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Kyle Daniel : Southern flavors

Tout ici respire le sud des Etats-Unis. L’Alternative Country enrobée d’Americana, de Blues et de Rock rayonne et se diffuse avec évidence sur « Kentucky Gold », premier opus d’un KYLE DANIEL qui se pose déjà comme le futur songwriter incontournable de cette nouvelle génération Southern Rock, décidemment en pleine ébullition. Il a écumé les bars et les clubs et a appris les moindres détails qui font flamboyer l’âme de baroudeur qu’il affiche déjà. Modernes et avec une approche Old School raffinée, ces douze morceaux se savourent encore et encore.  

KYLE DANIEL

« Kentucky Gold »

(Snakefarm Records)

Comme l’indique le titre de son album, c’est bel et bien du Kentucky et plus précisément de Bowling Green qu’est originaire le talentueux KYLE DANIEL. Basé à Nashville depuis la pandémie, celui qui a été élevé en écoutant de la Country et du Southern Rock n’est donc pas dépaysé, même si son style se démarque franchement de sa nouvelle ville d’adoption. Après deux EPs en indépendant, un éponyme en 2018 et « What’s There To Say » l’année suivante, « Kentucky Gold » marque le franchissement d’une étape importante, le tout avec une maîtrise totale et un sens de la chanson captivant.  

Cela dit, KYLE DANIEL n’est pas totalement inconnu sur le circuit Blues, Country et plus largement Southern américain. Redoutable guitariste, il remporte le ‘Kentucky Blues Challenge’ à 17 ans, puis le très renommé ‘International Blues Challenge’ dans la foulée. Autant dire que le musicien sait parfaitement où il va, et en confiant la production à Jaren Johnston (The Cadillac Three), Brian Elmquist (The Lone Bellow) et au faiseur de hits canadien Mike Krompass, il s’assure une entrée en matière somptueuse pour un résultat qui l’est tout autant.

Torride, l’entame de « Kentucky Gold » s’inscrit dans la lignée classique du Rock Sudiste, musclée et fédératrice (« Can’t Hold Me Back »). KYLE DANIEL a aussi pris le soin de se rendre à Muscle Shoals, ce qui libère un côté Soul très authentique (« Me And My Old Man »). Puis, les surprises s’égrainent au fil du disque avec des duos de haut vol. On se régale de « Fire Me Up » avec Maggie Rose, de « Southern Sounds » avec Kendrell Marvel, de « Summer Down South » avec The Cadillac Three et enfin de « Everybody’s Talkin’ » avec Sarah Zimmerman. Epoustouflant !

(Photo : Jason Stolzfus)

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Manu Lanvin : l’histoire d’une amitié [Interview]

13 ans après sa disparition, la musique de Calvin Russell résonne toujours chez les amateurs de Blues aux saveurs Folk, Country et Rock. Ayant trouvé l’Eldorado en France dans les années 90/2000, le Texan n’a bien sûr pas manqué de créer de solides liens d’amitié, parmi lesquels on retrouve MANU LANVIN. Le leader des ‘Devil Blues’ avait d’ailleurs enregistré avec lui « Dawg Eat Dawg » en 2009, un moment fort dans sa carrière. Aujourd’hui, le chanteur et guitariste lui rend un magnifique hommage avec ce « Tribute », qui voit se succéder des artistes au horizon divers pour redonner vie à des chansons pour beaucoup inoubliables et dans tous les cas toujours très touchantes. Entretien avec ce ‘Frenchy’, qui redonne toutes ses lettres de noblesse au musicien d’Austin.

Photo : Tamara Pienko

– On connait la genèse de l’album qui date donc de ce concert donné il y a deux ans à ‘La Traverse’ de Cléon, près de Rouen. De là à vouloir ensuite réaliser un disque, il y a un pas à franchir. Quel a été le déclic ? Y a-t-il eu une demande particulière, ou cela reste personnel ?

