La connexion s’est établie il y a deux ans maintenant et depuis, YAWNING BALCH repousse encore et toujours ses propres limites. Tous très prolifiques et très occupés, les membres de cette formation hors-norme présentent le « Volume Three » de leur aventure désertique, où l’improvisation reste le guide, même si les détails et les arrangements pourraient laisser penser le contraire. Nous sommes ici dans une telle maîtrise qu’il est difficile de savoir si l’invitation lancée à Bob Balch par Yawning Man tient franchement du hasard…
YAWNING BALCH
« Volume Three »
(Heavy Psych Sounds)
Presque deux ans après deux premiers volumes envoûtants, YAWNING BALCH livre enfin son « Volume Three ». Enregistré au printemps dernier au Gatos Trail Studio à Joshua Tree, en Californie, il clot (sauf surprise !) une trilogie assez incroyable, aussi épique que spatiale. Car il faut reconnaître que la communion entre les membres de Yawning Man et le guitariste Bob Balch (Fu Manchu, Big Scenic Nowhere) ne manque pas d’audace et encore moins d’inspiration. Cette rencontre entre deux univers, finalement pas si différents, s’ouvre sur un incroyable champ des possibles que le quatuor s’empresse d’explorer. C’est là tout le charme et la force de ces rencontres hallucinatoires, vagabondes et si réjouissantes.
Entre post-Rock et Desert Rock avec des touches de Space Rock, YAWNING BALCH est un groupe de jam, certes, mais l’élégance avec laquelle il évolue d’un même élan est assez phénoménale et inédite. Si la rythmique composée de Mario Lalli à la basse, qui joue aussi avec Fatso Jetson, et Bill Stinson derrière les fûts se connait par chœur et montre une complicité assez rare à ce niveau, ce sont bel et bien Bob Balch et Gary Arce (également à l’œuvre chez SoftSun) qui font vibrer l’ensemble autour de leur guitare avec un naturel et une fluidité totale. Sans pour autant se montrer rival, chacun prend le lead, tour à tour, avec politesse et beaucoup de respect. Leur entente rayonne et nous emporte.
Bardé d’effets dont ils sont probablement les seuls à détenir les secrets, nos deux six-cordistes jouent crescendo et les descentes dans des sonorités plus ‘reconnaissables’ se font discrètes. Une manière aussi peut-être de se passer le relais pour mieux repartir. Car Bob Balch et Gary Arce tiennent à la fois le lead et la rythmique sur les deux seuls morceaux tout en longueur de ce « Volume Three » (« The Taos Hum » et « Winter Widow »). YAWNING BALCH est de ces rencontres où les frontières sonores et musicales disparaissent au gré des accords et qui survolent un duo basse/batterie tout en rondeur et au feeling tellement évident. Une fois encore, le voyage est magnifique !
Retrouvez les chroniques des deux premiers volumes :
Le titre de cette nouvelle production de TOMMY CASTRO & THE PAINKILLERS résume à lui seul l’intention du maestro : revenir à l’essence-même du Blues, en parcourant ses différents courants et en s’y collant au plus près. Pari amplement remporté, ce qui n’est pas vraiment une surprise lorsque l’on connaît le sens de la musique qui l’habite. En ne proposant que trois petits inédits, c’est surtout vers des morceaux qui le font vibrer que le musicien s’est penché et « Closer To The Bone » côtoie les sommets.
TOMMY CASTRO & THE PAINKILLERS
« Closer To The Bone »
(Alligator Records)
En un peu plus de trois décennies, TOMMY CASTRO avoisine la vingtaine d’albums, une dizaine de Blues Music Awards et surtout un feeling qui va grandissant. Avec ses PAINKILLERS, c’est un disque un peu spécial que le natif de San José en Californie propose, puisque celui-ci ne comprend que trois chansons originales (« Can’t Catch A Break », « Crazy Woman Blues » et « Ain’t Worth The Heartache »), auxquelles il faut ajouter tout de même onze reprises, et pas n’importe lesquelles. Lui qui a exploré à peu près tous les registres, passant du R’n B à la Soul ou au Rock, s’offre le loisir de se faire plaisir… et nous avec !
TOMMY CASTRO & THE PAINKILLERS n’élude ici aucun d’entre-eux, sachant se faire tendre, délicat ou explosif et pétillant le morceau suivant. « Closer To The Bone » fait un peu le tour des goûts et des préférences du guitariste-chanteur et il faut bien avouer qu’on ne voit pas le temps passer. L’idée est donc de le réécouter dans la foulée avec la même délectation. Avec comme noyau dur Mike Emerson aux claviers, Randy McDonald à la basse et au chant et Bowen Brown à la batterie, l’ensemble sonne comme une ode au Blues sous toutes ses belles coutures et le talent de chacun fait naître une osmose savoureuse.
