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Senser : perpetual rebellion [Interview]

Plus de 30 ans après le phénoménal « Stacked Up », qui les a révélé et aussi marqué toute une génération de fans curieux, SENSER n’a pas pris la moindre ride et, surtout, n’a pas dévié de son registre si atypique dans lequel certains ont pourtant tenté de s’engouffrer. Une intemporalité dans le son comme dans la forme, qui tient à une faculté d’adaptation hors-norme du sextet à se renouveler sans jamais trahir son ADN Rap et Metal. L’incontournable fondateur et frontman, Heitham Al-Sayed est toujours le garant de l’identité du combo britannique, tout comme tous les musiciens de l’explosive formation, dont le socle a très peu changé depuis le début. Avec « Sonic Dissidence », son septième album, le groupe joue encore et toujours sur les dualités : riffs acérés vs scratchs, voix féminine et masculine, le tout soutenu par un duo basse/batterie sans concession. Ce nouvel opus est à ranger parmi les meilleures productions de l’année, tant elle défie les genres avec talent et un impact qui ne faiblit pas. Entretien avec le rappeur et chanteur, qui fait le point sur la démarche hors-norme de SENSER et le chemin parcouru.

– On en parlait hors interview, et c’est vrai que votre premier album, avec des morceaux comme « Age Of Panic » ou « Eject », représente des moments de vie importants pour une certaine génération. Il y avait beaucoup de liberté dans ce premier effort. Quel est ton regard aujourd’hui sur cette époque et ce qu’elle a apporté ?

Les conditions étaient différentes dans le paysage musical, pas seulement pour les groupes. L’industrie et la technologie étaient telles que si tu avais quelque chose d’intéressant à présenter, il suffisait juste d’acheter un moyen de transport, d’y mettre tes instruments et de partir booker des dates. Et puis sur place, tu pouvais toujours imprimer des t-shirts, faire des cassettes pour créer des moments fun, le tout dans un esprit très DIY, comme à la maison. Tu ne pouvais peut-être pas totalement vivre de la musique, mais tu pouvais au moins créer quelque chose. Ensuite, il y avait plein de petits labels indépendants et c’était plus facile pour obtenir les contacts et avoir une présence dans le monde entier, créer des vidéos, etc… Il y avait tout un réseau qui faisait ça. Aujourd’hui, c’est très différent. Tu me parlais de la liberté de la musique. Elle a toujours été là, en fait. C’est un choix que nous avons fait. Mais on n’est pas toujours obligé de rester dans des choses révolutionnaires. Nous écoutons toujours plein de musiques différentes comme le Hip-Hop ou la Pop-Dance avec la même passion. Et nous avons tout incorporé dans notre musique. Et l’avantage qu’on avait aussi, c’est qu’on pouvait tout jouer en live, juste le guitariste et moi au chant et aux samples. On avait besoin de beaucoup moins de choses finalement. 

– Il y a un peu plus de 30 ans déjà, SENSER faisait irruption sur la scène britannique en brisant les codes, grâce à un Metal Fusion, jusqu’alors assez inédit. Que ce soit au niveau du Metal, du Rap ou de l’Electro, vous étiez au top de tous ces styles. Comment s’était formé le groupe, qui avait d’ailleurs des allures de collectif aussi à l’époque ?

Oui, il y avait cette impression car, comme beaucoup de groupes, on a souvent dû changer de musiciens. On a eu un premier batteur excellent, mais qui a eu des problèmes psychologiques, un DJ qui n’était pas vraiment dans le même univers que nous, etc… Donc, au début, il y a eu plusieurs changements. A partir de l’album « Staked Up », le line-up s’est stabilisé, même si Johnny (Morgan, batterie – NDR) et moi sommes allés sur d’autres projets. Mais, nous sommes toujours revenus. Et si tu prends SENSER aujourd’hui, c’est le même groupe à la seule différence du DJ. Cela fait un an et demi qu’il est avec nous. L’ancien s’était un peu radicalisé à l’extrême droite et nous, c’est quelque chose qu’on ne peut absolument pas revendiquer. C’est même tout le contraire de ce que je chante ! (Rires)

– Après quelques singles à succès et surtout l’album « Stacked Up », SENSER a explosé dans tous les sens du terme, puisque tu es aussi parti fonder Lodestar. Que s’était-il passé ? Un succès trop soudain ? Une pression devenue trop forte ?