Non, il n’y a eu aucune demande. Cela aurait d’ailleurs pu être orchestré par des maisons de disques ou des éditeurs, mais ce n’est pas le cas. Cela fait suite à ce concert, qui m’avait été demandé, à ‘La Traverse’ qui est une salle que j’aime beaucoup. Il y a une programmation  très qualitative avec beaucoup d’artistes anglo-saxons de Classic Rock, notamment, et de grands bluesmen. Ils m’ont demandé si je voulais faire revivre, le temps d’une soirée, la musique de Calvin Russell. J’ai accepté en leur disant que je souhaitais le faire avec des invités. On a la chance en France d’avoir des artistes très intéressants et qui sont américains. Ils sont donc plus légitimes pour défendre ce répertoire. Je pense à Neal Black, Beverly Joe Scott, qui est à côté en Belgique, Janet Martin… J’avais envie de personnes qui partagent ce langage-là et je voulais aussi que sa femme et sa belle-famille soit là et se sentent concernées. C’était une soirée très, très émotionnelle, en plus d’afficher complet. Il s’est passé quelque chose de très fort et c’est là que je me suis rendu compte que la musique de Calvin était encore inscrite dans le cœur des gens qui l’avaient connu. D’ailleurs, lors de mes concerts quand je vais au merchandising signé des albums, il n’y a pas une seule fois où on ne me parle pas de sa musique. Elle est toujours là et elle m’accompagne. Je trouvais que c’était un peu frustrant pour les gens qui n’avaient pas pu assister à ce concert-là de ne pas leur proposer une nouvelle lecture de certaines de ses œuvres. C’est donc ce que je me suis mis en tête de faire après ce concert. Je suis entré en studio avec mes musiciens, en reprenant d’ailleurs plus ou moins la même setlist qu’à ‘La Traverse’ et j’ai commencé mon petit casting dans ma tête.

– Tu avais un lien très fort et spécial avec Calvin Russell, qui était aussi un personnage atypique et attachant. Est-ce qu’il t’a fallu prendre un peu de recul lors de l’enregistrement pour mieux contrôler et canaliser ce flux d’émotion, ou au contraire l’immersion a-t-elle été totale ?

Je pense que le temps a joué en notre faveur. Je n’aurais pas pu faire cet album juste après sa disparition. Là, on a pu se détacher d’une forme d’emprise émotionnelle. Cela dit, bizarrement, cela m’est arrivé plusieurs fois pendant l’enregistrement. Juste à côté du studio ‘La Chocolaterie’, j’ai une petite maison de ville mitoyenne, où j’ai accueilli Calvin juste avant et pendant l’enregistrement de « Dawg Eat Dawg ». Ensuite, il y a eu la tournée et il dormait ici. Il y avait malgré tout son fantôme qui était là ! (Sourires) Il m’a d’ailleurs laissé quelques plumes qui sont toujours là, elles aussi. Ensuite, le travail est différent, car je suis le directeur artistique du projet. La question s’est donc posée de faire ou non du plagiat de Calvin Russell, ou est-ce qu’on allait essayer d’aller plus loin ? Ce qui était intéressant, c’était de moderniser certaines versions, de leur offrir une deuxième lecture et aussi de prendre certaines choses à contre-pied. Par exemple, personne ne s’attendait à ce que ce soit une femme (Beverly Joe Scott – NDR) qui chante « Crossroads », qui est le morceau emblématique de Calvin. Il fallait faire une sorte de passage de relais, car il a laissé un super catalogue. Il était très fort au niveau du songwriting et en me replongeant dans tout ça, j’ai retrouvé des trésors que je ne connaissais même pas à l’époque où je le côtoyais. Il y a vraiment des pépites ! Et les faire interpréter par d’autres artistes, c’est vraiment ça qui me plait dans ce genre d’hommage.

Photo : AFP

– La tracklist contient 14 chansons. Certaines s’imposaient comme bien sûr « Crossroads », « Trouble » ou « Soldier ». Pour les autres, comment s’est effectué le choix ? Certains artistes ont-ils proposé des morceaux qui les touchaient plus particulièrement, par exemple ?

En fait, je me suis beaucoup inspiré de la magie qui avait opérée à ‘La Traverse’. La tracklist n’a pas tellement bougé. Parfois, ce sont les circonstances qui décident. Il y a un équilibre avec des passages plus lents, d’autres plus Folk qu’on connait bien chez Calvin. Et puis, c’est aussi très Rock’n’Roll, car il avait vraiment ça en lui. Il aimait les morceaux avec de grosses guitares un peu sales, le Boogie aussi… Et c’est un aspect que je connais bien de lui, car j’ai eu la chance de l’accompagner sur scène. Il vibrait littéralement lorsque tu commençais à envoyer des décibels. J’aime aussi ce côté-là chez lui, ainsi que l’aspect très dépouillé, très acoustique, très intimiste et très introspectif finalement, tout comme des choses beaucoup plus brutes de décoffrage qui font bouger les gens. C’est ce que j’ai essayé de faire pour avoir cet équilibre sur l’album.

– Parlons des interprètes et d’abord des Américains qui, comme Calvin, ont aussi un lien très fort avec la France. C’est apparu comme une évidence dans le choix, car ils le connaissaient tous ?

