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Heavy metal Power metal

Crystal Throne : en ordre de marche

Jouant sur l’authenticité d’un Heavy Metal traditionnel plein de ressources et de dextérité, CRYSTAL THRONE vient de sortir, il y a quelques semaines, son premier album éponyme entièrement autoproduit. Bien réalisées, les compos du quatuor ne manquent ni de fraîcheur, ni de vélocité. Les Français se font plaisir et livrent un opus tranchant et fédérateur.  

CRYSTAL THRONE

« Crystal Throne »

(Independant)

Propulsé par son YouTuber de guitariste, Max Waynn, CRYSTAL THRONE est né dans l’Est de la France il y a un peu plus de deux ans et s’est attelé par ses propres moyens à l’écriture et à la production de son premier album éponyme. Composé et interprété par des musiciens chevronnés, « Crystal Throne » a plutôt fière allure et présente un registre massif flirtant avec le Power Metal, quelques sonorités 80’s et des ambiances progressives.

Au chant, on retrouve le frontman de The Hell Patrol, Terry DeFire, dont la voix puissante et perchée nous renvoie aux premières heures du style. La rythmique, quant à elle, est assurée par le bassiste de Catalyst, Jefferson Brand, et par le batteur de Drenalize, dont Max Waynn est d’ailleurs le guitariste, Alex Gricar. Autant dire que le combo est en terres connues et peut s’en donner à cœur-joie.

C’est donc un Heavy racé que propose le quatuor (« Rise To Glory », « Timescape » et le morceau-titre). Si les riffs sont acérés et mélodiques, les compos font ressortir le jeu très shred de son guitariste, qui gagnerait peut-être à aller à l’essentiel. A noter la présence de NeoGeoFanatic (ADX) sur « Shades Of Existence » et de Sonia Anubis (Crypta) sur « Valkyrie Ride ». CRYSTAL THRONE livre une belle et enthousiasmante prestation.

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France Heavy metal

ADX : une vision française du Metal [Interview]

Fer de lance de la scène Speed et Heavy Metal française dans les années 80, ADX est toujours fidèle au rendez-vous et a su adapter son jeu et la production de ses albums aux époques traversées. 30 ans après « Weird Visions », un opus en anglais diversement appréciée, le groupe en livre sa version française avec une approche nouvelle des morceaux et une détermination de chaque instant. Membre fondateur et dernier rescapé du line-up originel avec le chanteur Phil Grelaud, son batteur Didier ‘Dog’ Bouchard revient sur le parcours d’ADX, ses choix et ce nouvel opus, « Etranges Visions », très relevé.

– On va commencer par un peu d’Histoire pour les plus jeunes. ADX a 40 ans cette année et vous vous êtes imposés dans les années 80 sur la scène Heavy Metal française. Avec une douzaine d’albums à votre actif, quel regard portes-tu sur la scène hexagonale actuelle, vous qui faites partie des précurseurs ?

Comme dans les années 80, il y a toujours beaucoup de groupes de qualité, vraiment, et c’est malheureusement ce qu’il y a autour qui ne suit pas. Les infrastructures et tout ce qu’il faudrait ne sont toujours pas là. Je ne parle pas de Gojira, qui est plus américain que français maintenant. A côté de Mass Hysteria ou Ultra Vomit, il y a plein de groupes, mais c’est toujours aussi difficile de faire du Metal en France. Ça, on le sait depuis 40 ans, et on n’est pas surpris.

– Vous sortez « Etranges Visions » qui est la version française de « Weird Visions » sorti en 1991, et qui est d’ailleurs votre seul album en anglais. A l’époque, c’était une demande insistante de votre label Noise. Est-ce que c’est un regret aujourd’hui, ou au contraire, une bonne expérience ?

C’est du 50/50. Quand on a fait cet album, Noise et Roadrunner sont venus frapper à la porte d’ADX. Lorsque de tels labels s’intéressent à toi, c’est très flatteur. Mais il fallait faire un album en anglais, sinon ils ne nous signaient pas. Quand tu es jeune, tu te dis que tu vas faire un effort, car de leur côté, ils en faisaient un aussi, puisqu’une version française était prévue. Mais elle n’a jamais vu le jour. On a donc quelques regrets, car on a perdu des fans en France. On en a gagné en Europe et même au niveau mondial. L’album s’est assez bien vendu à l’étranger, mais en France, ça a été plus compliqué. Phil (Grelaud, chant – NDR) s’en souvient bien pour en avoir pris plein la gueule ! Phil en anglais, c’est un peu comme Bernie (Bonvoisin de Trust – NDR). C’est le franchouillard, alors on a un peu morflé. Si c’était à refaire, on pourrait mieux le faire, je pense. En attendant, ADX c’est français, ça chantera toujours en français et jusqu’au bout ! C’est bon, on a compris ! (Rires)

– L’idée de cette nouvelle version vient-elle du fait que l’ensemble de votre discographie soit en français, sauf cet album finalement ?

