Les albums se suivent et se ressemblent du côté de Phoenix et on n’en voudra pas à la légende FLOTSAM AND JETSAM de conserver l’élan d’un virage amorcé il y a quelques années déjà. Le Thrash Metal de ses débuts se teinte de plus de plus de Heavy, tout en gardant beaucoup de vélocité et d’agressivité. Plus mélodique, le quintet garde cependant toujours cette touche si particulière et, l’âge aidant, se concentre sur des morceaux compacts, peut-être moins percutants, mais toujours aussi énergiques. « I Am The Weapon » est le reflet d’un style qui s’est modernisé, notamment au niveau de la production, mais qui a perdu aussi de son aspect brut et spontané.
FLOTSAM AND JETSAM
« I Am The Weapon »
(AFM Records)
Malgré près de 40 ans de carrière, c’est toujours assez étonnant de voir un groupe tel que FLOTSAM AND JETSAM se référer à ses deux dernières réalisations, en l’occurrence « The End Of Chaos » (2019) et « Blood In The Water » (2021), comme si rien n’avait survécu ou était arrivé dans leur belle et longue discographie. Cela dit, c’est indéniable que « I Am The Weapon » et son titre volontairement provocateur tiennent de leurs prédécesseurs et s’inscrivent même directement dans leurs pas… Et c’est peut-être aussi ce qu’on pourrait leur reprocher. Il en est coulé de l’eau sous les ponts depuis les « Doomsday for the Deceiver », « When the Storm Comes Down », « Cuatro » et même « High ».
C’est vrai qu’on peut compter sur le frontman Eric AK Knutson et son compositeur en chef et guitariste Michael Gilbert, colonne vertébrale de la formation originelle, pour entretenir et raviver la flamme des piliers du Thrash Metal américain. Pourtant, FLOTSAM AND JETSAM s’est éloigné de ses ambitions premières, qui allaient creuser au fond d’une inspiration qui semblait inépuisable. Les nombreuses expérimentations ont disparu pour laisser place à un Heavy Thrash de bonne facture, certes, mais qui n’a plus l’insolence et la pertinence d’antan. Le combo de Phoenix ne s’est pas forcément assagi, mais il prend le pli… sans tout de même nous faire l’affront de tomber dans le Power Metal !
Bien sûr, l’attaque vocale est toujours aussi vivace, même si on l’en pense souvent à Bruce Dickinson, mais le temps a sans doute fait son œuvre et on ne saurait que saluer une longévité et une persévérance qui forcent le respect. Côté guitare, le duo Michael Gilbert-Steve Conley apporte beaucoup de tranchant, que ce soit sur les riffs, les solos et plus largement les mélodies, tandis que Ken Mary à la batterie impose un rythme effréné bien soutenu par Bill Bodily à la basse. FLOTSAM AND JETSAM livre donc un opus très correct, très au-dessus de la moyenne actuelle, et il alimente le mythe avec une belle rage (« A New Kind Of Hero », « I Am The Weapon », « Beneath The Shadows », « Black Wings »).
Vétéran de la scène Thrash Metal britannique, SOLITARY ne bénéficie pourtant pas de la notoriété et de la mise en lumière auxquelles il serait pourtant légitime à prétendre. Cela dit, avec « Embrace The Darkness », la donne pourrait bien changer, tant celui-ci présente une vélocité très moderne tout en respectant les codes des origines du style. Racé et ne laissant pas le temps de souffler, cette nouvelle réalisation possède de nombreux atouts et presqu’aucun défaut.
SOLITARY
« Embrace The Darkness »
(Twisted Into Form)
Après sa prestation impériale enregistrée en août 2019 au festival Bloodstock (« XXV Live At Bloodstock »), où il avait férocement célébrer ses 25 ans d’existence, SOLITARY fête aujourd’hui ses trois décennies dédiées à un Thrash Metal puissant et implacable. Fondé en 1994 dans le Lancashire par Richard Sherrington, dernier membre du line-up originel, le combo a surtout sorti des démos, des EPs et deux Live, puisque ce dévastateur « Embrace The Darkness » est seulement le cinquième album complet des Anglais en 30 ans.
La base du registre de SOLITARY est essentiellement Old School et s’ancre dans le sillage de formations comme Forbidden, Testament, Sacred Reich avec quelques touches rappelant les premiers Slayer. Pour autant, on n’est pas ici dans un Thrash Metal californien, ni vintage. Le son, la production signée Simon Efemey (Napalm Death, Paradise Lost, Obituary) et l’approche musicale sont purement et clairement européens et très actuels. Le quatuor est frondeur et agressif et surtout son niveau de jeu s’est considérablement amélioré.