Cela n’a pas été soudain, car on tournait depuis des années avec notre petit van. On a fait beaucoup, beaucoup de choses. Puis, on a enregistré l’album, nous avons tourné et tout cela a duré quelques années. Si tu fais le compte, entre le début de la conception de « Stacked Up » jusqu’à la fin du cycle, cela représente environ cinq ans de la vie du groupe. J’étais presque un ado et à la fin j’avais 25 ans et je n’en pouvais plus ! J’avais besoin d’une pause pour explorer quelque chose de différent. On avait pourtant commencé à composer un autre album dans la foulée, mais c’était comme un citron qu’on aurait trop pressé : ça ne venait pas naturellement. On ne voulait pas pour autant quitter le groupe. Et puis, il y a eu quelques pressions du mangement, qui a vu l’opportunité de faire deux projets. Ca voulait dire plus de ventes, des concerts, parfois de l’argent aussi et il nous a poussé à le faire en nous disant qu’on pouvait assurer les deux projets en même temps. Mais, on aurait peut-être dû prendre juste une pause. Ensuite, les autres membres étaient partants aussi. Et deux ans plus tard, nous sommes revenus pour SENSER et là on était prêts. Tout le monde a eu l’impression que ça a explosé mais, en fait, non… (Sourires)

– Malgré les deux albums suivants (« Asylum » et « Parallel Charge »), c’est avec « SHEMAtic » que vous retrouvez la lumière en 2004. Il aura fallu dix ans pour retrouver l’élan de vos débuts et cette inspiration. Y a-t-il eu un déclic ?

Pas vraiment, car nous avons toujours eu ça en nous. On voulait vraiment continuer à faire ce genre de musique ensemble. J’avais juste besoin d’un break, car le fait de tourner pendant cinq ans avec les mêmes personnes dans ces conditions-là est assez difficile. Nous n’étions pas le genre de super-groupe avec son propre bus, où tu vas jouer dans des villes où tu peux rester un peu, etc… C’était assez intense et j’ai eu besoin de lever le pied. Pendant ce temps-là, je me suis marié, j’ai retrouvé une sorte de vie normale et après j’ai déménagé à Paris aussi. Il fallait que je me retrouve un peu, avoir une relation plus saine avec moi-même pour renouer aussi avec l’inspiration qui m’animait sur le premier album. Mes batteries étaient vides à ce moment-là. On n’aurait pas fait tous ces albums et celui qui vient de sortir, si nous n’avions pas pris un peu de recul et procéder aussi à des changements dans notre quotidien. Nos vies n’étaient pas normales !

– L’une des particularités de SENSER est d’avoir toujours garder ce mélange de chant féminin et masculin. Est-ce que, selon toi, c’est aussi ce qui rend le groupe incontournable et unique en son genre ?

Oui, c’est quelque chose de très important. Dans le Hip-Hop, et dans le Metal aussi, tu peux compter sur les doigts d’une main le nombre de femmes au chant depuis les années 80 ! Dans le Rap, leur présence se résumait surtout à des featurings, où la chanteuse venait juste en soutien du chanteur. C’est le masculin qui dominait l’ensemble. Il y avait juste Digable Planets de Brooklyn et un ou deux autres, mais pas les plus connus. Et en ce qui nous concerne dans SENSER, nous sommes arrivés ensemble et ce n’est pas du featuring…. (Sourires)

– D’ailleurs, ce qui est surprenant en se replongeant dans « Staked Up » et en enchaînant directement sur « Sonic Dissidence », c’est que la fougue, la volonté et l’envie n’ont pas changé. Seuls le son et la production sont plus actuels. Aviez-vous, dès le début, le sentiment de créer une musique aussi intemporelle ?

Non, pas vraiment, dans le sens où je n’arrivais pas à me projeter. Franchement, j’ai toujours pensé que j’allais mourir à 27 ans ! Quant tu as cet âge-là, je ne pense que tu puisses imaginer concrètement ton avenir. Je suis vraiment très reconnaissant, car on a beaucoup de chance de pouvoir mener un projet aussi personnel et sans compromis pendant 30 ans ! Je me rends bien compte à quel point c’est rare et c’est génial. Il y a des gens qui sont toujours là, qui achètent nos disques et qui viennent aux concerts. Je trouve ça ultra-touchant, oui… (Sourires)

– D’ailleurs, depuis combien de temps êtes-vous sur la composition de ce sixième album, et est-ce que chacun apporte sa contribution, car votre style est très riche ?