Car ce qui surprend aussi sur « Closer To The Bone », c’est l’harmonie qui règne au sein de THE PAINKILLERS, qui n’a jamais aussi bien porté son nom, avec aussi un humour omniprésent. Petite cerise sur le gâteau, TOMMY CASTRO a invité quelques amis et non des moindres. On y croise au fil des titres Chris Cain, Rick Estrin, Christoffer ‘Kid’ Andersen et l’incroyable saxophoniste et chanteuse Deana Bogart sur « Some Moves Me » et « Bloodshot Eyes » pour un duo. Electrique et jouant sur une proximité naturelle, l’Américain livre un opus radieux, optimiste et tout simplement irrésistible. Une vraie gourmandise !
Elle a cherché la guérison et le renouveau et c’est à travers sa musique qu’elle y est parvenue… et de très belle manière. Forcément très intime, la chanteuse américaine se fait conteuse sur un premier opus qui en dit long sur son talent. S’il s’en dégage une certaine froideur malgré le registre, OLIVIA WOLF montre beaucoup de force dans sa musique comme à travers ses mots. « Silver Rounds » possède un aspect conceptuel dû au sujet global, et pourtant chaque chanson garde un côté unique et surtout attachant.
OLIVIA WOLF
« Silver Rounds »
(Independant)
Cataloguée parmi les artistes de Country Music, OLIVIA WOLF s’en détache pourtant grâce à un style assez singulier, qui se distingue de la scène actuelle américaine. Et ce premier album qu’elle sort en indépendant est d’une étonnante profondeur. Dans son propos tout d’abord, car la chanteuse a vécu une tragédie qui la guide tout au long de « Silver Rounds ». Elle a, en effet, lutté en son for intérieur pour faire face à la perte de son fiancé deux semaines seulement avant leur mariage. Un deuil qu’elle fait ici en musique avec beaucoup d’élégance et une grande pudeur face à cette épreuve de la vie.
Elle qui a grandi dans le nord de la Californie au son du Bluegrass , également nourrie de la richesse musicale des Appalaches, s’est créée un monde très personnel et ce sont les circonstances de ce destin qui se traduisent dans cette Americana sombre, langoureuse et à fleur de peau. Dépeinte comme une version féminine de Sturgill Simpson, OLIVIA WOLF mélange les styles et les ambiances avec une délicatesse de chaque instant. Très spirituels, ses textes traversent de sombres pensées, s’ouvrent à l’univers tout entier, questionnent sur l’inquiétude, l’acceptation et l’abandon avec un esprit rebelle chevillé au corps.
Pourtant, « Silver Rounds » évite la tristesse et la lamentation avec finesse. Entre la lumière et l’obscurité, OLIVIA WOLF a trouvé la faille et s’y engouffre avec beaucoup d’émotion. Produit par Sean McConnell avec qui elle a co-écrit plusieurs morceaux, l’ensemble offre un relief saisissant, où elle passe d’une Americana très Bluegrass à des moments de Rock appuyés ou une Country-Rock captivante (« Cosmic Appalachian radio », « Lucky One », « Weed King », « Good Smoke Too », « Meet You At The Cross », « The Wild » ou « High Life » en duo avec Taylor McCall). L’imagerie est ici puissante et radieuse aussi.
Il y a assez peu de groupes qui dégagent autant de classe, de facilité et de maîtrise du songwriting sur un premier long format comme c’est le cas sur « Runaway Emotions ». Porté par la voix chaleureuse et touchante de son leader, SONS OF SILVER laisse pourtant la place à chacun, que ce soit sur des parties de guitares sauvages, une rythmique soutenue et tellement raffinée que sur des claviers aussi discrets qu’indispensables. L’union au sein du combo est incroyable de fluidité et la qualité d’écriture est renversante. Quand expérience et intelligence entrent en symbiose !
SONS OF SILVER
« Runaway Emotions »
(4L Entertainment)
Au moment de sa création en 2019, Peter Argyropoulos, leader de Pete RG, n’a pas manqué de s’entourer de pointures, faisant de SONS OF SILVER un groupe hors-norme dont le nom d’ailleurs reflète parfaitement son ambition : solide, délicate et créative. Il est accompagné de Marc Slutsky, batteur emblématique qui a tourné avec les Goo Goo Dolls et Peter Murphy notamment, Adam Kury (bassiste de Candlebox) l’ancien guitariste de Skillet, Kevin Haaland, et, enfin, la claviériste et ingénieure de renom Brina Kabler. Et suite à deux EPs assez expérimentaux, voici enfin le premier album, « Runaway Emotions », où la direction musicale est beaucoup plus nette.