Depuis le début, SOLITARY cultive le tumulte et le chaos et « Embrace The Darkness » représente un sommet de son répertoire. Il dépeint sans détour notre sombre époque où les guerres, les pandémies et les divisions liées aux politiques secouent notre quotidien. Dès l’excellente intro qui se fond dans le morceau-titre, on entre dans le vif du sujet. Menaçant et percutant, ce nouvel opus regorge de titres d’où jaillissent colère et brutalité (« Virtues », « Bury It Now », « Beneath The Surface », « Section 21 », « Filtering Hindsight »). Massif !
La côte ouest des Etats-Unis et sa fameuse Bay Area continuent de faire trembler le monde du Metal grâce à un son unique et surtout une créativité et une technique incontestables. En termes de formations, on ne compte plus celles qui ont influencé, et le font encore, une grande partie de la scène actuelle une quarantaine d’année après son éclosion, voire son explosion. CATEGORY 7 regroupe en son sein des musiciens parmi les plus aguerris et chevronnés du genre, et surtout dont l’envie de repousser les limites est intacte.
CATEGORY 7
« Category 7 »
(Metal Blade Records)
La catégorie 7 est le niveau le plus élevé en termes de catastrophe, notamment nucléaire. Alors, autant dire que lorsqu’un groupe, un temps soit peu sérieux, prend ce nom, ce n’est pas vraiment un hasard même s’il faut l’assumer. Et CATEGORTY 7 n’a rien non plus de très ordinaire. Ses musiciens se connaissent tous de longue date, figurent parmi les plus grands noms du Metal et leur réunion est somme toute presque naturelle. Un tel line-up étant quasi-inespéré, on peut donc ici sans se tromper parler de ‘supergroupe’.
Ce genre de formation est souvent un assemblage de talents et de grands techniciens, dont l’objectif est habituellement d’en mettre plein la vue en jouant les virtuoses. Certes, les membres de CATEGORY 7 affichent des CV hors-normes, mais ils sont surtout unis par la même passion pour un Metal musclé qui tabasse. A la manœuvre, à la composition, et à la production, on retrouve Mike Orlando (Adrenaline Mob, Sonic Universe) et sa guitare, aux côtés de celle de Phil Demmel (Machine Head, Vio-Lence, Kerry King).
Au chant, c’est John Bush (Armored Saint, ex-Anthrax) qui s’y colle, tandis que Jack Gibson (Exodus) à la basse et le foudroyant de Jason Bittner (Overkill) derrière les fûts offrent une prestation ultra-rugueuse. CATEGORY 7 n’est pas là pour trier les lentilles et son Thrash très Heavy, teinté de NWOBHM, bastonne dans un ensemble convaincant (« In Stitches », « Land I Used To Love », « Exhausted », « Through Pink Eyes », « Etter Stormen »). Ce premier album est la quintessence d’un Metal qui a fait ses preuves et qui est joué ici par des cadors.
La scène Metal française ne s’est jamais aussi bien portée et SWARM en est le parfait exemple. Malgré une exposition bien trop discrète, la formation d’Antibes enchaîne les concerts et les albums depuis une bonne décennie maintenant. Le groove brutal et mélodique à l’œuvre sur « Omerta » devrait sans mal conquérir les fans de Thrash Hard-Core aux riffs tranchants et aux solos survoltés. Cette belle offrande décibélique ne doit rien au hasard, tant le groupe monte en puissance à chaque disque.
SWARM
« Omerta »
(Independant)
Il y a cinq ans déjà, SWARM m’avait déjà fait forte impression avec « Anathema », son deuxième album. Le successeur de « Division & Disharmony » (2017) sortait d’ailleurs en indépendant ce qui, vu sa qualité, tenait de l’hérésie en comparaison d’autres productions supportées par un label. Ensuite, le combo nous a fait patienter avec « Mad In France », un EP paru l’an dernier, doté de six titres explosifs, où il a encore peaufiné un style basé sur un Groove Metal teinté de Thrash et de Hard-Core à la redoutable efficacité. Son registre semble être cette fois arrivé à maturité, car la force déployée est monumentale.
D’ailleurs à l’époque de la parution du format court, beaucoup se sont interrogés, car le troisième opus était a priori déjà en boîte. Cela dit, ça valait vraiment la peine d’attendre, car « Omerta » montre et démontre que SWARM fait bel et bien partie du haut du panier de la scène hexagonale. Toujours enregistré et mixé au studio Artmusic dans le Var par Sebastien Camhi, le mastering a été confié au grand Jacob Hansen et le moins que l’on puisse dire est que ce nouvel effort a du coffre, du relief et dégage une folle et dévastatrice énergie. Tous les ingrédients sont réunis et les feux sont au vert.
