Omerta »

(Independant)

Il y a cinq ans déjà, SWARM m’avait déjà fait forte impression avec « Anathema », son deuxième album. Le successeur de « Division & Disharmony » (2017) sortait d’ailleurs en indépendant ce qui, vu sa qualité, tenait de l’hérésie en comparaison d’autres productions supportées par un label. Ensuite, le combo nous a fait patienter avec « Mad In France », un EP paru l’an dernier, doté de six titres explosifs, où il a encore peaufiné un style basé sur un Groove Metal teinté de Thrash et de Hard-Core à la redoutable efficacité. Son registre semble être cette fois arrivé à maturité, car la force déployée est monumentale.  

D’ailleurs à l’époque de la parution du format court, beaucoup se sont interrogés, car le troisième opus était a priori déjà en boîte. Cela dit, ça valait vraiment la peine d’attendre, car « Omerta » montre et démontre que SWARM fait bel et bien partie du haut du panier de la scène hexagonale. Toujours enregistré et mixé au studio Artmusic dans le Var par Sebastien Camhi, le mastering a été confié au grand Jacob Hansen et le moins que l’on puisse dire est que ce nouvel effort a du coffre, du relief et dégage une folle et dévastatrice énergie. Tous les ingrédients sont réunis et les feux sont au vert.

« Omerta » ouvre avec « Alsamt », une belle intro instrumentale, acoustique et solaire. Mais SWARM, c’est d’abord deux guitares qui claquent, une rythmique qui bastonne et un chant accrocheur et varié. Musclée et massive, cette nouvelle réalisation présente un bel équilibre et balance bombe sur bombe (« Step By Step », « Suicidal Dreams », « Make Your Move », « My Inner »). Le quintet s’offre aussi une brève accalmie (« DeAD Inside »), quelques phrasés en français (« Clink And Come End ») avant de clore magistralement les débats avec l’excellent « First Class », l’ultime et brillant joyau d’« Omerta ». Bien joué !

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Djent Groove Metal Metal Progressif

TesseracT : futuriste

Sur une production massive signée en collaboration avec Peter Miles et Katherine Marsh de Choir Noir, TESSEARCT livre « War Of Being », un opus conceptuel et particulièrement immersif. Pointus et techniques, les Anglais posent des ambiances souvent avant-gardistes, et toujours aussi Metal et progressives. Et en se réinventant à chaque fois, leur parcours est assez renversant. A noter que la pochette a été réalisée avec l’assistance d’une IA, une chose qu’on ne verra pas se produire sur la musique du groupe, selon son guitariste James Monteith.

TESSERACT

« War Of Being »

(Kscope)

Apparu au début des années 2000, TESSERACT fait partie de la grande famille du Metal Progressif avec cependant des aspects qui le distingue du style originel. Les inspirations Rock des pionniers ont disparu au profit de sonorités plus actuelles comme le Nu Metal et surtout le Djent avec lesquels les membres du groupe ont grandi. C’est assez normal finalement et cela donne des spécificités particulières aux Britanniques, qui sont parmi les rares à proposer ce type de registre. En perpétuelle évolution et adeptes d’expérimentation musicale, ils présentent un « War Of Being » novateur.  

Cinq ans après leur dernier effort studio, « Sonder », et suite à « Live In The Lockdown » et « P.O.R.T.A.L.S. » sortis en pleine pandémie, TESSERACT s’essaie au concept-album et c’est plutôt réussi. On plonge ainsi dans ‘The Strangeland’, où se trouvent les deux protagonistes de cette fable moderne. En alternant les couleurs musicales à presque chaque album, le quintet sort systématiquement de sa zone de confort tout en restant dans un Metal Progressif flirtant avec le Groove, le Nu Metal et surtout le Djent. Présentées comme un élément unique, les neuf plages de « War Of Being » sont littéralement soudées.

L’enchaînement des morceaux est remarquable et grâce à des atmosphères très contrastées et un gros travail sur les textures sonores, TESSERACT s’appuie sur une belle vélocité et des passages aériens bien sentis. Entre chant clair mélodique et growl appuyé, le frontman Daniel Tompkins livre une prestation en symbiose parfaite avec un duo de guitaristes survitaminé, dont les riffs Heavy ravagent tout sur leur passage. Enfin, la rythmique agile et puissante mène ce nouvel opus sur un train d’enfer (« War Of Being », « The Grey », « Sacrifice », « Sirens »). Une belle et très maîtrisée déflagration !