Beaucoup de choses ont pesé dans la balance, en fait. J’ai d’abord trouvé ça intéressant que ce soient des amis de Calvin qui lui rendent hommage comme Beverly Joe Scott. Nous avions d’ailleurs donné son dernier concert ensemble dans le Sud, près de Manosque, sur les hauteurs. Elle était venue chanter le tout dernier morceau, « Ain’t Leaving Your Love », dont je me rappelle très bien, puisque c’était moi qui l’avait accueilli sur scène. C’était important pour moi qu’elle accepte de venir sur cet hommage. Pareil pour Popa Chubby, qui est un autre ‘exilé’ des Etats-Unis comme il le dit très bien. Ils auraient d’ailleurs tous voulu avoir la même carrière chez eux qu’ils ont eus en Europe, mais les circonstances ont fait que c’est ici que ça leur a souri. C’est ce qui s’est passé pour Calvin, qui a été ‘star’ sur le tard. Et contrairement à chez lui, c’est chez nous que ça a pris, et c’est exactement pareil pour Popa Chubby. C’est vrai aussi qu’on doit beaucoup à Patrick Mathé (fondateur du label New Rose – NDR), qui était un véritable découvreur de talents qui ne prenaient pas aux Etats-Unis et qu’il ramenait en France sur son label. Et ça fonctionnait plutôt pas mal. J’ai donc pris des gens qui le connaissaient et qui font aussi partie de mon réseau. Et puis, ça raconte une histoire. Si j’avais pris des artistes anglo-saxons, qui ne connaissaient pas l’histoire de Calvin, ça ne m’aurait pas paru intéressant pour cet hommage. Mais c’était aussi important d’avoir des gens qui ne connaissent pas forcément très bien son répertoire comme Théo Charaf, Craig Walker, Haylen et même Hugh Coltman. Et comme Calvin était une voix, il me fallait vraiment des chanteurs à voix. Je ne pouvais pas m’amuser avec des guignols ! (Rires) Il fallait que ce soit séduisant et il y ait certaines évidences aussi.

Manu Lanvin & Calvin Russell en 2009 – Photo :Eric Martin

– Pour rester sur la France, il y a aussi des choix chez les interprètes qui peuvent surprendre, car ils ne viennent pas directement de l’univers du Blues. Je pense bien sûr à CharElie Couture, Axel Bauer et à ton père Gérard. C’est une manière de dire que Calvin ne touchait pas seulement les amateurs de Blues ?

Oui, je pense. Ce serait dommage de le classer comme un artiste destiné à quelques ‘happy fews’ et aux ayatollahs du Blues. D’ailleurs, Calvin n’aimait pas le Blues plus que ça. Il avait fait sa propre recette avec ce mélange de Rock, de Folk et de Blues. Le plus important pour moi était d’avoir des personnalités et des grains de voix, et peu importe le style musical d’où ils viennent. Après, il y a quand même beaucoup de similitudes. Quant à mon père, il a écrit « 5m² ». Ils étaient amis et, même s’il vient du cinéma, c’est une chanson qui raconte beaucoup de choses. C’est l’histoire de Charlie Bauer (militant révolutionnaire d’extrême gauche et ancien complice de Jacques Mesrine – NDR) que mon père a rencontré quand il a été consulté pour le film sur Mesrine. On sait très bien les années de prison que Calvin a fait de son côté et il y avait donc une belle histoire qui s’écrivait en enregistrant ce « 5m² » ensemble.

– D’ailleurs, « 5m² » qui est chanté par ton père et toi, et « Soldier » par Axel Bauer, le sont en français. C’est assez inattendu. D’où l’idée est-elle venue de traduire le texte de Calvin ?

C’est vraiment Axel Bauer qui m’a soufflé cette idée. Je ne pensais pas enregistrer « Soldier » en français. Et puis, face à ce qu’il m’a balancé le lendemain, j’ai trouvé ça bien et je me suis dit que cela pouvait ouvrir l’album à d’autres gens sans s’enfermer et qu’il ne soit pas écouté uniquement par celles et ceux qui connaissent déjà Calvin. Cela peut aussi ouvrir la porte au public d’Axel Bauer, par exemple, qui pourrait peut-être s’intéresser à qui est derrière tout ça. Ca remet en lumière l’artiste, mais aussi le songwriter qu’il était.

Photo : Patrick Swirk

– L’album est donc très varié dans les ambiances avec même trois duos, ce qui le rend très collégial d’ailleurs. L’intention était-elle de dévoiler le plus possible l’univers de Calvin, qui était assez vaste, malgré certaines apparences ?

Oui, c’est ce que je pense avoir décodé chez lui. Il y a aussi tous les aspects de sa musique telle qu’elle était présentée. Je voulais être fidèle à ça, à ce côté collégial également qui apporte beaucoup de puissance à cet hommage quand tu as plusieurs interprètes qui échangent sur un titre. Cela dit, les chansons de Calvin ont déjà fait leur travail en termes d’émotion, bien avant cet album. On peut en récréer une autre, intacte, avec une nouvelle histoire, puisqu’elle est interprétée par plusieurs personnes. Je trouve que cela apporte une richesse de plus à l’album.

