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Grunge Heavy Stoner Psych Stoner Rock

Disastroid : sauvagerie urbaine

Avec ce quatrième album, les trois Américains risquent de marquer les esprits, tant la lourdeur vibratoire qui enveloppe et s’étend sur l’ensemble de « Garden Creatures » a de quoi faire trembler la faille de San Andreas. Massifs et percutants, les morceaux de ce nouvel opus de DISASTROID prennent tous les chemins de traverse, via un flux où s’entrechoquent Stoner, Noise, Grunge et un soupçon de Psych. Une synthèse palpitante et insaisissable.   

DISASTROID

« Garden Creatures »

(Heavy Psych Sounds)

A en croire le groupe, les recoins des maisons résidentielles de San Francisco ne sont pas si sûrs que ça et il s’y passe même des choses sinon terrifiantes, tout au moins lugubres. Au sein des jardins envahis de végétation, dans les caves pleines de secrets et au hasard des crimes et dans une solitude pesante, DISASTROID a imaginé et conçu un album assez obsessionnel, à l’épaisseur trouble et dans un registre où le Grunge et le Noise se fondent dans un Stoner Rock vrombissant et sérieusement Heavy.

Et l’un des grands artisans de l’atmosphère si spéciale de « Garden Creatures » est aussi Billy Anderson, connu pour ses collaborations avec Sleep, Melvins et Neurosis entre autres, qui a réalisé une incroyable production, que ce soit dans l’ambiance globale du disque que dans chaque détail. Si DISASTROID se sert du Stoner Rock comme socle principal et aussi comme fil conducteur, c’est pour mieux distiller un Grunge 90’s hyper-fuzz, d’où la voix d’Enver Koneya, également guitariste, s’envole dans une forme de songe vaporeux, mais appuyé.  

Entre Noise et Heavy Rock, le power trio nous présente probablement la facette la moins glamour de San Francisco. De leur côté, Travis Williams (basse) et Braden McGaw (batterie) procèdent à un broyage en règle sur un groove dévastateur, flirtant même avec certains aspects Doom. Décidemment, DISASTROID n’est jamais à court d’idées, n’hésitant à mêler le son de la scène de Seattle du siècle dernier avec un Stoner moderne et pachydermique (« Garden Creatures », « Figurative Object », « 24 », « Light’Em Up, « Jack Londonin’ »). Une baffe !

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Blues Contemporary Blues International Soul

Otilia Donaire : keepin’ the Blues alive [Interview]

Feutré et sensuel, tout en dégageant une énergie brute, le Blues teinté de Soul et de R&B d’OTILIA DONAIRE est autant un appel à la danse qu’à une écoute très attentive. En effet, riche d’une section cuivre dynamique, il combine divers univers pour n’en faire qu’un. Soutenue par de belles guitares et des claviers chaleureux, l’Américaine vient de livrer « Bluesin’ It Up », un album qui se veut très personnel et fédérateur. De quoi enthousiasmer un large panel d’amoureux des notes bleues. Rencontre avec une chanteuse à la voix suave et puissante.

– Ton album « Bluesin’ It Up » vient de sortir, mais à t’écouter chanter, on se doute que tu n’en es pas à ton premier coup d’essai. Peux-tu revenir sur ton parcours et les étapes qui ont forgé ton style et ta voix ?

J’ai toujours eu une certaine prédisposition pour le chant, mais je n’ai commencé à faire de la musique professionnellement qu’en 2009, après avoir terminé mon atelier de performance en groupe à la ‘Blues Bear School of Music’ de San Francisco. C’est mon instructeur, feu le bluesman de San Francisco, Johnny Nitro, qui m’a fortement encouragé à chanter le Blues. Mon premier CD avec, disons, un guitariste anonyme, était horrible et lorsque j’ai quitté ce groupe en 2014, j’ai enfin pu naviguer de manière plus créative avec l’aide de mon bassiste, Chris Matheos et du guitariste Joe Lococo. J’ai enfin eu un contrôle créatif total et je suis restée fidèle à mon propre style vocal, embrassant le timbre naturel de ma voix. Koko Taylor, la regrettée icône du Blues de Chicago et qui a également un grain assez brut, est l’une de mes principales influences musicales.