En fait, c’est une attente du public. Depuis 30 ans, on nous dit que cet album était bien, alors pourquoi ne pas le refaire en français ? Comme nous avons perdu pas mal de fans à la sortie de cet album, il était temps de le refaire en français et d’y mettre aussi un petit coup de jeune.

– D’ailleurs, y a-t-il des changements au niveau des textes en raison de la traduction notamment, ou est-ce que les paroles sont très fidèles aux originales ?

Ah non, pas du tout. J’ai ressorti les paroles en français, qui avaient été écrites à l’époque et franchement 30 ans après, j’avais envie de rigoler. On a gardé l’histoire et le thème de chaque morceau et on a refait toutes les paroles. 

– Musicalement, ce qui est intéressant, c’est que « Etranges Visions » n’est pas non plus la copie conforme de la version anglaise. Outre la production qui est très actuelle, on note aussi de nouveaux arrangements. Vous avez été tentés de faire beaucoup de modifications ou, au contraire, les choses se sont faites naturellement ?

On s’est mis autour d’une table et on s’est dit : voilà, en 1991, cet album était comme ça. On va garder la base, les riffs, etc… mais on va mettre une couleur actuelle et surtout celle d’ADX aujourd’hui. Pour le chant, on a donc changé les paroles. Les gratteux ont eu carte blanche, mais en gardant la base, c’est-à-dire que les solos et la basse ont été refaits. Pour ma part, la batterie à l’époque était déjà très rapide et très technique, j’y ai juste ajouté quelques trucs. On a voulu garder un peu de ce qui avait été fait en 1991 et y ajouter beaucoup de ce qui se fait actuellement.

Didier ‘Dog’ Bouchard, batteur et fondateur d’ADX

– D’ailleurs, lorsqu’on sort une version dans une autre langue, est-ce que l’on garde constamment un œil et une oreille sur l’originale ou au contraire, on essaie de s’en défaire ?

Non, on a gardé une petite oreille sur l’originale, mais sans plus. ADX a sorti des albums très actuels récemment, comme « Bestial », par exemple, alors on voulait mettre beaucoup de couleurs autour de cette version pour qu’elle sonne aussi moderne que ce que l’on fait maintenant. C’est pratiquement un nouvel album en fait. En tout cas, pour nous, ça l’est !

– Bien sûr, l’ADN du groupe n’a pas bougé depuis vos débuts et pourtant ce nouvel album sonne résolument moderne. La production d’« Etrange Visions » est massive avec beaucoup de relief. Est-ce que vous avez travaillé différemment cette fois ?

On a travaillé comme sur nos derniers albums avec Francis Caste, qui fait partie de la famille, parce que c’est le quatrième album que nous faisons avec lui. On a bossé de la même manière. On lui a demandé de garder la patate des années 90, car l’album est assez Thrash et technique, tout en mettant ce que l’on fait actuellement au niveau du son. On voulait le mélange de l’ancien et du nouveau et, personnellement, je trouve l’album très puissant.

– Vous avez fait appel à un financement participatif pour l’album. C’est un choix délibéré pour garder une certaine liberté, ou est-ce par nécessité vu l’état de l’industrie musicale ? Car ADX possède tout de même une belle notoriété…

Nous sommes autoproducteurs avec notre petite maison à nous, mais c’est hyper difficile, car ce n’est pas notre métier. On avait déjà fait ça pour « Bestial », alors on s’est dit qu’on pourrait le refaire pour celui-ci. En fait, notre management a un peu poussé dans ce sens. On s’est dit que ça faisait un peu les mecs qui n’ont plus de sous, donnez-nous de l’argent pour faire l’album, etc… Mais, ce n’est pas ça du tout ! En fait, c’est de la prévente. Et les fans ont suivi et ça a super bien marché. Mais c’est la dernière fois que nous le faisons. On est en train de voir pour trouver une maison de disques, parce que c’est un vrai métier, même si notre équipe travaille bien.

– Parlons un peu de la scène. Est-ce qu’auparavant vous jouiez facilement les morceaux de « Weird Visions », sachant que votre répertoire est essentiellement en français ? Et d’ailleurs, est-ce que l’approche vocale est très différente ?

