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Classic Rock Heavy Blues International

Tapeworm Electric : une profondeur intemporelle [Interview]

Très instinctif, malgré un ancrage profond dans un Classic Rock très anglais, TAPEWORM ELECTRIC sort son épingle du jeu et frappe fort avec un premier album très réussi. Le quintet hellène semble même avoir trouvé son allure de croisière et livre un Heavy Blues percutant, basculant à l’envie vers un Hard Rock brûlant. Grâce à une chanteuse dont la voix est aussi puissante qu’envoûtante, la formation athénienne sonne très live et la spontané dont elle fait preuve la rend encore plus accrocheuse. Le groupe revient sur la sortie, toute récente, de son premier opus « Moonshine ».

– A la sortie de votre premier EP, « Fire » en 2019, vous aviez déjà fait forte impression et les quatre singles sortis en 2021 et 2022 avaient confirmé votre potentiel. Vous sortez votre premier album après huit ans d’existence. L’attente est finalement assez longue. Aviez-vous besoin de certitudes sur vos morceaux et votre jeu ?

La principale raison de ce retard vient de la stabilité du line-up. Lorsque nous nous sommes sentis en confiance en tant que groupe, nous avons commencé à travailler sur la création de cet album. Pet parmi les autres raisons, on peut citer la baisse d’activité pendant la période du Covid et des difficultés personnelles que nous avons aussi pu rencontrer individuellement.

– Vous avez aussi récemment signé chez Pitch Black Records. Cela faisait-il également partie des conditions pour sortir « Moonshine », d’avoir le support d’un label ?

Oui, le soutien et les conseils d’un label, qui se soucie réellement de la musique et du groupe, ont grandement facilité la sortie de l’album. Pitch Black Records s’est chargé de toute la distribution, du pressage des CD, de la promotion, etc… Nous avons ainsi pu nous concentrer pleinement sur la création des morceaux.

– « Moonshine » est particulièrement abouti pour un premier album, grâce à des morceaux très accrocheurs et aussi une production très soignée. On a vraiment l’impression que TAPEWORM ELECTRIC est passé à la vitesse supérieure. Comment s’est passé l’enregistrement et quelles ont été vos priorités afin d’obtenir ce son si organique, chaleureux et authentique ?

C’est un grand compliment pour nous, merci beaucoup. En effet, nous avons pris le temps de présenter nos idées et nous avons gardé celles qui nous semblaient justes. Nous sommes ensuite passés à la préproduction : nous avons enregistré les morceaux, les avons écoutés et apporté quelques modifications, avant d’entrer en studio pour finaliser l’album. On privilégie toujours l’expressivité des chansons, sans en faire trop. Nous nous concentrons sur les mélodies, des performances solides et l’énergie live du groupe. Au niveau de la production audio, on a surtout cherché à conserver un son aussi naturel que possible. Sur le disque, vous entendez de la vraie batterie, de vraies guitares et il n’y a aucun traitement par IA sur les voix.

– Passé « Interlude », l’intro basée sur une slide très épurée, on pourrait s’attendre à ce que « Moonshine » tende plutôt vers le Blues et pourtant, c’est le côté Heavy Rock qui prend le dessus. Votre Classic Rock est très intemporel, même s’il sonne actuel. Est-ce que votre intention est de perpétuer cet héritage Rock et comment cela se traduit-il dans votre écriture ?

Le blues n’est-elle pas la mère de toute la musique contemporaine ? Par ailleurs, c’est vrai qu’on adore le son du Heavy Blues britannique et ensuite son évolution vers le Hard Rock. On a grandi en écoutant Led Zeppelin, Deep Purple et Uriah Heep. Ces héros nous inspirent beaucoup, mais notre écriture est spontanée. On essaie de composer pour exprimer ce qu’on ressent et créer une musique qui nous parle.

– Cela dit, il y a toujours un fond bluesy chez TAPEWORM ELECTRIC, comme s’il était un peu la base de votre musique. Le percevez-vous comme le socle de votre style, celui qui vient propulser ensuite une dimension clairement Rock et très 70’s aussi ?