Avant, quand on vivait dans tous dans le même pays, la même ville et presque les mêmes quartiers, il y a avait beaucoup de jams où tout le monde venait. Et ça, c’était épuisant ! On passait nos journées dans les salles de répétition, on faisait tourner des idées en boucle. C’était très difficile de sortir quelque chose à partir de séances, de bœufs improvisés. Alors, bien sûr, il y avait des contraintes et chacun faisait des petites démos chez lui. Je pense que la technologie d’aujourd’hui a libéré tout le monde. J’ai même fait des maquettes cette fois-ci sur mon téléphone ! Donc, il y a des démos qui viennent d’un peu partout et on se les repasse tous entre-nous. A partir de là, tu peux ajouter plein de choses et vraiment te lâcher, ou au contraire les mettre de côté. C’est plus facile aussi pour mettre tout le monde d’accord. On échange beaucoup de cette manière maintenant.

– J’aimerais qu’on parle aussi des textes, qui ont toujours été très engagés chez SENSER. Quelles différences notes-tu depuis vos débuts, et est-ce que les combats ne sont finalement pas un peu les mêmes dans une société, qui manque peu à peu de repères et de valeurs ?

Oui, il y a toujours eu de l’engagement dans SENSER. Mes premières influences viennent des premiers Rap que j’ai écoutés et qui étaient surtout constitués de breaks et d’électronique. Ensuite, ça a été Public Enemy, Run DMC, etc… . Ce n’est pas super engagé, mais il y avait quand même quelque chose de revendicatif. Public Enemy a été très important pour moi, ainsi que Crass (collectif d’artistes britannique d’anarcho-punk, fondé en 1978 – NDR). Là, j’ai compris que je pouvais aborder mes propres sujets. J’adorais ces groupes Punk et ce qu’ils exprimaient. Il y a d’ailleurs beaucoup de similitudes entre Crass et Public Enemy quand on y pense. Chuck D. s’est présenté avec du design sur l’image avec des logos simples et une grande éducation sur l’histoire politique du mouvement des droits civils aux Etats-Unis. Il y avait une pensée derrière, des idées. Très rapidement, je me suis rendu compte que c’était ce que je voulais faire, proposer une sorte de miroir de la société. Tout le monde regarde la télé, son téléphone ou va manifester pour s’exprimer. De mon côté, je voulais le transmettre à travers notre musique. C’est un processus très naturel, en fait, et un choix très conscient.

– J’allais justement y venir, car il y a vraiment le sentiment que ce nouvel album se fait le témoin de notre époque, avec toute sa noirceur et aussi sa luminosité. Est-ce dans ce sens que vous l’avez souhaité et composé ?

Oui, ça a toujours été ça ! En effet, c’est certainement une sorte de miroir au niveau des paroles. Il ne faut pas oublier que cela a toujours existé dans le Rap avec Public Enemy ou KRS-One, par exemple, mais pas à ce point, c’est vrai. C’était ultra-engagé, tout comme les groupes Punk d’ailleurs. Dans le Metal, c’est un peu différent. Il y a des groupes comme Napalm Death et d’autres où tu ne peux pas te tromper sur leurs idées politiques, leurs positions et leurs points de vue sur le monde, comme Sepultura aussi dans un sens. Même Slayer, si tu écoutes bien, fait un peu la même chose avec la religion dans un cadre plus morbide. Il faut voir sous quel angle ils tiennent le miroir sur ce qui est important. Ca a toujours été présent avec différentes manières de l’exprimer.  Et pour moi, le Rap s’y prête également, bien sûr. Après, le style s’est énormément matérialisé avec des gens comme Puff Daddy, et notamment ‘P. Diddy & the Bad Boy Family’ qui ont vraiment fait de la merde ! Mais, parallèlement, ils sortaient des trucs mortels, alors que le reste était conçu pour la grande consommation. Maintenant, je comprends très bien l’idée d’avoir du succès, de l’argent… et de fétichiser tout ça. Je comprends l’impulsion qui est derrière et ce désir de sortir d’une certaine situation socio-économique où l’on n’a pas peur de montrer son argent. Mais artistiquement, c’est vide !

– Enfin, revenons à votre dualité vocale dans SENSER. Avec Kerstin Haigh qui s’est imposée, vous formez un tandem explosif et je trouve aussi qu’elle est plus présente sur « Sonic Dissidence » et que l’équilibre est parfait. De quelle manière travaillez-vous cette complémentarité ? Le faites-vous ensemble sur les lignes de chant, notamment ?

