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France Metal Rock

No One Is Innocent : un combat politiquement Rock [Interview]

C’est avec un dixième album et une sérieuse envie d’en découdre que se présente NO ONE IS INNOCENT avec « Ennemis ». Près de 30 ans après leur formation, les Parisiens n’ont pas levé le pied et continuent leur ‘Combat Rock’, imperturbables aux modes et plus que jamais attentifs à notre société. Kemar, emblématique chanteur du groupe, revient sur l’élaboration de ce nouvel opus et livre aussi sur sa vision d’une époque en perdition. Le frontman a une fois encore trempé une plume acide, afin de livrer des textes engagés et directs. Entretien.

– Commençons par le titre de ce nouvel album, « Ennemis ». D’autres groupes s’y sont déjà essayés, mais il était toujours question de fiction ou d’histoires. Or là, vous les pointez du doigt certaines choses, laissant place à la réalité. Certes, vous êtes un groupe engagé depuis vos débuts, mais on vous sent beaucoup plus virulents. Et « Ennemis » est un titre très violent quand on y pense, non ?

C’est finalement un titre qui est en rapport avec l’évolution de la société médiatique, politique et économique… Il y a dans tous les titres cette notion d’ennemis qui transpire un peu à chaque fois, comme dans « Force du Désordre », « Humiliation », « Bulldozer »… En fait, ça revenait dans les discussions qu’on avait entre nous, et j’ai un peu synthétisé tout ça. Et puis, on a aussi senti qu’en ce moment il y avait des gens qui avaient une espèce de désir d’exister absolue avec cette tentation permanente de désigner un ennemi. Aujourd’hui, on existe constamment en désignant un ennemi ! Je pourrais t’en citer plusieurs qui sont justement dans cette position. On ne désigne plus les amis et c’est hyper-dérangeant.  

– En parlant de cet engagement que vous nourrissez depuis votre premier album, j’ai l’impression que c’est votre disque le plus politique, au sens noble du terme, jusqu’à ce jour. L’état de la société et le comportement de certains sont au cœur d’ « Ennemis ». Et vous dressez un constat, que je partage, très sombre et aussi très colérique pour ne pas dire plus. Il est grand temps de se réveiller ?

Oui, par rapport à des choses qu’on a banalisé. Aujourd’hui, on laisse une Marine Le Pen dire tout et n’importe quoi, on laisse un Zemmour aux télés, aux radios et à la candidature présidentielle, alors qu’il a été condamné pour incitation à la haine raciale et on laisse un Sarkozy faire la promo de son bouquin, alors qu’il a pris un an de prison ferme ! Il y a des choses dans la fonction politique qui déconnent et on banalise tout ça. On aurait pu donner à cet album un titre autour de la banalisation de plein de choses. C’est vrai qu’avec notre musique, on essaie de pointer du doigt tout ça pour alerter un peu.

– Depuis la sortie de « Frankenstein » il y a maintenant trois ans, notre société a subi beaucoup de choses, qui vont de la pandémie bien sûr jusqu’aux actions gouvernementales en France, mais aussi partout dans le monde (George Floyd, Black Live Matters, …). On ne vous a rarement senti si vindicatifs et rageurs. Et pourtant, on a encore le sentiment que vous en avez encore sous le pied. « Ennemis » aurait presque pu être beaucoup plus long, non ?

Oui, mais nous ne sommes pas le supermarché de l’engagement ! Ce qui nous importe avant tout, c’est d’écrire de la bonne musique ! C’est notre métier à la base. Sans bonne musique, a cappella, je ne ressemble à rien, tu vois ? (Rires)

– Sur « Ennemis », on retrouve Charles de Schutter à la production avec Shanka. C’est lui qui avait réalisé « Drugstore » (que je considère d’ailleurs comme votre meilleur album) et on retrouve ce son direct, brut et très massif. Là encore, il n’y a aucune fioriture et des arrangements très efficaces. On sent une certaine urgence dans vos morceaux. C’est ce que vous aviez en tête dès le début de la composition, puis de l’enregistrement ?

C’est très bizarre, car nous avons beaucoup composé pendant la période de confinement. Dans notre rythme, il n’y avait pas de notion d’urgence. Nous nous sommes focalisés sur le son en nous demandant ce que nous pouvions écrire et ce qui pourrait nous surprendre. Shanka est allé chercher un peu du côté des musiques orientales et indiennes notamment. Peut-être que les gens ne vont pas capter toute de suite ces influences-là, mais en tout cas, elles ont été déterminantes sur « Force du Désordre », « Armistice » ou certains mouvements dans « Les Hyènes de L’info », par exemple. On voulait aller chercher un peu ailleurs pour les intégrer aux compos et pas forcément seulement au son.      

