Catégories
Blues Rock Boogie Blues Hill Country Blues

JD Simo & Luther Dickinson : débridés et exaltés

Boostée au Boogie Blues et à un Blues Rock rugueux, la rencontre discographique entre JD SIMO et LUTHER DICKINSON est aussi explosive qu’on pouvait l’espérer. Sur un groove très roots et une volonté électrisante de se réapproprier quelques classiques, ils se relaient tour à tour au chant et surtout s’échangent d’incendiaires solos de guitare. Changeant les riffs, bousculant les structures des morceaux et le faisant avec une joie palpable, les deux Américains jouent avec ce patrimoine musical intemporel avec beaucoup de respect sur ce trépidant « Do The Rump ! ».

JD SIMO & LUTHER DICKINSON

« Do The Rump! »

(Forty Below Records)

Certaines connexions sont si naturelles qu’elles donnent lieu à des instants presque magiques. Cela dit, on peut se dire que ça doit faire un moment qu’ils se tournent autour, tant l’alchimie est totale et la fluidité très électrique. Tous deux artistes solo, sidemen, ainsi que songwriters avec des airs de guitar-heros, JD SIMO et LUTHER DICKINSON affichent à eux deux un parcours incroyable. Le premier s’est illustré seul, et aussi en studio avec Jack White et Chris Isaak, et son alter-ego avec North Mississippi Allstars, The Black Crowes et John Hiatt. Chevronnés et aguerris, le duo connait son sujet sur le bout des doigts.

Et par un heureux hasard, il se trouve aussi qu’ils partagent les mêmes goûts musicaux et les mêmes références, parmi lesquelles le Hill Country Blues, le Spiritual, le Swamp Rock et un Afrobeat très funky. Autant dire que les bases et les fondations sont solides et lorsque l’on connait en plus le feeling et la technique de JD SIMO et de LUTHER DICKINSON, il n’y a aucun doute sur ce qu’ils sont capables de produire ensemble. Et sur ce point-là, « Do The Rump ! » est un modèle du genre et une démonstration de réinterprétation hors-norme. Car il s’agit ici de reprises, et pas de n’importe qui…

Enregistré en live dans le home-studio de JD SIMO à Nashville et avec Adam Abrashoff derrière les fûts, « Do The Rump ! » est aussi spontané qu’instinctif. Le trio s’est donc fait très plaisir, oubliant les overdubs, en reprenant quelques standards…  à sa façon ! Et si l’on sent de l’amusement sur cette première collaboration, il y a aussi beaucoup d’application et surtout un savoir-faire imparable. LUTHER DICKINSON et son compère offrent un lifting étonnant et une tout autre lecture à de morceaux signés John Lee Hooker, Junior Kimbrough, JJ Cale ou RL Burnside… Et c’est jubilatoire !

Catégories
Blues Hill Country Blues

Cedric Burnside : le son des collines

C’est encore une fois de la plus belle des manières que CEDRIC BURNSIDE fait vivre la belle lignée dont il est issu. Né au son du Hill Country Blues du nord du Mississippi, le musicien respire ce style autant qu’il lui offre une touche contemporaine. Enregistré en seulement deux jours avec trois musiciens installés à Ripley, petite bourgade considéré comme le berceau du genre, « Hill Country Love » reflète une authenticité intacte révélée par une production comme il se doit épurée sur ce onzième opus superbe et tellement organique. 

CEDRIC BURNSIDE

« Hill Country Love »

(Mascot Label Group)

Si vous ne connaissez pas encore CEDRIC BURNSIDE, vous avez peut-être déjà entendu parler de son grand-père RJ, guitariste et chanteur de légende, ou peut-être aussi son père Calvin Jackson, grand batteur de Blues également. C’est d’ailleurs par la batterie que l’Américain a commencé sa carrière avant de devenir le grand chanteur, guitariste, songwriter et producteur que l’on connait aujourd’hui. Il travaille à entretenir la flamme de ce courant du Blues si particulier qui l’a honoré d’un Grammy Award il y a trois ans maintenant, et il fait encore des merveilles sur cette nouvelle réalisation.

C’est son précédent album, « I Be Trying », qui lui a valu cette fameuse récompense et CEDRIC BURNSIDE est donc attendu au tournant. Cela dit, avec une telle expérience et surtout un talent pareil, ce n’est pas surprenant de constater que « Hill Country Love » est encore très, très bon. Dans les pas de son grand-père, pionnier et grand artisan de ce Blues des collines, c’est en s’isolant dans une petite ville du comté de Tippah, berceau de ce registre unique, qu’il a mis en boîte les 14 chansons. Il surprend encore et séduit surtout.

Profond et très technique malgré une impression de simplicité, le groove si particulier de ce Blues du Mississippi semble errer avant de devenir féroce, mais toujours avec une énergie positive et pleine d’espoir. CEDRIC BURNSIDE multiple les changements rythmiques, se fait spirituel et perpétue avec magie une tradition, qui tient autant de son héritage que du patrimoine. Il apporte aussi beaucoup de modernité dans son approche, ce qui le rend très actuel (« Love Your Music », « You Got To Move », « Juke Point », « I Know »). Monumental ! 

Photo : Jim Arbogast
Catégories
Blues Southern Blues

Robert Finley : une reconnaissance bien trop tardive

Reconnu pour ses productions brutes, roots et chaleureuses, Dan Auerbach applique depuis trois albums maintenant ses recettes d’enregistrement avec ROBERT FINLEY, ce qui a pour effet de faire ressortir ce qu’il y a de plus beau, de fluide et d’expressif chez le sexagénaire. Profonde, sensible et d’une verve narrative saisissante, le chanteur et guitariste nous embarque dans son « Black Bayou », duquel il est difficile de s’extraire… et alors ? Quand le plaisir est là !  

ROBERT FINLEY

« Black Bayou »

(Easy Eye Sound)

Non seulement le parcours de ROBERT FINLEY impose le respect, mais il a aussi quelque chose de réjouissant et d’inspirant. Patient, tenace et a priori faisant confiance à son destin, c’est à l’âge de 62 ans qu’il sort « Age Don’t Mean A Thing » le bien nommé, son premier album. Et depuis 2016, il jouit enfin de cette reconnaissance tardive, puisqu’il a ensuite tapé dans l’œil de Dan Auerbach, l’hyperactif producteur, co-leader des Black Keys et patron du label Easy Eye Sound, qui n’a pas hésité une seule seconde à le signer.

Après « Goin’ Platinum » (2017) et « Sharecropper’s Son » (2021), « Black Bayou » est le troisième opus que les deux hommes réalisent ensemble et ROBERT FINLEY semble s’épanouir un peu plus à chaque disque. Gorgé de feeling et souriant, il distille de bons mots plein d’humour à travers des chansons authentiques et touchantes. Entre Soul, R&B, Gospel et Blues, le musicien originaire de Bernice en Louisiane n’a pas choisi et c’est dans cette ambiance très Southern qu’il se livre en toute simplicité.

Auerbach a parfaitement saisi l’univers plein de tendresse de ROBERT FINLEY. Dès les premières notes de « Livin’ Out A Suitcase », on plonge dans le bayou à travers un savoureux mélange d’harmonica et de suaves guitares, porté par une voix exceptionnelle et profonde. Intense, l’Américain multiplie les atmosphères passant du Hill Country Blues au Swamp et au funk avec une souplesse inouïe (« Sneakin’ Around », « Waste Of Time », « Nobody Wants To Be Lonely », « You Got It (And I Need It) », « Alligator Bait »). Délicieusement addictif !