« Omerta » ouvre avec « Alsamt », une belle intro instrumentale, acoustique et solaire. Mais SWARM, c’est d’abord deux guitares qui claquent, une rythmique qui bastonne et un chant accrocheur et varié. Musclée et massive, cette nouvelle réalisation présente un bel équilibre et balance bombe sur bombe (« Step By Step », « Suicidal Dreams », « Make Your Move », « My Inner »). Le quintet s’offre aussi une brève accalmie (« DeAD Inside »), quelques phrasés en français (« Clink And Come End ») avant de clore magistralement les débats avec l’excellent « First Class », l’ultime et brillant joyau d’« Omerta ». Bien joué !
Depuis quatre décennies, Peavy Wagner est l’indétrônable fondateur, bassiste et frontman de RAGE, véritable institution outre-Rhin et bien au-delà. Avec près de 25 albums au compteur, sa passion et sa vigueur le guident et donnent ce même élan dévastateur qui constitue son ADN. Fort d’un Power Metal traditionnel très varié, ils sont maintenant trois à nous mener dans cette nouvelle réalisation, « Afterlifelines », très ambitieuse, surprenante et où ils ont vu double !
RAGE
« Afterlifelines »
(Steamhammer/SPV)
Pour fêter dignement ses 40 ans d’existence, RAGE a fait les choses en grand et offre en cadeau à ses fans, « Afterlifelines », un double-album de plus de 90 minutes. Une belle somme de travail que l’on doit à l’inoxydable Peter ‘Peavy’ Wagner aux manettes depuis 1984, à Jean Bormann (guitare) et à Vassilios ‘Lucky’ Maniatopoulos (batterie). Le quatuor est donc désormais trio depuis le départ du guitariste Stefan Weber après la sortie de « Resurrection Day » il y a trois ans. En tout cas, l’envie et la férocité sont intactes.
Produit par ses soins et enregistré dans son propre studio de Leverkusen, « Afterlifelines » combine de multiples courants, sans autant que RAGE ne perde le fil malgré une petite vingtaine de nouveaux morceaux. Les Allemands promettent l’apocalypse et ils s’y tiennent. Sur le premier CD intitulé « Afterlife », on retrouve le combo dans sa formule ‘classique’, basée sur un Power Metal à l’ancienne entre Speed et Thrash. Toujours garant de cette touche très teutonne, Peavy et ses hommes martèlent leur Metal avec conviction.
Le second CD, « Lifelines », est quant à lui très différent musicalement, même si l’identité du groupe est toujours aussi identifiable. La raison principale est la présence du claviériste Marco Grasshoff (AngelInc, PowerWorld), qui est venu orchestrer cette deuxième partie. Sans véritablement tomber dans le Symphonique pur jus, RAGE se déploie sur des arrangements de cordes, de piano et de synthés propres à un Heavy plus souple et mélodique. « Afterlifelines » montre un visage nouveau et très moderne, sans oublier de bien cogner !
Au terme ‘Old School’, je préfère nettement celui d’originel car, à l’écoute de la nouvelle réalisation d’ANTHARES, la production soignée et moderne vient fracasser cette image ‘vintage’ qu’on trouvait, c’est vrai, sur celles des années 80 et 90. Et si le Thrash Metal des Français va chercher sa source chez les pères fondateurs du style, nous sommes bel et bien au XXIème siècle et cela s’entend sur cet « After The War » à la fois technique, sauvage et qui alterne habillement les moments percutants et les titres mid-tempos. Un disque qui fait du bien à la scène hexagonale !
ANTHARES
« After The War »
(M&O Music)
Le temps s’écoule paisiblement sous le viaduc de la cite finistérienne de Morlaix et même au rythme de trois albums en près de 30 ans pour ANTHARES. Pour autant, la virulence et la puissance affichées sur « After The War » ne laissent pas vraiment penser que la vie soit un long fleuve tranquille pour lui. Loin de là ! Cela dit, le temps a aussi fait son œuvre, puisque la formation reste ancrée dans un Thrash Metal des origines du registre, celles qui forgèrent un style finalement hors-mode et intemporel… et c’est tant mieux ! On y retrouve autant de sonorités propres à Slayer, Exodus, Kreator et même Annihilator. L’éventail est donc large !
Si le troisième opus des Bretons ne sort qu’aujourd’hui, n’allez pas croire qu’ils se la coulent douce. Non, comme quelques autres, ANTHARES a connu des départs, un split et a sorti une démo et « Pro Memoria » dans sa première vie, entre 1996 et 2001. C’est depuis 2013 que le quintet a entamé sa marche en avant avec un EP, « 2 My Last Breath », puis « Addicted To Chaos », un second effort qui est venu confirmer sa vitalité. Des débuts, seul son emblématique frontman François ‘Fanfan’ Voisin reste solidement accroché à l’entité et la bonne dynamique de son groupe. Et le résultat est plus que palpable sur « After The War ».