– Cela n’empêche nullement le gros travail que vous avez effectué sur la production, qui est très soignée. Et puis, il y a cette irrésistible impression d’énergie live et toujours très fédératrice et communicative. Vous pensez à la scène en composant vos morceaux, car certains refrains vont faire très mal…

On a un mode de fonctionnement bien à nous. Il faut aussi savoir que nous sommes toujours de l’école du riff. On cherche encore le riff ultime, c’est toujours notre démarche. Il faut que la compo, à un moment donné, fasse bouger le chanteur physiquement. C’est un mot d’ordre chez nous. Tout le monde le sait et tout le monde le sent. Quand je commence à ressentir quelque chose, c’est que c’est bon.

– Il y a aussi « Armistice », qui se place au milieu de l’album et qui est une sorte d’interlude. Pourtant, et malgré son titre, on ne sent pas beaucoup de sérénité…  

Il l’est dans le sens où, tout autour, c’est la guerre. Au départ, j’avais proposé à Shanka de chanter un morceau avec moi, car j’aimais bien l’idée. Il n’était pas très chaud, alors je lui ai proposé de regarder parmi tous ses instruments quelque chose qui pourrait sortir de l’ordinaire. On avait comme référence « Planet Caravan » de Black Sabbath. Et comme depuis quelques temps, il s’est mis à la viole de gambe, et qu’il est extrêmement doué, on lui a laissé toute liberté, car ça nous plaisait beaucoup et nous avions aussi besoin d’un morceau comme ça.  

– A propos de scène, vous qui donnez l’impression de ne jamais vous arrêter, le confinement, puis la privation de concerts, ont dû avoir un énorme impact sur le groupe. Comment avez-vous vécu cette (trop) longue période de repos forcé ?

On a eu de la chance, parce que nous avons terminé la tournée fin 2019 et quand le confinement est arrivé, on avait déjà commencé à composer un peu le nouvel album. On n’a pas du tout ressenti de frustration live, parce qu’on était pleinement dans l’élaboration d’ « Ennemis ». Finalement, ça a été un moment de réflexion. Personnellement, ça m’a fait beaucoup de bien, car j’ai besoin que mon corps et mon cerveau soient hyper-posés pour être bien et composer. Paradoxalement, ce confinement nous a fait du bien.

– D’ailleurs, je me posais la question récemment. Je vous suis depuis vos tout débuts et c’est toujours assez difficile de nous définir. Rock, Hard-Core ou Metal, votre leitmotiv reste le combat, la revendication et surtout la prise de conscience, non ? C’est quelque chose qui ne vous quitte pas…

Oui, c’est vrai. Dans une démarche de compo, je dis souvent aux gars qu’il faut que notre musique raconte une histoire. Même si j’ai des thèmes dans mes tiroirs, j’ai besoin que l’instrumental raconte déjà une histoire. C’est ça qui fait qu’on arrive à donner un vrai liant entre ce qui est raconté et ce qui est joué.

– « Ennemis » est aussi votre dixième album studio. C’est toujours un cap particulier dans la carrière d’un groupe, car il marque une étape importante. Vous y avez pensé, ou pas du tout ? Vous aviez la volonté de marquer encore plus les esprits avec « Ennemis » ?

Non, on n’est pas dans le comptage ou la nostalgie. L’album n’est pas plus important qu’un autre. Il marque l’histoire d’un groupe qui est ensemble depuis des années, qui construit ensemble et qui se connait bien. Nous avons une façon de composer apaisante. Il n’y a pas d’histoire égo entre nous, car on cherche le meilleur de nous-mêmes. C’est juste la bonne évolution d’un groupe qui aime faire de la musique ensemble.

– En 2021, la scène musicale française n’est plus aussi contestataire ou engagée comme elle a pu l’être par le passé, alors que nous vivons dans une société de plus en plus inégalitaire. Comment l’expliques-tu, alors que les intérêts ont changé pour devenir essentiellement individuel au détriment du bien-être collectif ?