– Pour rester sur l’héritage laissé par Calvin Russell, ce qui me surprend vraiment, c’est de ne pas entendre souvent son nom revenir dans les influences de certains artistes, surtout américains d’ailleurs. Comment est-ce que tu l’expliques ? Il n’était pourtant pas si ‘confidentiel’ que ça…

Il l’était en tout cas aux Etats-Unis. J’allais souvent le voir là-bas à Austin. Quand je me baladais le soir sur la ‘5th Street’, on me demandait ce que faisait un Français ici. Quand je disais que je produisais et que j’étais le collaborateur artistique de Calvin Russell, on me répondait : ‘Ah oui, c’est le Texan qui fonctionne bien en France et en Europe !’. Ca s’arrêtait à ça. Il faisait quand même partie de cette communauté de musiciens des années 70/80 qui ne tournaient qu’à Austin, mais ça n’allait pas plus loin que les frontières de la ville. C’est vrai que c’est étonnant. Pour tout te dire, il y a une chose que j’ambitionne, ou que j’adorerai, c’est que l’histoire de cet album, qui fait lumière sur Calvin, puisse donner envie à la création d’un film ou d’un documentaire. On peut continuer l’histoire musicale d’un artiste après sa disparition. C’est peut-être jouable. J’ai beaucoup fait écouter l’album à des musiciens américains avec qui je travaille en ce moment. Ils sont sidérés et ils se demandent comment ils ont pu louper ça ! Et ils s’intéressent maintenant à l’original. Je ne suis qu’un relai avec ce disque. D’ailleurs, je pars jouer à New-York fin juillet et j’ai trois titres de Calvin dans ma setlist. Je continue à jouer sa musique dans son pays d’origine, qui ne le connait même pas. C’est insensé !

Nicolas ‘Nikko‘ Bonnière, Calvin Russell et Manu Lanvin en 2009 – Photo : Eric Martin

– Tu chantes également sur trois morceaux (« Wild Wild West », « Ain’t Leaving Your Love » en duo avec la chanteuse Haylen et « 5m² » avec Gérard). C’était important aussi pour toi d’interpréter tous ces titres de ce projet que tu portes depuis le début ?

Au début, mon équipe pensait que j’allais chanter tout l’album ! Comme l’idée était de faire un hommage, tout le monde avait imaginé que ce serait ‘Manu Lanvin chante Calvin Russell’. Pour moi, ça n’avait pas beaucoup de sens. A mon avis, plus il y a de participants, plus l’hommage est beau ! Et c’est ce qui m’a plu dans ce projet, que ce soit quelque chose de collectif. C’est ce qui me semblait intéressant. Pour l’anecdote, j’ai fait toutes les voix témoins des morceaux avant de les envoyer aux artistes. Quand Beverly Joe Scott a écouté « Crossroads », elle m’a dit que je devais le chanter, que c’était à moi de le faire ! Il y a eu une gentille petite bataille ! Il a fallu négocier ! (Rires)

– Un mot enfin au sujet de Popa Chubby qui livre d’ailleurs une version incroyable de ce « All We Got Is Rock And Roll », qui lui va si bien, et avec cette trompette quasi-cosmique et incroyable de Boney Fields. On le sait actuellement malade. Est-ce que tu as des nouvelles rassurantes sur son état de santé ?

On s’est vu récemment lors de son dernier Olympia (le 17 mars – NDR), où il m’a invité à monter sur scène avec lui pour un titre. Il répond moins depuis quelques temps, bien sûr. En tout cas, l’opération s’est bien passée. Maintenant, il faut que les résultats soient bons et que la convalescence aille bien aussi. Cela dit, Ted (son prénom – NDR) est très présent sur les réseaux sociaux et tant que je le vois poster des choses, je suis rassuré. Et puis, c’est un mec balaise. Il n’en donne peut-être pas l’impression avec ce poids imposant et sa béquille, mais c’est quelqu’un de très vif dans le regard. Il a malgré tout une énergie de dingue, il y a le feu chez lui dans les yeux et dans le regard. Il fait partie des guerriers et je pense qu’il va s’en sortir. J’ai toute foi. C’est quelqu’un qui a envie de vivre, il n’a pas envie de se laisser tomber. Ce n’est pas du tout le caractère de ce mec-là ! (Sourire)

« Tribute To Calvin Russell », orchestré par Manu Lanvin est disponible chez Gel Prod/Pias.