– Tu es chanteuse, leader de ton groupe et également compositrice. Est-ce que tu écris paroles et musique et as-tu un instrument de prédilection, car cet album est musicalement très riche et dense ?

J’écris les paroles et je compose avec mon bassiste, Chris Matheos et mon guitariste Joe Lococo. Je ne sais ni lire, ni écrire la musique, mais je peux l’entendre dans ma tête et j’ai la capacité de la traduire en sachant quel style et quel tempo jouer, y compris au niveau des mélodies, des riffs et des solos. Je n’ai pas vraiment d’instrument de prédilection, mais j’apprécie la guitare slide électrique et les claviers up-tempo. J’adore le Chicago Blues et j’ajouterai aussi de l’harmonica sur mon prochain album, ainsi que de la flûte.

– Justement, pour l’essentiel, tes morceaux sont guidés par les claviers, que ce soit le piano ou l’orgue. Le Blues est pourtant très souvent porté par la guitare. Tu as toujours procédé ainsi ?

En fait, je n’avais pas le budget pour ajouter des claviers et des cuivres sur mon dernier EP, « Queen Bee ». Alors, j’ai pris certaines de ces chansons et je les ai réarrangé, soit en les réenregistrant, soit en ajoutant des claviers et/ou des cuivres. Je joue désormais davantage de concerts live de cette manière, avec des claviers, car le son est beaucoup plus riche. Ils ont été enregistrés séparément dans les home-studios des deux claviéristes, qui jouent sur l’album : Greg Rahn et Pamela Charles-Arthur, qui est ma claviériste actuelle de la SF Bay Area. Pamela est dynamique et talentueuse, et c’est merveilleux de partager et de diffuser une énergie féminine si féroce sur scène avec elle.

– Il y a un autre élément qui domine sur « Bluesin’ It Up », ce sont les cuivres qui sont omniprésents, un peu à la façon d’un Big Band. Ce sont des orchestrations qui t’inspirent beaucoup, car on y perçoit également quelques touches jazzy ?

Je n’ai généralement pas le budget nécessaire pour ajouter des cuivres à la plupart de mes concerts, mais mon objectif est faire plus de spectacles avec un groupe complet, incluant claviers, saxophone et trompette. Je chante avec mon cœur et j’aime aussi le Blues jazzy, donc il y a une influence de Billie Holiday sur quelques-unes de mes chansons. Daniel Casares, saxophoniste de SF Bay Area, a écrit la plupart des sessions cuivre et je suis très satisfaite du son Soul et jazzy qu’il a ajouté aux arrangements.

– Par ailleurs, il y a un grand nombre de musiciens qui t’accompagnent sur « Bluesin’ It Up ». Est-ce que tu considères cet album comme l’œuvre d’un collectif ou, plus simplement, tu souhaitais avoir leur présence à tous sur ces 12 morceaux ?

C’est un album collectif et collaboratif, c’est vrai. Je savais ce que j’attendais de chaque musicien et je leur ai donné toute la liberté d’apporter des idées, de créer des arrangements et des solos. C’était génial d’avoir des cuivres à fond sur certaines chansons et sur mon prochain album, ce sera le cas pour chaque morceau.

– Parallèlement, est-ce que tu as un groupe fixe pour les concerts ? Quelques musiciens attitrés qui te suivent depuis longtemps ?

J’aime jouer avec un line-up régulier composé de musiciens talentueux : Joe Lococo à la guitare, Edgar San Gabriel à la basse, Robi Bean à la batterie et Pamela Charlles-Arthur (Pamma Jamma) aux claviers. Chris Matheos, qui est le directeur musical de cet album et de mon précédent EP, joue de la basse sur toutes les chansons à l’exception de « Hoochie Coochie Woman » et « Voodoo Woman ». Malheureusement, il a déménagé dans le sud de la Californie, donc il ne joue plus régulièrement avec moi. Mais quand je partirai en tournée, il le fera certainement s’il est disponible.