Il y a une grosse influence des réseaux sociaux. La consommation de la musique n’est plus la même, on est plutôt dans la quantité que dans la qualité. Aujourd’hui, il faut produire, produire, produire… On est peut-être moins dans l’exigence au niveau de la qualité de la musique. Après, l’engagement fait partie de l’ADN d’un groupe, ou pas…

– Oui, mais pourtant dans les années 80 et 90, c’était quand même autre chose…

Oui, c’est vrai. On était aussi poussé par des groupes comme Rage Against The Machine, Nirvana et d’autres qui ont été moteurs à leur façon d’un certain engagement propre à chacun d’eux. Et malheureusement, il y a aussi eu l’avènement d’un Hip-Hop, d’une Trap Music qui ne veut plus rien dire, qui n’explique plus rien, qui se noie dans de la prod’ minimaliste et des textes qui n’ont plus de sens. Alors, tout d’un coup, tu as une nouvelle génération très influencée par tout ça et qui se perd dans une espèce de truc mielleux et mièvre. Finalement, c’est très contradictoire car, aujourd’hui, il devrait y avoir de la colère partout. Cela dit, l’exposition médiatique de musiques comme la nôtre ou d’un Hip-Hop un peu rageur n’existe pas, parce qu’il faut que ce soit lisse, il ne faut pas que ça déborde et il ne faut pas trop d’engagement. En fait, ça ne donne peut-être pas envie à une nouvelle génération d’aller vers cette forme-là de musique, parce qu’ils savent pertinemment qu’ils vont rester dans une niche et dans l’ombre. Nous, ça fait 30 ans qu’on est là. On s’est construit autour de ça et c’est peut-être plus facile d’être écouté par rapport à un groupe qui commence aujourd’hui, ou même il y a cinq ans.

« Ennemis » de NO ONE IS INNOCENT est disponible depuis le 1er octobre chez Verycords.

Retrouvez la chronique de l’album :

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Hard-Core Metal Rock

No One Is Innocent : le poing levé

Une fois de plus, NO ONE IS INNOCENT monte à l’assaut avec une colère à peine contenue, livrée sur un dixième album, « Ennemis », qui sent la poudre. Militant et féroce, le quintet enrobe de riffs appuyés et assassins des textes cinglants et un discours responsable. Très live dans le son et la production, le groupe scande des vérités et rappelle que « Nous sommes des centaines et des milliers ».

NO ONE IS INNOCENT

« Ennemis »

(Verycords)

Dès la première écoute, ça saute aux oreilles : Kemar et sa bande se sont encore surpassés. Même si j’ai tendance à le dire à chaque nouvel album de NO ONE IS INNOCENT, il faut bien avouer qu’ « Ennemis » percute, fédère et donne des envies de grands changements, si ce n’est même un peu plus… Après 30 ans d’existence, ce dixième album confirme la rage intacte du groupe face à une oppression grandissante et un système qui se dérègle totalement (« Force Du Désordre »).

Ce qui tient toujours aux tripes du quintet, c’est ce combat Rock très Metal, incisif et engagé. Co-produit par son guitariste Shanka et Charles de Schutter, qui avait déjà officié sur l’excellent « Drugstore » en 2011, ce nouvel opus désigne sur dix morceaux (et un interlude « Armistice ») les « Ennemis » d’une société, d’une époque aussi, en montrant du doigt des responsables qui ne se cachent pas. Mais pas de leçon de morale ici, NO ONE s’implique juste généreusement (« J’ai fait De Toi Mon Collabo »).

Comme à l’habitude, les Parisiens cognent et giflent sur des textes précis et convaincants, où les phrases fortes sont légions et résonnent comme des slogans (« Dobermann », « Humiliation », « La Caste », « Bulldozer »). Dans une période très incertaine, NO ONE livre son album le plus politique, dénonce et appelle clairement au réveil et au sursaut (« We Are Big Brother », « Polit Blitzkrieg », « Les Hyènes De L’Info »). Puissant et très organique, « Ennemis » est la claque qu’on attendait et les concerts s’annoncent torrides (« Aux Armes, Aux Décibels »).

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Blues France Rock

Little Bob : la liberté comme étendard [Interview]

Figure emblématique de la scène Rock hexagonale, LITTLE BOB vient de livrer un album aussi touchant que rageur et surtout plein d’espoir. Combatif et toujours accompagné de ses BLUES BASTARDS, le Havrais continue son bonhomme de chemin, faisant fi des obstacles, et revient avec « We Need Hope », qui prend tout son sens dans notre société actuelle. Le rockeur entretient le courage de rêver de liberté et aussi de changement. Toujours très positif, Roberto Piazza est plus que jamais ancré dans son époque. Entretien.