Sur les lignes vocales, oui, un peu plus. Mais sur les paroles : zéro ! (Rires) Sur les textes, on fait chacun notre truc, c’est ça qui est incroyable. On a déjà essayé de travailler ensemble sur des morceaux, une fois ou deux, et ça ne marche pas trop. Parfois, on reprend une ligne de l’autre, comme je peux le faire sur scène, par exemple. Et à d’autres moments, si mes lignes sont plus adaptées à elle, elle reprend certaines de mes paroles. Dans ces cas précis, ça marche, mais on expérimente rarement. En fait, on essaie de se suivre et de créer une continuité dans l’interprétation. Mais on n’écrit jamais ensemble, c’est bizarre, hein ? (Sourires)

Le nouvel album de SENSER, « Sonic Dissidence », est disponible sur le Bandcamp du groupe : https://senser.bandcamp.com/album/sonic-dissidence-2

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Crossover Funk Metal Metal Fusion

Sonic Universe : living souls

Alors que Living Coloür a repris la route, son chanteur s’offre une petite escapade avec SONIC UNIVERSE, nouveau groupe ultra-dynamique, qui évolue dans un style pas si éloigné. Entre Metal et Funk, « It Is What It Is » se montre d’une créativité gourmande guidée par quatre cadors, qui font parler leur expérience avec talent et spontanéité. Très vivant et tout aussi sensible, l’ensemble assène une bonne claque revigorante !

SONIC UNIVERSE

« It Is What It Is »

(earMUSIC)

Eternel frontman de Living Coloür depuis 1994, Corey Glover réapparait avec un nouveau projet très ambitieux et qui aurait même presque pu être une nouvelle réalisation de sa formation d’origine. Mais la touche et le son de son emblématique fondateur et guitariste Vernon Reid ne sont pas de la partie. Cependant, SONIC UNIVERSE ne manque pas de piquant et vient réoxygéner un registre à bout de souffle. Car, il est ici encore question d’un Crossover Metal Funk de haut vol.

Cette fois encore, le frontman est très bien entouré, puisqu’il a fondé le groupe avec le six-cordiste Mike Orlando d’Adrenaline Mob et les très, très bons Booker King à la basse et Tyakwuan Jackson à la batterie. SONIC UNIVERSE, c’est du lourd et la technicité du quatuor en est presqu’étourdissante. Le groove de la rythmique percute autant qu’il envoûte et, même si le jeu hyper-shred d’Orlando se perd parfois un peu, l’intense fraîcheur dégagée prend toujours le dessus. 

Et face à cette déferlante décibélique et cette avalanche de riffs, la voix gorgée de Soul de Glover surnage et son authentique émotion fait le reste. Comme toujours, ses textes prônent la tolérance et appellent à l’unité dans une Amérique plus fascisante que jamais. De rebondissements en rebondissements, SONIC UNIVERSE évolue avec une folle énergie, tout en se forgeant une identité forte (« I Am », « My Desire », « Life », « Higher », « I Want It All » et le morceau-titre). Une première qui atteint des sommets !

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Metal Fusion

Slope : funky blast

Le groove est monumental, les riffs aussi funky que tranchants, la rythmique virevolte et claque et le flow du frontman est aussi accrocheur que revendicatif. SLOPE a su s’approprier les codes d’un genre né au siècle dernier : le Metal Fusion. Avec « Freak Dreams », nos amis germaniques manient de multiples ambiances avec une énergie contagieuse et un songwriting dont le processus est redoutable d’efficacité. Ca slape, ça percute, ça harangue de toutes parts pour fédérer avec une malice et une légèreté qui font mouche avec talent.

SLOPE

« Freak Dreams »

(Century Media)

A Duisburg, près de Düsseldorf, se trouvent cinq jeunes gens dont les goûts et les influences sont restés figés dans les 90’s et dans ce qu’elles avaient de plus imaginatif et explosif. Dans cette décennie bénie entre toutes, le Metal se mêlait avec ingéniosité, savoir-faire et beaucoup d’audace à d’autres styles, donnant lieu à une fusion des genres restée depuis inégalée. Si les modèles sont évidents, la créativité de SLOPE nous replonge avec plaisir dans une registre tellement rafraîchissant.

