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Diesel Dust : raw gasoline [Interview]

Bientôt deux décennies que les Lyonnais de DIESEL DUST distillent leur Southern Rock à travers l’hexagone. Sorti l’an dernier, « Just Another Day… » est probablement l’album le plus abouti du sextet, tant dans la qualité des compositions que dans sa production très soignée. Guitariste et fondateur du groupe, Raphaël Porcherot est l’un des garants de ce temple aussi rassembleur que généreux, et où les guitares rivalisent avec un harmonica devenu aussi emblématique de sa couleur musicale. Tout en revendiquant des références américaines, le groupe a également su trouver ses marques pour devenir une valeur sûre de la scène française. Entretien avec le principal compositeur d’une formation fraîche et pêchue.  

– Il y a un peu moins d’un an, DIESEL DUST sortait son troisième album complet près de 20 ans après « Ghost Dance » en 2006. C’est un disque positif et volontaire, qui résume finalement assez bien votre parcours et votre état d’esprit, je trouve. Est-ce aussi ton sentiment : des passages d’obstacles et l’envie comme moteur ?

Oui, je pense que cela résume exactement l’état d’esprit du groupe. Le retour de DIESEL DUST puise son fondement dans le confinement dû au Covid et les épreuves qui lui ont été liées. Isolement, enfermement, décès, etc… Pendant cette période difficile, j’ai écrit et composé quelques morceaux pour dire les choses et évacuer les idées noires, particulièrement le décès de mon père. Ce sont ces premiers morceaux qui m’ont fait décrocher le téléphone et demander à Nico (l’harmoniciste – NDR) si ça lui disait de reprendre le groupe. Sa réponse a été immédiate et positive. Ainsi, l’écriture a continué avec cette envie viscérale d’entendre à nouveau le groupe déverser son Rock. Bon, nous faisons du Rock en France, qui plus est du Southern Rock, alors les obstacles sont nombreux. Mais l’envie est à son maximum ! (Rires)

– Justement, le Rock Sudiste en général a quelque chose d’intemporel qui vient de ses fondations-mêmes. Etonnamment, c’est la réflexion que je me suis faite en écoutant « Ghost Dance », puis « Just Another Day… » dans la foulée. Il y a une réelle continuité dans le son comme dans les morceaux. Est-ce le fruit d’une démarche artistique qui s’est imposée d’elle-même et qui résume l’essence de DIESEL DUST ?

L’intemporalité nous sied à merveille, elle permet d’effacer, en quelque sorte, ces années pendant lesquelles nous avons mis le groupe au repos. (Sourires)  La continuité dans le son, les messages et l’expression de DIESEL DUST ont plusieurs facteurs. Le fait que je sois jusqu’alors le seul à écrire et composer en est un. Mais le groupe fonctionnant comme une famille, on trouve un équilibre certain en live, dans la vie en général et bien entendu lorsqu’il s’agit des arrangements des morceaux. C’est la source de notre couleur artistique. Enfin, la volonté de vouloir respecter le style, avec ses origines multiples teintées de Blues, de Country et de Rock, oriente notre musique vers une véritable signature sonore qui fait que DIESEL DUST se reconnait facilement et est accepté par tous comme un véritable combo Southern Rock.

– Raphaël, tu es le principal compositeur du groupe depuis ses débuts. On peut donc affirmer que DIESEL DUST porte ton empreinte. Pourtant, vous êtes six musiciens. Es-tu le seul à avoir des velléités d’écriture, et est-ce que certaines structures ou arrangements peuvent aussi se faire de manière collégiale parfois ?

J’ai effectivement écrit l’intégralité des précédents albums, mais la nouveauté avec le line-up actuel fait que les membres de DIESEL DUST ont aussi des velléités de composition. Nous sommes donc actuellement dans une démarche de création musicale de groupe et c’est un plaisir fantastique que d’être ensemble à chercher des idées et les mettre en forme. Cela va enrichir d’autant la palette ‘Dieseliste’ et promettre un futur album encore plus enraciné dans la continuité moderne de notre son et de nos influences diverses. Je pense que nous allons intégrer ces nouvelles compos à la setlist des lives au fur et à mesure de leur finition, afin de les présenter au public.