Photo : Charles Dutot

– Tout d’abord, félicitations pour ce très bon album… une habitude ! Avant d’entrer dans le détail, « We Need Hope » a été écrit avant la crise du Covid, comme une espèce de vision. Même s’il découle d’un moment personnel très triste, tu sentais déjà que quelque chose se passait dans la société…

Depuis quelques années, il y a un truc qui s’est passé : on s’est tous fait avoir par le capitalisme ambiant et dans le monde entier. On ne fait même plus travailler les gens ici. On va acheter des masques en Chine, par exemple, ce qui est aberrant. Et c’est juste pour que quelques uns s’en mettent plein des poches. Aujourd’hui, l’être humain ne compte pas. Il n’y a que le CAC 40 et le pognon.

– Finalement, alors que tout le monde parle à tort et à travers de résilience, cet album l’incarne parfaitement. Tu aurais même pu lui donner ce titre, non ?

Oui, bien sûr. En fait, le titre est venu comme ça : il était en moi. Je suis très heureux d’avoir donné ce titre à l’album. Il y a des chansons qui ont un sens profond et qui traite de sujets très actuels comme des migrants sur « Walls And Barbed Wires ». D’autres sont plus légères comme « I Was Kind » qui parle du moment où j’ai été touché par la grâce du Rock’n’Roll, où encore « Looking For Guy-Georges » du prénom de celui qui était mon premier guitariste dans Little Bob Story. Et puis, il y a des titres plus ou moins tristes qui parlent de ce qui est arrivé dans ma vie privée avec la disparition de ma femme il y a deux ans. J’ai fait beaucoup de chansons pour elle, et j’aurais même pu en faire plus ! Une chanson comme « You Can’t Come Back », je peux à peine la chanter d’ailleurs. Mais toutes ne sont pas si dures, elles racontent aussi notre rencontre. Sur l’album, on trouve des titres qui râlent, politiquement parlant, d’autres plus joyeux et plus graves en ce qui me concerne.

Tout ça a découlé d’une tournée en Angleterre fin 2019. Le fait d’être allé jouer à Londres, et même si la ville a beaucoup changé, m’a donné une pêche incroyable. En rentrant, je me suis mis à écrire et avec le groupe, on a mis le reste en place, chacun apportant son petit grain de sel et son talent aussi. On a enregistré fin février-début mars l’an dernier juste avant le premier confinement. On a juste repris quelques jours de studio en juin pour retoucher quelques voix, faire des chœurs et une guitare ou deux aussi. Tonio, notre ingé-son, a mixé l’ensemble et on était prêt. On devait le sortir avant mais vu la situation, ce n’était pas possible. Et aujourd’hui, certaines enseignes dans les centres commerciaux sont aussi fermées. La situation est déjà assez compliquée à cause de l’industrie du disque, alors ça n’aide vraiment pas. Et je ne te parle pas des concerts annulés, des fans qu’on ne voit plus lors des dédicaces et du nombre très restreint de disques dans les bacs, par exemple…

Photo : Charles Dutot

– « We Need Hope » a bien été enregistré avec tes Blues Bastards. Comment s’est passé l’enregistrement ? J’imagine que ça a aussi du faire du bien à tout le monde de se retrouver en studio ?

L’album a été enregistré avant le Covid et avant le confinement. Nous étions ravis d’enregistrer, mais après on a eu les boules pendant un an, parce que le disque ne sortait pas. On avait presqu’envie de faire d’autres morceaux pour le suivant ! On essaie de répéter ensemble quand même de temps en temps ici au Havre, mais nous sommes trop dispersés et éloignés les uns des autres.

– On te retrouve toujours aussi sincère et authentique et presqu’imperméable aux modes. Tu n’as jamais été tenté de sortir un peu de son registre ? Ne serait que pour essayer ?

Non, parce que j’aime quand ça joue, donc je ne tomberai jamais dans l’Electro. Il y a déjà trop de rappeurs qui chantent avec des machines. Je n’aime pas ça, je préfère quand les êtres humains jouent, y mettent leur cœur et leur savoir-faire. Mais je pourrais faire un disque acoustique, par exemple, pour le fun. Ça, on sait faire avec le groupe. Ce sont tous des supers zicos, donc ça pourrait très bien arriver.

– Beaucoup de morceaux sont dédiés à ton épouse et on le comprend très bien, et comme un retour à tes racines italiennes, tu chantes aussi le magnifique « Il Bello Della Vita ». C’est quelque chose que tu avais en tête depuis longtemps ?

Je l’avais déjà fait à deux reprises par le passé, dont « Libero » en 2001. Pour « Il Bello Della Vita », c’est très simple : le goût de la vie, c’était elle. Je l’ai écrit très vite, d’une traite et en italien, car elle adorait ça. Elle ne le parlait pas, mais elle apprenait. Et cette chanson parle de nous, tout simplement.

