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No Return : une identité confortée [Interview]

Pionnier de la scène Metal française au début des années 90, NO RETURN continue son bonhomme de chemin, se bonifie avec le temps et surtout peaufine son style. Avec « Requiem », le quintet français conjugue puissance et efficacité sur un album qui bénéficie d’une production massive et révélatrice d’un groupe toujours en quête de performance. Fondateur et dernier membre du line-up originel, le guitariste Alain Clément revient sur ce nouvel opus et le retour de leur ancien chanteur, notamment. Entretien.

– J’ai encore en mémoire notre première interview en 1990 à la sortie de « Psychological Torment » chez Semetery Records. A cette époque où les fanzines comme Rock’n Force étaient les principaux relais et la scène Thrash/Death était composée de NO RETURN, Loudblast, Agressor, Mercyless, Misanthrope et Massacra pour l’essentiel. Et tout le monde, ou presque, est encore là. Quel regard portes-tu aujourd’hui sur vos débuts et sur le parcours du groupe ?

Ah oui, cette interview ne nous rajeunit pas, c’était hier ! On a effectivement commencé à la même période que tous ces groupes. C’était une époque où il y avait moins d’anonymat, car aujourd’hui il y a une multitude de groupes. Si je regarde l’histoire de NO RETURN, je pense que les deux premiers albums sont très importants. Pour le premier, « Psychological Torment », nous avions le batteur de Coroner, Marquis Marky, comme directeur artistique et producteur. C’était important pour nous, car nous étions jeunes et nous n’avions pas vraiment d’expérience et cet album nous a permis de tourner à la fois en France et en Europe. Le deuxième album « Contamination Rises » que nous avons enregistré à Tampa dans les studios Morrisound en Floride et qui était la capitale du Death Metal, a été très important également, car nous avons pu franchir un palier supplémentaire. Plus tard, l’album « Machinery » nous a permis, notamment en Europe, de nous faire un nom. Globalement, je suis fier de notre parcours car, même si parfois cela a été difficile au niveau du line-up ou des labels, nous avons pu au fil de toutes ces années partager notre musique dans de nombreux endroits et faire des rencontres humaines très enrichissantes.

– Onze albums en trois décennies est un bilan très honorable. Tout en restant ancré dans le Thrash/Death dans lequel s’est construit NO RETURN, comment vois-tu l’évolution de votre musique, car elle est vraiment manifeste sur cet album ?

Nous évoluons depuis plusieurs années maintenant dans un Thrash/Death mélodique. Je pense qu’on peut trouver sur cet album de nouvelles choses, car nous avons aussi évolué techniquement et cela nous apporte de la diversité, tout en gardant nos racines musicales. Nous pouvons ainsi proposer des chansons avec des atmosphères différentes. On veut mélanger le côté mélodique et l’agressivité. Je pense que c’est une bonne chose de d’offrir toutes ces possibilités et montrer ce que NO RETURN peut proposer actuellement.

– Ce qui n’a pourtant pas changé chez NO RETURN, c’est cet alliage entre le Thrash de la Bay Area et la fureur du Death suédois. Finalement, et même si le groupe a évolué pour sonner aujourd’hui différemment et très actuel, vos racines sont toujours très présentes et traversent plutôt bien l’épreuve du temps, non ?

Oui, au-delà de l’évolution musicale du groupe, il est important que ces racines soient toujours présentes et notamment ce coté Thrash de la Bay Area qui est, c’est vrai, l’ADN de NO RETURN.

– Parlons maintenant de ce nouvel album, « Requiem », tout en puissance et très bien produit. Tout d’abord, j’aimerais que l’on parle du retour de Steeve au chant, lui qui avait déjà officié sur deux albums (« Self Mutilation » et « Machinery »). Comment le rapprochement a-t-il eu lieu et qui en est à l’initiative ?

C’est Steve qui m’a contacté alors que nous recherchions un chanteur. Même si cela m’a surpris au début, j’ai vraiment réfléchi à sa proposition avec attention. Ses qualités artistiques et de frontman sont évidentes et l’expérience et la maturité qu’il a acquises au cours des 20 dernières années, ainsi que des discussions constructives, m’ont convaincu que ce serait une très bonne chose pour le groupe de travailler ensemble sur un nouvel album.

– Si l’évolution de NO RETURN s’est fait naturellement au fil du temps, « Requiem » marque, je trouve, une certaine rupture et un incroyable bond en avant. Que ce soit musicalement, vocalement et tout en restant mélodique, le groupe propose des compos massives et percutantes. A quoi cela est-il dû ? Les cinq années entre vos deux derniers albums ? Une plus grande ouverture sur d’autres registres, peut-être ?  

Ce que l’on souhaitait, c’est en fait mixer le NO RETURN de la période où il y avait Steeve et celui des derniers albums studios, c’est-à-dire un mélange de Death Metal et de Thrash assez agressif et mélodique, tout en restant moderne. Le but est vraiment de pouvoir montrer la diversité musicale du groupe en 2022 avec tous ces éléments anciens et nouveaux. Et donc ne pas jouer uniquement sur la nostalgie, car le groupe doit toujours évoluer et montrer ce que NO RETURN est capable d’aborder.

– Je sais que la question est facile, mais elle me titille ! « Requiem » est peut-être votre meilleur album à ce jour, tant dans son écriture qu’au niveau de sa production. Avec le retour de Steeve dans la balance, NO RETURN tient-il son meilleur line-up, et surtout enfin le définitif ?