– Comme presque toujours dans le Southern Rock, les parties de guitares sont essentielles et DIESEL DUST ne déroge pas à la règle. Outre les riffs, les solos sont primordiaux et vous n’êtes pas en reste, loin de là. Ils font d’ailleurs souvent l’objet de beaux duels sur scène. Est-ce que vous les travaillez dans ce sens avec une marge d’improvisation pour les concerts ?

Plus que des duels, ce sont de véritables voyages en communs que représentent les chorus et les questions-réponses des solos. C’est l’un des aspects magiques indéniables du Southern Rock. Les chevauchées solistes des instruments sont permises et encouragées, comme à l’époque de ses origines, dans les 70’s. Il suffit d’écouter un live des Allman Brothers ou le « Free Bird » de Lynyrd Skynyrd pour l’entendre. Cela permet à chacun de s’exprimer pleinement et de mettre ses particularités de jeu au service de l’entité du groupe. Nous avons la chance d’avoir deux guitares et un harmonica qui peuvent envoyer des solos puissants et nous en profitons. Côté improvisation, pour le moment, nous laissons peu de place à cet aspect, même si parfois nous nous offrons la liberté de sortir du chemin tracé. Nous sommes dans une période où nous souhaitons imposer l’album « Just Another Day… » et nous faisons tout pour que le public reconnaisse les différentes parties, notamment les solos qui sont écrits note par note. Mais oui, l’impro reste une merveille sur scène et nous comptons bien lui donner plus de volume à l’avenir. C’est aussi ça l’essence du Rock, ne pas rejouer les albums à l’identique.

– J’aimerais que l’on dise un mot de l’univers visuel du groupe. L’imaginaire américain est très présent avec les peuples amérindiens également. Comment s’est fait ce choix et est-ce que c’est plus ou moins incontournable dans le Rock Sudiste, selon toi ?

Comme je le disais, nous respectons le style dans lequel nous évoluons. Le Southern Rock est né dans le Sud des Etats-Unis, là où effectivement l’image de l’Amérique est quasi sacro-sainte avec ses certitudes et ses exagérations. Ce que je retiens de cet aspect des USA dans les textes est surtout du domaine des routes poussiéreuses et du sentiment de liberté intense, réelle ou imaginaire. Le volant d’un pick-up entre les mains, du Rock Sudiste à fond dans les oreilles et on fait des milliers de kilomètres sans s’en rendre compte avec le sourire aux lèvres. C’est mon image de l’Amérique, rassurante et sans aucun doute idéalisée. Les Amérindiens ont régulièrement été évoqués dans les textes de Southern Rock, mais plutôt de manière mythologique ou poétique, souvent loin de la réalité. Toutefois des groupes comme Blackfoot ont carrément intégré dans leur chanson leur héritage, musicalement évidemment, mais aussi dans leurs traditions, ne serait-ce qu’en rappelant leur rapport à la Terre. C’est ce qui m’a frappé dans la découverte de cette culture. Elle inspire nombre de mes textes. La sagesse des lettres de Sitting Bull m’a littéralement ouvert les yeux sur ces peuples. La capacité à respecter la nature et ce qu’elle offre. La résistance de la grandeur du cœur devant les horreurs comme le massacre des familles Cheyennes à Sand Creek en 1864. De même, la générosité tribale et la force de la famille sont autant de sujets, qui font que les Amérindiens font partie intégrante de notre musique, car c’est une source d’inspiration pour tenter d’ouvrir les yeux sur les dérives de notre civilisation actuelle.

– Contrairement à ce que l’on peut penser dans l’inconscient populaire, vos textes dégagent beaucoup de générosité avec des messages de paix et de tolérance, comme c’est d’ailleurs très souvent le cas dans le registre. Est-ce que l’actualité de notre société nourrit aussi vos paroles, ou ont-elles un aspect plus intemporel et universel ?