Bien aidé par une expérience acquise au fil des années, nos thrashers affichent un son massif et tranchant, parfaitement mis en valeur par une production compacte, musclée et pleine de relief. Ici, les riffs sont racés et aiguisés au mieux pour servir des compos véloces et rageuses (« Invaders From The Outer Space », « Burning Light », « Lost », Trance Thrash », « Pain »). Jamais ANTHRARES ne donne dans la demi-mesure, le combo est sûr de sa force et est parvenu à moderniser son jeu en offrant des compos variées, alternant aussi les tempos au gré du chant de son fondateur, véritable pierre angulaire du groupe. Bien joué !
Fondé au début des années 80 par Michael Stützer, seul rescapé de la formation originelle, ARTILLERY a laissé une trace sur la scène Thrash Metal européenne et si sa route avait été moins sinueuse, elle serait même aujourd’hui bien plus importante. Qu’importe, en 2022 et après deux ans de pandémie, le combo est remontée sur scène, chez lui dans la capitale danoise, pour ce qui restera pour lui un concert d’anthologie. « Raw Live (In Copenhell) » est autant un hommage qu’il ouvre une nouvelle ère pour le groupe.
ARTILLERY
« Raw Live (In Copenhell) »
(Mighty Music)
Après 40 ans de carrière et un parcours assez chaotique avec une mise en pause assez conséquente au début des années 2000, ARTILLERY n’a pourtant jamais lâché l’affaire. Surmontant également de nombreux changements de line-up, le quintet est toujours d’attaque et ce « Raw Live (In Copenhell) » vient démontrer à quel point les Danois ont laissé une solide empreinte dans le monde du Thrash Metal. Enregistré à domicile il y a deux ans, ce live est aussi un beau témoignage.
Car malheureusement, « Raw Live (In Copenhell) » est aussi le dernier enregistrement avec le batteur Josua Madsen, disparu l’année suivante dans un accident de voiture. Depuis, les thrashers ont aussi remercié Michael Bastholm Dahl, leur frontman au chant très Heavy, et le guitariste Kraen Meier. C’est d’ailleurs Martin Steene (Iron Fire, Force Of Evil) qui se tiendra dorénavant derrière le micro. ARTILLERY se renouvelle en permanence, ce qui doit être un signe de vitalité chez lui.
Porté par un public entièrement acquis à leur cause et aussi sûrement par le fait de partager l’affiche avec le gratin du Metal mondial, les Scandinaves se donnent corps et âme dans une prestation qui frôle le sans-faute, notamment celle du batteur, exalté et rugueux comme jamais. Et ARTILLERY a également peaufiné sa setlist. Onze titres musclés et rageurs qui ne laisseront personne de marbre (« Devil’s Symphony », « The Face Of Fear », « Bomb Food », « In Thrash We Trust », « Legions », « Terror Squad »).
15 ans après sa formation, les Suisses de VOICE OF RUIN sont loin d’avoir livrer l’entièreté de leurs idées et de leurs envies musicales. Dans un élan commun et avec la noirceur qui les caractérise, le quintet a pris son temps avant de présenter le successeur du très bon « Acheron », sorti en 2019. C’est d’ailleurs chez eux et sans intervenants extérieurs que les Helvètes ont élaboré ce « Cold Epiphany », plus Thrash dans le son, mais toujours globalement Melodic Death Metal. Nicolas Haerri, guitariste et réalisateur de ce nouvel opus, nous en dit plus sur ces quatre années écoulées et le processus de création de l’album. Entretien.
– On s’était quitté il y a quatre ans avec « Acheron », que vous étiez allés enregistrer en Suède à Göteborg avec Henrik Udd et Frederick Nordstorm. Le résultat était d’ailleurs assez stupéfiant et un cap avait été franchi. Avec qui et dans quelles conditions avez-vous travaillé pour « Cold Epiphany » ?
Cette fois, j’ai écrit, enregistré et produit l’album, qui a été fait entièrement à la maison. En fait, j’ai un studio d’enregistrement près de chez moi. On a fait plusieurs sessions. Après « Acheron », on a commencé à tourner avec des dates qui se sont enchaînées et ça partait bien. Le Covid est arrivé et tout s’est arrêté. On a fait un gros break d’environ quatre à six mois, durant lesquels on ne s’est pas beaucoup vu, on n’a pas non plus fait de musique. Ensuite, on a loué une maison avec les grattes, quelques bouteilles et on a commencé à composer tous ensemble. C’est là qu’on s’est dit qu’on allait prendre notre temps. De mon côté, j’avais beaucoup appris de notre expérience suédoise notamment, et je me suis senti suffisamment prêt pour enregistrer l’album moi-même.