Dix ans après sa formation, le groupe continue sa remontée dans le temps et fait jaillir de belles sensations restées enfouies quelque part dans de nombreuses discothèques et aujourd’hui, malheureusement, submergées par de fades expérimentations dérivées du MetalCore et autres éléments sonores de supermarché. SLOPE se sert très habillement de cette scène un peu vintage et lui redonne du brillant et du lustre à travers une production moderne et irrépressible. Un régal.

Mais revenons à ce très bon album des Allemands, « Freak Dreams », qui fait suite à « Street Heart » (2021), lui-même précédé des EP « Helix » (2014) et « Losin’ Grip » (2017). Si le quintet est fortement imprégné des premiers Red Hot, le combo a également très bien assimilé les œuvres de RATM, Faith No Moire, Bad Brains, Suicidal Tendencies et même celles des Beasties Boys. Réjouissant, donc ! Le Metal Fusion de SLOPE se pare de Funk, de Rap et de Hard-Core avec brio et c’est la belle surprise de ce début d’année !

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Metal Fusion

Skindred : sunny trip

Actif dans les années 90 avec Dub War, les Anglais ont activé SKINDRED avec en tête de prolonger l’aventure mêlant le Reggae à un Metal solide et un frasé entre Ragga et Rap. Avec son charismatique chanteur, le combo transcende les genres sans parvenir pourtant à rassembler les foules (ce qui est dommage !), et ce malgré des compos originales et fulgurantes. Avec « Smile », c’est un retour aux sources très rentre-dedans, attendu et savoureux qu’il propose.

SKINDRED

« Smile »

(Earache Records)

Suivant Dub War depuis ses débuts et malgré un album navrant sorti l’an dernier (« Westgate Underfire »), garder un œil sur la carrière de SKINDRED est presqu’un devoir. Injustement bloqués dans la scène underground alors que d’autres cafards prennent la lumière (et pas seulement !), les Gallois ont pourtant sorti de très bonnes réalisations. Certes, le Metal Fusion du groupe fait le grand écart entre Reggae et Metal et cela nécessite un peu d’ouverture d’esprit, mais après, la joie est grande.

Produit par Julian Emery (Nothing But Thieves), SKINDRED renoue (enfin !) avec son Crossover musclé basé sur une avalanche de riffs aussi tranchants que massifs. « Smile » est un concentré de fusion percutante que le quatuor ne nous avait plus livré depuis un bail. Et ça fait du bien ! L’aspect lourd prend le dessus sur le côté Reggae, tandis que le chant Hip-Hop domine le Ragga. Et si ce huitième opus paraît plus sombre et agressif, Benji Webb affiche son éternelle bonne humeur.

Si les grosses guitares sont omniprésentes, c’est aussi parce que les textes sont toujours très engagés et incisifs. Cela dit, les tornades qui s’abattent sur « Smile » laissent un peu de place à des instants ensoleillés où le frontman retrouve ses racines rasta. Très homogènes et inspirés, les nouveaux morceaux des Britanniques sont conçus pour transporter leur public, grâce à un mélange savamment dosé dont ils ont le secret (« Our Religion », « Gimme That Boom », « This Appointed Love », « Addicted », « L.O.V.E. », « Set Frazers », « If I Could »). SKINDRED fait le show !

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Metal Fusion Metal Indus Nu Metal Punk Rock

American Terror : un assaut dans les règles

Heavy Punk Metal ou Metal Fusion, je laisse à chacun la liberté de se faire son idée sur ce très bon deuxième album d’AMERICAN TERROR. Une chose est sûre, « Where We Are » ne manque ni de fraîcheur, ni d’aplomb. Corrosif et explosif, le gang de Georgie fait des étincelles dans un style bien à lui.

AMERICAN TERROR

« Where We Are »

(Independant)

Nouvel album pour le furieux combo d’Atlanta et avec « Where We Are », AMERICAN TERROR règle quelques comptes avec une mention spéciale pour la Cancel Culture. La critique est acerbe et le quatuor n’y va pas par quatre chemins. Brutal et mélodique à la fois, les Américains affichent une volonté musclée et traversent avec la même détermination plusieurs styles.

Se présentant sous une étiquette de groupe Heavy Punk Metal, l’écoute de « Where We Are » s’avère pourtant assez différente. Certes, le Punk américain n’a rien à voir avec l’européen musicalement, donc le parallèle est un peu hasardeux… sauf si l’on s’en tient aux textes, qui restent virulents et engagés. Pour ce qui est d’AMERICAN TERROR, on est plutôt face à un Metal Fusion dans la veine de RATM ou de Mordred.