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Groove Metal Nu Metal

Brain For The Masses : furious Esperanto

Le Portugal ne cesse de réserver de bonnes surprises en matière de Metal et BRAIN FOR THE MASSES vient renforcer cette belle scène émergeante au talent indéniable. Solide et massif, le quintet vient se loger quelque part entre Fear Factory, Linkin Park et Meshuggah en assumant pleinement la violence de son jeu et l’aspect très fédérateur de ses compos. Une sorte de Modern Metal en version organique et tout en finesse…

BRAIN FOR THE MASSES

« Monachopsis »

(Independant)

C’est assez rare que je chronique des EP, souvent faute de place et notamment aussi face à une quantité démentielle de sorties. Cependant, l’histoire de ce quintet portugais force le respect et surtout, « Monachopsis » est une très bonne réalisation de cinq titres d’une demi-heure intense où de nombreux courants du Metal viennent se bousculer intelligemment. BRAIN FOR THE MASSES fait une magnifique entrée en matière.

Obstinés, les Lusitaniens ont déjà six ans d’existence et même si ce premier effort ne sort qu’aujourd’hui, il a été enregistré en 2019, puis bloqué par cette satanée pandémie. Pourtant, ils n’ont jamais lâché l’affaire et « Monachopsis » montre beaucoup de dynamisme, de volonté et surtout un Metal virevoltant. Capable de nous transporter dans un Groove Metal massif et lourd, BRAIN FOR THE MASSES affiche bien d’autres envies.

Flirtant avec le Nu Metal, le Groove donc, mais aussi avec le Heavy et le Metal Progressif, le combo ne s’interdit rien et paraît même à l’étroit tant il est difficile à loger. Mélodique et puissant, BRAIN FOR THE MASSES livrent des titres aboutis, très bien structurés et que des arrangements soignés font bien respirer (« Bleak », « Seclusion », To Be Alive », « Stay Afloat »). Soutenu par une telle production, les portes semblent grandes ouvertes.  

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Groove Metal Hard Rock Southern

I’ll Be Damned : incendaire

Ils seront damnés et ça ne fait aucun doute ! Peu importe, les Danois prennent le taureau par les cornes pour asséner un album très nerveux, où la fièvre du propos s’étend sur des morceaux d’une totale liberté et d’une explosivité de chaque instant. Sur un Hard Rock massif, percutant et aux éclats de Metal, I’LL BE DAMNED livre l’un des meilleurs albums dans ce registre depuis bien longtemps ! La machine est lancée…

I’LL BE DAMNED

« Culture »

(Mighty Music/Target Group)

Présenté comme un groupe de Groove Metal, c’est pourtant bel et bien dans un registre très Hard Rock bien gras et surpuissant, d’où s’échappent des solos bien Heavy, qu’évolue I’LL BE DAMNED. Alors pour ce qui est des références, allez plutôt chercher du coté de Clutch que de Down. Résolument Rock’n’Roll dans l’attitude, mais pas seulement, les Danois livrent un troisième album survolté, hargneux et vindicatif.

Que ce soit la politique, la religion, les médias et plus largement la société dans son ensemble, tout le monde en prend pour son grade. Et pas à moitié ! Avec l’arrivée d’Anders Gyldenøhr derrière les fûts et surtout de Mark Damgaard au chant, le quintet se montre incisif dans les riffs, massif dans la rythmique et très rugueux, tout en restant mélodique dans la voix. I’LL BE DAMNED n’est pas de retour pour trier les lentilles.

Les neuf morceaux de « Culture » sont autant de grosses claques en pleine face. Avec un côté Southern marqué, les Scandinaves avancent sur un groove épais et rageur entre colère et désespoir avec un cynisme et une ironie de chaque instant. Parfaitement structurés et remarquablement bien produits, les morceaux de I’LL BE DAMNED sont autant d’uppercuts (« FuckYourMoney », « Hell Come », « Through The Walls », « Forever, Right »). Jouissif !

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Alternative Metal Groove Metal Modern Metal

Demon Hunter : entre lumière et tentation

Fondé en 2000 par les frères Clark dont il ne reste aujourd’hui que Ryan au chant (Don ayant décidé de se consacrer à sa famille), DEMON HUNTER est l’un des rares groupes de Metal chrétien à s’aventurer dans des registres massifs et des atmosphères très sombres. Entre Groove, Alternative et Modern Metal, les Américains bénéficient d’une belle et solide réputation que « Exile » vient contribuer à renforcer.

DEMON HUNTER

« Exile »

(Weapons MFG)

Après un report de quelques semaines, le dizième album des Américains de DEMON HUNTER pointe enfin le bout de son nez et il réserve de belles surprises. Le quintet de Seattle nous avait laissé avec « Peace/War » en 2019, doublement réussi, et réapparaît avec son premier album-concept, « Exile ». Produit et mixé par son guitariste, Jeremiah Scott, ce nouvel opus est rassembleur et percutant.  

