Dix ans après un split assez surprenant, SMASH ATOMS raccroche les wagons et livre donc, et enfin, sa première réalisation. Sobrement intitulée « Smash Atoms », la formation américano-suédoise ne lésine pas sur les riffs costauds, les solos limpides, des parties vocales impactantes et une rythmique fiévreuse et plus appuyée que véloce. Ça martèle donc, et plutôt bien. Si les clins d’oeil aux années 90 ne manquent pas, on retient plutôt l’aspect moderne des compos, un petit côté underground savoureux aussi, et des morceaux entêtants. Après un faux départ, espérons que celui-ci soit le bon !
SMASH ATOMS
« Smash Atoms »
(M-Theory Audio)
L’histoire de SMASH ATOMS est assez atypique. Créé en 2012 du côté de Göteborg, le groupe commence par sortir une première démo, très bien reçue et qui lui ouvre la voie à plusieurs scènes. Une joie de très courte durée puisque son chanteur, l’Américain Glen Gilbert, quitte le navire, laissant ses trois camarades dans le flou. Qu’à cela ne tienne, ceux-ci fondent The Torch, qui sort deux albums, et leur vocaliste s’active de son côté chez The Story Behind et Hide The Knives. Mais en 2022, coup de théâtre, Martin Söderqvist (guitare), Per Romvall (basse) et Peter Derenius (batterie) retrouvent leur frontman et l’histoire reprend là où elle en était, mais sur de nouvelles bases artistiques.
Revoici SMASH ATOMS sur de bons rails et dans un registre qui a forcément évolué avec le temps pour s’inscrire aujourd’hui dans un Alternative Rock légèrement teinté de Grunge, dans ce qu’il possède de mieux interprété (ça raccourcit la liste !). Le quatuor se présente donc dans un style qui serait une sorte de pont entre Seether et Alter Bridge d’un côté, et Stone Temple Pilots et Soundgarden de l’autre. Cependant les Suédois et l’Américain affichent des morceaux très frais, bien Heavy aussi notamment dans des guitares inspirées du Hard Rock nordique, donc mélodiques, dans les solos surtout. Et toutes ces influences cohabitent très bien et offrent un disque rondement mené.
Parfaitement ancré dans son époque, on doit aussi cette très bonne production aux studios Crehate de leur ville, dont la réputation n’est plus à faire tant les grands noms s’y succèdent. La puissance du son est au rendez-vous et se déverse jusque dans les onze titres de cet effort éponyme. Mais la première chose qui surprend après l’écoute intégrale de « Smash Atoms » est qu’il est presqu’entièrement joué en mid-tempo, alors que la course au Bpm est souvent monnaie courante à l’heure actuelle. Et c’est plutôt bien vu de la part de SMASH ATOMS, qui peut se focaliser sur la force des textes (et de la voix !) et le côté massif des riffs. Un opus très rafraîchissant aux refrains accrocheurs.
Au début des années 90, MORDRED a marqué de son empreinte le Metal en étant le premier à effectuer une telle fusion des genres. Bien avant Anthrax, RATM ou encore Limp Bizkit (Oups !), le gang californien avait montré la voie dans laquelle tant de groupes se sont depuis engouffrés avec plus ou moins de bonheur. 27 longues années après leur dernier album, le sextet fait un retour fracassant avec « The Dark Parade » et sous le même line-up ! Rencontre avec Danny White, guitariste et principal compositeur du groupe.
– En l’espace de cinq ans, de 1989 à 1994, et avec seulement trois albums et un EP, vous avez révolutionné le Metal en incluant notamment un Dj dans le groupe. Vous aviez d’ailleurs peut-être un peu trop d’avance sur votre époque. Quel regard portez-vous aujourd’hui sur ces groupes qui ont fait la même chose ou ajouté des samples des années plus tard ?