– « Acheron » était un album très sombre et vous aviez utilisé pour la première fois pas mal de samples. Ce n’est pas le cas avec ce quatrième opus, où vous revenez à un style plus direct et plus brut aussi. C’était un désir de renouer avec un Thrash/Death, où la ‘technologie’ est un peu plus en retrait ?
En fait, on en a vraiment pris conscience au milieu du processus de création de l’album. En commençant le mix, j’ai été étonné parce qu’on se dirigeait vers « Purge And Purify » (deuxième album du groupe sorti en 2017 – NRD). Pour les machines, on a mis pas mal de samples dès le début, alors que pour « Acheron », tout avait été réalisé vers la fin de l’enregistrement. Contrairement au précédent album, ces ajouts ont été pensés dès le départ.
– D’ailleurs, dans son ensemble, « Cold Epiphany » contient plus de sonorités Thrash que Death Metal. Il y a un aspect beaucoup plus organique avec un gros travail notamment sur les guitares. On a l’impression que vous avez cherché plus d’immédiateté pour afficher plus de puissance encore. C’était l’intention ?
C’est exactement ça, on voulait vraiment que ce soit plus massif en live, et être sûr de pouvoir reproduire les chansons dans n’importe quelles conditions. Les rythmes sont peut-être moins alambiqués, mais ils tirent plus vers un côté massif où on avance tous ensemble. On a cherché un effet ‘rouleau-compresseur’. C’est vraiment ce que tu décris.
– Le mix aussi libère beaucoup d’énergie et pourtant, ici encore, un grand soin est apporté aux arrangements et aux changements d’ambiances avec notamment plusieurs intros avec un son clair, dont « Prelude To A Dark Age » qui ouvre l’album. L’objectif était d’instaurer l’atmosphère de certains morceaux et plus largement celle de l’album ?
Oui, on voulait donner un contexte. On a vite remarqué qu’on avait des morceaux qui fonctionnaient très bien avec et d’autres qui, souvent, étaient posés comme ça, mais sans contexte. Cette fois, on a essayé de créer une liaison entre les différents titres et passages dans l’album avec plusieurs intros pour pouvoir alterner les morceaux bruts avec d’autres plus calmes, qui servent à créer un contraste.
– D’ailleurs, pour rester sur ce climat qui règne sur l’ensemble de « Cold Epiphany », est-ce que vous l’avez travaillé comme une sorte d’album-concept, car il y a une vraie synergie sur l’ensemble des titres ?
C’est vrai qu’on nous a plusieurs fois posé la question. A la base, oui, car quand on a commencé à discuter avec Randy (Schaller, chanteur du groupe – NDR) du thème de l’album, je me suis dit que ce serait sympa de prendre différents protagonistes pour créer des liens. Ensuite, les choses ont évolué, mais on a gardé cette envie de faire quelque chose de plus sombre, de plus massif et l’ensemble est venu comme ça. Mais à force de voir qu’on nous pose souvent la question, je me demande si on ne pourrait pas faire un album-concept la prochaine fois ! (Rires)
– D’ailleurs, si vous livrez des morceaux toujours Death Metal et mélodiques, certains passages sont aussi Groove et parfois Black Metal sur les parties de batterie notamment. Et vous abordez même des moments vraiment Technical Thrash comme sur « Lustful Gaze ». C’est guidé par le désir d’être assez inclassable, ou plus simplement parce que ce sont des styles que vous aimez et qui représentent finalement très bien VOICE OF RUIN ?
En fait, on a des influences très variées dans le groupe avec tous notre petite madeleine de Proust. C’est vrai qu’on a aussi le désir de les intégrer sur nos albums, histoire aussi de montrer cet aspect de chacun de nous. Peut-être que sur nos albums précédents, c’était un peu plus maladroit, mais là, on a vraiment fait attention pour ne garder que les chansons qui avaient un thème et qui représentaient quelque chose. Pour te dire, on a fait 40 démos pour l’album, c’est-à-dire 40 chansons enregistrées, mixées et prêtes à sortir. Et on n’en a gardé que dix… C’est aussi pour ça que nous avons tout fait à la maison, car pour réaliser tout ça en studio, nous n’aurions jamais eu le budget ! Ça n’aurait pas été possible, et c’est aussi pour cette raison qu’on a souhaité faire l’album différemment.
– Avec « Bloody Salvation », vous sortez le quatrième single extrait de l’album, ce qui correspond presqu’à la moitié du disque. Je sais bien que les temps ont changé et qu’il faut être très présent sur les réseaux sociaux notamment et/ou figurer sur les playlists des plateformes de streaming, mais n’est-ce pas un peu dommage de livrer la moitié d’un travail de longue haleine avant sa sortie et d’être, finalement, sacrifié sur l’autel du marketing ?