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Blues Blues Rock International Southern Blues

Susan Santos : sunny vibes [Interview]

La guitariste, chanteuse, compositrice et productrice SUSAN SANTOS a livré il y a quelques semaines son nouvel et sixième album, « Sonora ». Elle nous transporte au coeur du desert à travers huit titres à l’atmosphère plutôt Blues Rock, mais pas seulement. Mâtiné de divers courants allant de sonorités hispaniques et Southern, comme Country ou même Western, l’Espagnole fait preuve d’un éclectisme bluffant et d’une maîtrise totale avec une identité marquée. L’occasion de lui poser quelques questions au sujet de ce brûlant nouvel opus…   

Photo : Juan Pérez-Fajardo

– Le moins que l’on puisse dire est que « Sonora » est un album très solaire à de nombreux points de vue. Même s’il ne dénote pas de tes précédentes réalisations, est-ce que faire du désert le point central du disque est une envie que tu as eue avant même le processus de composition ?

C’est quelque chose qui s’est fait petit à petit, en fait. J’ai commencé à écrire des chansons sans intention précise, et au fur et à mesure du choix des morceaux, l’idée a émergé pour devenir finalement le fil rouge de l’album.

– D’ailleurs, tu l’as entièrement composé, paroles et musique, et tu l’as aussi coproduit avec Jose Nortes. Tout a été réalisé aux studios Black Betty à Madrid. C’était important d’être presque seule à chaque étape de « Sonora » pour en quelque sorte ‘centraliser’ les choses ?

Dès le départ, il était clair pour moi que je voulais faire les choses à ma manière, tout décider et participer à tout le processus, y compris le mixage et le mastering. L’enregistrer à Madrid était le plus pratique, puisque j’habite là. L’enregistrement s’est fait en quelques jours, mais avec les concerts, les voyages et les tournées, j’ai du attendre mon retour pour repartir en studio pour le mixage.

Photo : Juan Pérez-Fajardo

– Les morceaux de « Sonora » sont efficaces sans pour autant être épurés, loin de là. On t’entend jouer de la guitare électrique, baryton et acoustique, ainsi que du banjo et du thérémine. L’album est vraiment très riche, ainsi qu’au niveau des arrangements. Est-ce une chose sur laquelle tu t’es longuement penchée ?

Pas vraiment, la vérité est que tout s’est fait un peu à la volée. En fait, j’ai même écrit  des chansons et de nombreux arrangements en studio pendant que nous enregistrions. J’avais une totale liberté de décision et c’était vraiment très amusant ! C’est vrai que tout ça a aussi fait bouger beaucoup de choses pendant les journées d’enregistrement.

– Je disais que « Sonora » était musicalement très solaire dans son ensemble, à travers le thème du désert bien sûr, mais aussi musicalement. C’est la première fois que tu réalises ce qu’on pourra apparenter à un album-concept ?

Oui, c’est la première fois que je fais quelque chose comme ça. Comme je te le disais, je n’y ai pas pensé au début, lorsque je me suis décidée à enregistrer un album. J’ai commencé l’écriture des chansons et dès que j’en ai eu deux ou trois, c’est à ce moment-là que l’idée m’est venue et s’est imposée.

Photo : Juan Pérez-Fajardo

– Evidemment, la thématique et certaines sonorités hispaniques, et parfois Southern aussi, font penser à une bande originale de western. Est-ce un peu de cette manière que tu as conçu « Sonora » ?

Absolument ! J’aime beaucoup être au croisement de tous ces sons entre Rock, Blues, Country, Southern Rock et Western. Et l’environnement du désert est parfait pour encadrer et englober toutes ces ambiances.

– Un petit mot aussi sur le clip de « Hot Rod Lady », qui a été tourné à Joshua Tree. Pourquoi spécialement là-bas, même si on en a une petite idée ? On aurait aussi pu l’imaginer dans les Bardenas Reales… 

En fait, j’étais en tournée en Californie, lorsque je mixais l’album et on était très proche de Joshua Tree. Ca m’a semblé être l’endroit parfait pour le tournage du clip de la chanson.

– Depuis tes débuts, tu multiplies les styles de Blues et aucun ne te résiste. Y a-t-il cependant un registre qui a ta préférence et qui te ressemble le plus ?

Je suis très curieuse de tous les styles musicaux et beaucoup d’entre eux se marient facilement car, au final, ils ont tous la même source et les mêmes racines. J’aime toujours me renseigner en amont pour ensuite orienter les chansons vers d’autres ambiances. C’est à chaque fois un défi que j’aime beaucoup.

Photo : Juan Pérez-Fajardo

– Depuis quelques années, on voit de plus en plus de blueswomen mises enfin en lumière. Certains découvrent de grands talents, alors que la majorité d’entre-vous êtes là depuis un bon moment. Est-ce que tu penses aussi que cette reconnaissance est souvent un peu tardive ?

Oui, il nous faut se battre et progresser petit à petit. Pour le moment, je continue à faire ce que j’aime le plus, c’est-à-dire composer des chansons et les jouer en concert partout où c’est possible. Et oui, bien sûr que j’aimerais avoir bien plus de reconnaissance, évidemment.

