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Silmarils : une identité indélébile [Interview]

SILMARILS représente le son et la fougue de la scène française du milieu des années 90 et début 2000, celle où l’on osait encore fusionner les genres et rassembler au-delà des chapelles. 25 longues années après « 4 Life », le combo remet les gants et revient à la charge avec « Apocalypto ». Histoire de garder intacte cette fraîcheur qui a fait sa réputation, c’est à Los Angeles, et sous la houlette de Segal Huredia, que la plus américanisée des formations de l’hexagone a mixé son explosif cinquième album. Toujours aussi incisif et percutant, il fracasse les codes, se meut en brûlot et promet de renverser les foules dès le printemps prochain. Entretien sans filtre avec David Salsedo, frontman du groupe, à l’œil affûté qu’il s’agisse de sa musique comme de notre société.

– Qu’est-ce qui fait qu’un groupe de votre notoriété dans son pays décide de se mettre tout à coup sur pause ? Vous aviez le sentiment d’avoir été au bout de quelque chose ? Que peut-être l’énergie commençait à manquer, d’autant que le line-up n’a pas changé ?

Ce n’est pas tant une histoire d’énergie. On a démarré ensemble avec ce même line-up quand on avait 15 ans. Ca commençait à faire longtemps et il y a eu une espèce de tourbillon : album, tournée, album, tournée, etc… Et au bout d’un moment, les mecs avaient envie d’essayer autre chose. On s’est dit que plutôt que de faire un mauvais disque, c’était bien que chacun arrive à faire des choses hors du groupe, même si j’avais déjà fait un peu d’écriture et de prod’ de mon côté. C’était donc le bon moment pour le faire avant de ne plus en avoir envie et attendre que ça nous manque à nouveau. Alors, le projet en tant que tel a été mis sur pause.

– Justement en 2008, tu sors « Wine & Pasta » en solo dans un registre différent de SILMARILS. Comment est né le projet à l’époque ? Tu avais des morceaux plus personnels qui ne convenaient pas au groupe et que tu souhaitais vraiment sortir ?

Oui, c’était plus comme un concept-album. Je me suis dit qu’il y avait deux aspects chez moi avec un premier plus rentre-dedans à l’image de SILMARILS, que j’adore au niveau des textes comme de la musique et qui est vraiment mon truc. Et puis, dans mes goûts musicaux, j’ai une autre sensibilité qui est plus Pop indé, plus arrangée. Alors, à un moment donné, je me suis dit que cela faisait longtemps que j’avais envie de faire un truc comme ça. C’était le bon moment et je ne voulais pas avoir de regrets par rapport à mon autre rêve. Je l’ai fait et j’en suis très content. Et une fois que c’était fini, je n’avais pas forcément envie de continuer dans cette voie-là, mais j’étais heureux de l’avoir fait. C’était une très bonne expérience, on y a passé beaucoup de temps et dans un registre totalement différent. Et puis, je ne me voyais pas faire quelque chose qui ressemble de près ou de loin à SILMARILS.

– Et vous avez refait surface en 2020 avec le « Live In Confinement », un EP de quatre titres en digital. On sait que SILMARILS a toujours été un groupe en réaction à la société, c’est la situation sanitaire et politique de l’époque qui y avait poussé ?

En fait, ce qui s’est passé, c’est qu’on a décidé de reformer le groupe trois jours avant le confinement ! (Rires) On s’est un peu retrouvé comme des cons. On est tous partis, pour ceux qui ont pu, se planquer à la campagne et un pote du groupe nous a appelés pour nous dire qu’il montait un gros truc : le « Live In Confinement ». On s’est donc dit qu’avant le Bataclan, c’était une bonne façon de faire quelque chose ensemble pour raccrocher les wagons. Finalement, cela nous a remis le pied à l’étrier et c’était une super expérience. On a tous travaillé séparément et d’arrache-pied. Ca nous servi de déclencheur un peu plus vite que prévu.

– C’est donc en 2022 que vous officialisez vraiment votre retour avec un concert d’anthologie au Bataclan. Là aussi, vous prenez un peu tout le monde à contre-pied, car en général, les groupes sortent un album, puis seulement enchaînent les concerts. Comme vous êtes vraiment un groupe de scène, vous ne pouviez pas imaginer votre retour sans voir si le désir était toujours là et surtout vos fans ?

En fait, le contexte de tout ça était de fêter les 25 ans du premier album et de se retrouver. On y avait d’ailleurs joué « Welcome To America », le premier single d’« Apocalypto ». Ca a aussi été l’occasion de voir si on existait encore et si ça intéressait encore du monde, s’il y avait toujours des gens qui nous suivaient. Finalement, ça a été un concert d’anthologie, comme tu dis, parce que c’était ultra-complet et on a même fait plus de monde que 25 ans avant ! C’était incroyable ! (Rires) Ca nous a donné l’énergie de sortir « Welcome To America », qui était d’ailleurs déjà prêt, puis de repartir.

–  Ensuite, au printemps 2023 donc, « Welcome To America » sort et on retrouve le SILMARILS qu’on aime et qu’on connait à savoir rageur, provocateur et surtout fédérateur comme au premier jour. Comment se sent-on à ce moment-là et est-ce que le choix du morceau vous a alors paru évident ?

Pour nous, il était évident, car il contient vraiment d’ADN de SILMARILS. Mais on voulait aussi trouver un nouvel angle. On ne voulait pas arriver avec le son de 1995. Il fallait une évolution dans la production, tout en gardant notre style avec le riff, le texte et le phrasé. On a aussi choisi un parti-pris un peu plus Hip-Hop avec un marqueur évident tout de suite, dès le premier single. Si certains ont trouvé qu’il y avait moins de guitare, le titre a très bien marché. Et pour moi, c’était la façon dont SILMARILS devait se repositionner en 2025 sur un nouvel album. Il fallait reconnaître le groupe tout de suite, sans que ce soit ringard dans le son. En gros, je ne voulais pas sonner comme Limp Bizkit aujourd’hui.

– « Au Paradis », « Oublie-Moi » et « No Pain  No Gain » suivent dans la foulée, et force est de constater que vous n’avez pas changé. La fraîcheur est intacte, le son aussi et les textes sont toujours aussi percutants. Le sentiment qui domine alors, c’est qu’en fait, vous étiez simplement sur pause. Alors, qu’est-ce qui a tout réenclenché ?

En ce qui me concerne, c’est lorsqu’on a travaillé sur la réédition du premier album. Je ne l’avais pas écouté depuis sa sortie quasiment. Je me suis replongé dans différentes versions et dans les prises studio, j’ai du vraiment entrer dans les archives. Et en faisant ça, l’ADN du groupe et son identité sont devenus évidents. Notre objectif a toujours été de ne jamais se répéter au fil des albums, c’est notamment pour ça qu’on a fait « Vegas 76 », sans grosses guitares et beaucoup n’ont d’ailleurs pas aimé. Mais on l’assume. Avec le recul, je comprends que les gens aient été un peu perdus. Ils ne sont pas dans nos têtes, ils ne savent pas forcément comment on a envie d’évoluer. Mais, on ne voulait pas servir le même truc pendant 20 ans. Après, il y en a qui le font. Ac/Dc le fait très bien, et c’est très bien ! Au bout d’un moment, on était arrivé au bout de nos expérimentations. En fait, je me suis servi du premier album comme base pour faire le nouveau, tout en faisant évoluer le son, bien sûr, en le rendant plus actuel. On voulait que ça fasse bouger la tête et que ça puisse s’écouter en voiture ! (Sourires)

– Dans ce nouvel album, on retrouve des textes qui collent parfaitement à ce qu’est la société d’aujourd’hui avec des travers aussi variés que nombreux. Vous posez le doigt sur ce qui fâche et ce ne sont pas les dérives qui manquent. Ce qui est plus étonnant, c’est que beaucoup de morceaux ont un fond assez pessimiste. La situation se prête moins aujourd’hui à la dérision qu’il y a quelques années ?

Le nouvel album reste dans la lignée des deux premiers. Alors pessimiste, oui, ce n’est pas très joyeux, en effet. Je trouve que l’époque ne donne pas de place à la dérision. Clairement ! C’est mon point de vue, bien sûr. Sur ces textes, j’ai voulu rester frontal et pas dans la métaphore. Il fallait de la punchline, que ce soit percutant et qu’on comprenne le propos sans passer par des prismes stylistiques. C’est dans ta gueule, voilà ! Je l’ai vraiment écrit avec les tripes et avec ma vision du monde. Je ne suis même pas désabusé. Il y a de la colère, bien sûr, mais pas seulement. C’est une façon de dire : « Arrêtez de nous prendre pour des cons, on a compris ! On vous voit ! ». L’époque est tragique à tous les niveaux et je n’arrive pas à lui trouver des trucs positifs.