Tu sais, je suis d’une génération où j’attendais un album, j’allais l’acheter et je l’écoutais de A à Z. Aujourd’hui, on n’a pas le choix. Si on veut exister, si on veut être pris dans les playlists, on doit sortir du contenu avant. Sinon à la sortie de l’album, il ne se passe rien. Il n’y a plus aucun groupe de notre niveau, qui peut promouvoir un album en entier sans sortir quelques titres en amont. Donc oui, ça fait un peu chier de tout donner comme ça. En même temps, dans les jeunes générations, il n’y a plus personne qui écoute un album dans son entier. Ils prennent les playlists, il y a une chanson qu’ils aiment et ils ne vont pas écouter la suivante, parce qu’ils n’aiment qu’un titre. Alors oui, c’est un peu sacrifié sur l’autel du marketing, mais on n’a pas vraiment le choix. Et il y a même des plateformes qui refusent des chansons, parce que l’intro est trop longue ! Du coup, on zappe la playlist.
– Oui mais une fois qu’on a dit ça, on n’a rien dit. Qu’est-ce que vous y gagnez concrètement ? Parce qu’avoir des milliers de followers, etc… ça ne sert à rien pour vendre un album !
C’est sûr que les followers ne paient pas la facture à la fin du mois. Avec ce qu’on gagne, nous sommes une petite PME bien huilée, qui nous permet de beaucoup voyager, de découvrir plein de choses et de vivre notre passion, mais pas d’en vivre. Actuellement, VOICE OF RUIN s’autosuffit et l’argent qu’il génère sert à voyager et faire des albums. Par contre, comme je te l’ai dit : ça nous permet de vivre notre passion, mais pas d’en vivre !
– Pour conclure, j’aimerais qu’on dise un mot sur la participation de votre compatriote Anna Murphy, qui a œuvré une décennie avec Eluveitie, et qui apporte de la douceur et un peu de mystère sur le morceau « Cyanide Stone », où elle chante. Comment s’est passé cette collaboration et comment est-elle née ?
En fait, « Cyanide Stone » est le premier morceau que nous avons composé pour l’album. A l’époque, c’est Darryl (Ducret, guitariste – NDR) qui chantait les passages clean. Comme on avait cette volonté de faire un album que l’on pourrait reproduire facilement sur scène avec ce côté ‘rouleau-compresseur’ et comme il y avait du tapping en même temps, il nous a dit qu’il pouvait y avoir un risque. On a décidé de changer notre fusil d’épaule et on avait trois/quatre personnes en tête. Entre deux sessions d’enregistrement, on a fait plusieurs dates et sur l’une d’elles, on a fait un show-case où Anna Murphy était là pour présenter son projet solo. Erwin (Bertschi, bassiste – NDR) a toujours adoré ce qu’elle faisait et lui a envoyé un mail. Les agendas coïncidaient, elle était dispo, elle a aimé et les choses se sont faites comme ça. Au départ, les autres voulaient le faire un peu plus Metal, mais la voix et cette envolée devaient vraiment rester sous cette forme. Et la voix d’Anna est magnifique.
L’album de VOICE OF RUIN, « Cold Epiphany » est disponible chez Tenacity Music et sur le Bandcamp du groupe :
Direction la planète Namek, celle des Dragon Balls évidemment, avec le joyeux et turbulent quatuor Thrash/HxC grenoblois qui sort son quatrième album, « Straight To Namek », et qui s’apprête à reprendre le chemin des concerts avec un enthousiasme débordant. Aux confluents de la scène Thrash californienne de la Bay Area et du Hard-Core musclé et sans concession de New-York, EIGHT SINS aborde son Crossover avec joie, auto-dérision et surtout une sérieuse envie d’en découdre… avec le sourire aux lèvres ! Entretien avec Julien Alves, batteur du combo.
– Cinq ans après l’EP « It’s A Trap », vous faites votre retour avec un quatrième album, « Straight To Namek », haut en couleur et toujours aussi féroce. Vous avez pris votre temps et cette fois, vous avez confié vos morceaux au groupe Landmvrks, notamment à Florent Salfati. Vous aviez besoin de changement, afin d’explorer d’autres sonorités ?
C’est vrai qu’on a pris plus de temps, car le Covid a aussi freiné nos ardeurs. Nous sommes tous les quatre pères de famille, d’ailleurs Loïc (Pouillon, chanteur – NDR) et moi avons eu des enfants pendant cette période, ce qui a aussi un peu repoussé l’enregistrement de l’album. Ensuite, il a fallu du temps pour se retrouver et composer de nouveau. Dans la foulée, on a pris l’initiative de faire l’album avec les gars de Landmvrks à Marseille. On ne connaissait personne de notre entourage qui avait bossé avec eux, mais vu le résultat de la production, on est vraiment super content. Ils ont archi-bien bossé !