– On l’a dit, tu navigues entre plusieurs styles, tous plus ou moins Rock d’ailleurs. Cela dit, ton propre son est très européen, malgré quelques touches américaines, notamment Southern. Est-ce qu’après toutes ces années et avec six albums à ton actif, il y a un désir en toi de t’imposer au pays du Blues, ou est-ce que les frontières ont déjà été franchies ?

J’ai beaucoup voyagé, mais pour le moment je me sens très bien ici en Espagne. J’y ai de bonnes relations avec beaucoup de monde et de bonnes collaborations également. Mais je n’exclus pas de vivre ailleurs à l’avenir. La vérité est que je joue déjà beaucoup en dehors de l’Espagne, car ici le circuit est assez restreint pour ce style de musique.

Le nouvel album de SUSAN SANTOS, « Sonora », est sorti et est disponible sur le site de l’artiste : https://www.susansantos.info/shop

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Americana Blues Rock Desert Rock

Freddy And The Phantoms : northern Americana

Avec une approche très cinématographique, FREEDDY AND THE PHANTOM nous conte ses histoires, ses réflexions et ses pensées sur des thématiques comme la liberté, la spiritualité et les nombreux désirs, plus ou moins coupables. Quoi de plus propice qu’un Blues Rock mélodique et sauvage, où l’Americana rencontre le Desert Rock pour ne faire qu’un ? Très modernes dans leurs compositions, les Danois parviennent sans mal à créer un univers particulier et « Heathen Gospels » se montre d’une incroyable variété.

FREDDY AND THE PHANTOMS

« Heathen Gospels »

(Target Group/SPV)

Ce sixième album de FREDDY AND THE PHANTOMS est une promesse, celle de partir à travers les grands espaces et l’on pense bien sûr irrémédiablement à des paysages américains. Pourtant, c’est du Danemark qu’est issue la formation. C’est même dans son propre studio situé sur la côte nord de l’île de Sealand, la principale du pays, qu’elle s’est engouffrée pour concocter ce « Heathen Gospels » aux saveurs multiples, mais dont les sonorités et les influences résonnent en écho à celles de grands noms. Bien digérées, il en ressort un style très personnel, peaufiné au fil du temps.

Ils le reconnaissent eux-mêmes, « Heathen Gospels » est le fruit d’un véritable travail collectif. Et lorsque vous disposez au sein du même du groupe trois guitaristes et que tout le monde se met au chant, il en résulte forcément une richesse musicale intense. Si l’on peut aisément ranger FREDDY AND THE PHANTOMS dans la grande famille du Blues, ce serait tout de même un peu réducteur. Les slides rayonnent, tout comme l’orgue Hammond, et il y a une touche de Desert Rock qui flotte dans l’air et qui lui donne même ce côté très Americana, porté par des textes très bien écrits.

Pour autant, la production est très européenne, ce qui n’est pas un défaut en soi, évidemment, et qui est d’ailleurs peut-être même la marque distinctive de FREDDY AND THE PHANTOMS dans cet univers très Yankee. On voyage ainsi dans un Blues Rock raffiné, très légèrement teinté de Country, de Classic Rock et dans une atmosphère souvent aride (« Heart Is A Highway », « Skeleton Man », « Blood », « Get High », « Tuesday’s Gone », « Times Files By »). Les Scandinaves réussissent le tour de force de nous embarquer dans leur Nord natal dans une atmosphère dépaysante et aventureuse.

Photo : Jacob Fox Maule
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Blues Country folk International

Sue Foley : une femme et sa guitare [Interview]

Si l’on connait le Blues Rock enflammé de SUE FOLEY, on connaît beaucoup moins sa passion pour l’Histoire de son instrument de prédilection : la guitare. Réputée pour son incroyable feeling, la guitariste et chanteuse est également une grande technicienne, qui n’hésite pas à s’aventurer dans d’autres registres que le sien. Avec « One Guitar Woman », son dernier album, la Canadienne présente un panel assez inattendu de styles qu’elle traverse avec maestria en rendant hommage aux pionnières de la six-corde. Entretien avec une musicienne complète, curieuse et qui aime l’aventure.

Photo : Todd V Wolfson

– Après le très Blues Rock « Pinky’s Blues », on te retrouve dans un registre très différent dans lequel on ne t’attendait d’ailleurs pas forcément. D’où t’es venue cette idée de rendre hommage aux femmes pionnières de la guitare ? Est-ce qu’il y a aussi eu un effet #metoo, qui t’a amené à imaginer cet album ?