Cette influence bluesy est innée, elle coule vraiment dans nos veines. Notre style repose avant tout sur nos influences, et notamment sur tous ces grands groupes de Rock des années 70 inspirés par le Blues donc, mais aussi par des formations qui vont de Fleetwood Mac à Black Sabbath.

– Pour celles et ceux qui vous suivent depuis vos débuts, il y a une grande similitude entre le morceau qui ouvrait « Fire », c’est-à-dire « Worms », et « Moonshine », qui figure sur l’album. S’en est même bluffant, c’est une sorte de signature ?

Le seul point commun entre « Worms » et « Moonshine », c’est leur intro très Blues. « Worms » est un morceau Hard Rock Shuffle qui parle de la société actuelle, tandis que « Moonshine » est une chanson d’amour aux guitares saturées. Les tempos et les structures d’accords sont également différents. Pourtant, c’est vrai qu’il existe une formule que nous avons tendance à utiliser régulièrement dans notre approche des riffs et l’architecture des morceaux. Si c’est notre signature, alors il est difficile de s’en défaire.

– L’une des choses qui frappe à l’écoute de votre musique, c’est bien sûr la puissance et la luminosité de ta voix, Argyro. D’ailleurs, c’est l’un des atouts majeurs de TAPEWORM ELECTRIC. De quelle manière qualifieriez-vous cette évolution assez incroyable entre « Fire » et « Moonshine » sur ces six dernières années ? C’est un travail constant et une plus grande confiance en soi ?

Argyro est une chanteuse et une professeure de chant exceptionnelle. A nos débuts, elle était, et elle l’est toujours, passionnée par la Soul. Elle n’avait pas l’habitude de chanter des morceaux plus Rock, mais elle avait déjà cette énergie en elle. C’est vrai qu’elle a travaillé dur sur ses performances et elle a aussi commencé à écouter aussi des musiques plus Rock. Cela dit, elle évolue constamment et elle se dépasse sans cesse et cela s’entend clairement sur l’album.

– George Kasapidis, votre bassiste, prend aussi le lead vocal sur deux morceaux : « Right Reasons » et « Turn Into Black ». Est-ce que chacun chante ses propres textes, ou il s’agit plus simplement pour apporter de la diversité ?

Tous les membres du groupe ne chantent pas leurs propres textes, mais si l’un d’entre-eux ressent le besoin de prendre le micro et de s’exprimer, il en a la possibilité. « Right Reasons » et « Turn Into Black » sont des chansons très personnelles et il semblait tout simplement naturel que ce soit George qui les interprète.

– Enfin, j’aimerais que vous me disiez un mot de « Hold On », long de sept minutes et qui possède un réel esprit jam. C’est un titre très varié avec une atmosphère qui passe de sonorités à la Black Sabbath à un chant qui rappelle Heart, et qui peut même donner quelques frissons. Vous l’avez voulu comme une sortie d’hommage, ou un instant de plaisir simple et de partage ?

« Hold On » est une chanson qui est restée dans un tiroir pendant plus de 15 ans. Elle parle de rédemption, de l’exorcisme de nos démons intérieurs et de la paix avec soi-même. En fait, il en existait déjà une très courte démo. Alors, lorsque George l’a présentée au groupe, l’idée de la retravailler nous a paru évidente. On y trouve un petit hommage aux groupes qu’on adore à travers l’intro à la batterie, les twin-guitares, les passages psychédéliques… Il y a des références directes, c’est vrai. Par ailleurs, on n’a jamais caché notre amour pour tous ces groupes, mais nous avons surtout essayé de les réinterpréter à la sauce TAPEWORM ELECTRIC.

« Moonshine », le premier album de TAPEWORM ELECTRIC, est disponible chez Pitch Black Records.