Je pense que c’était l’étape suivante et elle est assez logique. La synthèse en musique a toujours eu une grande place. Regarde combien de styles de Metal il y a aujourd’hui ! (Rires) Dans les années 70, il y en avait environ trois. Maintenant, c’est probablement plus de 300 ! (Rires) Ce sont des gens qui veulent faire quelque chose de différent, se l’approprier et voir jusqu’où l’expérimentation les mène. Quand on y pense, le Metal est une émanation du Rock’n’Roll, qu’on le veuille ou non. C’est une évolution naturelle.
– Avant de parler de « The Dark Parade », pourquoi avez-vous mis si longtemps, 27 ans exactement, pour continuer l’aventure ou plus simplement reprendre les choses là où vous en étiez, car le Metal avait beaucoup changé entre-temps ?
Ce sont les aléas de la vie. Les gens sont occupés, nous travaillons, certains ont une carrière, d’autres se marient ou ont des enfants. Après la rupture, nous nous sommes tous dispersés pour mieux nous retrouver. Pour ma part, je l’ai fait aussi. J’ai posé ma guitare pendant 2 ans !
– Alors qu’on aurait pu s’attendre à de gros changements artistiques, vous restez ancrés dans ce style si unique tout en l’actualisant. « The Dark Parade » n’est pas du tout un album nostalgique, bien au contraire. C’était votre objectif ou est-ce MORDRED qui est intemporel dans le son comme dans la forme ?
Eh bien, c’est ce nous sommes. MORDRED a toujours été cette entité, une grande expérience. Nous sommes juste restés fidèles à nous-mêmes. J’aimerais penser que MORDRED est intemporel. Aujourd’hui, la musique possède de très nombreuses incarnations. Nous faisons juste ce que nous faisons, tout en espérant que les gens l’apprécient. C’est tout ce qu’on peut demander. Et jusqu’ici tout va bien encore, semble-t-il.
– Aujourd’hui, Aaron ‘Dj Pause’ est intégré à part entière au groupe et n’apparaît plus en tant qu’invité. Ca aussi, c’est ce qui a forgé l’identité de MORDRED, non ?
Oui, même si c’était vraiment expérimental, non ? Donc sans lui, ce n’est pas MORDRED. Nous avons pris ce chemin et adopté cette idée avec cet ensemble de mécanismes. Il est maintenant notre « spécialiste des médias mixtes » ! (Rires) C’est vrai que son rôle s’est élargi au fil du temps.
– Sur « The Dark Parade », on retrouve des ambiances et une énergie propres à votre premier album, « Fool’s Game ». C’est aussi une façon de revenir aux origines pour mieux se projeter dans le futur ?
Oui, nous voulions retrouver ce son lourd et puissant, avec ce côté flamboyant aussi. Je suis sûr que nous ferons des trucs encore différents sur le prochain album. Nous avons d’ailleurs déjà commencé à l’écrire. Nous avons signé un contrat de deux albums avec M-Theory Audio et Marco Barbieri, donc c’est à nous de jouer maintenant.
– Ce nouvel album est également assez sombre, malgré des sonorités funky et même world. L’intention était aussi de conserver un côté Thrash affirmé, car on retrouve ces guitares propres à la Bay Area ?
Oui, c’est vrai. Pour ceux qui ne l’auraient pas remarqué, la région a connu des moments très sombres au cours des dernières années ! Il n’a pas fallu grand-chose pour réactiver cette créativité inhérente à ce qui se passe ici. Et nous sommes Californiens, donc oui, nous sommes un pur produit de la Bay Area, avec ce son ancré au plus profond de nous.
– En tant que Français et journaliste, j’ai bien sûr été marqué par la tragédie de Charlie Hebdo. Avec le morceau « I Am Charlie » et les samples de la foule qui scande le nom du journal, vous rendez un bel hommage à ceux qui sont disparus ce jour-là. Dans quelles mesures était-ce important pour vous de revenir sur ce douloureux événement ?