Basé à Los Angeles, SONS OF SILVER rassemble un beau patchwork de ce que la Cité des Anges offre depuis des décennies. Très Rock et tirant sans complexe sur le Hard Rock, voire le Glam, avec une base très américaine dans le son et un côté Indie qui donne justement beaucoup de finesse à l’ensemble, le collectif peut se montrer de prime abord un peu insaisissable. Assez classique tout en étant avant-gardiste, notamment dans les arrangements, « Runaway Emotions » accroche avec une simplicité apparente, qui laisse l’espace aux musiciens pour s’exprimer pleinement à travers des compositions très libres et entraînantes.
Puissantes de bout en bout, les chansons de ce premier opus affichent la technicité, le groove et le sens de la mélodie de ses membres. C’est à un véritable travail d’orfèvre auquel s’est livré SONS OF SILVER grâce aussi à un sens du détail très poussé. Bien sûr, les Californiens font écho à The Cult et même à Bowie, au Juju Hounds d’Izzy Stradlin et parfois bien sûr aux combos dont ils sont issus. Mais le style est personnel et assez unique en son genre. Rien n’est surjoué, exagéré, ni convenu, le quintet présente un univers bien à lui, magnifié par une production irréprochable et brillante. Un disque complet qui s’écoute et se réécoute à l’envie…!
Avec des débuts fracassants et enthousiasmants, les RED HOT CHILI PEPPERS ont marqué profondément et de manière indélébile le monde du Rock au sens large. Précurseurs d’un registre qui a fait des émules et traversé plusieurs générations, ils sont les plus funky de la côte ouest et ont balisé leur parcours à grands coups de riffs brûlants, de slaps phénoménaux et de hits aussi nombreux qu’incontournables. Fédérateurs et parfois borderlines, les Américains font des étincelles jusque dans cette belle docu-BD.
RED HOT CHILI PEPPERS
B. Figuerola/C. Cordoba/F. Vivaldi/S. Degasne
Editions Petit à Petit
La maison d’édition normande poursuit sa belle série dédiée à la musique et elle s’attaque cette fois à un nouveau monument du Rock mondial. Et c’est du côté de la Californie que l’on suit les aventures des RED HOT CHILI PEPPERS. Fondé sous le soleil de Los Angeles en 1982 par deux amis d’enfance, Anthony Kiedis (chant) et Flea (basse), le groupe prend véritablement forme avec les arrivées en 1988 de Chad Smith (batterie) et Jon Frusciante (guitare), qui stabilisent le combo, malgré deux départs de ce dernier par la suite.
Aujourd’hui, du haut d’une discographie de 13 réalisations studio, les R.H.C.P. approchent les 80 millions d’albums vendus et, pour ceux que ça intéresse, plus de cinq milliards de streams. Autant dire que le quatuor pèse dans l’industrie musicale et ce n’est pas une question de marketing. Non, il est le créateur d’un style et d’un son unique, identifiable entre mille et en quelques secondes. Une touche très personnelle où se mêlent de manière très naturelle Rock, Funk, Metal, Soul, Rap ou Punk dans une harmonie totale.
Cela dit, et avec tout le respect que j’ai pour les R.H.C.P., il faut bien avouer qu’ils se sont éteints à l’aube des années 2000. Si techniquement, ils sont irréprochables, les productions qui ont suivi « Californication », voire même avant, manquent de souffle. D’ailleurs, les puristes affirment que « Mother’s Milk » est même leur dernier joyau. Bref, la bande dessinée, bien documentée, relate l’incroyable succès et les frasques qui ont émaillé la carrière exceptionnelle de quatre musiciens appréciés de tous… d’une manière ou d’une autre.
Brut et authentique, le Blues que parcourt SHOTGUN SAWYER a beau emprunter les mêmes chemins que la scène plus ‘traditionnelle’, le poids et la lourdeur de sa rythmique notamment, mais aussi de la guitare, viendront heurter, puis assommer les amateurs de l’aspect léger et délicat du genre. Ici, C’est tout de même le Stoner Rock qui domine l’ambiance bluesy et Rock’n’Roll de ce « Shotgun Sawyer » immersif. Entre des lignes de basse bien grasses et une batterie très appuyée, ça frappe et cogne sans retenue… et ça fait du bien !
SHOTGUN SAWYER
« Shotgun Sawyer »
(Ripple Music)
Depuis 2016, SHOTGUN SAWYER livre sa vision du Blues depuis la petite ville d’Auburn en Californie et son premier effort, « Thunderchief », avait d’ailleurs tapé dans l’œil de Ripple Music, qui s’était empressé de le signer. Trois ans plus tard, « Bury The Hatchet » est venu confirmer l’assise et l’originalité du combo. Car si le trio évolue bel et bien dans un registre proche d’un Blues hyper-roots, c’est aussi du côté Stoner qu’il s’illustre tant les riffs épais et fuzz sont légions et traversent des compositions inspirées du Classic et même du Hard Rock.