Sur des rythmiques tonitruantes, des riffs massifs et piquants et un chant révolté, le quatuor flirte même avec le Nu Metal (« N.L.M. »), les 90’s (« The System »), le Funk (« Just A Victim ») et des titres carrément Indus (« Self Control », « Take Out A Bully »). AMERICAN TERROR fait une belle démonstration de force en alternant les atmosphères, tout en gardant une belle unité.

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International Metal Fusion Thrash Metal

Mordred : la Bay Area dans le sang [Interview]

Au début des années 90, MORDRED a marqué de son empreinte le Metal en étant le premier à effectuer une telle fusion des genres. Bien avant Anthrax, RATM ou encore Limp Bizkit (Oups !), le gang californien avait montré la voie dans laquelle tant de groupes se sont depuis engouffrés avec plus ou moins de bonheur. 27 longues années après leur dernier album, le sextet fait un retour fracassant avec « The Dark Parade » et sous le même line-up ! Rencontre avec Danny White, guitariste et principal compositeur du groupe.

– En l’espace de cinq ans, de 1989 à 1994, et avec seulement trois albums et un EP, vous avez révolutionné le Metal en incluant notamment un Dj dans le groupe. Vous aviez d’ailleurs peut-être un peu trop d’avance sur votre époque. Quel regard portez-vous aujourd’hui sur ces groupes qui ont fait la même chose ou ajouté des samples des années plus tard ?

Je pense que c’était l’étape suivante et elle est assez logique. La synthèse en musique a toujours eu une grande place. Regarde combien de styles de Metal il y a aujourd’hui ! (Rires)  Dans les années 70, il y en avait environ trois. Maintenant, c’est probablement plus de 300 !  (Rires) Ce sont des gens qui veulent faire quelque chose de différent, se l’approprier et voir jusqu’où l’expérimentation les mène. Quand on y pense, le Metal est une émanation du Rock’n’Roll, qu’on le veuille ou non. C’est une évolution naturelle.

– Avant de parler de « The Dark Parade », pourquoi avez-vous mis si longtemps, 27 ans exactement, pour continuer l’aventure ou plus simplement reprendre les choses là où vous en étiez, car le Metal avait beaucoup changé entre-temps ?

Ce sont les aléas de la vie. Les gens sont occupés, nous travaillons, certains ont une carrière, d’autres se marient ou ont des enfants. Après la rupture, nous nous sommes tous dispersés pour mieux nous retrouver. Pour ma part, je l’ai fait aussi. J’ai posé ma guitare pendant 2 ans !

– Alors qu’on aurait pu s’attendre à de gros changements artistiques, vous restez ancrés dans ce style si unique tout en l’actualisant. « The Dark Parade » n’est pas du tout un album nostalgique, bien au contraire. C’était votre objectif ou est-ce MORDRED qui est intemporel dans le son comme dans la forme ?

Eh bien, c’est ce nous sommes. MORDRED a toujours été cette entité, une grande expérience. Nous sommes juste restés fidèles à nous-mêmes. J’aimerais penser que MORDRED est intemporel. Aujourd’hui, la musique possède de très nombreuses incarnations. Nous faisons juste ce que nous faisons, tout en espérant que les gens l’apprécient. C’est tout ce qu’on peut demander. Et jusqu’ici tout va bien encore, semble-t-il.

– Aujourd’hui, Aaron ‘Dj Pause’ est intégré à part entière au groupe et n’apparaît plus en tant qu’invité. Ca aussi, c’est ce qui a forgé l’identité de MORDRED, non ?

Oui, même si c’était vraiment expérimental, non ? Donc sans lui, ce n’est pas MORDRED. Nous avons pris ce chemin et adopté cette idée avec cet ensemble de mécanismes. Il est maintenant notre « spécialiste des médias mixtes » ! (Rires) C’est vrai que son rôle s’est élargi au fil du temps.

– Sur « The Dark Parade », on retrouve des ambiances et une énergie propres à votre premier album, « Fool’s Game ». C’est aussi une façon de revenir aux origines pour mieux se projeter dans le futur ?

Oui, nous voulions retrouver ce son lourd et puissant, avec ce côté flamboyant aussi. Je suis sûr que nous ferons des trucs encore différents sur le prochain album. Nous avons d’ailleurs déjà commencé à l’écrire. Nous avons signé un contrat de deux albums avec M-Theory Audio et Marco Barbieri, donc c’est à nous de jouer maintenant.