En fait, on a abandonné cet album environ deux ans après sa sortie. Tout ce qui était en anglais, on l’a viré ! On a donné, c’est bon ! (Rires) Quand tu fais du gros Death Metal en français avec d’énormes hurlements, ça passe. Mais avec une voix claire, beaucoup moins ! Pourtant, Trust et Warning l’ont fait et ce sont de grands groupes ! Il en faut des groupes qui chantent en français, merde !

– Enfin, depuis un bon moment, on note une grande forme des groupes français issus comme vous des années 80 avec Sortilège, Nightmare, Titan et d’autres. Sans tomber dans la nostalgie, cela ferait un beau plateau, non ?

On en parle de plus en plus. On a même commencé à évoquer une tournée. Tu sais, un truc sur le concept années 80 comme avec Patrick Juvet où on partirait sur un bateau, ou une péniche pour nous ! (Rires) Blague à part, c’est vrai que ça pourrait être sympa et je suis sûr que ça attirerait du monde. Il faudrait trouver le tourneur, c’est toujours la même chose… Actuellement, notre tourneur est en train de se battre pour les salles, car on a vraiment envie de jouer !

Le nouvel album d’ADX, « Etranges Visions », sera disponible le 19 novembre et distribué par Season Of Mist.

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Extrême France Heavy metal

Misanthrope : bâtir autour des chapelles ! [Interview]

S’affranchir de tous les registres, se les approprier pour en extraire l’essentiel à travers une substantielle tessiture Metal Extreme, c’est le credo de MISANTHROPE depuis trois décennies maintenant. Le mois dernier, le quatuor a sorti « Bâtisseur de Cathédrales : Les Fissures de l’Edifice », savoureux intermède musical, inédit et en tirage très limité. Entretien avec Philippe Courtois (chanteur), aka S.A.S de l’Argilière.

Photo : Rachel Daucé – The Road Crew

– Philippe, on s’est quitté il y a trois décennies quand MISANTHROPE sortait ses premières démos, et on se retrouve ! En quelques mots, que s’est-il passé tout ce temps (en dehors du fait que j’ai dormi !) ?

Heureux d’enfin te relire 30 ans plus tard, c’est magique quand même toutes ces retrouvailles. Ces 30 dernières années, il semblerait que nous ayons été hyperactifs… Hé, hé, hé ! Fin 1988, j’ai fondé MISANTHROPE avec mes copains du quartier “Chanzy” de Livry Gargan (93). Après deux démos fin 1990, nous avons été repérés par Infest Records pour qui nous avons enregistré notre Split CD « Hater of Mankind » en mars 1991…

Une quatrième démo a été enregistrée dans un très gros studio, le Delta Studio Vilster en Allemagne, en juin 1992. En janvier 1993, tout s’est stabilisé et j’ai rencontré le bassiste-compositeur-arrangeur Jean-Jacques Moréac. Nous avons enregistré notre premier album « Variation on Inductive Theories » en avril 1993 pour Holy Records, avec qui nous travaillons encore aujourd’hui. En avril 2000, nous sommes arrivés au firmament de notre carrière avec notre cinquième album « Misanthrope Immortel ». Face à ce succès ingérable, le groupe a explosé. Il a été rapidement été rééquilibré par l’arrivée du fantastique Gaël Féret en 2001 à la batterie, et de l’extraordinaire Anthony Scemama en 2002 aux guitares. Et nous venons de réaliser la 15ème sortie du groupe : « Bâtisseur de Cathédrales : Les Fissures de l’Edifice » le mois dernier. Pour notre part, nous n’avons pas beaucoup dormi.

– « Bâtisseur de Cathédrales » vient de sortir. Peux-tu nous en dire plus, car l’édition est assez particulière et inédite… 

C’est une édition ultra limitée avec 666 CDs et 300 LPs + une version digitale disponible uniquement auprès du groupe et qui contient de nombreux bonus. Nous voulions vous faire plaisir, et nous faire plaisir par la même occasion. Cet intermède éphémère de MISANTHROPE comporte aussi quatre compositions du groupe et a une durée de 37 minutes. C’est plus qu’un EP et moins qu’un album… c’est un très séduisant intervalle entre deux œuvres.