– Il y a également quelques reprises sur l’album. Peux-tu nous en dire plus sur ces choix et pour quelle raisons tu n’as pas réalisé un album entièrement original ?

Ce sont des chansons que j’aime chanter en concert et qui sont généralement une manière d’amener tout le monde sur la piste de danse. Je ne me lasse jamais de les chanter, donc c’était une évidence de les ajouter, en particulier « Hoochie Coochie Woman » (un morceau de Muddy Waters – NDR), qui a été ma première chanson de Blues que j’ai commencé et qui est devenue l’une de mes chansons signatures. J’ajouterai très probablement toujours quelques reprises, des classiques, que j’aime chanter pour garder le Blues vivant.

– Tu as beaucoup de sensualité dans la voix, ce qui donne beaucoup de charme à tes morceaux. Est-ce que tu penses que le Blues est le style qui véhicule le mieux cette approche si attractive et sexy auprès du public ? Et donc, qui est un énorme atout…

Merci ! Je chante avec mon cœur et la musique Blues pénètre au plus profond de mon âme. Je sens que je peux me connecter avec les gens, parce qu’ils peuvent ressentir la passion authentique que j’éprouve lorsque je chante.

– Pour conclure, quel est ton objectif principal pour le futur ? Faire le plus de concerts possible à travers les Etats-Unis et même au-delà, ou peut-être trouver un label pour un prochain album ?

Tout cela en même temps ! Entrer sur le circuit des festivals Blues avec des tournées nationales et internationales, signer avec un label de Blues et enregistrer au début de l’année prochaine. C’est difficile d’être une artiste indépendante, et je dirais que c’est vraiment un travail d’amour. J’ai enregistré mon album, « Bluesin’ It Up », chez Afterdark Recording à San Francisco, le studio d’enregistrement d’Armando Rosales, mon cousin. C’était une joie absolue et maintenant, j’ai vraiment la fièvre de l’enregistrement ! Donc, j’y retournerai au début de l’année prochaine. Peut-être aussi participer à un festival en France dans un futur proche ? Ce sont tous les rêves sur lesquels je travaille.

Le dernier album d’OTILIA DONAIRE, « Bluesin’ It Up », est disponible sur le site de l’artiste :

www.otiliadonaire.com

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Heavy metal Old School

Metal Church : heavy faith

Figure incontournable du Heavy Thrash californien, METAL CHRCH n’aura pas été épargné par les épreuves au fil de sa carrière. Mais c’est sans compter sur la ténacité de ses membres fondateurs, qui ne comptent pas abandonner l’institution de sitôt. Avec Marc Lopes au chant, « Congregation OF Annihilation » affiche un Heavy Metal classique, efficace et direct.

METAL CHURCH

« Congregation Of Annihilation »

(Reaper Entertainment /Warner)

Comment ne pas éprouver de la tristesse et de la mélancolie à l’écoute de ce nouvel opus de METAL CHURCH ? L’histoire des Américains est émaillée de pertes tragiques. Si ce treizième album est le premier depuis le décès de son leader emblématique, Mike Howe, en juillet 2021, il sort aussi quelques jours après la mort de son ancien batteur Kirk Arrington, qui avait quitté le groupe en 2006 pour raison de santé. De quoi porter ombrage à ce nouveau chapitre qui s’ouvre, alors qu’il se dessine de très belle manière.

Produit par son guitariste Kurdt Vanderhoof, « Congregation Of Annihilation » renoue avec le passé du combo et un son massif et organique et surtout un retour à un Heavy Metal instinctif et véloce. La rythmique est solide et aérée, tandis que les deux six-cordistes se font vraiment plaisir en alternant avec des sonorités chères à leur côte ouest d’origine et quelques clins d’œil à la scène européenne des années 80 et 90. METAL CHURCH remonte à l’âge d’or d’un style auquel il a grandement contribué.  