– D’ailleurs, puisqu’on parle d’engagement et de revendication : est-ce qu’on peut être de droite et écouter et apprécier SILMARILS ?

(Silence)… C’est une bonne question ! A la base, je dirai non quand même. Tu m’as surpris ! (Rires) Si on veut entrer dans le détail, ce qui me déprime, c’est le positionnement de certains politiques. Quand tu vois le Front National (oui, appelons-le par son nom – NDR) qui prétend faire du social et s’adresse aux prolétaires, ce n’était pas le cas il y a 30 ans. Maintenant, je pense que certaines personnes venant de la droite de la droite et de milieux populaires peuvent se retrouver dans certains textes… malheureusement ! (Rires) Dans « Welcome To America », je parle de poujadisme, ce qui pose le curseur assez haut tout de même. Et aujourd’hui, je pense aussi qu’il y a aussi des réacs de gauche. C’est une bonne question que tu poses là…

J’ai des amis de droite qui se marrent en écoutant mes textes et qui me disent que je suis d’extrême gauche. Mais c’est plus compliqué que ça. Même si j’en viens, je ne peux pas adhérer à celle d’aujourd’hui. Je me définirai plus comme un anarchiste, voilà. Et encore, je ne sais même plus ! (Rires) Maintenant, la tonalité de SILMARILS n’est pas de droite, soyons sérieux. Un titre comme « Oublie-moi » est très clair quand même. Cela dit, les frontières sont de plus en plus floutées. De mon point de vue, avant on savait où étaient les méchants et où étaient les gentils. Aujourd’hui, c’est un peu plus compliqué ! Donc globalement, je ne pense pas que les gens de droite puissent aimer les textes de SILMARILS. Après, on ne va pas se mentir, on vient tous de banlieue et de familles de gauche. Mais, pour conclure et sans dire que c’était mieux avant, est-ce qu’on a le droit de dire qu’il y a une dérive grave, une baisse culturelle aussi sans pour autant qu’on nous foute une étiquette de réacs ? Je ne sais pas… Si pour ne pas l’être, il fait tout trouver magnifique, alors tout est magnifique, ouais…

– « Apocalypto » contient beaucoup de titres forts, fédérateurs et vraiment impactants. On a presque l’impression d’écouter le ‘Best Of’ de 20 ans d’absence. C’est aussi ton sentiment ?

Ce n’est pas à moi de le dire, mais puisque tu le fais… (Sourires) Mais je trouve que c’est un excellent disque avec dix bonnes chansons. Il n’y a rien à jeter. J’en suis très fier et j’adore tous les morceaux. Pour avoir commencé à les répéter et en avoir joué quelques uns en festivals, je peux te dire qu’ils défoncent !

– En ce qui concerne l’écriture, tu pars plutôt d’un déroulé qui peut être assimilé à une histoire, ou est-ce que tu construis plutôt autour de punchlines, car ce n’est pas ce qui manque sur l’album ?

En fait, je prends titre par titre et chacun est une épreuve. Pour « Welcome To America », c’était presque miraculeux, parce que c’était comme si j’avais retrouvé une recette que je pensais avoir oublié. Une chanson de SILMARILS ne s’écrit pas comme une chanson Pop. C’est une alchimie, un mélange entre le Metal et le Hip-Hop, c’est-à-dire que ce ne sont pas des trucs forcément mélodiques. Chaque morceau est un combat et je souffre quand j’écris et quand je compose. D’abord avec la musique et une fois que c’est fait, il y a les paroles et ça recommence, c’est même encore pire ! Il n’y a donc pas de déroulé global, je l’ai fait titre par titre. Je me suis beaucoup écouté en termes de textes, en essayant de ne pas trop réfléchir. Au départ, je n’avais pas de thèmes précis, j’ai laissé parler les sentiments. J’ai essayé de capter ce qui m’entourait, de savoir quel était mon feeling, mes ressentis, mes frustrations, ma colère et d’en faire des chansons. Je me suis même dit que je n’avais jamais autant écrit au premier degré qu’ici et j’ai livré la matière aussi brute que possible. J’ai tout fait pour être compris et percutant.

– J’aimerais aussi qu’on évoque cet écart entre vos prestations live et studio. Pour vous avoir vu un nombre incalculable de fois en concert, ils sont toujours plus Rock et Metal, et moins Hip-Hop que les versions du disque. C’est l’énergie de la scène qui donne ce résultat, ou est-ce que ce sont finalement deux exercices que vous aimez séparer ?

On ne se dit pas qu’on va faire des versions différentes. A 95%, les arrangements sont les mêmes que sur le disque. Si tu prends le premier album, c’est juste une captation live de SILMARILS. Il n’y avait pas un gros travail de production. Maintenant avec l’expérience, on a aussi un plaisir à façonner les shows, à avoir de la prod’, des grosses basses, des gros beats… Sur disque, j’ai aussi envie qu’on comprenne ce que je raconte. Après, sur scène, tu es aussi emporter par l’énergie du groupe et du public. Et c’est bien, tant mieux ! C’est vrai que l’expérience est différente.

– Je disais tout à l’heure qu’on vous retrouve comme si on ne vous avait jamais vraiment quitté et avec ce son, qui est la marque de fabrique de SILMARILS. Et « Apocalypto » est aussi passé entre les mains de Segal Huredia (Dr Dre, Eminem, Green Day, …). Il était votre premier choix ? Et lui avez-vous fait écouter vos anciens albums pour garder une certaine continuité dans l’approche et la dynamique, même s’il sonne résolument actuel ?

Non, pas du tout. Je ne sais pas s’il a fait un travail de son côté. On avait déjà travaillé ensemble sur d’autres projets qui n’avaient rien à voir avec SILMARILS. C’est aussi grâce à DJ Swift, notre DJ qui bosse à Los Angeles. Et puis, la façon dont on a fait le disque appelait aussi à ça, en termes de savoir-faire et de son. On a aussi travaillé sur les fréquences. On voulait beaucoup de volume et comme il a aussi œuvré dans le Rock, il cochait toutes cases, en fait. Il a fait du Rock, du Punk Rock et aussi du Metal, car il est proche de Deftones, House Of Pain, Everlast, Linkin Park et Cypress Hill aussi… Il sait tout faire finalement ! En écoutant les maquettes, il m’a dit qu’il n’y manquait que le ‘West Coast Sound’ et c’est ce qu’il nous a apporté. Un son qu’on retrouve aussi chez les Red Hot. Et puis, même si on chante en français et qu’on y tient, je pense que notre musique est aussi très inspirée des Etats-Unis. C’est intrinsèque pour eux et ça lui a paru normal qu’on finisse l’album chez eux. Il m’a dit que le disque devait être mixé en Californie, qu’il n’y avait pas le choix en fait… Et ça nous a fait marrer ! (Sourires) C’est vrai que de se retrouver aujourd’hui avec des mecs comme ça en studio est un rêve.

(David, B-Real & Segal Huredia)

– Un petit mot aussi sur le morceau « No Pain No Gain » avec B-Real de Cypress Hill. Si la surprise est de taille, elle est parfaitement en phase avec SILMARILS et le titre est l’un des moments forts de l’album. Comment se sont effectuées la rencontre et votre collaboration ? Et est-ce qu’on dirige et donne la voie à suivre à B-Real dans un studio ?

En fait, l’album est déjà fini et mixé. L’un d’entre-nous a pensé que ce sera bien d’avoir un featuring et on a tous réfléchi en se demandant qui est-ce qu’on kiffait le plus. On parlait déjà de Cypress Hill dans une chanson de « Vegas 76 ». Comme on était déjà allé à Los Angeles, on les avait vus jouer et on avait aussi croisé du monde de ce milieu. On savait également que Segal avait beaucoup bossé avec lui et qu’il le connaissait. Je lui en ai parlé en lui demandant de faire passer le morceau. J’ai fait une démo où je chante le premier couplet et je lui ai demandé que s’il pouvait écrire un truc pour le second, ce serait mortel ! Il m’a dit que B-Real était très occupé, qu’il produisait beaucoup, qu’il ne l’avait pas vu depuis un petit moment et que le groupe n’arrêtait pas de tourner.