C’est un album vraiment basé sur une inspiration et il n’y a aucun lien avec le mouvement #metoo. C’est juste une dédicace aux femmes qui m’ont ouvert la voie. Je travaille là-dessus depuis des années et j’essaie de maîtriser les styles de guitare spécifiques à chacune de ces héroïnes de la guitare.

Au départ, l’idée est née d’un processus d’entretiens avec d’autres guitaristes femmes pour un livre sur lequel je travaille. On est d’ailleurs encore un peu loin de sa sortie. Mais cet album est né de mon amour pour la musique traditionnelle et j’ai le sentiment de pouvoir incarner cet aspect des femmes pionnières, des styles et l’histoire de ces guitaristes. C’est un véritable travail et une démarche d’amour.

– L’idée de « One Guitar Woman » est de célébrer de grandes guitaristes et surtout de tous horizons. Que ce soit de la Country, de la Folk, du Blues bien sûr, mais aussi de la guitare classique ou du Flamenco, tu ne t’aies rien interdit. C’était important pour toi de parcourir un si large panel ?

Il s’est avéré que les femmes que j’étudiais appartenaient à des genres musicaux très divers. Cela m’a conduit vers différents domaines, notamment le classique et le flamenco. Je n’ai jamais rien sorti de tel auparavant, mais cela a été un excellent exercice pour élargir mon jeu de guitare et ma connaissance de la musique en général. Il y a tellement de grandes pionnières et elles ne sont pas toutes dans le Blues. Et cela a été pour moi une grande aventure musicalement.

Photo : Mark Abernathy

– En tant que blueswoman, tu aurais aussi pu te concentrer sur les femmes dans le Blues. Il n’y avait pas suffisamment de pionnières, selon toi ?

J’aime le processus d’apprentissage de différents styles de musique. Par exemple, j’ai vraiment apprécié apprendre cette paix qu’Ida Presti incarne (guitariste et compositrice française, 1924-1967 – NDR) et donc la guitare classique. Quelle extension de mon jeu ! Il y a plusieurs femmes dans le Blues qui auraient pu aussi m’intéresser, mais elle était la plus inattendue et, je pense, plus variée aussi musicalement. Cela m’a mis à rude épreuve en tant qu’artiste.

– Si l’on reste sur la présence des femmes dans le Blues, on s’aperçoit que vous êtes de plus en plus nombreuses depuis de longues années maintenant. Qu’est-ce qui a changé aujourd’hui ? C’est le niveau de jeu qui est meilleur ? Je n’ose croire que ce soit juste une question de mode, ou de glamour…

Ce n’est certainement pas une question de mode ou de glamour. Je crois sincèrement que le fait d’avoir eu Memphis Minnie and Blues dans les années 1930, en tant que lead-guitariste a ouvert la voie pour nous toutes. On peut dire ça pour le Blues comme dans la musique classique avec Ida Presti. Il y a beaucoup de musiciennes dans ces deux genres et ce depuis des décennies. Quand j’ai débuté dans le Blues, il y en avait déjà plusieurs et Bonnie Raitt est devenue une référence à cette époque, ce qui a vraiment ouvert les yeux des gens sur les femmes qui jouent de la guitare solo. Je crois aussi que dans le Blues, c’est une question de feeling. En fin de compte, tu ne peux pas faire semblant quand tu joues. Et les plus grands musiciens connaissent très bien la différence.

Photo : Todd V Wolfson

– D’ailleurs, quel regard portes-tu sur tes consœurs comme Ana Popovic, Samantha Fish, Susan Santos ou Susan Tedeschi pour ne citer qu’elles ? Comme pour toi, on ne porte plus un regard uniquement féminin sur leur jeu. C’est une belle reconnaissance, ou cela s’inscrit plus simplement dans l’ordre des choses ?

Les choses ont progressé au fil des années jusqu’à ce qu’il y ait de plus en plus de femmes à jouer de la guitare. Tu les vois tout le temps sur les réseaux sociaux maintenant. J’ai vu des jeunes filles adolescentes arriver. Certains d’entre-elles sont des musiciennes incroyables. C’est très excitant. Je félicite toutes mes consœurs du monde du Blues. Je sais que ce n’est pas facile et que tout le monde travaille très dur pour en faire son métier et rester sur la route. Alors, elles ont toutes mon infini respect et toute mon admiration.

– Revenons à « One Guitar Woman », qui traverse donc de nombreux styles, mais aussi plusieurs époques et différents pays. Est-ce que c’était important aussi de montrer une certaine évolution dans le temps, les cultures et leur technique ?

Je me suis principalement intéressée aux styles de guitare de ces pionnières de la guitare. Ce sont des femmes qui, selon moi, ont eu un impact énorme à la fois sur leur culture et sur le monde de la guitare. C’est principalement là-dessus que je me suis concentrée. Et j’ai aussi choisi des chansons que j’aime vraiment jouer, bien sûr.