Les douze morceaux reflètent le regard original d’un homme sans attaches dans une société civilisée venant de s’effondrer. DEMON HUNTER continue donc son exploration de la face obscure humaine, tout en y apportant de nombreuses notes d’espoir évidemment. Contrairement à son prédécesseur, « Exile » présente une unité musicale moins dispersée, mais toute aussi tranchante et mélodique.

Et pour épicer un peu l’ensemble, le groupe de Metal chrétien a fait appel à quelques invités de marque venus d’horizons très différents. Ainsi, Max Cavalera de Soufly (« Defense Mechanism »), Richie Faulkner de Judas Priest (« Godless ») et Tom S. Englund d’Evergrey (« Silence The World ») embellissent de belle manière cette réalisation bien musclée. DEMON HUNTER reste inspiré et frappe fort.

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Groove Metal Thrash Metal

Lamb Of God : l’envie du partage

Pour sa onzième réalisation studio, LAMB OF GOD donne presque l’impression d’un émoi  retrouvé, qui est très certainement dû au fait d’avoir enregistré « Omens » en live. Cette immédiateté déversée sur les dix titres offre à ce nouvel opus un aspect où le quintet enflamme par ses nouvelles compos, dont la force est décuplée et renforcée grâce à un élan très connecté, omniprésent et ravageur.

LAMB OF GOD

« Omens »

(Nuclear Blast Records)

LAMB OF GOD nous avait laissé en mars 2021 avec un drôle d’album live, « Live In Richmond, VA », que le groupe avait enregistré un concert, chez lui et en streaming, devant une salle vide pour cause de confinement. Même si l’envie et la puissance étaient au rendez-vous, une atmosphère étrange s’en dégageait. Pourtant, chez le quintet américain, un fort désir a émergé, celui de jouer en live le plus souvent possible. Et c’est le cas sur « Omens », où seules quelques toutes petites parties vocales ont été enregistrées séparément.

Donc, la chose qui ressort au premier abord d’« Omens » est cette énergie du collectif que le frontman Randy Blythe prend aussi à son compte. Jouer et composer ensemble s’entend véritablement sur ce nouvel album et LAMB OF GOD emporte tout sur son passage et y parvient sans peine. Produit par le grand Josh Wilbur (Korn, Trivium, Megadeth) et surtout enregistré aux mythiques Henson Recording Studios créés par Charlie Chaplin en 1917, le groupe livre ici un opus enragé et convaincu.

La culture et une évidente adoration du riff restent intactes et plus virulentes que jamais. La paire Willie Adler/Mark Morton s’en donne à cœur-joie, quitte parfois à nous perdre en route. Sans jamais lever le pied, « Nevermore », « Vanishing », « To The Grave », « Grayscale » ou encore « Denial Mechanism » sonnent comme des piqûres de rappel où LAMB OF GOD donne le sentiment d’insister sur l’aspect exaltant, électrisant et surpuissant de son jeu. « Omens » est particulièrement rageur, voire presqu’excessif. Jubilatoire. 

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Groove Metal Thrash Metal

Machine Head : la leçon

A en croire certains, MACHINE HEAD n’est plus que l’ombre de lui-même depuis quelques albums. Assez inégal, c’est vrai, le quatuor de la Bay Area reste pourtant une valeur sûre du Thrash/Groove Metal depuis trois décennies. Avec « Øf Kingdøm And Crøwn », le combo fait bien plus que de redorer son blason : il l’illumine. Rendant coup pour coup, cette dixième réalisation vient remettre l’église au centre du village Metal avec éclat.

MACHINE HEAD

« Øf Kingdøm And Crøwn »

(Nuclear Blast)

Et si, avec ce dixième album, MACHINE HEAD venait de livrer la pièce maîtresse de sa discographie ? Ça en fera certainement hurler plus d’un, mais si on y réfléchit bien… « Øf Kingdøm And Crøwn » recèle d’innombrables trésors répartis sur 15 pistes pour une heure de Thrash/Groove Metal de haute voltige. Les Californiens atteignent enfin le niveau auquel on les a toujours imaginés.

Robb Flynn et ses hommes apposent d’entrée leur ambition et leur assurance avec « Slaughter The Martyr », titanesque morceau de dix minutes où la mélancolie se mêle à une brutalité foudroyante. Dans le même temps, techniquement et au niveau des harmonies, MACHINE HEAD affiche la couleur : elle sera noire. Le quatuor se montre plus affûté que jamais et la fluidité de son Metal est juste phénoménale.