Trois mois après, il me rappelle pour me dire qu’il n’avait rien, aucune réponse positive ou négative. Et début mars, je me lève un matin et je reçois un texto de Segal. C’était une capture d’écran de celui de B-Real. Il disait que c’était fait, qu’il avait déjà écrit le texte et qu’il était prêt à l’enregistrer dans quatre jours ! Ensuite, ça a été un peu le coup de speed pour gérer l’avion, l’hébergement, l’argent… On est parti à plusieurs et tant qu’à être là-bas, on s’est dit qu’on allait faire des images, donc on a pris des caméras. Et quatre jours après, on était en studio avec B-Real !

On s’est fait un petit barbecue mexicain ensemble avant, puisque c’était l’été. C’était vraiment en toute décontraction, entre potes. Il était très pressé, mais il a passé du temps avec nous. On a parlé du morceau bien sûr. Je lui ai demandé si ça lui plaisait et il m’a répondu qu’il ne serait pas là sinon. J’ai écouté ses paroles, j’ai traduit en français, car il était parti sur le même thème et j’ai tout fait d’une traite. Le plus impressionnant a été lorsqu’il a commencé à balancer le flow, car son texte est super fort. Il parle de ses parents, de ses origines. Et là, quand il envoie : tu as des frissons ! Même les Ricains et Segal nous ont dit : « Tu as du grand B-Real aujourd’hui ! ». Il crie avec ses tripes et surtout son flow et la performance ont emmené le morceau ailleurs.

C’était vraiment la cerise sur le gâteau, alors que l’album était fini ! Très belle expérience et beaucoup d’Américains présents, qui travaillent avec Dr Dre, nous ont dit qu’il ne s’était vraiment pas foutu de notre gueule ! Et encore une fois, ce n’est pas un feat pour un feat, il a emmené le morceau à un autre niveau et ça, c’est grâce à lui.

– J’aimerais qu’on dise un mot de « Tu Nous Mérites Pas », dont on comprend évidemment à qui il s’adresse. Je n’ai pas pu m’empêcher d’y voir un clin d’œil à « L’Homme Providentiel »  et « Tant Que Parle l’Economie » sur « Original Karma ». Depuis 1997, on a le sentiment que rien n’a changé et que c’est même de pire en pire et que plus c’est gros, plus ça passe… C’est ce que tu avais en tête en l’écrivant ?

C’est exactement le texto que j’ai envoyé à mon manageur il y a deux jours. Et c’est vrai aujourd’hui que plus c’est gros, plus ça passe… Et ça ne dérange plus personne, en fait. C’est quand même un truc de dingue ! « Tu Nous Mérites Pas » vient du fait qu’à un moment donné, on inverse la charge de la preuve. C’est-à-dire qu’on demande aux gens de prouver qu’ils ne sont pas coupables, alors que ça devrait être l’inverse. Et c’est pareil avec le pouvoir. J’ai le sentiment qu’il y a une liquéfaction totale. Avec Macron, on est arrivé à un summum managérial déshumanisé, cynique et ironique de banquier d’affaires. Et intrinsèquement, c’est ce qu’il est. En général, je n’aime pas trop parler de politique, car tout est dans mes textes. Mais, en gros, la vente à la découpe de la France a commencé sous Sarkozy. Hollande a déçu aussi, car l’homme qui lui murmurait à l’oreille était déjà Macron. Et il est arrivé en disant que c’était à nous de le mériter, et non le contraire. Et là, je me suis dit qu’on avait un gros problème ! (Sourires) On demande toujours aux mêmes de faire les efforts, alors qu’ils sont déjà sur la corde raide.

Et c’est vrai, pour en revenir à « Original Karma » qui date quand même de 1997, il y avait déjà « Tant Que Parle L’Economie » et « L’homme providentiel », … Lors des manifs contre la réforme des retraites, sur les camions de la CGT, ils les passaient. On m’avait envoyé une vidéo et j’ai halluciné. Alors il y a peut-être une forme de reconnaissance, c’est vrai, mais surtout on avait quand même mis dans le mille à l’époque. On pointait des choses, car nous ne sommes pas trop dans le jugement. On faisait des constats en chanson et avec le phrasé et les paroles en disant : vous voyez ça ? Et après cet album-là, tout s’est réalisé… en pire ! On avait mis des warnings, j’essaie de me dire ça. Et « Tu Nous Mérites Pas » est une façon de dire : ça suffit ! Il n’y a que juste une symbolique du pouvoir au final. Une ancienne prof de philo m’avait expliqué un jour que si tu enlèves les drapeaux sur la voiture présidentielle, il n’y a plus de symbolique du pouvoir et là, les gens le dévorent. Ils arrêtent la voiture et ils le mangent. C’est aussi ce que veut dire la chanson. A un moment donné, il va falloir arrêter de tirer sur la corde. Depuis sept ans, il y a un cynisme assumé et un tel mépris… Tu vois, là, on est encore à parler de ta question si les gens de droite peuvent aimer SILMARILS, ou pas ! (Sourires)

Un dernier mot au sujet de la production d’« Apocalypto », qui paraît sur votre propre label et qui sera distribué par PIAS. C’était une évidence, voire une nécessité, pour vous de le sortir vous-mêmes, et ainsi garder le contrôle de ce nouvel album de bout en bout ?

Vu le disque que l’on faisait en termes de format, mais aussi des paroles : on s’est dit qu’il ne pourrait pas avoir sa place en major. Déjà, parce qu’il n’y a plus de Rock en maison-de-disques. On ne signe plus d’artistes, mais on signe des marques. On fait du business avec ça. On rachète un groupe qui marche une fois qu’il tourne bien. Il y a aussi une histoire de cohérence par rapport au propos. On est assez grand, on sait le faire et on va y aller tout seul sans rien demander à personne. Et on ne nous fera pas chier pour une pochette comme cela nous est déjà arrivé. On y va, mais je ne te cache pas que je n’avais pas mesuré la charge de travail et financière que ça représente, si tu veux faire ça bien. Mais nous sommes super contents et très fiers.

Le nouvel album de SILMARILS, « Apocalypto », sortira le 27 septembre.

(Photos : Florent Schmidt, sauf 3 et 6)

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Devon Allman : son & brother [Interview]

C’est dans la torpeur de Miami que DEVON ALLMAN est allé enregistrer ce nouvel album solo, une production qui reflète d’ailleurs bien la chaleur de la ‘Magic City’. Le chanteur, guitariste et compositeur met de côté le Southern Rock dont il est un héritier direct pour élaborer un Blues plus langoureux et délicat. Pour autant, « Miami Moon » regorge de ces solos qui ont fait sa réputation et il semble littéralement se laisser guider par ces nouveaux morceaux. L’Américain aime surprendre et ce n’est peut-être pas l’album qu’on attendait de lui, tant il paraît loin de la fougue des réalisations du Allman Betts Band notamment. L’occasion de parler avec lui de l’ambiance diffusée ici, de ses sensations sur ce nouveau disque et du lieu symbolique de son enregistrement.

– Cela fait huit ans que l’on attend ce quatrième album solo. Cela dit, tu n’es pas resté inactif puisque tu as sorti deux disques avec Allman Betts Band. A quel moment as-tu ressenti le besoin de te remettre à la composition et à l’écriture ? A moins que ce soit des morceaux que tu avais déjà de côté depuis un moment ?

Une fois que The Allman Betts Band a décidé de faire une pause, j’étais impatient de retourner en tournée et d’enregistrer en tant qu’artiste solo. Je n’avais qu’une seule chanson prête à être jouée… l’instrumental « Sahara ». C’était amusant d’être dos au mur sans aucun autre matériel. Début 2022, j’étais en tournée avec Samantha Fish et mon guitariste Jackson Stokes et j’allais à l’arrière du bus pour écrire les chansons qui sont devenues « Miami Moon ». La seule chose que je voulais vraiment, c’était des chansons qui me donnent l’impression de passer un bon moment.

– D’ailleurs, « Miami Moon » dénote clairement d’avec les albums du Allman Betts Band, qui sont clairement inscrits dans la lignée de l’héritage laissé par vos pères respectifs. Avais-tu aussi besoin d’un changement d’ambiance, de laisser un temps le Southern Rock de côté pour quelque chose de plus Blues ?