Merci pour ton compliment. Nous avons essayé de faire du mieux possible, tant au niveau de l’écriture que de la production. Après comme toujours, c’est le public qui, selon ses gouts, apprécie ou pas. Artistiquement parlant, je suis très content en tout cas du résultat final, car tout le monde s’est vraiment arraché sur cet album. Et j’aimerais sincèrement que ce line-up soit définitif.

– Pour la production de ce nouvel album, vous avez confié les manettes à Olivier Didillon, qui est votre ingé-son live et à qui l’on doit aussi des albums de Manigance, Messaline et Dreamcatcher. Après avoir travaillé avec de grands noms, c’est peut-être finalement l’un de vos plus proches collaborateurs qui a su développer et peaufiner le mieux votre son. C’est une belle ironie de l’histoire et une belle satisfaction aussi, non ?

Oui, c’est une belle satisfaction, car ce choix s’est imposé comme une évidence. Olive est notre ingénieur du son live depuis plusieurs années maintenant. Il a fait plusieurs tournées européennes avec nous, dont la dernière avec Cannibal Corpse. Il connaît très bien le groupe et sait le faire sonner de manière très performante. Il est très talentueux et c’est avant tout un véritable ami doté de qualités humaines rares de nos jours dans ce milieu. Le travail et le résultat final qu’il a effectué sur ce nouvel album sont impressionnants de qualité.

– J’aimerais que l’on dise un mot aussi sur les parties de guitares et notamment sur les solos que tu partages avec Geoffroy (Lebon). Il y a une complicité palpable entre vous deux et une nette distinction dans le son et l’accroche. De quelle manière avez-vous travaillé et comment vous êtes-vous repartis les rôles ? Sans oublier le travail du riff sur les rythmiques…

Effectivement, je pense qu’il y a une bonne complémentarité et une osmose avec Geoffroy à ce niveau. Pour les solos, il n’y a pas spécialement de règles et l’idée en général, c’est vraiment de servir le morceau plutôt que d’en mettre partout. Ainsi, il peut y avoir un seul solo dans un titre, parfois deux, en fonction de l’intérêt que cela peut apporter au titre et à l’ambiance qui s’en dégage. En ce qui concerne le travail des rythmiques, on utilise la même approche. Le riff doit être accrocheur, parfois mélodique, sans être forcément trop technique, car le but n’est pas de le rendre difficile à l’écoute et qu’il soit indigeste. 

– On assiste depuis quelques années à l’émergence de très nombreux groupes français dans tout style de Metal d’ailleurs. Quel regard portes-tu sur cette nouvelle scène et est-ce qu’elle t’inspire ?

Je pense que la scène Metal française est très riche aujourd’hui tout style confondu et beaucoup plus professionnelle aussi. La diversité et la qualité fait que chacun peut y trouver son compte que ce soit dans le Heavy, le Thrash, le Death, le Black ou d’autres styles et c’est bien cela le plus important à mon sens.

– Enfin, quelle est la suite immédiate pour NO RETURN ? J’imagine que vous devez être impatients de reprendre la route ? D’ailleurs, avez-vous déjà élaboré une setlist autour de vos onze albums, ou resterez-vous concentré sur « Requiem » ?

La suite immédiate est d’effectuer la promotion du nouvel album et bien sûr, nous sommes impatients de rejouer un peu partout après cette triste période de pandémie. L’essentiel des dates arrivera en 2023. Concernant la set-list, on proposera bien évidement des morceaux de « Requiem » avec d’autres titres, mais pas autour des onze albums comme nous l’avons fait pour le live « XXX ». Le but est aussi de jouer des morceaux que nous n’avons pas joué depuis longtemps et notamment ceux de la période « Self Mutilation », ainsi que des reprises qui, je l’espère, feront plaisir au public.  

L’album de NO RETURN, « Requiem », est disponible chez Mighty Music/Target Group.

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Groove Metal

Korn : liturgie versatile

Décidément, KORN ne cessera jamais de surprendre et de déstabiliser ses adorateurs comme ses détracteurs. Percutant, tordu, mélodique et massif comme personne, le combo navigue cette fois entre noirceur, SF et un côté expérimental plus débridé que jamais. « Requiem », sur une grosse demi-heure, vient coller une grosse claque sur un groove imparable et chirurgical. 

KORN

« Requiem »

(Loma Vista/Virgin/Universal)

Loin d’être un chant du cygne sur fond de requiem, ce quatorzième album de KORN serait plutôt une renaissance. Après le très bon « The Nothing », le combo de Bakersfield, Californie, s’est aussi retrouvé privé de scène, ainsi que sans contrat discographique. Libre, l’occasion était trop belle pour le groupe de prendre une belle respiration et « Requiem » va même au-delà des espérances.

Sans taper dans une nostalgie désespérée, KORN est au contraire revenu avec une envie nouvelle et le désir de faire simplement ce qu’il sait faire de mieux. Musicalement, le quatuor réalise un bond en arrière de 20 ans avec une production pertinente, une maturité à son sommet et un état d’esprit à l’ancienne. Celui-là même qui a montré la voie depuis des années à tant de groupes.

Toujours aussi insaisissable, Jonathan Davis livre une prestation toute en puissance et en nuances, entre fracas et mélodies millimétrées (« Start The Healing », « Disconnect »). La lourdeur et l’aspect alchimiste des riffs et ce groove si reconnaissable de la basse affichent une dextérité et une efficacité redoutable (« Let The Dark Do The Rest », « Penance To Sorrow »). KORN réalise un tour de force phénoménal sur 32 minutes intenses.