Photo : Charles Dutot

– Justement comme un clin d’œil à notre époque, tu reprends également « Bella Ciao » qu’on commence d’ailleurs à réentendre beaucoup depuis quelques temps, y compris dans des séries télé. Vu le ton de l’album et son titre, ça t’a paru naturel d’interpréter cette chanson si emblématique ?

Tu sais, je ne regarde pas la télé. Alors, ça n’a aucune influence sur moi. En fait, j’ai trouvé une version de « Bella Ciao » traduite en anglais par Tom Waits, qui en a fait une version Blues avec son guitariste. Je me suis dit : « Tiens, une version anglaise et par Tom Waits en plus, c’est cool ! ». Et puis, j’avais envie de la faire parce que le racisme ressort beaucoup en ce moment. Les gens sont mal et ça fait renaître ces choses, même si elles ont toujours existé.

– Contrairement à ce qu’on pourrait penser de prime abord, « We Need Hope » dégage beaucoup plus d’amour que de tristesse ou de colère. C’était ton intention de faire ce beau contrepied ?

Bien sûr, parce qu’il faut y voir aussi le fait que nous avons besoin de cet espoir pour un changement. Si on veut réussir à vivre heureux sur cette Terre, il faudrait changer beaucoup de choses. Ça paraît impossible, car il faudrait une révolution mondiale. Et ce n’est malheureusement pas prêt d’arriver…

– Enfin, j’aimerais que tu me parles un peu de ces trois très bonnes reprises d’Humble Pie, des Kinks et de Richie Heaven. Quand on connait ta carrière, ça n’a rien de surprenant. C’était une manière de remercier ces artistes et ou est-ce que c’est venu un peu par hasard ?

« Natural Born Boogie » figurait sur le premier album d’Humble Pie et a été écrit par Steve Marriott. On a trouvé que ça swinguait grave et on a tout de suite eu envie de la reprendre. Gilou (Gilles Mallet, guitariste de Little Bob depuis 1981 – NDR) m’a proposé « Where Have All The Good Times Gone » des Kinks, qui reste totalement actuel, parce qu’on regrette tous les beaux jours avec les concerts, les coups au bar, les restos… Et enfin, « Freedom » est une  chanson qui hurle vraiment la liberté et que j’avais très envie de chanter avec ce petit côté Gospel. J’y ai même ajouté un couplet que j’ai moi-même écrit. C’est une chanson qu’on jouera aussi bien sûr, car quand on parle de liberté : c’est moi ! (Sourires)

« We Need Hope » est disponible chez Verycords.

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Blues Folk/Americana France

Gaëlle Buswel : par la grande porte [Interview]

Chanteuse, guitariste et auteure-compositrice naviguant entre Blues, Folk et Rock depuis une dizaine d’années, GAËLLE BUSWEL sort son quatrième album, « Your Journey » (Verycords), probablement le plus accompli de la carrière de la Française. Sur une production riche au son très analogique, ces nouveaux morceaux marquent une nouvelle étape pour la musicienne. Entretien avec une artiste qui n’a qu’une hâte : remonter sur scène !

Photo : Eymard Guillaume

– On ne va pas refaire ton parcours mais depuis 2012, tu t’es faite une belle place au sein de la scène Blues française et au-delà. Avec ce quatrième album, tu viens encore confirmer une sacrée respectabilité. Et comme dans ton nouveau clip, on te sent radieuse…

Merci… C’est vrai que pour ce nouvel album, nous avons eu beaucoup plus de temps que pour les précédents pour la partie artistique, et notamment en studio. On y a mis toute notre énergie et c’est un album qui est beaucoup plus produit et sur lequel on a aussi vraiment eu envie de franchir une étape au niveau de la maturité musicale. Il y a aussi une prise de risque plus importante avec des morceaux plus Rock et des choses plus poussées. Notre chance a vraiment été d’avoir autant de temps pour nous y consacrer et c’est quelque chose de très positif. Par exemple, lorsque nous étions au studio ICP à Bruxelles, il y a des morceaux qui ont été entièrement écrits de A à Z pendant l’enregistrement. On avait même plus de titres de prévu au final. (Rires)

– « Your Journey » sort à la fin du mois et il est franchement très bon. On y retrouve ta touche personnelle bien sûr et on a aussi l’impression qu’un cap a été franchi musicalement. Comment l’interprètes-tu ?