J’avais déjà huit autres albums avant même que The Allman Betts Band ne se forme. J’ai donc toujours aimé montrer différentes facettes de mes goûts musicaux. J’aime toujours changer de style… du Blues au Rock, en passant par l’Americana et le R&B. Je m’ennuie facilement ! (Rires)

– Pourtant, tu n’as pas complètement coupé les ponts, puisque « Miami Moon » a été enregistré dans les studios Criteria où ton père a réalisé « Eat A Peach » avec Allman Brothers Band et où ton oncle Duane et Eric Clapton ont enregistré le célèbre « Layla ». J’imagine qu’il y avait une atmosphère assez spéciale. Justement, est-ce que tu y as trouvé une sorte de réconfort et de familiarité, ou plutôt un peu de pression ?

Les studios Criteria m’ont offert une atmosphère agréable pour travailler. Aucune pression du tout… Juste un groupe de musiciens fantastiques, qui donnent vie à des chansons. Cela signifie beaucoup pour moi de travailler dans un espace où ma famille et mes héros ont travaillé… c’est un honneur d’avoir travaillé là-bas.

– A priori, l’ambiance était plutôt à la détente, puisqu’on te retrouve dans un registre très Soul, Funky, un peu Pop et parfois aussi latino et sur un groove assez vintage de temps en temps. Il en ressort un album très chaleureux et passionné. Est-ce que tu aurais pu l’enregistrer ailleurs qu’à Miami pour obtenir cette ambiance, et est-ce que les saveurs de la ville t’ont aussi inspiré ?

Je pense que cette ambiance est en grande partie due aux excellents musiciens, mais oui, Miami elle-même s’est retrouvée dans le groove et les sensations de l’album. Je pense toujours que le lieu peut ajouter à l’art, c’est sûr. Mais ces musiciens ont tout simplement cartonné.

– La production est elle aussi très organique et on imagine facilement que tout a été enregistré sur bandes en analogique. Pourtant, « Miami Moon » dégage beaucoup de modernité dans les morceaux comme dans le son d’ailleurs. De quelle manière as-tu trouvé cet équilibre et quel est ton rôle au niveau de la production ?

Tom Hambridge et moi avons travaillé côte à côte sur trois projets jusqu’à présent. Nous avons tout gravé pendant l’enregistrement de départ sur des bandes analogiques, comme on le faisait pour les albums classiques. Il a supervisé le découpage de la bande et j’ai pris le relais avec Chris Turnbaugh, ingénieur du son à St. Louis, pour les overdubs, afin de réaliser les percussions, les chœurs, la section de cordes, les cuivres, les guitares et tous ces autres petites douceurs pour les oreilles. Tom a ensuite travaillé avec moi sur les voix à Nashville. J’étais satisfait du mélange de tout ce travail et je suis retourné à Nashville pour le mixage… tout cela a été un très long processus.

– En dehors de tes albums solos, tu as toujours accordé beaucoup d’importance aux collaborations et aux réalisations en groupe comme avec Royal Southern Brotherhood, Honeytribe et bien sûr Allman Betts band. Depuis « Turquoise » en 2013, considères-tu ces productions sous ton propre nom comme quelque chose de plus personnel, voire intime, à savoir un environnement dans lequel tu peux t’exprimer pleinement et plus librement ?

Oui, j’aime collaborer avec d’autres musiciens, comme le reflète ma discographie, mais faire les choses seul permet de s’épanouir davantage. Les autres groupes ont généralement un cadre et un son dans lesquels travailler… Le faire seul me permet d’aller au-delà.

– Durant ta carrière, tu as joué un peu partout et notamment en Europe avec même une collaboration assez longue avec Javier Vargas, que j’ai aussi eu le plaisir d’interviewer. Y a-t-il un aspect ou une approche sonore et musicale du Blues ici qu’on ne retrouve pas aux Etats-Unis et qui te séduit ?

Le Blues appartient à l’Amérique… Nous sommes un jeune pays, nous n’avons pas grand-chose à revendiquer, car l’Europe a beaucoup plus d’Histoire que l’Amérique… mais le Blues et le barbecue sont à nous ! (Rires)

– Parmi tous tes projets, Allman Betts Band est probablement le plus attrayant pour le grand public, car il perpétue une sorte de mythe à travers une transmission et une continuité familiale. « Bless Your Hearts » est sorti il y a quatre ans maintenant. Est-ce que vous avez déjà avec Duane un troisième album en tête, ou vos carrières solos respectives occupent toute votre attention pour l’instant ?

…Reste connecté ! (Sourires) – (J’aurais essayé ! – NDR)

– Pour conclure, j’aimerais que tu nous parles de la magnifique tournée d’Allman Betts Family Revival en fin d’année aux Etats-Unis. Le casting est exceptionnel et j’imagine que les setlist le seront tout autant. Tout d’abord, comment se prépare une telle réunion, et enfin peut-on espérer vous voir tous ensemble (ne serait-ce que toi en solo !) un jour en France ?

C’est une tournée très agréable et le plan directeur est quelque chose que j’ai pris de l’incroyable film-concert « The Last Waltz »… Allman Betts Band est notre groupe-maison et nos invités viennent célébrer le catalogue intemporel de mon père et du Allman Brothers Band. C’est comme une grande réunion de famille et c’est toujours tellement agréable de retrouver tout le monde et de jouer ensemble. Et là, je viens de jouer à Megève et j’ai également passé mes vacances avec ma femme à Saint-Tropez… J’attends toujours avec impatience mon retour en France !

L’album de DEVON ALLMAN, « Miami Moon », est disponible chez Create Records, le propre label du musicien.

Photo : Emma Delevante (2)

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Fred Chapellier : au naturel

Incontournable sur la scène Blues hexagonale, FRED CHAPELLIER revient dans un format qu’il affectionne tout particulièrement : le live. Envoûtant et instinctif, ce double-album fait la part belle à son dernier opus studio, enrobé de quelques covers. Grâce à un chant irrésistible et des cuivres en osmose, « Live In Paris » irradie de plaisir et magnifie le Blues du Messin. Une superbe plongée dans un lieu au diapason de l’artiste.

FRED CHAPELLIER

« Live In Paris »

(Dixiefrog)

Après le splendide « Straight To The Point » sorti il y a deux ans, FRED CHAPELLIER a repris le chemin des concerts en faisant un beau détour par le ‘Jazz Club Etoile’ de Paris. L’idée a été d’immortaliser la soirée, en prenant soin de ne mettre aucun de ses musiciens dans la confidence, histoire de capter toute la spontanéité et le naturel qui émanent de son Blues à la fois contemporain et intemporel. Et ce « Live In Paris », qui se déploie sur deux CD, retranscrit parfaitement la chaleur du moment et transmet le bel échange avec une salle, qui n’en perd pas une miette.

Et c’est donc son dernier album studio que le guitariste et chanteur a mis en avant, toujours entouré des mêmes musiciens, auxquels il faut ajouter une magnifique session cuivre, qui offre un lustre lumineux à l’ensemble. Michel Gaucher (saxophone), Eric Mula (trompette) et Pierre d’Angelo (saxophone) apportent un souffle Soul et Rythm’n Blues aux morceaux avec beaucoup de feeling, alternant les morceaux calmes et d’autres plus exaltés avec une fluidité incroyable. FRED CHAPELLIER et ses sept compagnons de scène libèrent une énergie enveloppante.

Fidèle à lui-même, le bluesman se fait plaisir à reprendre Roy Buchanan et Peter Green à qui il a d’ailleurs consacré deux albums (« A Tribute to Roy Buchanan » et « Fred Chapellier Plays Peter Green »). En totale liberté, le groupe enchaîne les titres, fait chanter son public et se livre aussi à quelques impros savoureuses, comme pour mieux faire durer le plaisir. FRED CHAPELLIER rayonne et offre de superbes solos, qui se fondent dans un répertoire taillé sur mesure auquel ce « Live In Paris » rend toute l’authenticité. On se retrouve totalement immergé au sein du club parisien pour un moment de grâce total.

Photo : Philip Ducap

Retrouvez la chronique de « Straight To The Point » :

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Metal Progressif

The Progressive Souls Collective : no reset

Deuxième partie du concept amorcé et développé par la tête pensante du projet, Florian Zepf, pour THE PROGRESSIVE SOULS COLLECTIVE. Cette réunion autour du Metal Progressif démarrée il y a quatre ans a trouvé ses repères, son ton et une patte qui le rendent désormais identifiable. Formé autour d’un line-up changeant, hormis son frontman, le collectif présente la suite de « Sonic Birth » avec « Sonic Rebirth », une production exceptionnelle, riche et d’une fluidité de chaque instant qui la rend assez unique.