Entre Waclaw Kieltyka et son leader, l’osmose guitaristique est au sommet, tandis que Matt Alston (batterie) et Jared McEachern (basse) apportent à « Øf Kingdøm And Crøwn » un rythme infernal et un groove énorme (« Chøke Øn The Ashes Øf Yøur Hate », « Becøme The Firestørm »). Si la mécanique de MACHINE HEAD est parfaitement huilée, les mélodies et le chant libèrent une diversité presqu’addictive et très audacieuse (« Unhalløwed »). 

La facilité affichée sur l’ensemble de cet album-concept montre aussi à quel point le groupe a atteint sa pleine maturité et sa perpétuelle remise en question porte enfin ses fruits. Les Américains ne sont plus des challengers depuis longtemps et ce nouvel opus vient faire taire ses détracteurs. MACHINE HEAD est affamé, surpuissant et cette démonstration est franchement implacable (« Kill Thy Enemies », « Bløødshøt », « Røtten »).

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France Groove Metal Thrash Metal

Heart Attack : tsunami groove [Interview]

Avec leur troisième album, les Français de HEART ATTACK viennent jeter un énorme pavé dans le monde du Thrash Metal hexagonal. D’une part, parce que « Negative Sun » se démarque du registre tel qu’on peut le concevoir, et d’autre part parce qu’il apporte un nouvel élan créatif au genre. Grâce à une production irréprochable, un groove constant et des accroches percutantes, le quatuor se retrouve en fer de lance d’une nouvelle vague, qui ose intégrer de nombreux éléments dans un style souvent figé. Son lead guitariste, Kris, nous parle de ce nouvel opus et de l’approche musicale globale du groupe.

Photo : Manuel Acqualeni

– Pour commencer, rappelons que HEART ATTACK sort son troisième album en un peu plus de 15 ans d’existence. Et « Negative Sun » sort chez Atomic Fire Records, ce qui n’est pas rien lorsque l’on voit le catalogue du label. Quelle a été votre première réaction lorsqu’il vous a approché ?

Au départ, on n’y a pas cru ! (Rires) En fait, on avait démarché plusieurs labels, car le nôtre cessait ses activités. Et on cherchait aussi à grossir. Et nous avons reçu un mail nous disant que Markus Staiger, le patron d’Atomic Fire Records, adorait le groupe et il voulait à tout prix nous signer ! On a commencé à discuter avec eux et on est tombé sur une équipe très sympa, très pro et avec beaucoup d’expérience. C’est vraiment un plaisir de bosser avec eux. C’est une bonne expérience et qualitativement, c’est un bond énorme pour nous. 

– Alors qu’aujourd’hui, on va vers de plus en plus d’autoproductions et que même certains groupes bien installés vont dans ce sens, vous intégrez un label reconnu et établi. Qu’est-ce que vous attendez concrètement d’une telle signature ?

Qu’il nous aide à faire grandir le groupe en termes de renommée, ainsi qu’au niveau de la reconnaissance et du crédit sur la scène Metal. Que cette signature nous permette aussi de tourner beaucoup plus, car c’est l’objectif premier. On veut rester sur cette pente ascendante avec HEART ATTACK, sur le plan national depuis une dizaine d’années déjà, et évoluer encore d’avantage.

– Avant de parler du contenu de l’album, j’aimerais que vous me parliez de cette intro, « Rituals ». Tout d’abord, c’est vrai qu’on ne voit plus beaucoup d’intros sur les albums et la vôtre dure quand même près de 2’30 (2’22 pour être précis). Qu’est-ce qu’elle signifie pour vous, déjà par sa longueur et ensuite par le fait qu’elle soit peut-être un peu en décalage avec la suite ? Et ne me dites pas que c’est pour pouvoir vous installer tranquillement sur scène !

C’est clair que là, on a vraiment le temps ! (Rires) D’ailleurs, je ne sais même pas si on commencera avec cette intro sur scène, car on a d’autres idées qu’on va travailler en résidence. Pour revenir à ta question, c’est vrai qu’on en avait déjà fait une sur l’album précédent (« The Resilience » – 2017 – Apathia Records – NDR) et on y est assez attaché. Cela dit, ça ne veut pas dire que sur le prochain, il y en aura une. Pour celle-ci, c’est un sample qu’on a entendu. C’est un chant mongol mixé avec un bulgare. On a voulu travaillé dessus et ce court instrumental est né. Et on l’a trouvé parfait pour l’intro de l’album.

Kris

 – A la première écoute de « Negative Sun », ce qui saute aux oreilles, c’est cette variété et cette richesse qui se dégage de votre Thrash Metal. On peut à la fois y trouver des aspects liés à la Bay Area, mais aussi à la scène allemande notamment. HEART ATTACK a parfaitement assimilé toutes ces influences. C’est un processus nécessaire pour aller de l’avant et proposer un style plus personnel ?