C’est assez difficile à expliquer, mais c’était une volonté de notre part. C’est le quatrième album, les gens qui nous suivent connaissent bien notre univers. On a voulu oser et aller chercher des choses. Et comme un disque est un instant T, j’avais des choses à dire avec un impact plus important et plus poussé sur certains titres. J’ai aussi voulu montrer toutes les facettes que j’aime dans le Blues, le Rock et la Folk.

– L’album a été enregistré entre Bruxelles et Londres dans les fameux studios d’Abbey Road. Ca a du être un moment intense et une sorte d’accomplissement, non ?

Oui, c’était vraiment un grand moment ! Même au moment de poser le pied sur la première marche, on n’y croyait même pas en fait ! Il y a eu ensuite un grand moment d’émotion, parce que c’est un studio dans lequel tous les grands artistes sont passés. C’était fort de se retrouver là-bas, parce que les Beatles y ont enregistré et on avait fait la première partie de Ringo Starr en 2018. Et puis, nous avons aussi un morceau des Beatles qui nous suit sur la route depuis 10 ans maintenant. C’est vraiment un accomplissement de se retrouver dans ce studio. C’est aussi quelque chose qui a pu se réaliser grâce au soutien de nos fans. L’émotion vient aussi du fait que les lieux sont chargés d’une énergie assez indescriptible qui émane des murs. C’est impressionnant au point que nous étions tous super émus. Et puis derrière la console, il y avait Chris Bolster, qui a notamment travaillé avec Paul McCartney et les Foo Fighters. J’avais l’impression que c’était la première fois que je rentrais dans un studio ! (Rires) On se sent tout petit ! L’histoire d’Abbey Road nous a mis dans tous nos états. C’était très, très émotionnel ! (Rires)

Photo : Eymard Guillaume

– Avant ça, dans quelles conditions et quand as-tu composé ces nouveaux morceaux ?

On a eu la chance de composer l’album juste avant la pandémie, il était prêt fin 2019. L’écriture a débuté en 2018 et on en avait d’ailleurs déjà fait tourner quelques uns sur scène. Pour la composition, quand tu arrives à ton quatrième album, les choses changent. J’ai fait énormément de collaborations avec mon équipe et Michal notamment qui co-compose pas mal de titres. Et au niveau des textes, j’ai travaillé avec la parolière américaine Angela Randall. Steve Belmonte, mon batteur, a aussi composé pour l’album. On s’est ouvert les uns aux autres, parce que cela fait aussi 10 ans qu’on travaille tous ensemble et on se connait tous très bien. C’était très intéressant et enrichissant de justement pouvoir partager ça. Sur « Last Day » par exemple, toute l’équipe a composé le morceau. C’était d’ailleurs la première fois qu’on écrivait collectivement.

– Sur une base Blues, Rock et Folk, les riffs rugueux sont très présents et de belles guitares présentent des solos peu démonstratifs, mais très efficaces. Et on retrouve cette même efficacité dans le songwriting de l’album. C’est quelque chose que tu recherchais ? Etre directe dans l’écriture ?

J’aime laisser place à la musique. Tous les musiciens de l’équipe sont vraiment très bons et c’est très important que chacun trouve sa place. Pour les guitares, j’ai la chance d’avoir un guitariste exceptionnel. L’idée était aussi d’aller droit au but, de ne pas tourner autour du pot. On avait des choses à dire et on a été direct pour que les gens saisissent bien le message. C’est vrai qu’il y a moins de métaphores. On avait aussi des coups de gueule et des coups de cœur à faire passer dans ces chansons.

– On notre aussi un bel équilibre entre les guitares acoustiques et électriques. C’était quelque chose que tu souhaitais ou cela s’est fait comme ça ? D’ailleurs, tu composes sur quel type de guitare ?

L’équilibre s’est fait très naturellement. On est vraiment au service de la chanson lorsqu’on compose, des arrangements jusqu’à son aboutissement. J’ai une vieille petite guitare des années 50 sur laquelle je compose tous mes morceaux et qui me suit depuis 11 ans. Je n’arrive pas encore à le faire sur une autre. Je pense qu’il y a surtout un aspect émotionnel. Je ne suis pas une grande technicienne. Ma démarche d’écriture et de composition est très spirituelle. Je suis en symbiose avec ma guitare, ce qu’elle dégage, les énergies que je peux ressentir avec la caisse qui vibre quand je chante en même temps… C’est une démarche un peu particulière, c’est vrai. On va dire que je suis un peu perchée, mais c’est ma façon de composer. (Rires)