Les deux. Nous vivons dans un monde qui n’a rien appris des leçons du passé, et qui est au bord de l’effondrement à cause de la haine, de la différence, de la religion et de l’égoïsme. Autant de sources d’aveuglement et de dissentions qui poussent les hommes à oublier que leur planète est fragile, et leur vie et leur existence encore plus. Le Southern Rock est souvent critiqué et soupçonné de diverses dérives en particulier à cause du drapeau confédéré arboré par nombre de groupes du genre. S’il est historiquement un symbole de rébellion du Sud de l’esclavage dans la guerre de Sécession, il est aujourd’hui une bannière musicale pour nous. Depuis toujours, beaucoup de musiciens du genre ont diffusé des messages d’unité et de tolérance à l’instar du Allman Brothers Band. On trouvera toujours des textes pour dire le contraire, chaque artiste est maître de ses propres mots, mais de manière générale, les messages sont plutôt positifs. Le Rock Sudiste est complexe. Il reflète la richesse de la culture du Sud d’une part et les tensions raciales des Etats qui le composent d’autre part, et il s’en trouve donc décrié. C’est pour cela que je trouve qu’il est le véhicule idéal pour prêcher la bonne parole du respect des hommes, de la tolérance et de la défense de cette mère qu’est la Terre.

– Le Southern Rock de DIESEL DUST est assez complet et ne penche pas véritablement d’un côté en particulier, comme c’est souvent le cas avec certains qui portent plus sur l’aspect Blues, le Hard Rock ou la Country. Est-ce un choix qui s’est fait dès le départ, assez naturellement, ou c’est un équilibre qu’on trouve au fil du temps ?

C’est un véritable équilibre naturel depuis la création du groupe, qui prend encore plus de sens avec le line-up actuel. Même si nous surfons toujours sur les racines du Southern Rock originel, nous intégrons nos différences pour enrichir et moderniser notre musique. Avec David (guitare) qui joue du Joe Satriani, Micka (basse) qui vient de école Punk et Jazz-Rock, Joss (batteur) qui évolue dans le Metal, Max (chant) qui est issu plutôt du Rhythm’n’Blues, Nico (harmonica) du Blues et Southern rocker convaincu, et moi-même (guitare) emprunt de Blues et de musique 70’s, il y a de quoi faire des recettes détonantes et savoureuses. C’est un aspect extraordinaire du style, car il se nourrit et s’enrichit sans cesse de toutes les musiques : Jazz, Rock, Blues, Country, irlandaises, traditionnelles, etc…

– DIESEL DUST a aussi la particularité de compter dans ses rangs un harmoniciste, Nico, et pas de manière anecdotique. C’est suffisamment rare pour être souligné. Il intervient d’ailleurs un peu en électron libre. C’est un instrument que l’on entend assez peu souvent dans le Southern Rock et il forge aussi votre identité. C’est une manière de souligner votre côté bluesy et peut-être de palier l’absence de claviers ?

Il est clair que Nico apporte une identité bluesy marquée et nécessaire dans notre style. Il ne pallie pas l’absence de claviers, il est un instrument libre à part entière, qui répond tantôt au chant, tantôt joue en solo ou crée des nappes de soutien. Il apporte de la richesse à notre palette sonore. Cela fait 20 ans que nous partageons la scène et la joie de jouer ensemble est intacte. Du coup, son harmonica est indispensable à la sonorité particulière de DIESEL DUST.

– « Just Another Day… » dispose d’une très bonne production dans un ensemble équilibré et des arrangements très soignés. Et puis, il a été masterisé aux studios Abbey Road. C’était important pour la touche finale d’apporter un certain éclat ? Et en quoi cela fait-il la différence, selon toi ?

C’est un choix dès le départ que de soigner l’ensemble de la production de l’album. C’est un investissement lourd, mais notre souhait était d’offrir un joyau, tant au niveau sonore qu’au niveau design. Les arrangements sont très importants pour nous, parce qu’ils permettent de mettre un écrin autour de la composition. Le design de la cover a été concocté par Pegpixel, un jeune créateur talentueux qui s’est appliqué à marier le texte de « Just Another Day… » à l’imagerie de DIESEL DUST et c’est une parfaite réussite. Le choix d’Abbey Road, pour la seconde fois déjà, réside dans le fait que ce studio représente pour moi en particulier, mais pour nous tous, la légende du son Rock, dans lequel j’ai été bercé et aussi une certaine fierté, reconnaissons-le. (Sourires) Mais aussi et surtout, la qualité de travail hors normes qui est la leur, a mis en valeur ce que le studio de la Soierie, où nous avons enregistré et mixé, a magistralement mis en boite. Abbey Road a fabriqué les laques pour presser le double vinyle, ce qui lui confère une qualité sonore irréprochable. Le CD et les pistes pour les plateformes numériques ont aussi été édités par eux. C’est en quelque sorte une véritable déclaration d’amour au public, qui écoutera notre album, que de travailler avec des monstres techniques pareils.