Absolument, et ça me fait très plaisir que tu dises ça ! On a essayé de proposer un album qui soit le plus riche possible, parce qu’on ne voulait se poser aucune limite en tant que musiciens, mais aussi en tant que fans de musique. On ne voulait pas se limiter à une étiquette Thrash. On peut retrouver sur l’album des influences symphoniques, Death, Black, progressives voire presque Pop/Rock. En fait, tout ce que l’on écoute s’y retrouve un peu. On a vraiment fait ce qu’on a voulu, sans aucune contrainte. D’ailleurs sur « Negative Sun », on a vraiment trouvé l’identité d’HEART ATTACK avec ce mélange de riffs et de mélodies multiples. C’est ce qui nous représente le mieux.

– L’autre force de l’album réside dans la puissance des riffs et le côté très mélodique et groove des morceaux. Il y a un vrai liant au sein-même des titres, qui semblent presque être composés comme des chansons. C’est aussi comme ça que vous l’avez entrepris ?

Oui, parce qu’on n’écoute pas seulement du Metal. On est ouvert à beaucoup de choses et la qualité prime toujours sur le genre. On se nourrit de tout ça pour faire des chansons. Le label nous a dit qu’on était un peu imprévisible, et ça nous fait très plaisir, parce qu’on ne sait pas ce qu’il peut se passer dans une chanson. On essaie toujours de surprendre l’auditeur.

– Par ailleurs, ce qui m’a aussi surpris (et dans le bon sens !), c’est cette attaque très Heavy et même Rock’n’Roll sur les solos, avec un côté très fédérateur et presqu’épique. L’objectif était de transmettre cet esprit des pionniers du genre en y insufflant une touche et même une approche très moderne ?  

J’ai justement développé cette attaque sur les solos, parce que je n’écoute pas uniquement du Metal. Je suis d’ailleurs celui qui en écoute le moins dans le groupe. Donc, je n’ai pas forcément un touché Metal. Mes références sont plutôt Steve Lukather, Pete Townsend ou Jimmy Page. C’est vrai que c’est plutôt Rock. Je suis fan des guitaristes un peu architectes et arrangeurs. J’aime bien construire mes solos comme une pièce de la chanson, tout en la servant, et sans dérouler des plans juste parce qu’il faut un solo à ce moment-là. C’est vrai que c’est un peu bâti à l’ancienne.  

– Même si vous y allez souvent très frontalement, HEART ATTACK prend aussi le temps de poser des atmosphères plus aériennes (comme sur « Negative Sun », par exemple) pour imposer un certain volume aux morceaux. On a finalement l’impression que vous vous nourrissez de beaucoup de choses. Le registre Thrash à lui seul paraît presqu’étroit pour vous. C’est le cas, ou c’est simplement votre vision d’une évolution naturelle du style ?

Personnellement, si tu me poses la question, je ne nous considère pas comme un groupe de Thrash. Il y a des influences, c’est certain. Mais, on n’est pas un pur groupe de Thrash. En revanche, sur nos premiers albums, on était dans un registre très Thrash avec beaucoup de riffs et moins d’arrangements. C’est petit à petit que nous avons intégré d’autres influences et sur « Negative Sun », c’est vraiment ce que nous avons fait. On est un groupe de Metal, voilà ! (Sourires)

– HEART ATTACK a aussi la particularité d’intégrer quelques claviers assez discrets d’ailleurs sur l’album, ce qui est quelque chose de rarissime dans le Thrash. Même si l’avis des puristes importe toujours très peu, ce n’est pas une option banale, loin de là. Là encore, on revient au volume et au relief de vos morceaux. C’est une sorte de soutien à la puissance affichée ?

Oui, c’est ça. C’est aussi une manière de rendre plus épique et plus majestueux certains passages, ou carrément appuyer les harmonies. Parfois, la guitare n’est pas forcément suffisante. On l’avait fait un peu sur « The Resilience » et cette fois, on a surtout suivi nos envies. Et on s’est vraiment éclaté !

– A propos de puissance, j’aimerais qu’on dise un mot de la production. Comment cela s’est-il passé ? Avec qui avez-vous travaillé, car le résultat rivalise tranquillement avec n’importe quelle production internationale… 

Ca fait très plaisir à entendre, parce que ça veut dire qu’on a bien bossé. Pour le premier album, nous avions tout fait tous seuls et à la maison. Sur le deuxième, on a été plus exigeant, mais ce n’était pas encore parfait. Et là, on savait vraiment ce qu’on voulait. On voulait un album qui sonne agressif, qui soit massif et qui ait aussi de la personnalité. Aujourd’hui, c’est vrai que beaucoup de productions vont un peu toujours dans le même sens. On a voulu se démarquer. « Negative Sun » a été enregistré et mixé par Sebastien Camhi au Artmusic Studio, et ça a vraiment été un travail à cinq. On a testé beaucoup de choses au niveau des guitares notamment. On est entré en studio début juin (2021) et on a terminé le mixage début août. On a vraiment bossé pendant un bon moment dessus ! 