THE PROGRESSIVE SOULS COLLECTIVE

« Sonic Rebirth »

(Metalville Records)

Lorsque que j’avais interviewé Florian Zepf, guitariste, compositeur et maître d’œuvre de THE PROGRESSIVE SOULS COLLECTIVE en 2020 à la sortie de « Sonic Birth », il m’avait confié qu’il ne s’agissait nullement d’un groupe, mais d’un projet dédié à l’amour de la musique progressive. Et pour mener à bien cette aventure, il avait réuni un casting international de haut vol, qui s’était vraiment investi dans la création d’un album très abouti et moderne. Et grâce à un savant mélange d’éléments numériques et organiques, le résultat était assez bluffant de vérité.

Pour « Sonic Rebirth », l’Américain continue sur cette belle lancée et il est toujours aussi bien entouré. A commencer par le chanteur Vladimir Lalic (Organized Chaos) qui est devenu bien plus que la simple signature vocale du collectif. Sont venus grossir les rangs : Megan Burtt (Gingerbomb), Jamie Powell et Simen Børven (Leprous), Gerald Peter (Jordan Rudess), Tim Korycki (Tomorrow’s Eve), ainsi que des membres de Special Providence et des musiciens d’Eric Clapton, Joe Cocker… THE PROGRESSIVE SOULS COLLECTIVE a donc encore fière allure, tout comme l’ensemble de ce nouvel opus.    

Les deux réalisations s’inscrivent dans un même concept et l’on reprend là où en était « Sonic Birth ». Toujours aussi affiné et élégant, le Metal Progressif du combo brille par la technicité de ses membres, mais pas seulement. Les mélodies sont accrocheuses, les thèmes très bien développés et les compositions de Florian Zepf montrent d’étonnantes facettes dans leurs structures. Si l’on pense parfois à Pain Of Salvation ou Haken, THE PROGRESSIVE SOULS COLLECTIVE s’étend dans un style très personnel et dans des ambiances très variées. Une nouvelle réussite.  

Le créateur du projet : Florian Zepf
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International Symphonic Metal

Blackbriar : la beauté de l’obscurité [Interview]

Très dark et avec un imaginaire souvent proche du gothique, BLACKBRIAR commence à faire parler de lui sur la scène européenne. Comme beaucoup de ses compatriotes, le quintet hollandais œuvre dans un Metal Symphonique où le tragique côtoie le féérique comme en témoigne ce deuxième album « A Dark Euphony ». Porté par une frontwoman inspirée, le groupe semble prêt à confirmer sa belle évolution. Zora Cock (chant) et René Boxem (batterie, composition) ont répondu à l’unisson à quelques questions. Entretien.

– BLACKBRIAR existe depuis plus d’une décennie maintenant et tout juste deux ans après « The Cause Of Shipwreck », vous sortez « A Dark Euphony ». Votre jeu a énormément évolué depuis vos débuts, alors quel regard portez-vous sur votre parcours avec le recul ?

Les premières années ont été consacrées à la recherche de notre propre son. Au départ, nous nous sommes inspirés du groupe Halestorm pour former BLACKBRIAR, et nous avons donc commencé par faire un style de musique assez différent, plus orienté vers le Hard Rock. Mais cela ne correspondait pas du tout à la voix de Zora. Tout a commencé lorsque nous avons décidé de changer les choses et de laisser Zora décider de la direction à prendre, puis avec l’écriture de choses dans lesquelles elle avait vraiment l’impression que sa voix pouvait atteindre son plein potentiel. Cela a donné le single « Until Eternity ». Dès lors, nous avons commencé à enfin sentir que nous allions dans la bonne direction et que nous pouvions continuer notre voyage. Ensuite, nous n’avons pas voulu attendre plus longtemps pour sortir d’autres morceaux. Nous avons commencé par des singles et des EP. C’est pour cette raison que notre premier album a pris du temps, nous devions d’abord construire les choses. Maintenant, nous pensons que tout s’est passé pour le mieux et nous avons même pu sortir le deuxième sur l’incroyable label Nuclear Blast Records !

– Vous avez, en effet, la particularité d’avoir sorti beaucoup de singles et d’EP avant d’enregistrer votre premier album. C’est assez atypique dans la démarche. Vous ne vous sentiez pas prêts, ou est-ce que ces formats correspondaient mieux à vos attentes de l’époque ?

Pour être tout à fait honnête, cela était principalement dû aux restrictions financières et au temps dont nous disposions en tant que groupe autoproduit. Ecrire, enregistrer et sortir un album complet coûte nettement plus cher que l’enregistrement d’un EP. Et nous n’avions pas les fonds à l’époque. Nous avons donc lentement construit notre premier album, au fil des années. Grâce à nos fans et nos followers, nous avons réussi à le sortir nous-mêmes en avril 2021 et nous leur en sommes extrêmement reconnaissants.

– « A Dark Euphony » est sorti il y a quelques semaines et il marque un grand bond en avant pour BLACKBRIAR. On a vraiment l’impression que vous prenez une nouvelle dimension artistiquement. C’est aussi votre sentiment ?

Vraiment, oui ! Il est important pour nous de conserver notre son et dans chaque chanson, y verser toute notre inspiration. Nous aimons donc penser que sur chaque nouveau morceau, il y a une nouvelle dimension, un nouveau monde et de nouveaux sentiments qui émergent.

– D’ailleurs, j’aimerais que vous me disiez un mot sur la pochette de l’album, qui est en noir et blanc dans un style souvent utilisé dans le Metal extrême. Et il y a ce titre avec le mot ‘Euphony’, qui paraît opposé et en contraste avec votre style ‘symphonique’… Vous vouliez jouer sur cette symbolique ?

Nous travaillons avec le même designer artistique, Alip, depuis le tout début, depuis la création du logo du groupe. Nous avons l’impression que les œuvres appartiennent à l’ensemble du monde BLACKBRIAR et nous voulons continuer dans ce style. On aime le contraste élevé, le style noir et blanc et tout ce qu’Alip fait pour nous. Nous avions l’impression que la pochette de « A Dark Euphony » convenait parfaitement à l’album, parce que nous pensons qu’il y a de la beauté dans l’obscurité. Et le titre vient en partie des paroles de l’une des chansons, « Cicada ».

– Ce nouvel album est très bien produit et bénéficie d’une réalisation ample et puissante. Dans quelles conditions et avec qui avez-vous travaillé, car le résultat est également  étonnant de fraîcheur ?

Notre processus d’écriture commence généralement avec Zora et ses paroles. Elle crée ensuite les mélodies et les lignes vocales. Elle enregistre a cappella et me les envoie. Je continue ensuite à créer la musique à partir de la voix. Et une fois qu’il y a une première version, nous l’apportons à notre producteur Joost van den Broek, avec qui nous travaillons depuis notre EP, « I’d Rather Burn ».

– Vous comptez ‘seulement’ deux albums à votre actif, mais déjà une longue expérience. Est-ce que sur « A Dark Euphony », vous avez pu mettre en place et réaliser des idées que vous aviez depuis longtemps, car on vous sent pleinement épanouis et très confiants ?

Pour nous, c’est un processus continu. Dès que nous terminons un album, nous commençons à écrire de nouvelles chansons. D’un point de vue créatif, nous faisons simplement ce qui nous vient sur le moment, en plongeant profondément dans la création de chaque chanson. C’est très spontané, donc on n’utilise pas tellement d’idées qu’on pourrait avoir depuis longtemps.

– A l’écoute de l’album, il y a aussi une chose qui s’impose comme une évidence, c’est la voix de Zora, qui est immédiatement identifiable et s’affirme avec beaucoup de caractère. Est-ce que c’est un aspect sur lequel vous avez tout particulièrement travaillé pour une mise en valeur plus forte ?

Zora a toujours été la pièce maîtresse de BLACKBRIAR, en tant que chanteuse principale, bien sûr, mais la musique tourne aussi entièrement autour de son écriture. Tous les instruments, les arrangements et l’orchestration soutiennent ses lignes vocales, afin que nous puissions pleinement embrasser et mettre en valeur ses idées.

– Enfin, le Metal Symphonique est un style qui se prête bien aux albums-concepts. Est-ce que vous y avez déjà pensé ? Et est-ce que c’est un exercice qui vous attire ?