– Malgré une grosse quinzaine d’années d’existence, vous avez lancé une campagne de financement participatif pour « Straight To Namek ». C’est une démarche de plus en plus fréquente…
Nous sommes complètement indépendants et nous faisons tout par nos propres moyens. Même si nous avions un peu de fonds évidemment, il nous a fallu un petit coup de pouce. L’argent est le nerf de la guerre et on a sollicité un peu nos fans. Et nous avons été agréablement surpris, puisque nous avons atteint l’objectif de notre cagnotte à hauteur de 190%. On est très fier de ça, parce qu’en fait, il y a beaucoup plus de gens que ce que l’on pensait qui nous soutiennent et ça fait super chaud au cœur ! Maintenant, on espère bien le leur rendre !
– EIGHT SINS a la réputation de livrer des prestations scéniques intenses et explosives, ce qui vous a d’ailleurs permis de jouer avec de grands noms. On a l’impression que vous avez appliqué la même formule à ce nouvel album : 10 titres pour 24 minutes, c’est sacrément expédié ! « Straight To Namek » a le format d’un EP, c’était le but ?
Nous sommes un groupe de Crossover et les chansons sont plutôt courtes, c’est vrai, et elles vont droit au but ! Si tu prends certains groupes comme Terror (Punk-HxC de Los Angeles – NDR), par exemple, leurs albums dépassent rarement la demi-heure. On a souhaité garder ce format-là. De toute façon, je ne connais personne qui te met 50mn de Hard-Core dans la tronche comme ça ! Et puis, tous les titres restent bien en tête et cela donne aussi une vision globale de ce qui se trouve sur l’album. Les chansons sont vraiment taillées pour le live et on a pris soin à ce qu’il y ait de bonnes bagarres pour déclencher un bon bordel dans la fosse, tout en ayant toujours le sourire aux lèvres. Notre leitmotiv est vraiment que tout le monde vienne pour prendre du plaisir, se défouler et surtout qu’ils sortent de là avec la banane jusqu’aux oreilles !
– Vous tirez vos influences des Etats-Unis et même de ses deux côtes. La côte ouest pour ce qui est de l’aspect Thrash et New-York pour votre côté Hard-Core. La scène européenne, notamment allemande, n’a pas eu le même impact sur vous, malgré un panel tout aussi large ?
C’est vrai que c’est la même musique jouée de manière différente. Je suis assez d’accord avec toi sur le fait que nous sommes plus influencés par les Américains. Néanmoins, pour être allé dans divers festivals, j’apprécie autant des groupes comme Kreator, Sodom, Tankard et Destruction, par exemple, qui forment le ‘Big Four allemand’. Mais nous avions choisi ce format plus américain, c’est vrai.
– D’ailleurs, pour rester sur le côté Hard-Core de votre musique, on le sent nettement moins sur « straight To Namek », sauf parfois dans le chant. Le Thrash offre plus de possibilités dans la composition, ou cela s’est-il fait sans calcul ?
En fait, on avait déjà commencé à prendre cette direction sur le EP précédent (« It’s A Trap » – NDR) en 2018, qui est plus Crossover. Nos premiers albums traitaient plutôt de sujets sérieux. Puis, de fil en aiguille, on s’est aperçu que ce que nous aimons, c’est la musique qui va vite. On aime se marrer, partir en tournée, sortir des conneries, faire l’apéro, etc… Ça peut paraître léger comme ça, mais finalement c’est ce qu’on a voulu retranscrire dans notre musique et c’est vraiment le créneau où on se sent le mieux ! Un bon mélange de Thrash et de Hard-Core ! Cela dit, il y a peut-être plus de pointes ‘thrashouilles’, car je pense que dans le Thrash, il y a plus de place pour la blagounette !
– On retrouve cette touche festive et déconnante tout au long de l’album avec des samples, essentiellement en français d’ailleurs, en intro ou en fin de morceau. Il y a un petit côté Municipal Waste et même un peu Crisix chez EIGHT SINS. On a l’impression de vous mettez un point d’honneur à ne pas vous prendre au sérieux…
Tu as entièrement raison ! En fait, on s’est aperçu que les sujets sérieux parlent toujours de drames, parce qu’on vit dans un monde qui est de moins en moins drôle. Nous, la musique est notre plaisir et notre passion, on est là pour se marrer. L’essentiel, pour les gens qui viennent nous voir, est qu’ils prennent du bon temps. S’ils se marrent et se défoulent, notre mission est accomplie. Bien sûr que Crisix et Municipal Waste, dans ce sens-là, sont des influences majeures. On a eu la chance d’ouvrir pour Municipal Waste à plusieurs reprises et à chaque fois, et même si c’est ultra-violent, on est ressorti avec la banane. C’est vrai qu’on aime prendre les choses à contre-pied.