Je l’ai écrit juste après que ce soit arrivé. Il a juste fallu quelques années pour lui donner vie sur ce nouvel album ! Je me souviens avoir été tellement submergé par l’émotion à ce moment-là. Cela semblait tellement insensé et arriéré de tuer pour quelque chose qui avait été mis sur papier. La liberté d’expression est au cœur de ce que nous faisons, alors je me suis senti attaqué aussi, par association.
– « The Dark Parade » est d’ailleurs assez engagé et revendicatif dans son ensemble avec des morceaux très forts. Avez-vous plus de choses à dénoncer aujourd’hui ? Et quel regard portez-vous sur la société 27 ans après « The Next Room », et plus largement artistiquement ?
Cela dépend des jours ! À l’heure actuelle, la société ici aux États-Unis est plus divisée que jamais. Chaque sujet majeur de nos vies a été politisé : les soins de santé, l’éducation, l’environnement… Tout le monde semble avoir une vision des faits différente et les médias n’aident pas à améliorer la situation. Ils ont besoin de vendre des journaux, alors ils publient des trucs, que ce soit vrai ou non : il faut que ça sorte ! En ce moment avec le variant Delta, nous sommes dans une bataille entre non-vaccinés et vaccinés. Et nous attendons juste que cela passe sans rien faire. Plus les entreprises souffrent et plus les gens tombent malades et meurent. Nous sommes à nouveau sur un pic épidémique.
En ce qui concerne la musique, c’est vraiment la société qui la façonne. Nous sommes des artistes et des miroirs de celle-ci. Que nous créions de cette façon, intentionnellement ou inconsciemment, il n’y a pas moyen d’y échapper. MORDRED ne peut écrire que sa propre vérité.
– Un petit mot enfin sur la production de l’album et le mix de Matt Winegar (Faith No More, Primus). Il vous fallait quelqu’un comme lui, garant de l’esprit Metal Fusion, pour réaliser parfaitement « The Dark Parade » aujourd’hui en 2021 ?
Nous aimons beaucoup le travail que Matt a fait ! Il a réussi à donner à l’album une vraie sensation en trois dimensions. Toutes les parties sont parfaitement audibles et trouvent leur place. C’est quelque chose d’énorme et ça n’a été pas une mince affaire pour lui avec un groupe comme nous ! (Rires)
L’album, « The Dark Parade », de MORDRED est disponible depuis le 23 juillet chez M-Theory Audio.
Les fans de Thrash made in Bay Area se souviennent forcément de MORDRED, qui a fortement marqué les esprits avec « In This Life », album de Metal Fusion précurseur, dans lequel les Californiens mixaient Thrash, Funk et Rap à grand renfort de scratches dévastateurs. 27 longues années plus tard, le combo est de retour le couteau entre les dents et avec « The Dark Parade », un album affûté comme jamais.
MORDRED
« The Dark Parade »
(M-Theory Audio)
Pionnier et précurseur dans son domaine, MORDRED a été le premier groupe de Thrash, et même de Metal au sens large, à intégrer un Dj. Dès 1989 avec leur premier album (« Fool’s Game »), les Californiens se font remarquer grâce à un style sauvage où leurs riffs assassins mêlés à des scratches bien sentis et percutants leur donne une touche particulière et inédite jusqu’alors.
En seulement trois albums et un EP entre 1989 et 1994, MORDRED a marqué de son empreinte le Thrash de la Bay Area en y incluant des éléments Funk et Rap notamment. Ouvrant la voie au Metal Fusion, qui explosera par la suite, le combo de San Francisco avait sans doute un temps d’avance et n’a malheureusement pas reçu la reconnaissance qu’il méritait amplement.
Loin d’abandonner son côté incisif ancré dans un Thrash Metal aux guitares acérées, le sextet fait aujourd’hui son grand retour avec « The Dark Parade », un album un peu plus sombre et moins fun que ses prédécesseurs, mais toujours aussi créatif. De « Demonic # 7 » à « Malignancy », « Dragging For Bodies » ou le très bon « I Am Charlie », MORDRED nous replonge dans une époque bénie.