Photo : Eymard Guillaume

– La présence des chœurs donne aussi un côté très Soul sur plusieurs morceaux avec des mélodies très accrocheuses. Là aussi, il semble y avoir eu un gros travail sur les voix…

En fait, ce sont les garçons qui m’ont demandé de faire tous les chœurs en me disant que ma voix se mélangerait bien aux harmonies. C’était un challenge pour moi, car c’était la première fois que j’enregistrais toutes les lignes de chœur. L’idée était d’apporter quelque chose de différent. Et ça a aussi été l’occasion d’aller chercher des choses dans ma voix, notamment au niveau des tessitures, ce que je n’avais jamais fait auparavant. J’ai pu exploiter la puissance des aigus notamment, car les chansons s’y sont prêtées. Je ne me suis pas limitée du tout. On a tous laissé parler nos instruments, notre cœur et notre âme…

– Justement, y a-t-il des choses que tu as expérimenté et que tu t’es enfin autorisée sur « Your Journey » ?

On s’est tout autorisé, en fait ! Même dans le style avec des titres très rentre-dedans. Et le simple fait de sortir un album a également beaucoup changé. Les gens peuvent avoir un coup de cœur pour une chanson qu’ils vont télécharger sur Internet. On a la chance d’avoir des fans qui défendent l’objet physique, alors on a d’abord pensé à eux. On a voulu explorer et tenter beaucoup de choses qui étaient en nous depuis pas mal de temps. On les a vraiment laissé sortir sur cet album en se faisant plaisir et en apportant de nouvelles choses. Sur un quatrième album, je pense qu’il y a aussi une étape à franchir et je pense qu’on a bien relevé ce défi-là.

– Enfin, tu ne vas malheureusement pas pouvoir défendre ton nouvel album en concert tout de suite. Comment vis-tu cette situation qui dure depuis un an maintenant ?

On espère vite reprendre la route, car cette période est hyper-frustrante. Ca fait un an qu’on n’a pas mis les pieds sur une scène et c’est vraiment notre place… et pas ailleurs ! Faire du live temporairement derrière un écran, c’est cool parce qu’il faut de toute façon continuer à faire vivre notre musique et on s’adapte aussi à la situation. Mais nous voulons que ça reprenne très rapidement, car on a vraiment envie de lâcher les chevaux ! Cet album est en nous depuis près d’un an et demi et on est prêt à le défendre sur scène, à vibrer avec un vrai public ! La musique ne se partage simplement en lâchant un titre sur la toile. Une chanson prend tout son sens quand on peut la partager et l’échanger avec des gens en face de nous. Maintenant, on prend le risque de sortir un album en plein Covid et on espère que les gens vont nous soutenir pour faire vivre ce disque, parce que notre rôle est aussi d’apporter ces moments d’évasion !

« Your Journey » sera disponible le 26 mars chez Verycords.

Retrouvez Gaëlle sur son site : www.gaelle-buswel.fr

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Blues Rock

Little Bob Blues Bastards : du Rock à l’âme

Après 45 ans de carrière, des milliers de concerts et des épreuves de la vie qui auraient pu avoir raison de son envie et de sa motivation, le légendaire rockeur hexagonal LITTLE BOB est de retour en ces temps compliqués avec une énergie positive et communicative. Révolté et poignant, le chanteur livre ce « We Need Hope » plein d’espoir, de hargne mais aussi de tendresse et de sincérité.

LITTLE BOB Blues Bastards

« We Need Hope »

(Verycords)

Roberto Piazza, alias LITTLE BOB, nous fait le plaisir d’un 23ème album, toujours entre Rock’n’Roll et Blues mais qui a cette fois une tonalité toute particulière. La légende française du Rock semble vouloir conjurer le sort qui s’est abattu sur lui à travers 13 morceaux où se s’entrelacent avec fureur et pudeur des sentiments de révolte (“Bella Ciao“), de tristesse ainsi que d’espoir et d’amour. « We Need Hope » est probablement la production la plus intime et la plus touchante du chanteur.  

C’est à Londres qu’il est parti retrouver son souffle et l’envie de continuer à distiller de qu’il sait faire de mieux après la disparition de sa muse. Et la petite flamme scintille toujours dans le cœur de LITTLE BOB. Comme un réflexe naturel, on retrouve les Blues Bastards au grand complet : Gilles Mallet (guitare), Bertrand Couloume (contrebasse), Mickey Blow (harmonica), Nicolas Noël (piano) et en alternance à la batterie son neveu Jérémie Piazza et Mathieu Poupard, enfant du pays.