– Vous avez radicalement élargi votre registre en quelques années. Aujourd’hui, MISANTHROPE s’aventure dans tous les registres du Metal Extrême (du Doom au Death). Une belle évolution…

Oui c’est vrai. Je déteste les chapelles, c’est tellement stérile de se priver d’excellentes musiques sous prétexte que tu es Death Metal, Black, Doom ou Thrasheurs… Nous voulons être tout cela en même temps en y rajoutant même un côté Orchestral, avant-gardiste et Heavy. Nous aimons la musique pour la musique, les querelles de style ne m’intéressent  absolument pas. J’enchaine The Cure, Basil Poledouris, Def Leppard, Bérurier Noir et Darkthrone sans problème. Les médias parlent beaucoup de Prog Extreme Metal ces dernières années pour définir notre musique, je suis plus sur la terminologie avant-garde, mais tout cela n’est que du verbiage inutile. Il n’y a que la musique qui compte. Notre Metal est Extreme, non conventionnel, non commercial, très musicale avec des textes fournis et libres de ton. A vous de vous faire votre propre opinion.

– Sur « Bâtisseur de Cathédrales », vous rendez hommage à ADX, Motörhead et même à Mylène Farmer ! Tout va bien ?  

Oui tout va bien, ce n’était pas une erreur. Personnellement j’adore Mylène, ce qui n’est pas vraiment le cas de mes trois camarades ! 😉 Son coté Gothic, sexy, éthérée, morbide, sa sensibilité et la justesse de ses textes m’ont toujours touché. Mylène Farmer et son équipe éditrice ont écouté et validé cette reprise. Je suis aux anges.

Pour Motörhead, nous avons choisi trois morceaux que personne ne pouvait attendre. Nous avons voulu éviter les incontournables « Ace of Spades », « Overkill » ou « Killed by Death » pour proposer des reprises personnelles de morceaux plus rares. Nous avons évidemment gardé la structure et les paroles de ces chansons (sauf pour « Sacrifice » de Motörhead qui est adaptée en Français), tout en y insufflant la pâte et notre style, que forme l’union de ses quatre musiciens. Car MISANTHROPE c’est bien ça, l’union de nous quatre et rien d’autre.

– Si mes souvenirs sont bons, tu chantais en anglais au départ. Comment s’est faite cette transition au français ? Ça sonne carrément bien…

Merci, merci ! Oui, j’adore chanter en Français et effectivement pour beaucoup de personnes, ce chant donne de l’intensité et encore plus de personnalité à MISANTHROPE. Le chant en langue autre que ‘Anglaise’ m’a toujours agréablement surpris : le Black Metal en Norvégien, Sólstafir en Islandais, Opeth en Suédois, Rammstein en Allemand, Barón Rojo en Espagnol, Anthem en Japonais… Pour les non francophones, cela laisse un champ de liberté et d’imagination plus intense. Le succès à l’international du groupe Alcest en est une preuve vivante.

Oui de 1988 à 1992, je chantais exclusivement en Anglais mais il y avait déjà une ligne en Français sur le Split CD, et quelques lignes en latin sur notre 4ème démo de juin 1992, « Deus Puerilis ». Dès 1993, il y a deux titres complets en Français sur notre premier album « Variation on Inductive Theories ». J’aime jouer avec les langages et les mots. Aujourd’hui encore, j’approfondis ce sujet avec intensité.

Attention, je ne suis pas contre le chant Anglais dans MISANTHROPE et il y a de très nombreux titres en deux versions. Notre second groupe, ARGILE, est quant à lui uniquement en Anglais.

– Vous êtes en autoproduction avec plus de 30 ans de carrière. J’imagine que le choix n’est pas anodin…

Nous sommes sur Holy Records depuis 27 ans et nous lui sommes fidèles. Holy Records et MISANTHROPE sont complémentaires. Nous avons juste changé la façon de communiquer et de présenter la musique du groupe. C’est du ‘DIY’ avec une structure éditrice. Mais oui, il est temps pour nous de rendre la musique de MISANTHROPE aux fans car eux seuls, ces formidables mélomanes, peuvent comprendre les besoins et la réalité de la situation ‘économique’ d’un groupe aussi confidentiel que le nôtre dans le paysage musical mondial.

– Pour conclure, on a fêté les trente ans de MISANTHROPE. Quel sera le prochain anniversaire ?

Nous voulons réaliser encore quelques projets musicaux avec MISANTHROPE et ARGILE. Comme le dit Jean-Jacques Moréac, il faut s’avoir s’arrêter à un moment. Ce qui est certain, c’est que nous n’enregistrerons pas l’album de trop. Nous avons une vision relativement claire de la destinée de MISANTHROPE. Nous ne décevrons personne…