– Enfin, j’aimerais qu’on dise un mot sur la scène Southern française. Elle frémit tout doucement, mais reste bien trop discrète. Quel regard as-tu sur sa situation ? Te donne-t-elle parfois des envies d’ailleurs, surtout lorsqu’on voit l’effervescence de la scène américaine ?

Il y a tant à dire sur la France et le Rock. Trouver des dates et des débouchés dans notre pays quand on officie dans le Rock est un parcours semé d’embuches, et dans le Southern Rock, une voie presque sans issue. Ce n’est pas dans la culture de notre pays que de mettre le Rock en avant, même si on voudrait tous que cela change. Il est certain que nous avons envie d’ailleurs, de ces pays comme l’Allemagne, la Belgique ou l’Espagne pour ne citer qu’eux en Europe, qui ont un véritable amour du Rock et de tous ses styles. ‘Ailleurs’ nous apparait plus ensoleillé, c’est certain. Pourtant le Southern Rock en France possède des groupes tels que Natchez, Calibre 12, Bootleggers pour parler des plus connus, mais aussi The Owl Band, The Redneck Roots Band, Mainstreet, Gunsmoke Brothers Band et bien d’autres. C’est la confidentialité de la diffusion du genre, qui donne l’impression que ce style est peu représenté dans l’hexagone. Il faudrait que les festivals se dérident un peu dans leur programmation en arrêtant de tous programmer les mêmes choses et, pourquoi pas, que nous puissions avoir en France un véritable festival de Southern Rock. A méditer…

Le dernier album de DIESEL DUST, « Just Another Day… » est disponible chez Brennus Music.

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Classic Hard Rock France Hard 70's Progressif

Messaline : avec révérence [Interview]

Faisant une petite entorse à son Heavy Metal de prédilection pour s’orienter vers un Classic Rock très Hard, MESSALINE a voulu se faire plaisir en posant un regard sur ses influences premières et fondatrices. Du line-up originel, Eric Martelat est le seul rescapé et c’est d’ailleurs peut-être aussi ce qui l’a motivé à réaliser cette sorte d’introspection musicale. C’est désormais entouré de nouveaux musiciens que le chanteur et fondateur du groupe présente « Vieux Démons », un album-concept d’une grande richesse et où il multiplie les clins d’œil. Entretien.  

Photo : Jean-Denis Izou

– « Vieux Démons » est votre sixième album et peut-même le plus déroutant pour qui n’aurait pas les références. C’est une belle aventure qui se joue dans années 70, mais pas seulement. Comment est-ce que tu en ferais la présentation ?

C’est exactement ça. On a voulu faire un album-concept, mais pas au sens où une histoire serait développée sur tous les morceaux. Son titre indique déjà qu’il s’agit plus d’un album référence et révérence aux grands anciens. On replonge dans les années 70. Au départ, MESSALINE était plutôt un groupe qui jouait du Heavy Metal avec des touches 80’s. Avec « Vieux Démons », on est plus dans le Hard Rock et les années 70. C’est aussi du à l’arrivée de nouveaux musiciens dans le groupe, dont Mathieu Gilbert, notre guitariste. On s’est retrouvé sur cet amour de cette musique, qui nous nourrit depuis longtemps. Au début, au moment de l’écriture, c’était assez inconscient mais nous avons vite décidé de mettre des références à nos groupes de jeunesse comme Santana, Hendrix, Cream, Led Zep… Ca peut en effet dérouter ceux qui ne connaissent que nos premiers albums

– L’album s’inscrit clairement dans un Classic Rock aux touches Hard Rock et dans un esprit Rock français assumé. Si je comprends, pour ma part, votre démarche : à quel public MESSALINE s’adresse-t-il directement ?

Nous faisons avant tout de la musique pour nous faire plaisir. Comme nous sommes des quinquagénaires, cela s’adresse peut-être plus à des gens qui écoutent de la musique depuis 30/40 ans. Après, il y a actuellement un côté revival et c’est vrai que j’aime bien ça. Beaucoup de gens ne jurent que par le vinyle, alors pourquoi les jeunes d’aujourd’hui ne miseraient-ils pas sur un groupe aux couleurs 70’s ? Et puis, lorsque nous faisons un album, on n’a pas en tête toutes ces préoccupations marketing. On s’en fout complet ! (Rires) Finalement, c’est notre disque le plus accessible et beaucoup de gens peuvent s’y retrouver.