Par la suite et comme pour beaucoup de groupes, le Covid a mis un coup d’arrêt aux activités de SHOTGUN SAWYER, menant même à une brouille entre le chanteur/guitariste Dylan Jarman et son ami et batteur David Lee. Celui-ci a d’ailleurs mis les voiles et c’est Cody Tardell de Slow Season qui est derrière les fûts depuis ce début d’année. Le power trio est donc de retour avec un troisième opus éponyme, très révélateur de son identité artistique. « Shotgun Sawyer » est toujours aussi rugueux, bluesy et terriblement Rock.
Finalement, ces cinq ans ont peut-être été bénéfiques aux Américains, dont les morceaux n’ont jamais été aussi élaborés et l’émotion aussi présente. En faisant aussi appel à quelques invités à l’harmonica et aux claviers, SHOTGUN SAWYER élargit son spectre musical et le travail de Patrick Hills des Earth Tone Studios à Sacramento y est pour beaucoup. La production est ample, généreuse et organique (« Cock N’ Bulls », « The Sky is Crying », « Tired », « Isildur’s Bane », « Master Nasty », « Hopeless »). Imposant !
Est-ce par désir de quitter une certaine zone de confort musicale, ou alors pour en découvrir vraiment une toute nouvelle qui leur permettrait de pouvoir pleinement s’exprimer que Pia Isa (chant, basse) et Gary Arce (guitares) se sont retrouvés dans un registre bien à eux ? Accompagné par Dan Joeright (batterie), le trio mêle post-Rock et Dronegaze dans des atmosphères très Desert Rock. Avec SOFTSUN, ils explorent et expérimentent, tout en affichant sur « Daylight In The Dark » des sensations très libres et aériennes, portées par la voix éthérée de sa frontwoman et avec une incroyable fluidité. Rencontre avec deux musiciens, dont l’osmose et la complicité artistique ne font aucun doute.
– Avant de parler de ce premier album de SOFTSUN, j’aimerais que l’on revienne en 2020, lors de notre rencontre virtuelle pour le premier projet solo de Pia. Avec le recul, quel souvenir en gardez-vous tous les deux et à quel point votre vision commune de la musique vous a paru si évidente ?
Pia : Nous nous souvenons tous les deux très bien de nos premières discussions sur le sujet pendant le Covid en 2020. Gary a été l’une des toutes premières personnes à qui j’ai joué un de mes propres morceaux. Et je me souviens avoir pensé lui demander de jouer dessus, mais je me suis dégonflée. (Sourires) Et quelques jours plus tard, il m’a demandé s’il pouvait essayer de jouer quelque chose et j’étais super excitée, bien sûr.
Gary : Je suppose que nous sommes tous les deux attirés par la musique douce, ouverte et spatiale et où la patience est nécessaire pour laisser les notes vraiment respirer. Et même si nous avons des approches parfois différentes sur le sujet, cela semble être une très bonne combinaison.
– Après une collaboration sur les deux albums solo de Pia, vous vous rencontrez enfin pour la première fois en personne l’an dernier. J’imagine que cela facilite les échanges artistiques et personnels aussi. A quel moment avez-vous commencé à parler du projet SOFTSUN ?
C’est tout à fait vrai. En fait, nous avons commencé à parler de faire de la musique ensemble pas mal de temps avant de nous rencontrer en personne. Mais quand nous nous sommes enfin rencontrés, tout est arrivé naturellement et s’est passé assez vite.
– Vous venez d’horizons musicaux assez différents, mais qui se rejoignent finalement assez souvent. De quelle manière avez-vous décidé et mis au point la direction musicale du groupe ?
Tu sais, la musique se fait de manière très organique entre nous. Nous jouons simplement avec notre cœur et nous aimons tester toutes les idées qui nous viennent à l’esprit.
– Tout est donc allé très vite. Mais il faut une incroyable complicité pour enregistrer un album en deux jours et demi et seulement trois répétitions. Comment expliquez-vous cette maturité artistique qui émane de « Daylight In The Dark » ?
Pia : C’est vrai. Nous avions déjà écrit quelques chansons avant que je ne parte en Californie pour la première fois. Mais nous avons écrit très vite ensemble, et après quelques séances de composition, tout s’est mis en place très naturellement lors des répétitions, puis ensuite en studio. Pour nous, il s’agissait simplement de vraiment nous connecter et de nous entendre parfaitement.
– Pia, avais-tu déjà enregistré les voix chez toi en Norvège avant d’arriver en Californie ? Est-ce que ce sont des éléments peut-être fournis par Gary en amont qui t’ont guidé dans l’écriture, ou au contraire, la musique a-t-elle été composée en fonction des paroles ?