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Thrash Metal

Solitary : time to submerge

Vétéran de la scène Thrash Metal britannique, SOLITARY ne bénéficie pourtant pas de la notoriété et de la mise en lumière auxquelles il serait pourtant légitime à prétendre. Cela dit, avec « Embrace The Darkness », la donne pourrait bien changer, tant celui-ci présente une vélocité très moderne tout en respectant les codes des origines du style. Racé et ne laissant pas le temps de souffler, cette nouvelle réalisation possède de nombreux atouts et presqu’aucun défaut.

SOLITARY

« Embrace The Darkness »

(Twisted Into Form)

Après sa prestation impériale enregistrée en août 2019 au festival Bloodstock (« XXV Live At Bloodstock »), où il avait férocement célébrer ses 25 ans d’existence, SOLITARY fête aujourd’hui ses trois décennies dédiées à un Thrash Metal puissant et implacable. Fondé en 1994 dans le Lancashire par Richard Sherrington, dernier membre du line-up originel, le combo a surtout sorti des démos, des EPs et deux Live, puisque ce dévastateur « Embrace The Darkness » est seulement le cinquième album complet des Anglais en 30 ans.

La base du registre de SOLITARY est essentiellement Old School et s’ancre dans le sillage de formations comme Forbidden, Testament, Sacred Reich avec quelques touches rappelant les premiers Slayer. Pour autant, on n’est pas ici dans un Thrash Metal californien, ni vintage. Le son, la production signée Simon Efemey (Napalm Death, Paradise Lost, Obituary) et l’approche musicale sont purement et clairement européens et très actuels. Le quatuor est frondeur et agressif et surtout son niveau de jeu s’est considérablement amélioré.

Depuis le début, SOLITARY cultive le tumulte et le chaos et « Embrace The Darkness » représente un sommet de son répertoire. Il dépeint sans détour notre sombre époque où les guerres, les pandémies et les divisions liées aux politiques secouent notre quotidien. Dès l’excellente intro qui se fond dans le morceau-titre, on entre dans le vif du sujet. Menaçant et percutant, ce nouvel opus regorge de titres d’où jaillissent colère et brutalité (« Virtues », « Bury It Now », « Beneath The Surface », « Section 21 », « Filtering Hindsight »). Massif !

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Death Metal Ethnic Thrash Metal

Concrete Age : tribal vibes

Fusionnant des inspirations directement issues d’Europe de l’Est et même au-delà avec un Metal Thrash/Death, le quatuor russe CONCRETE AGE assène un style très original et personnel. Arborant des sonorités ancestrales avec un style très actuel, le quatuor n’a aucun mal à nous envoûter, grâce à des changements de rythmes et d’ambiances à la fois brutales et mélodiques.

CONCRETE AGE

« Bardo Thodol »

(Independant)

Originaires des Balkans et du Caucase du nord, les russes de CONCRETE AGE se sont établis à Londres et c’est depuis la capitale anglaise qu’ils livrent aujourd’hui leur huitième album. Basé sur un style technique Thrash et Death, le combo y injecte avec talent des sonorités ethniques aux multiples teintes pour une explosion musicale loin du folklore suranné de The Hu, notamment. Ici, on n’est pas dans la gaudriole.

« Bardo Thodol » tient son titre de l’ouvrage tibétain du même nom, que l’on traduit couramment par le ‘Livre Des Morts’ en Occident. Il s’agit d’un corpus décrivant les états de conscience et les perceptions se succédant durant le moment entre la mort et la renaissance. Et si le concept est audacieux, CONCRETE AGE réussit à rendre son album captivant, immersif et d’une puissance très bien distillée.

Entre Metal massif et musique du monde jouée sur des instruments traditionnels, le quatuor fait preuve d’une grande maîtrise et d’une technique imparable. Inarrêtable, le groupe multiplie les paysages sonores avec une inspiration qui abat les frontières avec force (« Hex », « Purity », « Lullaby For A Deadman », « Bardo Thodol », « Ridges Of Suffering », « Bezdna Of Ludost »). Solide et mélodique, CONCRETE AGE se montre conquérant.