– J’aimerais aussi qu’on dise un mot sur la pochette de « Straight To Namek », signée Christophe Regnault avec qui vous travaillez depuis un moment. Comment cela se passe-t-il ? Vous lui indiquez ce que vous souhaitez, ou a-t-il aujourd’hui tellement bien assimilé votre univers que ce n’est plus la peine, vous lui laissez carte blanche ?
En fait, il a fait ses études d’Art avec notre chanteur et c’est dont via Loïc qu’on a commencé à bosser avec lui. En fait, on lui donne une trame de base et ensuite, libre à lui de se faire plaisir. Là, l’idée était la bagarre des gentils vs les méchants. On lui a donné les personnages qu’on souhaitait voir figurer sur la pochette, et après il s’est régalé. Il a eu une demi-carte blanche, voilà !
– On a parlé des interludes en français sur l’album, mais sur « Street Trash », vous évoquez aussi votre ville, Grenoble. Que signifie ce clin d’œil et est-ce que Grenoble est véritablement la ‘Trash City’ qui vous inspire ? A moins que ce ne soit juste pour la déconne, encore ?
(Silence)… C’est mi-figue, mi-Konos comme on dit ! Il y a un fond de déconne, bien sûr. Après Grenoble, si tu veux, n’est pas réputée pour être l’endroit le plus propre de France. On s’est un peu lâché, mais c’est chez nous et on en est fier. Quelque part, c’est une sorte d’hommage aussi, d’être fier de là d’où l’on vient ! Généralement, on vient chez nous pour aller faire du ski, pas pour visiter la ville ! Mais on existe quand même !
– Enfin, on connait votre préférence pour la scène. J’imagine que ce nouvel album va vous amené sur les routes de France et peut-être même de Navarre. Est-ce qu’une tournée est déjà prévue et êtes-vous aussi confrontés aux mêmes problèmes que de nombreux groupes sur le coût que cela engendre aujourd’hui ?
C’est vrai que pour des indépendants comme nous, ce n’est pas une mince affaire de partir sur la route. Cependant, on a pas mal de concerts qui arrivent. Pour la tournée, on y travaille en ce moment. Il y a des trucs dont je ne peux pas te parler, mais il se passe des choses ! L’idée est de défendre notre album quoiqu’il arrive et bec et ongle. Avec ou sans argent, on viendra ! (Rires)
Afin de célébrer de la plus belle des manières ses quatre décennies d’existence, VOIVOD a parcouru sa discographie et a choisi neuf morceaux qu’il s’est fait un plaisir de ré-enregistrer avec un son et une production actuelle, tout se réservant le plaisir d’offrir un titre inédit. Pour autant, l’esprit reste intact et les Canadiens ont même convié leurs anciens bassistes, E-Force et Jason ‘Jasonic‘ Newsted, sur quelques plages pour un revival absolument démoniaque.
VOIVOD
« Morgöth Tales »
(Century Media Records)
Pour fêter en beauté ses 40 ans de carrière, VOIVOD a eu la riche idée de se plonger dans son back-catalogue et de revisiter avec son line-up actuel neuf titres figurant sur ses albums les plus emblématiques. Retour donc sur une période s’étalant de 1986 à 2003 et durant laquelle il est assez incroyable et spectaculaire de constater l’évolution du groupe, bien sûr, mais aussi la façon dont il a su préserver un style unique et en constante mutation. Il a ouvert la voie tout en se renouvellement perpétuellement… Une chose inimaginable aujourd’hui !
Ce quinzième album montre tout le talent, le savoir-faire, la créativité et surtout l’aspect très novateur de ce ‘Chevalier-vampire-androïd de l’ère post-nucléaire’ avant-gardiste, qui a influencé plusieurs générations de musiciens. On passe ainsi en revue la période Technical Thrash, Thrash Punk, Progressive Metal et Sci-Fi des Québécois qui n’ont eu de cesse de se réinventer. VOIVOD a retourné le monde du Metal avec tellement d’application que beaucoup ne l’ont même pas encore saisi.
On démarre avec « Condemned To The Gallows », morceau méconnu apparu sur la compilation « Metal Massacre V » en 1986 et ça défouraille ! S’en suivent avec des titres piochés sur les albums « Rrröööaaarrr », « Killing Technology », « Dimension Hatröss » (un chef-d’œuvre), « Nothingface », « Angel Rat », « The Outer Limits », « Phobos » et « Voivod ». Le festin est total jusqu’à « Morgöth Tales », l’inédit qui donne son titre à l’album. Les membres de VOIVOD se sont éclatés et cela s’entend ! En un mot : merci !