Pia : En fait, j’ai enregistré les voix en Norvège après avoir enregistré l’album en Californie. Puis, nous avons enregistré quelques nouvelles chansons pour une autre sortie lors de mon nouveau voyage de retour. Certaines étaient donc complètes avec les paroles et les voix avant que nous nous rencontrions. Et pour les autres, tout cela s’est assemblé pendant nos séances d’écriture et les répétitions. J’ai fait quelques scratchs vocaux en studio, mais je voulais prendre mon temps pour les enregistrer. Je n’avais pas envie de me précipiter, car nous avions peu de temps de studio après l’enregistrement de tous les autres instruments.
– Outre votre rencontre, il y a aussi celle avec Dan Joeright, musicien chevronné, votre batteur sur l’album et également propriétaire du Gatos Trail Recording Studio où a été enregistré « Daylight In The Dark ». Et c’est d’ailleurs aussi lui qui mixe l’album. Comment se sont passés vos premiers échanges et a-t-il été immédiatement séduit par la direction musicale du groupe ? Car, décidemment, les planètes semblent être vraiment alignées…
Nous ne pouvons pas parler pour lui, mais nous avons vraiment eu l’impression qu’il était le batteur idéal pour notre groupe. Il s’est tout de suite intégré et cela a été très facile de jouer avec lui. Et c’est vrai que c’est aussi ce que nous avons ressenti, que tout semblait vraiment aligné pour que ce projet se réalise.
– Parlons de l’album en lui-même. Ce qui peut surprendre en l’écoutant et lorsque l’on connait l’environnement dans lequel vous vivez tous les deux, c’est que l’esprit du désert de Mojave et le froid norvégien donnent vie à un univers assez singulier. Sur quelles atmosphères et ambiances vous êtes-vous tout de suite retrouvés ?
Oui, nos environnements sont très différents, mais nous avons un rapport similaire à la nature et elle nous inspire tous les deux. Peut-être que cela a quelque chose à voir avec le sentiment de nous connecter à elle et d’apprécier le fait d’être de petites parties de quelque chose de bien plus grand que nous. Et puis, nous aimons aussi tous les deux faire de la randonnée et des promenades dans la nature pour nous échapper du monde, que ce soit dans le désert ou le long de la côte.
– Vous êtes tous les deux très prolifiques. Pia joue avec Superlynx et en solo, dont le deuxième album « Dissolve » est d’ailleurs sorti il y a quelques mois. Et Gary, on te connait au sein de Yawning Man et ses multiples ramifications, Fatso Jetson et Zun notamment. SOFTSUN développe un style encore différent en associant post-Rock et Shoegaze avec une touche Drone. L’ensemble est assez pourtant souvent contemplatif aussi. C’est cet équilibre que vous recherchiez pour cet album ?
Nous n’avons jamais pensé en termes de genre musicaux et nous ne le faisons jamais. Nous voulions simplement que notre musique soit honnête, rêveuse et douce avec de belles mélodies et un socle de base lourd et l’expression claire d’un sentiment de patience.
– Si on retrouve un côté Doom sur certains morceaux, l’aspect Stoner/Desert Rock est aussi omniprésent. Est-ce que c’est, selon vous, le style qui vous rassemble tous les deux et qui domine dans SOFTSUN, car il y a aussi cet esprit jam qui ressort énormément de vos compositions ?
Tu sais, nous ne nous identifions pas du tout à ces genres ou catégories. Nous jouons simplement la musique que nous avons envie de jouer. Ce sont toujours les autres qui étiquettent notre musique comme ça. Pour nous, nous jouons une musique douce, patiente et rêveuse, qui vient de notre cœur et avec des sentiments honnêtes. Mais oui, nous improvisons beaucoup et c’est ainsi que naissent la plupart des mélodies que l’on entend dans nos morceaux.
– L’album est vraiment plein de contrastes et les couleurs sont multiples. Et grâce à des voix assez aériennes, une basse puissante, une batterie très libre et des guitares presqu’obsédantes, SOFTSUN est unique en son genre et à vous écouter, on a l’impression que ce n’est qu’un début. Est-ce que la suite de l’aventure est déjà dans vos têtes ?
Nous avons déjà enregistré quelques chansons supplémentaires pour un split-album que nous faisons avec Yawning Man, et qui sortira l’année prochaine. Et nous commençons à planifier aussi un deuxième album. Nous envisageons également de jouer en live en 2025. Notre groupe a certainement encore beaucoup à offrir.
– Enfin, j’aimerais que vous me disiez un mot sur le morceau-titre qui clôt l’album du haut de ses 12 minutes. Il donne vraiment le sentiment d’être la parfaite synthèse de SOFTSUN. Est-ce aussi votre avis et surtout votre intention de départ ?