– Ce nouvel album est également assez sombre, malgré des sonorités funky et même world. L’intention était aussi de conserver un côté Thrash affirmé, car on retrouve ces guitares propres à la Bay Area ?

Oui, c’est vrai. Pour ceux qui ne l’auraient pas remarqué, la région a connu des moments très sombres au cours des dernières années ! Il n’a pas fallu grand-chose pour réactiver cette créativité inhérente à ce qui se passe ici. Et nous sommes Californiens, donc oui, nous sommes un pur produit de la Bay Area, avec ce son ancré au plus profond de nous.

– En tant que Français et journaliste, j’ai bien sûr été marqué par la tragédie de Charlie Hebdo. Avec le morceau « I Am Charlie » et les samples de la foule qui scande le nom du journal, vous rendez un bel hommage à ceux qui sont disparus ce jour-là. Dans quelles mesures était-ce important pour vous de revenir sur ce douloureux événement ?

Je l’ai écrit juste après que ce soit arrivé. Il a juste fallu quelques années pour lui donner vie sur ce nouvel album ! Je me souviens avoir été tellement submergé par l’émotion à ce moment-là. Cela semblait tellement insensé et arriéré de tuer pour quelque chose qui avait été mis sur papier. La liberté d’expression est au cœur de ce que nous faisons, alors je me suis senti attaqué aussi, par association.

– « The Dark Parade » est d’ailleurs assez engagé et revendicatif dans son ensemble avec des morceaux très forts. Avez-vous plus de choses à dénoncer aujourd’hui ? Et quel regard portez-vous sur la société 27 ans après « The Next Room », et plus largement artistiquement ?

Cela dépend des jours ! À l’heure actuelle, la société ici aux États-Unis est plus divisée que jamais. Chaque sujet majeur de nos vies a été politisé : les soins de santé, l’éducation, l’environnement… Tout le monde semble avoir une vision des faits différente et les médias n’aident pas à améliorer la situation. Ils ont besoin de vendre des journaux, alors ils publient des trucs, que ce soit vrai ou non : il faut que ça sorte ! En ce moment avec le variant Delta, nous sommes dans une bataille entre non-vaccinés et vaccinés. Et nous attendons juste que cela passe sans rien faire. Plus les entreprises souffrent et plus les gens tombent malades et meurent. Nous sommes à nouveau sur un pic épidémique.

En ce qui concerne la musique, c’est vraiment la société qui la façonne. Nous sommes des artistes et des miroirs de celle-ci. Que nous créions de cette façon, intentionnellement ou inconsciemment, il n’y a pas moyen d’y échapper. MORDRED ne peut écrire que sa propre vérité.

– Un petit mot enfin sur la production de l’album et le mix de Matt Winegar (Faith No More, Primus). Il vous fallait quelqu’un comme lui, garant de l’esprit Metal Fusion, pour réaliser parfaitement « The Dark Parade » aujourd’hui en 2021 ?

Nous aimons beaucoup le travail que Matt a fait ! Il a réussi à donner à l’album une vraie sensation en trois dimensions. Toutes les parties sont parfaitement audibles et trouvent leur place. C’est quelque chose d’énorme et ça n’a été pas une mince affaire pour lui avec un groupe comme nous ! (Rires)

L’album, « The Dark Parade », de MORDRED est disponible depuis le 23 juillet chez M-Theory Audio.

Retrouvez la chronique :

https://rocknforce.com/mordred-born-again/

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Metal Fusion Thrash Metal

Mordred : born again

Les fans de Thrash made in Bay Area se souviennent forcément de MORDRED, qui a fortement marqué les esprits avec « In This Life », album de Metal Fusion  précurseur, dans lequel les Californiens mixaient Thrash, Funk et Rap à grand renfort de scratches dévastateurs. 27 longues années plus tard, le combo est de retour le couteau entre les dents et avec « The Dark Parade », un album affûté comme jamais.

MORDRED

« The Dark Parade »

(M-Theory Audio)

Pionnier et précurseur dans son domaine, MORDRED a été le premier groupe de Thrash, et même de Metal au sens large, à intégrer un Dj. Dès 1989 avec leur premier album (« Fool’s Game »), les Californiens se font remarquer grâce à un style sauvage où leurs riffs assassins mêlés à des scratches bien sentis et percutants leur donne une touche particulière et inédite jusqu’alors.