Photo : Jean-Denis Izou

– Au-delà des influences, ou plutôt même de courants musicaux parcourus, les textes sont aussi d’une grande originalité, puisque vous êtes presque les seuls en France à aborder de tels sujets. On a même l’impression qu’ils sont le prétexte à un divertissement très joyeux. C’est aussi comme ça que vous le voyez et surtout que vous le concevez ?

Oui, complètement ! C’est vrai que la particularité de MESSALINE réside dans ses textes en français, qui sont d’ailleurs un peu ma chasse gardée. Je ne chante d’ailleurs que mes textes, car j’ai besoin qu’ils viennent de moi pour mieux les vivre et aussi les adapter à la musique. Les thèmes abordés sont assez larges. Si l’époque ne se prête pas forcément à beaucoup de joie, je garde en moi ce côté joyeux et humoristique. Même sur des textes sombres, j’essaie toujours de glisser un petit jeu de mot, par exemple, pour désintellectualiser la chose et apporter un peu de légèreté aussi. Mes deux grandes influences au niveau de l’écriture sont Christian Décamps et Thiefaine, qui représentent pour moi les deux faces d’une même pièce.

– L’album contient des morceaux super-efficaces comme « Les 3 Stryges », « Black Shaman » ou « Je Voulais Te Dire », qui sont vraiment la marque de fabrique de MESSALINE, votre touche. On y perçoit une réelle alchimie entre vous. Comment naissent vos morceaux ? Vous partez du texte, ou est-ce qu’il arrive en second suivant l’univers du titre ?

En fait, on a deux méthodes pour composer. On essaie d’être efficace sur les refrains et les mélodies. Nous sommes un peu des chansonniers, en fait, et je l’assume complètement. Alors, soit j’ai une mélodie en tête et je l’envoie à Mathieu, soit c’est lui qui m’envoie ce qu’il compose à la guitare sèche. Ensuite, on discute beaucoup, on structure les morceaux minutieusement. Et puis, Mathieu est un vrai boulimique de musique et j’écris aussi beaucoup de mon côté. On fait le tri et on avance comme ça. Toute la base des morceaux est acoustique et on construit ensuite autour. On part du principe que si une simple guitare sèche et du chant sonnent, ça sonnera tout le temps ! Et ça nous permet de varier les plaisirs en faisant des shows-cases, par exemple, où l’on s’aperçoit que ça fonctionne. 

Photo : Jean-Denis Izou

– Et il y a aussi ces deux « Marque Page » (« Antiqua » et « Daeomina »). Est-ce que tu peux nous en dire un peu plus et nous expliquer leur signification ?

On voulait des respirations. On a beaucoup réfléchi à l’ordre des morceaux et à leur structure au sein-même du disque. Même si beaucoup de gens écoutent les titres individuellement sur les plateformes, on voulait aussi garder ce format de 45 minutes, où on se pose pour écouter l’album d’une traite. Et pour que tout s’enchaine bien, on a trouvé intéressant de faire ces pauses musicales. Ca repose l’oreille tout en apportant d’autres mélodies. On voulait un lien encore plus naturel entre les morceaux.

– On connait l’amitié qui vous lie au groupe Ange, et d’ailleurs vous reprenez « Par Les Fils De Mandrin », qui est réarrangé pour l’occasion. Quelle était l’intention ? C’est un morceau qui vous suit depuis longtemps, ou c’est une sorte d’hommage ?