Chaque chanson a été développée de manière organique et nous avons simplement joué ce que nous avions envie sans trop planifier, ni faire de calcul. Nous n’avons pas réellement une intention précise, mais cela montre clairement notre côté improvisateur et la patience que nous apprécions dans la musique.
L’album de SOFTSUN, « Daylight In The Dark », est disponible chez Ripple Music.
Dans dix jours sort le très attendu nouvel album du légendaire gang de Los Angeles BODY COUNT. Et après un « Carnivore » sans concession passé malheureusement un peu sous les radars en raison de la pandémie, le groupe n’a pas l’intention de lever le pied et se présente avec « Merciless », qui est probablement l’une de ses meilleures réalisations à ce jour. Comme de coutume, on y retrouve des invités, une reprise et surtout le mordant et l’intacte férocité des Californiens. Après une série de dates en Europe cet été, Ernie C., guitariste en chef et fondateur du combo avec Ice T., nous parle de ce huitième opus. Et puis, c’est aussi une petite exclusivité française, puisque l’interview a été réalisée le 20 octobre dernier…
– « Merciless » devait sortir cet été et le public le découvrira finalement en novembre. A quoi est dû ce retard ? La raison est-elle est la grosse tournée estivale, car j’imagine qu’il n’est pas facile de faire la promotion d’un album en sillonnant l’Europe notamment ?
Oui, c’est vrai et « Merciless » sortira finalement ce 22 novembre ! Il en aura fallu du temps. D’abord, bien sûr, il y a eu la pandémie, alors que nous venions juste de terminer « Carnivore ». Comme il est arrivé au début des confinements, nous nous sommes dit que nous devions commencer à travailler sur un autre disque. Ce que nous avons fait. D’ailleurs, il n’y avait même pas eu de tournée pour défendre « Carnivore ». Les nombreux concerts de cet été ont permis de le présenter enfin au public…
– D’ailleurs, vous nous avez mis l’eau à la bouche avec la sortie de trois singles (« Psychopath », « Fuck What You Heard » et « Comfortably Numb »). C’est une manière de vous faire un peu ‘pardonner’ de ce retard, ou avez-vous succombé aux nouvelles pratiques qui consistent à occuper le terrain sur les réseaux sociaux avec de nouveaux morceaux ?
Tu sais, ça, ce sont des trucs de maisons de disques. Ils sortent les disques lentement, au compte-goutte, c’est comme ça. Avant, c’était souvent comme ça qu’on faisait les disques. Les labels sortaient quelques singles et ensuite, l’album arrivait enfin… J’imagine qu’ils essaient de le faire un peu à l’ancienne.
– Lors de notre dernière interview à la sortie de « Carnivore », tu me disais que tu étais presque surpris par la dimension musicale de BODY COUNT aujourd’hui, par rapport au côté Punk de vos débuts. Tu ajoutais que vous étiez dorénavant un vrai groupe de Metal. C’est d’ailleurs quelque chose qui saute aux oreilles dès l’into de « Merciless »…
Oui, c’est vrai. En fait, c’est tout simplement ce que nous sommes aujourd’hui. Je ne pense pas que nous serons à nouveau un jour ce groupe Punk que nous étions à nos débuts. Mais c’est une progression assez naturelle de notre style musical, à mon avis…
– Pour ce huitième album, on retrouve toujours votre ‘troisième guitariste’ Will Putney à la production et le résultat est toujours aussi impressionnant. Vous n’imaginez pas un album sans lui ? Ne serait-ce que pour essayer une nouvelle approche musicale ? Est-il en quelque sorte le garant du son de BODY COUNT ?
Putney est évidemment un élément important de BODY COUNT. Nous aimons vraiment travailler ensemble. Ce que nous apprécions aussi, c’est que les choses sont très simples avec lui. En fait, nous ne voulons pas nous compliquer la vie, juste être efficace. Et il reste simple dans son approche, ce qui nous convient très bien. Et puis, je ne veux plus produire de disques de BODY COUNT, c’est plus simple de jouer de la guitare… (Sourires)
– Avant de parler des invités qui figurent sur « Merciless », il en est un qui a étonné tout le monde, car on n’aurait jamais imaginé qu’il se joigne à BODY COUNT : c’est bien sûr David Gilmour, ex-Pink Floyd, sur « Comfortably Numb ». De quelle manière deux univers aussi différents se sont-ils retrouvés car, même si Ice T a apporté du texte, on est très loin de South Central ? Et la reprise est magnifique…
Ice est arrivé avec la chanson et il voulait que je puisse la jouer sans aucune limite. Il faut savoir que dans la première version, je joue la première guitare et c’est Richie Sambora qui joue la seconde. Ensuite, nous l’avons donc envoyée à l’entourage de David Gilmour pour obtenir son approbation. Ils nous ont répondu qu’il adorait la version, mais qu’il voulait savoir s’il pouvait jouer dessus… et là, on s’est dit : ‘Oh putain, oui, tu peux !’ (Rires) Ce fut vraiment un honneur et un privilège de l’avoir sur le morceau. Nous l’avons ensuite renvoyée à Roger et son management nous a donné son accord… Le fait que ces deux-là, David et Ice, soient d’accord sur une chanson me donne foi et espoir pour le monde… (Rires)
– D’ailleurs à propos de reprises, sur « Carnivore », vous aviez repris « Ace Of Spades » de Motörhead et donc cette fois, c’est Pink Floyd. Le spectre s’élargit. C’est une manière de dire aussi que BODY COUNT peut surgir là où on ne l’attend pas ?