En seulement trois albums et un EP entre 1989 et 1994, MORDRED a marqué de son empreinte le Thrash de la Bay Area en y incluant des éléments Funk et Rap notamment. Ouvrant la voie au Metal Fusion, qui explosera par la suite, le combo de San Francisco avait sans doute un temps d’avance et n’a malheureusement pas reçu la reconnaissance qu’il méritait amplement.

Loin d’abandonner son côté incisif ancré dans un Thrash Metal aux guitares acérées, le sextet fait aujourd’hui son grand retour avec « The Dark Parade », un album un peu plus sombre et moins fun que ses prédécesseurs, mais toujours aussi créatif. De « Demonic # 7 » à « Malignancy », « Dragging For Bodies » ou le très bon « I Am Charlie », MORDRED nous replonge dans une époque bénie.

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Alternative Rock Metal

Pop Evil : possédé et insaisissable

POP EVIL est typiquement le genre de groupes qu’on aime ou qu’on déteste. Trop Pop pour certains, trop rentre-dedans pour d’autres, le quintet américain navigue en eaux troubles sans se cacher. Très urbain, massif et disposant d’arrangements de haut vol, ce sixième album porte bien son nom. Dépaysement garanti.

POP EVIL

« Versatile »

(eOne)

Fondé il y a 20 ans tout pile par le chanteur Leigh Kakaty et le guitariste Jason Reed, POP EVIL est l’un de ces groupes bipolaires qui squattent les charts américains depuis quelques années maintenant. Et c’est sur les bords du lac Michigan que prennent vie les morceaux tendus, violents et à la fois très abordables par leur côté Pop du quintet. Cependant, c’est avec un réel talent que le combo a forgé sa réputation.

POP EVIL se fiche des conventions et rebat les cartes avec son Metal moderne, qui va taper dans tellement de registres qu’on s’y perd même un peu. Prenant à son compte à peu près tous les styles, les Américains parviennent pourtant à rendre une copie très homogène, sans renier un nombre incalculables d’influences. Et dans ce grand brassage, l’empreinte du batteur Hayley Cramer rend l’ensemble irrésistible. Il est juste indispensable.

Le mur de guitares, la massive rythmique et ce chant d’une incroyable diversité font de POP EVIL un groupe hors-norme. On a presque l’impression que le quintet du Michigan reprend le Metal Fusion là où il s’était arrêté à la fin des 90’s… les styles émergeants en plus. L’aspect mélodique voire très Pop en énervera plus d’un, tandis que les autres succomberont à la puissance métallique déployée. Une chose est sûre, personne n’y sera indifférent.  

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LohArano : une fusion à la source intarissable

Madagascar, nouvelle terre de Fusion Metal ? Une chose est sûre, LOHARANO a tous les atouts en main pour faire découvrir la scène malgache. Entre riffs Metal massifs, basse hyper-groovy et batterie versatile, le trio tient plus qu’un concept : un style qui leur sort des tripes et qui perpétue une belle tradition.

LOHARANO

« LohArano »

(Libertalia Music)

Il se passe de très belles choses dans le petit monde du Metal à Madagascar, dont on ne parle pas assez. LOHARANO vient mettre en lumière, et de manière hautement décibélique, un bouillonnant vivier avec un premier EP éponyme très bien ficelé, qui laisse malgré tout un léger goût de trop peu. Entre gros riffs et tradition ancestrale, le trio livre quatre morceaux entre Metal et musique malgache dans de fortes et fraîches vibrations.

Cette première réalisation associe les rythmes locaux comme le tsapiki et le salegy avec une ferveur et une explosivité très Metal, rappelant au passage les belles formations des années 90/2000. LOHARANO assène avec force et conviction des textes forts invitant à une réflexion sur l’humain et ses racines, qui sont aussi les clefs de notre avenir comme le chante le combo, dont le nom signifie d’ailleurs ‘racine’.

Sur une rythmique au groove imparable, le trio montre une énorme intensité (« Fototra », « Tandroka »). Et malgré son jeune âge, la déjà très charismatique Mahalia Ravoajanahary, chanteuse et guitariste, mène le jeu avec un flow flamboyant dans la belle langue de l’île rouge (« LohArano », « Tempo »). LOHARANO fait des étincelles avec un style musclé, novateur et percutant. On attend l’album avec impatience.

Découvrez la musique de LOHARANO : https://wiseband.lnk.to/LohArano-LohArano