– Enfin, vous n’y couperez pas : un petit mot sur la reprise de « Jesus He Knows Me » de Genesis en fin d’album. Sans aller jusqu’à dire que vous l’avez maltraitée, même si elle prend une bonne claque, vous en avez fait un morceau presque personnel, tout en gardant étonnamment la structure du morceau. C’est une sorte de récréation pour vous, une manière de vous rappeler quelques bons souvenirs, ou c’est le texte très cynique qui vous a inspiré ?  

Il y a un peu de tout ça. En fait, on sortait de l’enregistrement de l’album, qui est assez sombre, après une période difficile avec la pandémie. L’époque ne prêtait pas vraiment à rigoler et on a eu envie de faire un morceau plus léger et se faire plaisir. Et comme je suis fan de Genesis, j’ai proposé ce titre aux autres. On l’écoutait d’ailleurs déjà souvent en voiture et pour faire la fête. Tout le monde l’a validé et on a bossé dessus. On s’est vraiment éclaté, comme on peut le voir sur la vidéo, qui a été filmé au portable et qui accompagne le morceau. Ca a été une vraie respiration pendant l’enregistrement, même si nous l’avons vraiment fait sérieusement. On l’a fait sans prétention, ni calcul marketing. C’était vraiment pour rigoler ! On l’a recréé en faisant en sorte qu’il devienne le nôtre. Ca a beaucoup au plu au label, qui nous a proposé de le mettre en bonus sur l’album. On ne s’y attendait pas, car on l’avait fait au départ pour la déconne ! Et au final, ça fait plaisir à tout le monde !

L’album « Negative Sun » de HEART ATTACK est disponible depuis le 10 juin chez Atomic Fire Records, et on retrouvera le groupe sur la MainStage du Hellfest à Clisson le vendredi 17 juin en ouverture.

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France Groove Metal Post-Metal

Stengah : entre deux turbulences [Interview]

A force d’un travail acharné, les Lillois se présentent avec un album incroyable de créativité et osent à peu près tout à travers un registre où viennent s’entrechoquer des ambiances et des fulgurances étonnantes. STENGAH, en reprenant le titre d’un classique de Meshuggah comme nom, vise très haut et « Soma Sema » laisse entre voir le meilleur pour le quintet. Entretien avec Eliott Williame, batteur et compositeur du groupe.

Photo : Earlawakes

– STENGAH est un nouveau venu sur la scène Metal française et dès votre premier album, vous mettez tout le monde d’accord en affichant une puissance phénoménale. Avant de parler de « Soma Sema », pouvez-vous revenir sur votre parcours, ainsi que sur votre signature chez Mascot Records pour vos débuts ? 

Merci pour ce retour ! On a débuté le projet en 2013 en cherchant un line up stable et cohérent pour prendre le temps aussi de définir une identité précise et personnelle. C’est vraiment en 2016 que le groupe a commencé à exister avec les premiers concerts et la démo « Mechanic of the Sphere », sortie en avril la même année. En 2017, nous avons été sélectionnés et avons remporté le ‘Metal Battle France’, qui nous a envoyé jouer au ‘Wacken Open Air’, ce qui a été un gros tremplin pour nous faire repérer et gagner en visibilité. Ça nous a ouvert pas mal de portes, et de plus en plus de monde a commencé à s’intéresser à STENGAH. On a été très encouragé et très soutenu pendant la création de l’album jusqu’à tomber dans l’oreille d’un certain Richard Gamba, aujourd’hui notre manager et ami. Il nous a appris des milliers de choses et nous a accompagnés dans un premier temps pour sortir « Soma Sema » sur un label. Ce qui a fait la différence avec Mascot Records, c’est qu’ils se fichent un peu de savoir si le groupe est déjà connu, ou seulement émergent. Ce qui les intéresse avant tout, c’est la proposition artistique et le potentiel qui va avec. Ils y vont un peu au coup de cœur, et c’est pour ça qu’ils nous ont signé à l’époque. Honnêtement, c’est une des plus belles reconnaissances qu’on ait pu avoir sur ce disque. 

– Entre Groove et post-Metal, votre style est aussi créatif que technique, ce qui rend votre album saisissant à tout point de vue. Vous jouez aussi sur les atmosphères avec un côté très progressif. STENGAH est un concentré de beaucoup de choses. Comment canalisez-vous toute cette énergie ?