En fait, on ne l’a pas vraiment imaginé dans cette optique-là. Finalement, c’est juste notre façon de dire que nous écoutons toutes sortes de musique au sein de BODY COUNT. Nous ne nous mettons jamais de limites à ce qu’on peut jouer en termes de style. Et nous ne savons pas non plus ce qui arrivera dans les futurs albums… (Sourires)
– Parlons des guests qui figurent sur l’album, une vieille habitude maintenant. Ici, ils sont tous issus directement de la branche extrême du Metal. On retrouve Max Cavalera de Soufly, Joe Bad de Fit For An Autopsy, Howard Jones de Killswitch Engage et George ‘Corpsegrinder’ Fisher de Cannibal Corpse. C’est assez surprenant compte tenu de leur groupe respectif. C’est ça qui vous a attiré ? De confronter les styles ?
Tu sais, nous avons déjà tourné avec Cannibal Corpse par le passé. On se connait bien maintenant. Quant à Joe Bad, il joue avec Will Putney dans Fit for An Autopsy. Ca nous a donc paru assez évident. A y regarder de plus près, ce n’est pas si incohérent de retrouver ces artistes sur notre disque. Et pour Killswitch Engage, nous avons également fait de nombreux concerts ensemble. Et enfin, Max est un ami et il est à nos côtés depuis les années 90 maintenant…
– A y regarder de plus prêt, et si j’ai de bons yeux, ne serait-ce pas l’ami George Fisher entre les mains d’Ice T sur la pochette de l’album ? Comment se porte-t-il après cette petite séance de relaxation ?
(Rires) Georges va très bien, merci pour lui ! (Rires)
– Parlons un peu de ton jeu, qui est toujours aussi tranchant. Comment as-tu abordé la composition de « Merciless », car l’album est nettement plus sombre encore que « Carnivore » ?
Tu sais, c’est très simple. Avec le reste du groupe, nous avons juste abordé la composition de « Merciless » comme on le fait toujours, de la même manière et comme pour chaque album. Alors maintenant, je ne saurais te dire si ça sonne plus sombre que les précédents. Ce n’est pas vraiment quelque chose que je prends en compte. C’est tout simplement sorti de cette façon. Je n’ai pas vraiment de formule et il n’y a aucun calcul.
– Et enfin, vous venez de faire une grosse tournée en Europe après une longue absence due à la pandémie. J’imagine que les retrouvailles avec votre public ont été incroyables ?
Oh oui, c’était génial d’être de retour en Europe pour cette série de concerts. J’espère que nous pourrons revenir voir tous nos fans l’été prochain, car cette tournée était essentiellement consacrée à l’album « Carnivore ». Donc la prochaine fois, nous pourrons vraiment nous concentrer sur « Merciless ». Et ce qui m’a aussi marqué, c’est que les gens étaient vraiment heureux de nous voir. Tous nos concerts ont affiché complet, ce qui nous fait toujours très plaisir ! Keep rocking and keep rolling ! (Sourires)
Le nouvel album de BODY COUNT, « Merciless », sera disponible le 22 novembre chez Century Media Records.
Retrouvez l’interview d’Ernie C. accordée au site à la sortie de « Carnivore » :
Comme souvent chez elle, c’est en bousculant et en déplaçant les frontières du Blues que BETH HART s’ouvre la voie vers des horizons multiples avec cette force et ce talent, qui paraissent grandir au fil du temps. Sur « You Still Got Me », elle maîtrise plus jamais ses effluves vocaux, sans trop en faire d’ailleurs, et s’offre des flâneries musicales vibrantes et profondes. Son franc parler, parfois cru, fait d’elle la plus rockeuse des blueswomen et on se régale une fois encore de ses textes, qui n’éludent jamais rien. Entourée de grands musiciens, elle nous fait surfer sur un groove imparable et des crescendos irrésistibles.