Oui, c’est un hommage à Christian Décamps que je connais maintenant depuis une trentaine d’années. C’est un ami très proche. Nous avons eu la chance de faire souvent leurs premières parties, et nous sommes proches musicalement sur beaucoup d’aspects dont l’écriture. On n’avait jamais eu l’occasion de reprendre l’une de leurs chansons, que ce soit en concert ou en studio et je trouvais que c’était bien de boucler la boucle de cette façon. Et pour m’en libérer complètement, il me fallait aller aussi aller jusqu’au bout. Comme « Vieux Démons » est un album référence et révérence aux anciens, c’était le bon moment. Nous n’avons pas non plus voulu faire une reprise pour faire une reprise. On voulait aller un peu plus loin. Dans le morceau, on a intégré d’autres titres d’Ange et d’ailleurs Mathieu a fait un gros travail là-dessus. On retrouve entre autre un titre de 1970 qui s’appelle « Messaline » et dont les enregistrements sont d’ailleurs très rares. « Par Les Fils De Mandrin » est presque un medley finalement et les musiciens d’Ange ont apprécié le fait que l’on ne cantonne pas à une simple reprise et Christian m’a même dit que nous avions fait du MESSALINE, ce qui est un grand compliment pour nous.

– L’album comprend aussi « Le Jardin Des Délices », un clin d’œil, ou encore un hommage, au peintre flamand néerlandais Jérôme Bosch (autour de 1450-1516). On est assez loin de l’univers de MESSALINE et pourtant il s’intègre parfaitement à « Vieux Démons ». D’où vous est venue cette idée ?

On voulait un morceau très acoustique, fait d’arpèges et dans l’esprit du Led Zep « III ». Le déclic est venu du fait que c’est un morceau assez bucolique avec un côté très nature, comme le lieu où Led Zep a enregistré son album à l’époque (au Pays de Galles, au Rockfield Studios – NDR). Pour le texte, cela a été une association d’idée. Et comme je suis plasticien, enseignant en art appliqué et dessinateur, l’art fait partie de ma culture. Et j’avais aussi lu un roman un peu ésotérique, qui parlait du « Jardin des Délices » de Jérôme Bosch.

Photo : Jean-Denis Izou

– Avant de parler d’« Orion Stargazer » qui est l’un des titres-phares de l’album, j’aimerais que tu nous dises un mot sur la pochette, qui est signée Stan W. Decker, dont on connait le travail pour Megadeth et Blue Öyster Cult notamment. Comment s’est faite la connexion avec MESSALINE, car il a très bien cerné l’état d’esprit et la démarche du groupe ?

En fait, je l’ai contacté dès qu’on a commencé à avancer sur les morceaux, car on sentait qu’on allait sortir une sorte d’album-concept basé sur les années 70. Pour aller au bout de l’idée, on s’est dit qu’il fallait une pochette peinte où on se mettrait en scène. Et au-delà de ça, on y trouve beaucoup de clins d’œil à Kiss et à Rainbow notamment et dans un esprit un peu ‘Renaissance’ pour la peinture. Ca m’a paru assez naturel de le contacter, et puis c’était aussi l’occasion de passer un cap. Il connaissait notre univers un peu Prog avec des textes en français. Je lui ai fait un croquis détaillé de la pochette avec la mise en scène et il a réalisé un travail extraordinaire à partir de tous ces éléments. S’il y a des références musicales dans l’album, il y en a aussi énormément dans sa pochette car le visuel fait autant partie du concept que les morceaux. (L’album est bien sûr disponible en vinyle – NDR)

– Concluons donc avec « Orion Stargazer », où l’on retrouve du beau monde : Renaud Hanson (Satan Jokers), Tristan et Francis Décamps (Ange et Gens De La Lune), Jo Amore (ex-Nightwish, Kingcrown) et Pyt Theurillat (Galaad). J’imagine que ce sont tous des amis de MESSALINE. Comment les as-tu convaincu de tous participer au même morceau ?

En fait, on voulait réunir sur un même titre tous les copains avec qui on a partagé la scène. Et le fait que ce soit le dernier titre était assez rigolo aussi. C’était important pour moi d’avoir des invités qui ne soient pas des ‘pigistes’, mais des amis. J’ai juste envoyé un petit mail en expliquant l’idée de l’album et celle du titre. J’ai envoyé des voix témoins en disant qui je voyais sur tel couplet et en les laissant improviser sur le pont central. En 48h, tout le monde était d’accord. C’est également un vrai plaisir personnel d’avoir des musiciens de cette qualité pour ce dernier morceau. Chacun a envoyé ses bandes et comme je leur avais laissé la place d’improviser, on a pu mettre toutes les voix ensemble au mix. Et à l’écoute, on a vraiment l’impression qu’ils étaient tous dans la pièce au même moment. On est vraiment ravi !

L’album « Vieux Démons » de MESSALINE est disponible chez Brennus Music.