Il y a un jeu de nuance que je retrouve principalement dans le Rock Progressif et le Jazz, où chaque moment va être impactant parce qu’il vient contrebalancer des couleurs musicales différentes. Ici, on joue sur le même plan, c’est-à-dire qu’un passage doux dans un morceau va renforcer énormément le suivant qui sera beaucoup plus agressif, ou inversement. Quelque chose de très sombre et très compacté va être mis en avant, parce qu’il va entrer en collision avec quelque chose de très lumineux et ouvert. Même si ça ne dure pas longtemps, ça suffit à ce que tout dans un morceau soit mis en valeur. Il y a des morceaux qui nous laissent, le public et nous-mêmes, totalement à bout de souffle. Et ça marche parce qu’il y a un temps de respiration avant ou après. Le défi évidemment est d’arriver à rendre tout ça très cohérent. Là, il faut y aller au feeling, tester, prendre des risques et se sentir satisfait quand ça fonctionne. 

– « Soma Sema » fait vraiment penser à un voyage musical aussi chaotique que précis et très structuré. Quel est le point de départ de vos compositions ? Vous partez d’un thème mélodique, ou vous vous laissez guider par le texte ?

En général, il y a un thème qui me vient en tête, que je n’arrive pas forcément à identifier et qui me prend par surprise, puis en vient un autre, etc… Je dis souvent qu’il y a un côté accidentel. Je me laisse moi-même surprendre par la composition, ce qui demande beaucoup de concentration pour arriver mentalement à tout assembler comme un puzzle, en recherchant les bonnes transitions et le meilleur équilibre. Le texte peut arriver avant, pendant ou après. Il est un peu composé comme une guitare ou une batterie en attendant d’être restitué par le chant. Cette idée de voyage, de chaos et de structure, c’est tout à fait ça. Les trois cohabitent en permanence et forment un tout très personnel, et en même temps très ouvert et très contemplatif. 

– Ce qui surprend aussi sur l’album, c’est l’approche presque animale des morceaux et leur aspect très moderne. C’est sur cette dualité que se basent le style et la démarche de STENGAH pour l’essentiel ?

Oui, je dirais que ça vient de la somme de nombreuses influences musicales et même d’autres formes d’arts, comme la peinture ou plus récemment la danse. Quand on ressent le mouvement de l’artiste dans sa production, je trouve ça saisissant.  De même, il est très important pour moi de ressentir le musicien derrière son instrument dans la musique de STENGAH. C’est une manière de raconter quelque chose de sincère, qui prend aux tripes dès qu’on se laisse embarquer. 

Photo : Earlawakes

– Vous avez également un côté très avant-gardiste, malgré des riffs très Metal et tendus. A l’écoute de « Soma Sema », on a presque le sentiment que le Métal ne vous suffit pas et qu’il vous faut franchir d’autres caps. C’est le cas ? 

A l’époque où le groupe s’est fondé, il était question de monter un ‘groupe de musique’,  sans vraiment parler de Metal ou autre. J’aime préciser que le style Metal s’est imposé de lui-même à travers la composition et à mesure que le line-up s’est créé, notamment avec l’arrivée du chanteur qui est capable d’aller très loin en termes d’intensité musicale. Aujourd’hui, et je pense que c’est la grande force de STENGAH, on a un style musical très ouvert, qui va pouvoir se permettre d’emprunter à tous les genres musicaux. C’est une musique qui transpirera toujours notre amour pour le Metal sous toutes ses formes, mais qui a le potentiel d’évoluer constamment et de surprendre tout en restant cohérente. 

– J’aimerais qu’on parle de la production et du mix qui présentent un parfait équilibre entre les deux guitares, la rythmique et le chant. Dans quelles conditions et avec qui avez-vous travaillé ? Et est-ce que le résultat est à l’image de ce que vous aviez en tête au départ ?

Je pense que ce qui donne cette sensation d’équilibre, c’est que nous nous sommes acharnés à donner un aspect ‘Live’ aux enregistrements studios. À la batterie, je ne cherche pas à coller absolument au clic. Le métronome est plus là en guise de repère. Je considère la basse comme une extension de la batterie, et vice versa. Donc même chose, dans quasiment tous les passages de l’album on joue seulement à deux, et non pas à trois avec le clic. On a bossé avec Thomas Jankowski au Sound Up Studio à Tourcoing, qui est aussi notre ingé-son live. L’avantage est que Thomas est lui-même batteur, ce qui lui permet de comprendre facilement cette approche rythmique un peu hors du temps et des mesures. Autre exemple, j’ai parfois fait refaire les parties de guitares, car elles étaient trop précises avec le tempo, ce qui donnait un aspect mécanique à certains riffs parmi les plus techniques. 