BETH HART
« You Still Got Me »
(Provogue/Mascot Label Group)
Certaines voix sont inimitables, uniques et particulièrement marquantes. C’est le cas de BETH HART et de son légendaire trémolo. C’est deux-là sont indissociables et ils brillent une fois encore sur ce onzième et très attendu album. Car si « A Tribute To Led Zeppelin » a rapidement comblé un vide pendant la pandémie sans vraiment convaincre, son dernier opus a déjà cinq ans et parvenir à ce niveau d’interprétation et d’écriture a dû relever du défi pour l’Américaine, qui s’était donc offerte une escapade anglaise entretemps, sûrement plus facile à négocier pour elle. Car se hisser au niveau de « War In My Mind », c’est retrouver l’émotion et une certaine rage aussi qui font d’elle une chanteuse d’exception.
On avait déjà pu la retrouver sur l’album solo de Slash consacré au Blues en mai dernier avec la reprise de « Stormy Monday » de T-Bone Walker, où elle apparaissait littéralement habitée. Sans doute d’ailleurs le moment fort du disque. C’est donc assez naturellement que le guitariste de G N’R lui rend la pareille sur le génial « Savior With A Razor », qui ouvre « You Still Got Me » et où son sens du riff fait des merveilles. Là aussi, c’est sans doute l’un des titres les plus impactants de cette nouvelle production. Et l’autre guest de marque n’est autre que le légendaire Eric Gales, dont la virtuosité est toujours saisissante et qui fait briller « Sugar N My Bowl ». Mais ne nous y trompons, c’est bel et bien BETH HART qui mène le bal.
A travers les douze chansons qui composent « You Still Got Me », la Californienne se fait plaisir et les arbore toutes dans des styles différents. Blues Rock sur l’entame avec ses deux invités, très feutrée sur « Drunk On Valentine », carrément Country-Rock sur « Wanna Be Big Bad Johnny Cash » où sa gouaille fait des étincelles, ou sur la poignante ballade « Wonderful World », rien ne résiste à la frontwoman. Avec cette émotion à fleur de peau qui la caractérise, BETH HART se montre aussi envoûtante que touchante, grâce à une interprétation toujours très personnelle et presqu’intime (« Don’t Call The Police », « Machine Gun Vibrato »). Et si elle semble parfois s’éloigner du Blues, elle ne le quitte jamais.
(Photo : Greg Watermann)
Retrouvez la chronique de son album « A Tribute To Zeppelin » :
En revenant à un son plus rentre-dedans et plus ‘sauvage’, HOUSE OF LORDS semble avoir choisi la bonne voie, celle d’une certaine réhabilitation auprès d’un public un brin nostalgique de ses débuts. En effet, « Full Tilt Overdrive » présente une belle dynamique avec un accent mis sur les guitares, histoire de se rappeler ô combien Jimi Bell est un musicien plein de feeling et de fougue. Le combo américain repart de bonnes bases, déjà posées sur le précédent opus et c’est une bonne nouvelle !
HOUSE OF LORDS
« Full Tilt Overdrive »
(Frontiers Music)
HOUSE OF LORDS fait partie de ces nombreux groupes californiens qui se sont fait connaître grâce à des débuts discographiques époustouflants… Chose qu’on ne voit plus beaucoup de nos jours. En 1988, avec son premier album éponyme, il avait fait plus qu’attirer l’attention dans le petit monde du Hard Rock. Des morceaux hyper-fédérateurs et très mélodiques, mais tout de même suffisamment puissants pour rivaliser avec les plus nerveux de l’époque. La suite a été assez chaotique avec de nombreuses turbulences internes, qui ont mené à un bal incessant d’allés et venues dans ce line-up devenu par la force des choses très fluctuant.
Il ne reste aujourd’hui que son emblématique frontman, James Christian, de la formation originelle et pourtant HOUSE OF LORDS reste toujours aussi identifiable. Composé depuis « Saints And Sinners » (2022) du guitariste Jimi Bell, du claviériste et compositeur Mark Mangold et du batteur suédois Johan Koleberg, une unité artistique semble être retrouvée, ainsi qu’une envie d’avancer ensemble. C’est en tout cas qui ressort à l’écoute de « Full Tilt Overdrive », dont la production assez brute et directe se veut beaucoup plus organique et puissante. Et le quatuor, dans cette configuration, parait également beaucoup plus inspiré.
Vocalement irréprochable, James Christian n’a rien perdu de son charisme et reste l’un des meilleurs chanteurs du genre. Fidèle à lui-même en quelque sorte. La petite surprise vient peut-être des guitares, nettement plus en valeur qu’habituellement, relayant légèrement les claviers au second plan. Même s’il reste toujours très mélodique, HOUSE OF LORDS renoue avec ses racines Hard Rock grâce aux riffs et aux solos costauds d’un Jimi Bell en pleine forme (« Bad Karma, « Talking The Fall », « Crowded Room », « Full Tilt Overdrive » « You’re Cursed » et l’épique « Castles High » et ses neuf minutes). Rafraîchissant et tonique !