Nous n’avons pas encore réalisé d’album-concept jusqu’à ce jour, c’est vrai. Zora aime écrire tout ce qui lui passe par la tête, en toute liberté, sans avoir à s’en tenir à quelque chose de précis. Elle m’a dit vouloir essayer, alors peut-être qu’un jour… Nous avons quelques chansons qui ont une sorte de lien les unes avec les autres, mais elles figurent sur des albums différents.

Le nouvel album de BLACKBRIAR, « A Dark Euphony », est disponible chez Nuclear Blast Records.

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International Rock Progressif

Eloy : dans les arcanes de l’Histoire [Interview]

La boucle est bouclée pour Frank Bornemann, guitariste, chanteur et compositeur d’ELOY. La trilogie autour de la vie de Jeanne d’Arc arrive donc à son terme avec le troisième volet de cette folle aventure avec « Echoes From The Past ». Faisant suite à « The Vision, The Sword And The Pyre Part I & II », ce nouvel opus se présente dans une ambiance légèrement différentes des précédents, puisqu’on y retrouve une touche très personnelle et propre au groupe allemand. Son leader nous en dit plus sur cette épopée musicale moyenâgeuse, et pourtant si actuelle dans le son et les morceaux.

– « Echoes From The Past » a une saveur un peu particulière, puisqu’il est non seulement le 20ème album studio d’ELOY, mais il est aussi le dernier volet de la ta trilogie consacrée à Jeanne d’Arc. Quel regard portes-tu sur cette carrière bien remplie ?

Etonné par sa durée, ému par la grande attention qui a été accordée à la musique d’ELOY, reconnaissant pour une si grande communauté de fans autour du globe qui m’a permis de faire cette carrière et d’être toujours en forme et en bonne santé.

– Ce nouvel album fait donc suite à « The Vision, The Sword And The Pyre Part I & II », une aventure débutée en 2017. Comment as-tu fait évoluer la narration dans un premier temps ? Et est-ce que cette trilogie a été écrite en une seule fois, ou au fur et à mesure ?

Dès le début, j’ai eu l’intention de créer une œuvre absolument authentique et historiquement correcte dans tous ses détails. Pour ce faire, j’ai consulté différents historiens, dont Régine Pernoud et Olivier Bouzy, le directeur du Centre Jeanne d’Arc à Orléans. C’est ainsi que je suis devenu un fin connaisseur de son histoire. Pour m’inspirer, j’ai visité de nombreux lieux où elle avait vécu et travaillé. Puis, j’ai commencé à travailler sur l’œuvre. J’ai d’abord cherché un titre intéressant et je l’ai trouvé avec « La vision, l’épée et le bûcher », et je me suis lancé. Comme il s’agit d’une œuvre très complexe, je l’ai divisée en deux albums et je me suis d’abord concentré sur le contenu du premier, qui est sorti en 2017 et a été très remarqué. Il a eu un grand succès et s’est placé dans plusieurs charts.

Encouragé par ce succès, j’ai immédiatement travaillé sur le deuxième volet, qui est sorti en 2019 et a également eu du succès en se classant aussi dans plusieurs charts. Au début, je n’avais pas pensé à un troisième album. Plus tard, je me suis rendu compte que le conteur, Jean de Metz, n’avait pratiquement rien dit de ses impressions, pensées, peurs et sentiments sur les deux albums. J’ai donc décidé de créer un troisième volet, dans lequel il serait le protagoniste des événements aux côtés de Jeanne d’Arc et refléterait les événements dans sa mémoire. C’est devenu un album très émotionnel que j’ai intitulé « Echos du passé ». Et l’album marche aussi très bien.

– Musicalement, de quelle manière es-tu parvenu à trouver cet équilibre, car les trois albums montrent une belle unité ?

Je ne sais pas. J’ai simplement composé, écrit des textes et je me suis mis dans la peau de Jean de Metz. Je me suis donc totalement identifié à lui. Je devais penser et ressentir comme lui, sinon cela n’aurait pas été possible. En ce qui concerne la musique, j’avais plus de liberté que dans les deux précédents. Ainsi, lors de la composition, des éléments typiques d’ELOY ont été introduits dans la musique, ce qui a probablement rappelé aux fans d’anciens albums. Pour moi, il était important que la musique s’accorde avec les deux premiers, malgré ses moments de force, de sensibilité et d’émotion variables. L’accueil positif réservé à « Echoes From The Past » me montre que j’ai probablement réussi à terminer la trilogie sur une bonne note.

– Ta fascination et ton admiration pour Jeanne d’Arc ne sont pas récentes, car tu avais déjà composé les morceaux « Jeanne d’Arc » en 1992 et « Company Of Angels » en 1994. Est-ce qu’à l’époque, tu avais déjà imaginé créer une telle épopée musicale ?

Oui, j’y pensais déjà lorsque j’ai composé le premier titre sur le thème de Jeanne d’Arc en 1990. Mais c’était trop tôt pour une grande œuvre conceptuelle, car je n’avais pas le temps et la tranquillité nécessaires à l’époque pour composer et produire un tel opus. C’est pourquoi nous en sommes restés sur une seule chanson. « Company of Angels », en 1984, était prévu pour un film américain, mais il n’a jamais vu le jour. J’ai donc placé ce titre sur l’album « The Tides Return Forever ». Ensuite, j’ai eu une période très chargée, avec de nombreuses productions dans mon studio, et je n’ai pas eu le temps de m’attaquer à une œuvre aussi importante. Ce n’est que bien plus tard que j’ai eu l’occasion de réaliser ce rêve.

– « Echoes From The Past » semble t’avoir pris plus de temps, puisqu’il n’y avait que deux ans entre les deux premiers albums. Cela est-il dû au Covid, ou l’album t’a-t-il demandé plus de travail ?

Oui, le problème a en effet été le Covid. Les musiciens et les ingénieurs du son étaient constamment absents. La production de cet album a été très éprouvante. Je suis d’autant plus heureux de ce succès.

– Comment pour les deux précédents, Jean de Metz, compagnon d’armes de Jeanne d’Arc, est le protagoniste principal de l’histoire. Tu n’as pas été tenté de faire parler ton héroïne cette fois ?

Non, car cet album était dédié à Jean de Metz et à ses pensées et sentiments. Jeanne s’exprimait déjà sur « The Vision, the Sword & the Pyre Part 1 » avec la voix d’Alice Merton.

– Musicalement, ton Rock Progressif sonne très moderne aussi, tout en conservant ce côté intemporel propre à ELOY. Est-ce que le changement de line-up sur « Echoes From The Past » t’a également apporté un nouvel élan dans le jeu, la production et peut-être même dans la composition ?

Il n’y a pas eu de changement de casting, mais seulement des absences. Pendant la période de production, j’étais très souvent seul dans le studio. Les deux claviéristes, Hannes Folberth et Michael Gerlach, n’étaient pas là, et Steve Mann n’a pu participer aux claviers que pendant une période limitée, car il devait faire des tournées aux Etats-Unis, au Japon et en Angleterre en tant que guitariste. Au cours de la production, j’ai donc été très souvent seul en studio et je n’avais que sporadiquement des musiciens invités, auxquels j’expliquais ce qu’ils devaient jouer. Il n’y a eu aucun problème pour la basse et la batterie. Matze et Stephan ont apporté de superbes accents, qui ont donné un profil supplémentaire à l’album. Néanmoins, c’était une production épuisante et souvent solitaire pour moi, et finalement, j’ai dû mixer toute la musique et créer un pré-master.

– Ce qui est assez incroyable avec ELOY, c’est que tu as abordé des registres allant du Hard Rock au Space Rock en passant par le Krautrock, le Symphonique et bien sûr le Progressif. Pourtant, le style et le son du groupe sont immédiatement identifiables. Est-ce que c’est parce tu es le détenteur de cette identité depuis le début et que, finalement, ELOY ne pourrait pas continuer sans toi ?

Ce que tu supposes est vrai. J’ai effectivement fondé le groupe, j’ai fortement influencé son style par mes compositions et mon travail de production. J’ai également navigué à travers tous les changements de line-up. J’ai toujours tenu à ce que le groupe conserve son identité, et les fans m’ont largement récompensé pour cela.

– Enfin, lors de notre dernière interview, tu me disais que tu ne souhaitais pas faire de concerts autour de cette trilogie, mais un spectacle musical interprété par des artistes français. Où en est le projet aujourd’hui ?