– Vocalement, il y a aussi beaucoup de changements de tons et de tessitures. Comment adaptez-vous la voix à la ligne musicale ? Elle-t-elle le lead sur les morceaux ?

Pour le chant, on a enregistré au studio d’Alex Orta, qui est plus tard devenu guitariste au sein du groupe. À l’époque, nous avons enfermé Nicolas dans un tout petit espace, comme s’il se retrouvait lui-même piégé dans la thématique de l’album (qui parle d’un esprit piégé dans son propre corps). Je te rassure, on a pris soin de lui quand même ! Mais l’idée a été pour lui de s’immerger totalement dans les textes et la musique, et de mon côté, je lui racontais des paysages entiers, des rêves, avec des couleurs et des sensations. En quelque sorte, on a un peu joué avec le principe de synesthésie… Finalement, Nico s’est approprié tout ça et en a fait sa propre interprétation. C’est vraiment là que la voix s’est parfaitement intégrée dans la musique, à travers quelque chose à la fois d’écrit et de spontané. Ça nous a permis d’aller explorer tout un tas d’émotions qui sont parfaitement retranscrites dans son chant, et donc avec tout un tas de sonorités parfois même inattendues. On l’entend essoufflé dans « Swoon » ou à bout de souffle à la fin de « Blank Masses Inheritance », et ce n’est pas du bluff. C’est le fruit d’un engagement corporel et mental énorme de la part de tous à l’intérieur de cette musique. 

– Enfin, un petit mot sur la scène, car avec la qualité des groupes français actuels, on peut imaginer de très beaux plateaux. Avec quelles formations seriez-vous ravis de partager l’affiche?

Il y a tellement de groupes… J’ai envie de dire à peu près tout le monde, même dans des styles un peu différents, on est toujours très ouverts quelque soit la nature du groupe. Si on reste en France, je dirais Igorrr, Hangman’s Chair, Gorod, Benighted ou même Gojira… des projets déjà bien connus, mais c’est vrai qu’il y a un paquet de belles découvertes à faire en France ou chez nos voisins en Europe. Et depuis qu’on a repris les concerts, c’est intéressant de découvrir comment tous ces groupes ont évolué durant les deux ans de stand-by général. J’ai envie de citer Oddism ou The Lumberjack Feedback qui sont de chez nous, ou Huntsmen (US) et Loathe (UK). Nous allons prochainement retrouver un groupe de Rock Prog semi-acoustique à Bordeaux, qui s’appelle Qlay, avec qui nous partageront une date là-bas le 14 Novembre 2022. On va mélanger les genres, et ça va être énorme. On serait encore ‘hors Metal’, mais mon plus grand rêve serait de partager un jour la scène avec le groupe français légendaire Magma, mené par Christian Vander. 

« Soma Sema », l’album de STENGAH, est disponible depuis le 18 mars chez Mascot Records.

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Meshuggah : insubmersible et tentaculaire

Grand artisan du Thrash Metal, MESHUGGAH poursuit sa route en évoluant avec une régularité et une créativité inamovibles. Le Metal extrême des Suédois traverse aujourd’hui le Groove, le Djent, l’Atmospheric et le Progressif avec une touche et une technique rarement atteintes par d’autres. « Immutable » terrasse, sur plus d’heure, tout sur son passage avec une intensité monstrueuse. Fascinant de puissance et de précision.

MESHUGGAH

« Immutable »

(Atomic Fire Records)

Depuis sa création en 1987 et son premier album en 1991 (« Contradictions Collapse ») : MESHUGGAH, c’est 35 ans de rage, de férocité et d’une technicité jamais rassasiées. Fidèles au poste, Jens Kidman (chant), Fredrik Thordendal (guiatre) et Tomas Haake (batterie), tous fondateurs du combo, continuent de repousser les limites de leur style et « Immutable » s’inscrit parmi les meilleures réalisations des Suédois.

Si le Thrash Metal originel du groupe reste identifiable, il faut bien avouer que MESHUGGAH a su traverser les époques, assimiler les courants et se les approprier avec un feeling et une puissance de feu phénoménales. Sans bouleverser ses habitudes, les Scandinaves présentent des morceaux massifs et hypnotiques, passant en revue tout ce que le Metal compte d’extrême à l’heure actuelle.

Les guitares, véritable marque de fabrique du groupe, avancent façon rouleau-compresseur sur des riffs colossaux où les huit cordes, accordées au moins deux tons plus bas par rapport à la moyenne, offrent un volume saisissant (« The Abysmal Eye », « The Faultless »). MESHUGGAH insiste sur les rythmes répétitifs et assommants (« Armies Of The Preposterous », « Phantoms »), tout en se faisant atmosphériques (« Ligature Marks »). Gigantesque !