Et cette nouvelle ère pour la formation de San Francisco s’effectue avec la présence derrière le micro de Marc Lopes (Ross The Boss, Let Us Prey), qui fait plus que tenir son rang. Après plus de quatre décennies au service du Metal, le quintet se montre toujours aussi affûté et racé, et son nouveau frontman se permet même de belles envolées vocales (« Another Judgement Day », « Pick A God And Prey », « Me The Nothing », « Making Monsters »). METAL CHURCH est bel et bien de retour pour un nouveau cycle très Heavy.

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Rock

Santana : le caméléon mystique

Avec ce toucher si expressif et intemporel, le grand Carlos SANTANA laisse éclater tout son feeling sur ce 26ème album, où le guitariste latino parvient encore et toujours à surgir aux côtés de musiciens à la fois proches et éloignés de sa vision très personnelle de la musique. Steve Winwood, Kirk Hammet, Chick Corea, Chris Stapleton ou G-Eazy se succèdent auprès du maître pour un « Blessings And Miracles » haut en couleur et toujours aussi inspiré.  

SANTANA

« Blessings and Miracles »

(BMG)

Après 50 ans de magie guitaristique, le grand Carlos SANTANA n’entend pas raccrocher de sitôt. Nous ayant habitué à des réalisations où se succèdent les guests de luxe, le musicien ne déroge à sa propre règle et accueille même sa fille Stella et son fils Salvador, qui ont d’ailleurs de qui tenir. Sur « Blessings And Miracles », il montre une fois encore ses prédispositions à s’adapter à n’importe quel style avec une facilité déconcertante.

Eternellement latino dans son jeu et identifiable entre mille, SANTANA semble pourtant s’amuser sur des duos parfois improbables comme « Joy » avec le chanteur Country Chris Stapleton, « Move » avec Rob Thomas de Matchbox 20 ou encore le somptueux «  A Whiter Shade Of Pale » interprété par Steve Winwood. On le retrouve puissant et psychédélique sur « Peace Power » où le leader de Living Coloür, Corey Glover, rugit littéralement de plaisir.

Après une courte prière, « Break », chantée par la texane Ally Brooke, l’Américain basé à San Francisco vient croiser le fer avec Kirk Hammet de Metallica sur « America For Sale », où l’on retrouve carrément Marc Osegueda de Death Angel au micro dans un registre très hendrixien. SANTANA n’en finit plus de surprendre et étonne encore sur ce 26ème album aussi brûlant (« Mother Yes ») que délicat (« Song For Cindy »). Chapeau bas, Monsieur.

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Metal Fusion Thrash Metal

Mordred : born again

Les fans de Thrash made in Bay Area se souviennent forcément de MORDRED, qui a fortement marqué les esprits avec « In This Life », album de Metal Fusion  précurseur, dans lequel les Californiens mixaient Thrash, Funk et Rap à grand renfort de scratches dévastateurs. 27 longues années plus tard, le combo est de retour le couteau entre les dents et avec « The Dark Parade », un album affûté comme jamais.

MORDRED

« The Dark Parade »

(M-Theory Audio)

Pionnier et précurseur dans son domaine, MORDRED a été le premier groupe de Thrash, et même de Metal au sens large, à intégrer un Dj. Dès 1989 avec leur premier album (« Fool’s Game »), les Californiens se font remarquer grâce à un style sauvage où leurs riffs assassins mêlés à des scratches bien sentis et percutants leur donne une touche particulière et inédite jusqu’alors.

En seulement trois albums et un EP entre 1989 et 1994, MORDRED a marqué de son empreinte le Thrash de la Bay Area en y incluant des éléments Funk et Rap notamment. Ouvrant la voie au Metal Fusion, qui explosera par la suite, le combo de San Francisco avait sans doute un temps d’avance et n’a malheureusement pas reçu la reconnaissance qu’il méritait amplement.

Loin d’abandonner son côté incisif ancré dans un Thrash Metal aux guitares acérées, le sextet fait aujourd’hui son grand retour avec « The Dark Parade », un album un peu plus sombre et moins fun que ses prédécesseurs, mais toujours aussi créatif. De « Demonic # 7 » à « Malignancy », « Dragging For Bodies » ou le très bon « I Am Charlie », MORDRED nous replonge dans une époque bénie.