Il est de facto impossible d’interpréter une telle œuvre uniquement avec une formation de groupe sous forme de concert avec de grands chœurs et des scénarios orchestraux. Dès le début, j’ai eu l’idée et l’intention de présenter « The Vision, the Sword and the Pyre » (sans « Echoes From The Part » et d’abord en France) comme un spectacle musical, à savoir un mélange de théâtre et de musique. Tous les dialogues et les paroles qui mènent l’action doivent provenir d’une troupe de comédiens français, qui se produisent sur scène. Les textes doivent bien sûr encore être écrits. Pour cela, je vais bientôt travailler avec un écrivain français. Il n’y aura pas de dialogues chantés, comme c’est le cas pour les comédies musicales. Si des représentations ont lieu à un moment ou à un autre dans d’autres pays, les textes parlés seront interprétés dans la langue du pays par une troupe de théâtre locale. Tu vois, le chemin à parcourir reste encore long et il n’est pas du tout certain que nous y parvenions. Croisons les doigts !

Le dernier album d’ELOY, « Echoes From The Past », est disponible chez Drakkar Entertainment.

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Classic Hard Rock France Hard 70's Progressif

Messaline : avec révérence [Interview]

Faisant une petite entorse à son Heavy Metal de prédilection pour s’orienter vers un Classic Rock très Hard, MESSALINE a voulu se faire plaisir en posant un regard sur ses influences premières et fondatrices. Du line-up originel, Eric Martelat est le seul rescapé et c’est d’ailleurs peut-être aussi ce qui l’a motivé à réaliser cette sorte d’introspection musicale. C’est désormais entouré de nouveaux musiciens que le chanteur et fondateur du groupe présente « Vieux Démons », un album-concept d’une grande richesse et où il multiplie les clins d’œil. Entretien.  

Photo : Jean-Denis Izou

– « Vieux Démons » est votre sixième album et peut-même le plus déroutant pour qui n’aurait pas les références. C’est une belle aventure qui se joue dans années 70, mais pas seulement. Comment est-ce que tu en ferais la présentation ?

C’est exactement ça. On a voulu faire un album-concept, mais pas au sens où une histoire serait développée sur tous les morceaux. Son titre indique déjà qu’il s’agit plus d’un album référence et révérence aux grands anciens. On replonge dans les années 70. Au départ, MESSALINE était plutôt un groupe qui jouait du Heavy Metal avec des touches 80’s. Avec « Vieux Démons », on est plus dans le Hard Rock et les années 70. C’est aussi du à l’arrivée de nouveaux musiciens dans le groupe, dont Mathieu Gilbert, notre guitariste. On s’est retrouvé sur cet amour de cette musique, qui nous nourrit depuis longtemps. Au début, au moment de l’écriture, c’était assez inconscient mais nous avons vite décidé de mettre des références à nos groupes de jeunesse comme Santana, Hendrix, Cream, Led Zep… Ca peut en effet dérouter ceux qui ne connaissent que nos premiers albums

– L’album s’inscrit clairement dans un Classic Rock aux touches Hard Rock et dans un esprit Rock français assumé. Si je comprends, pour ma part, votre démarche : à quel public MESSALINE s’adresse-t-il directement ?

Nous faisons avant tout de la musique pour nous faire plaisir. Comme nous sommes des quinquagénaires, cela s’adresse peut-être plus à des gens qui écoutent de la musique depuis 30/40 ans. Après, il y a actuellement un côté revival et c’est vrai que j’aime bien ça. Beaucoup de gens ne jurent que par le vinyle, alors pourquoi les jeunes d’aujourd’hui ne miseraient-ils pas sur un groupe aux couleurs 70’s ? Et puis, lorsque nous faisons un album, on n’a pas en tête toutes ces préoccupations marketing. On s’en fout complet ! (Rires) Finalement, c’est notre disque le plus accessible et beaucoup de gens peuvent s’y retrouver.

Photo : Jean-Denis Izou

– Au-delà des influences, ou plutôt même de courants musicaux parcourus, les textes sont aussi d’une grande originalité, puisque vous êtes presque les seuls en France à aborder de tels sujets. On a même l’impression qu’ils sont le prétexte à un divertissement très joyeux. C’est aussi comme ça que vous le voyez et surtout que vous le concevez ?

Oui, complètement ! C’est vrai que la particularité de MESSALINE réside dans ses textes en français, qui sont d’ailleurs un peu ma chasse gardée. Je ne chante d’ailleurs que mes textes, car j’ai besoin qu’ils viennent de moi pour mieux les vivre et aussi les adapter à la musique. Les thèmes abordés sont assez larges. Si l’époque ne se prête pas forcément à beaucoup de joie, je garde en moi ce côté joyeux et humoristique. Même sur des textes sombres, j’essaie toujours de glisser un petit jeu de mot, par exemple, pour désintellectualiser la chose et apporter un peu de légèreté aussi. Mes deux grandes influences au niveau de l’écriture sont Christian Décamps et Thiefaine, qui représentent pour moi les deux faces d’une même pièce.

– L’album contient des morceaux super-efficaces comme « Les 3 Stryges », « Black Shaman » ou « Je Voulais Te Dire », qui sont vraiment la marque de fabrique de MESSALINE, votre touche. On y perçoit une réelle alchimie entre vous. Comment naissent vos morceaux ? Vous partez du texte, ou est-ce qu’il arrive en second suivant l’univers du titre ?

En fait, on a deux méthodes pour composer. On essaie d’être efficace sur les refrains et les mélodies. Nous sommes un peu des chansonniers, en fait, et je l’assume complètement. Alors, soit j’ai une mélodie en tête et je l’envoie à Mathieu, soit c’est lui qui m’envoie ce qu’il compose à la guitare sèche. Ensuite, on discute beaucoup, on structure les morceaux minutieusement. Et puis, Mathieu est un vrai boulimique de musique et j’écris aussi beaucoup de mon côté. On fait le tri et on avance comme ça. Toute la base des morceaux est acoustique et on construit ensuite autour. On part du principe que si une simple guitare sèche et du chant sonnent, ça sonnera tout le temps ! Et ça nous permet de varier les plaisirs en faisant des shows-cases, par exemple, où l’on s’aperçoit que ça fonctionne. 

Photo : Jean-Denis Izou

– Et il y a aussi ces deux « Marque Page » (« Antiqua » et « Daeomina »). Est-ce que tu peux nous en dire un peu plus et nous expliquer leur signification ?

On voulait des respirations. On a beaucoup réfléchi à l’ordre des morceaux et à leur structure au sein-même du disque. Même si beaucoup de gens écoutent les titres individuellement sur les plateformes, on voulait aussi garder ce format de 45 minutes, où on se pose pour écouter l’album d’une traite. Et pour que tout s’enchaine bien, on a trouvé intéressant de faire ces pauses musicales. Ca repose l’oreille tout en apportant d’autres mélodies. On voulait un lien encore plus naturel entre les morceaux.

– On connait l’amitié qui vous lie au groupe Ange, et d’ailleurs vous reprenez « Par Les Fils De Mandrin », qui est réarrangé pour l’occasion. Quelle était l’intention ? C’est un morceau qui vous suit depuis longtemps, ou c’est une sorte d’hommage ?

Oui, c’est un hommage à Christian Décamps que je connais maintenant depuis une trentaine d’années. C’est un ami très proche. Nous avons eu la chance de faire souvent leurs premières parties, et nous sommes proches musicalement sur beaucoup d’aspects dont l’écriture. On n’avait jamais eu l’occasion de reprendre l’une de leurs chansons, que ce soit en concert ou en studio et je trouvais que c’était bien de boucler la boucle de cette façon. Et pour m’en libérer complètement, il me fallait aller aussi aller jusqu’au bout. Comme « Vieux Démons » est un album référence et révérence aux anciens, c’était le bon moment. Nous n’avons pas non plus voulu faire une reprise pour faire une reprise. On voulait aller un peu plus loin. Dans le morceau, on a intégré d’autres titres d’Ange et d’ailleurs Mathieu a fait un gros travail là-dessus. On retrouve entre autre un titre de 1970 qui s’appelle « Messaline » et dont les enregistrements sont d’ailleurs très rares. « Par Les Fils De Mandrin » est presque un medley finalement et les musiciens d’Ange ont apprécié le fait que l’on ne cantonne pas à une simple reprise et Christian m’a même dit que nous avions fait du MESSALINE, ce qui est un grand compliment pour nous.

– L’album comprend aussi « Le Jardin Des Délices », un clin d’œil, ou encore un hommage, au peintre flamand néerlandais Jérôme Bosch (autour de 1450-1516). On est assez loin de l’univers de MESSALINE et pourtant il s’intègre parfaitement à « Vieux Démons ». D’où vous est venue cette idée ?