Conçu avant la crise du Covid, « We Need Hope » est porteur d’attentes et se veut fédérateur en cette période torturée. Si ce nouvel album est marqué par des chansons naturellement dédiées à sa femme (« You Can’t Come Back », « Made For Me » et le magnifique « Bello Della Vita » en italien, sa langue maternelle), il reste très Rock et pêchu (« I Was A kid », « Walls And Barbed Wires »). LITTLE BOB n’a rien perdu de sa superbe et chante le Rock et le Blues comme il le vit… intensément.

Le rockeur havrais livre en fin d’album trois reprises irrésistibles et fidèles à son image et son parcours. On retrouve avec plaisir « Natural Born Boogie » d’Humble Pie, « Where Have All The Good Times Gone » des Kinks et le somptueux « Freedom » de Richie Heaven, immortalisé à Woodstock. Malgré un passé récent compliqué et douloureux, LITTLE BOB est plus que jamais fidèle au poste et répond avec classe, le Rock’n’Roll et le Blues chevillés au corps. « We Need Hope » fait autant de bien aux oreilles qu’à l’âme.

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Hard Rock Heavy metal Rock

Revisités

Quelle idée de vouloir réenregistrer ses trois premiers albums ! A la base, Nono avait en tête trois concerts différents, uniques, distincts et consacrés à chacun de ces disques. C’est finalement en configuration live, en une seule prise et filmé que TRUST revisite ses grands classiques. Avec un Bernie en pleine forme et un Nono étincelant, le groupe se balade quelques décennies en arrière et « Recidiv » est une réussite totale.

TRUST

« Recidiv »

(Verycords)

Soyons tout de suite clair : si vous n’avez pas adhéré aux derniers albums de TRUST (« Dans Le Même Sang » et « Fils de Lutte »), ces réenregistrements des trois légendaires premiers disques du groupe ne devraient pas non plus vous conquérir… à moins que ! La bande de Bernie et Nono a bien changé en plus de 40 ans de carrière, et musicalement l’évolution est elle aussi très naturelle. 

Avec « Recidiv », les patrons du Rock hexagonal se sont donnés comme challenge de réinterpréter « L’Elite », « Répression » et « Marche ou Crève » dans les conditions d’un concert, en une seule prise et après moins d’un mois de répétition. L’idée était bien sûr de réarranger les morceaux avec le son actuel du groupe, et aussi de réécrire certains textes qui pour l’essentiel sont restés étonnamment d’actualité.

Nono me disait récemment : « On nous a toujours catalogué Hard Rock, mais on fait du Rock’n’Roll avec donc des côtés Blues ! ». Alors, si certaines chansons n’ont presque pas bougé (« Préfabriqués », « Bosser Huit Heures », « L’Elite », « Police-Milice »), d’autres ont subi un sérieux lifting qui leur va plutôt bien (« Palace », « H & D », « Dialogue de Sourds »). Ce premier album de TRUST est d’ailleurs sans doute celui qui est le plus fidèle à l’original.

« Répression », le plus emblématique des albums du groupe, est tout aussi nerveux et rentre-dedans que la première version (« Antisocial », « Instinct De Mort », « Au Nom De La Race »), et présente quelques bonnes surprises (« Fatalité », « Le Mitard », « Les Sectes »). L’atmosphère n’a pas changé chez TRUST et c’est un Nono percutant dont le feeling est plus que jamais présent qui mène la danse.

Enfin, « Marche Ou Crève » est l’album qui a été le plus réarrangé par le groupe. Quand le TRUST d’antan rencontre la formation actuelle… L’émotion et la rage sont très présentes. Peut-être plus bluesy, plus Rock mais toujours aussi revendicatifs, les classiques prennent une autre dimension (« La Grande Illusion », « La Junte », « Certitude… Solitude »). Et les chœurs féminins y apportent une petite légèreté et un esthétisme certain.

Parmi les morceaux offrant le plus de surprises, on retrouve « Misère » et « Ton Dernier Acte », qui prennent un relief saisissant. Et comme TRUST aime à se poser là où on ne l’attend pas, c’est avec six titres en version acoustique que l’on retrouve des extraits des deux derniers albums (« Démocrassie », « Miss Univers », « Y a pas le feu mais faut bruler ») sur un quatrième album étonnant.

Plus qua jamais d’actualité, le groupe nous fait un beau cadeau avec ces interprétations de haut vol et d’un feeling énorme. Un régal… sur lequel les grincheux ne manqueront pas de se casser les dents. Il reste les versions originales, n’ayez crainte !