On voulait un morceau très acoustique, fait d’arpèges et dans l’esprit du Led Zep « III ». Le déclic est venu du fait que c’est un morceau assez bucolique avec un côté très nature, comme le lieu où Led Zep a enregistré son album à l’époque (au Pays de Galles, au Rockfield Studios – NDR). Pour le texte, cela a été une association d’idée. Et comme je suis plasticien, enseignant en art appliqué et dessinateur, l’art fait partie de ma culture. Et j’avais aussi lu un roman un peu ésotérique, qui parlait du « Jardin des Délices » de Jérôme Bosch.

Photo : Jean-Denis Izou

– Avant de parler d’« Orion Stargazer » qui est l’un des titres-phares de l’album, j’aimerais que tu nous dises un mot sur la pochette, qui est signée Stan W. Decker, dont on connait le travail pour Megadeth et Blue Öyster Cult notamment. Comment s’est faite la connexion avec MESSALINE, car il a très bien cerné l’état d’esprit et la démarche du groupe ?

En fait, je l’ai contacté dès qu’on a commencé à avancer sur les morceaux, car on sentait qu’on allait sortir une sorte d’album-concept basé sur les années 70. Pour aller au bout de l’idée, on s’est dit qu’il fallait une pochette peinte où on se mettrait en scène. Et au-delà de ça, on y trouve beaucoup de clins d’œil à Kiss et à Rainbow notamment et dans un esprit un peu ‘Renaissance’ pour la peinture. Ca m’a paru assez naturel de le contacter, et puis c’était aussi l’occasion de passer un cap. Il connaissait notre univers un peu Prog avec des textes en français. Je lui ai fait un croquis détaillé de la pochette avec la mise en scène et il a réalisé un travail extraordinaire à partir de tous ces éléments. S’il y a des références musicales dans l’album, il y en a aussi énormément dans sa pochette car le visuel fait autant partie du concept que les morceaux. (L’album est bien sûr disponible en vinyle – NDR)

– Concluons donc avec « Orion Stargazer », où l’on retrouve du beau monde : Renaud Hanson (Satan Jokers), Tristan et Francis Décamps (Ange et Gens De La Lune), Jo Amore (ex-Nightwish, Kingcrown) et Pyt Theurillat (Galaad). J’imagine que ce sont tous des amis de MESSALINE. Comment les as-tu convaincu de tous participer au même morceau ?

En fait, on voulait réunir sur un même titre tous les copains avec qui on a partagé la scène. Et le fait que ce soit le dernier titre était assez rigolo aussi. C’était important pour moi d’avoir des invités qui ne soient pas des ‘pigistes’, mais des amis. J’ai juste envoyé un petit mail en expliquant l’idée de l’album et celle du titre. J’ai envoyé des voix témoins en disant qui je voyais sur tel couplet et en les laissant improviser sur le pont central. En 48h, tout le monde était d’accord. C’est également un vrai plaisir personnel d’avoir des musiciens de cette qualité pour ce dernier morceau. Chacun a envoyé ses bandes et comme je leur avais laissé la place d’improviser, on a pu mettre toutes les voix ensemble au mix. Et à l’écoute, on a vraiment l’impression qu’ils étaient tous dans la pièce au même moment. On est vraiment ravi !

L’album « Vieux Démons » de MESSALINE est disponible chez Brennus Music.

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Rock Progressif

Bjørn Riis : tellement humain

Avec trois EP et cinq albums sortis avec son groupe Airbag, le Norvégien est une valeur sûre et un artiste plus que reconnu dans son pays et bien au-delà. Son Rock Progressif continue de séduire au fil des réalisations, et c’est cette fois avec un quatrième opus solo, « Everything To Everyone », que BJØRN RIIS fait son retour après deux années bien ternes.

BJØRN RIIS

« Everything to Everyone »

(Karisma Records)

Très prolifique, le co-fondateur, guitariste et principal compositeur d’Airbag, BJØRN RIIS a mis à profit ces deux dernières années de vaches maigres pour écrire. En plus du dernier album de son groupe, « A Day At The Beach » et de son pendant acoustique, c’est en solo qu’il surgit cette fois avec « Everything To Everyone », où il se montre toujours aussi pertinent et inspiré.  

Touché par les deux ans de pandémie où Airbag n’a pas pu défendre son excellent dernier album, le Norvégien semble avoir marqué le coup. Même si cela ne semble pas avoir troublé son inépuisable esprit créatif, BJØRN RIIS présente avec « Everything To Everyone » un aspect plus sombre et mélancolique qu’à l’habitude. Pourtant entouré de guests de grand talent, l’émotion est palpable.

Les six compositions s’étalant sur 50 minutes, le musicien commence son album par l’instrumental « Run », qui annonce de longues parties musicales (« Lay Me Down », « Every Second Every Hour » et le génial morceau-titre). Accompagné de la même équipe de production, BJØRN RIIS livre son disque le plus intimiste et, même si l’on ne retrouve pas la luminosité qui le caractérise, on frôle encore l’excellence.

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Blues

Fred Chapellier : un Blues complice

Pour son nouvel album, le guitariste et chanteur FRED CHAPELLIER a mis les petits plats dans les grands avec douze titres envoûtants rondement exécutés par un casting d’exception. Enregistré, mixé et produit par le bluesman français, « Straight To The Point » présente un Blues contemporain d’où émane brillamment la touche de l’artiste. Du rythme et de la douceur.

FRED CHAPELLIER

« Straight To The Point »

(Dixiefrog/ Pias)

Dans notre bel hexagone, les grands guitaristes de Blues peuvent assez facilement se compter sur les doigts d’une seule main et FRED CHAPELLIER compte parmi eux, ça ne fait aucun doute. Et près de 20 ans après « Blues Evil », son premier album, le guitariste et chanteur semble plus que jamais au sommet de son art sur ce « Straight To The Point » aux multiples saveurs et au line-up éblouissant.

Pour son nouvel album, et après quelques escapades rapides sur « United Guitars », FRED CHAPELLIER a réuni quelques proches, qui se trouvent être aussi des cadors dans le domaine, à savoir Neal Black, Billy Price, Alain Rivet ou encore Jimmy Britton. Outre ces ‘guests’, Guillaume Destarac (batterie), Christophe Garreau (basse), Patrick Baldran et Jérémie Tepper (guitares) font tourner la boutique avec élégance.

« Straight To The Point » ronronne et la chaleureuse voix de FRED CHAPELLIER se fait une belle place aux côtés d’une guitare aussi virtuose que pleine de feeling (« Mother Earth », « I’d Rather Be Alone », « Remnants »). Pour autant, le Messin ne donne pas dans la démonstration, mais se met au service de morceaux superbement enveloppés d’une sublime session cuivre. Grande classe !

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Rock Progressif

Road Trip : sortie de route psychédélique et progressive

Présent depuis de nombreuses années dans le circuit musical anglais et plus précisément dans le petit monde du Rock Progressif, Dave Hulatt sort le premier album de son projet solo, ROAD TRIP. Producteur, compositeur et interprète de tous les instruments sur « Merry Go Round », le Britannique s’est créé un univers très personnel et sans frontière artistique.

ROAD TRIP

« Merry Go Round »

(Epictronic Records)

Musicien, songwriter et producteur chevronné, c’est pourtant son premier album sous le nom de ROAD TRIP que vient de sortir le Britannique et multi-instrumentiste Dave Hulatt. Après un EP « Sun Daze », sorti en 2015, et qui était surtout un pur projet solo, « Merry Go Round » montre un éventail bien plus large de l’univers progressif et constitué de rêveries du guitariste anglais.

Musicien de session, Dave Hulatt a joué aux côtés de Nick Turner et Dave Anderson d’Hawkwind, c’est donc assez naturellement que l’on retrouve une touche psychédélique sur ce premier opus. Mais le terrain de jeu de ROAD TRIP est bien plus complexe et riche qu’il n’y parait. Dans la tradition d’un Rock Progressif très british, les neufs titres naviguent entre Rock, Folk et Psych.

Dans la veine de Rush, de Led Zeppelin ou de Nick Drake, « Merry Go Round » montre toute l’étendue du savoir-faire de l’artiste au niveau du mix et de la production, mais aussi et surtout de son talent de compositeur et d’interprète (« Crack In Space », « Light Of Perfection », «  The Rabbit Hole Of Time »). ROAD TRIP propose un beau voyage à travers des sonorités captivantes et sensibles.