Photo : Todd V Wolfson

– D’ailleurs, comment as-tu effectué le choix de ces 12 musiciennes et des morceaux ? Ce sont d’abord et surtout celles qui t’ont influencé d’une manière ou d’une autre ?

Certaines de ces chansons sont des standards, ou les chansons les plus connues de ces artistes comme « Freight Train » d’Elizabeth Cotten, par exemple. Et j’ai aussi choisi d’autres morceaux, parce que je sentais pouvoir vraiment les interpréter avec tout mon cœur, comme « My Journey To The Sky » de Sister Rosetta Tharpe.

– A travers tous ces styles musicaux, dans lequel as-tu pris le plus de plaisir ? On peut imaginer que c’est le Blues, voire la Country, au vue de ta discographie ?

J’adore jouer du Blues, bien sûr et j’aime aussi beaucoup jouer du fingerpicking piémontais (une technique issue du Blues du Piemont jouée sans médiator – NDR). Ce sont des styles que j’ai joués toute ma carrière. J’ai commencé à faire du picking à l’adolescence, donc je suis très à l’aise avec ça. Honnêtement, j’ai apprécié tous ces registres différents. Mais le Blues est certainement ma plus grande zone de confort.

Photo : Mark Abernathy

– Un mot aussi sur l’enregistrement qui est incroyablement limpide. Même si la production est assez épurée, j’imagine que cela ne facilite pas les choses entre des titres Folk, Country ou Flamenco. Y avait-il certains ‘codes’ à respecter au niveau des sonorités ou de l’intensité de ton jeu ?

J’ai fait appel ma dream-team, c’est-à-dire Mike Flanigin comme producteur et Chris Bell comme ingénieur du son. Ils sont vraiment étonnants. Ils ont tous les deux de très bonnes oreilles et se concentrent principalement sur l’obtention du meilleur son et de l’utilisation d’un excellent équipement. Et puis, quand nous avons masterisé l’album à Abbey Road à Londres, cela a vraiment été la cerise sur le gâteau. Il s’agit d’un disque de haute qualité (c’est-à-dire en HD – NRD) enregistré avec les meilleures personnes dans le meilleur cadre possible, puis masterisé dans l’un des meilleurs endroits au monde. Il est également mixé en son ‘Surround Dolby Atmos’. C’est vraiment incroyable. Je suis tellement fière de tous les membres de cette équipe.

– J’aimerais que tu m’expliques pour quelle raison tu as utilisé la même guitare pour tous les morceaux ? Tu aurais aussi pu adapter les instruments aux styles ? C’est un challenge que tu souhaitais aussi relever ?

Je m’attache souvent à une guitare. Je n’aime pas jouer avec beaucoup de guitares en concert, ou en studio. J’aime l’expérience de vraiment me connecter sur mon instrument. Et pour moi, cela signifie avoir une relation avec lui. Cette guitare est spéciale, je l’ai achetée moi-même à Paracho au Mexique, où j’ai rencontré son fabricant. C’était très spécial. Cet album montre la portée d’une guitare flamenco et comment elle s’adapte à différents styles de musique. Je pense qu’elle a fait du beau travail !

– On te connait comme étant une grande Dame du Blues. Est-ce qu’un album du même genre pourrait voir le jour avec des reprises de blueswomen de légende, et pourquoi pas des duos entre femmes ?

Ces choses pourraient toutes arriver dans le futur, bien sûr. J’ai encore de nombreux chapitres à ouvrir… (Sourires)

L’incroyable nouvel album de SUE FOLEY, « One Guitar Woman », est disponible chez Stony Plain Records.

Retrouvez également les chroniques de ses deux derniers albums, dont celui-ci :

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Blues Rock Country Folk/Americana

The Bacon Brothers : rootsy

Ils sont finalement quelques-uns, outre-Atlantique, à combiner musique et cinéma avec souvent d’ailleurs le même talent pour les deux arts. C’est le cas du comédien Kevin Bacon qui, depuis 30 ans, a formé avec son frère Michael THE BACON BROTHERS, un groupe plus qu’un tandem, où ils explorent ensemble les racines de la musique américaine avec beaucoup de fraîcheur et d’humour. Loin des habituels stéréotypes marketing de certains, « Ballad Of The Brothers » se montre au contraire très authentique et sincère.  

THE BACON BROTHERS

« Ballad Of The Brothers »

(Forty Below Records)

Assez peu de gens le savent dans notre beau pays, mais l’emblématique acteur Kevin Bacon est également chanteur et musicien, à l’instar d’ailleurs d’un certain Kiefer Sutherland, dont le style n’est pas si éloigné. Depuis 1995, il mène avec son frère Michael une belle carrière dans la musique sous le nom de THE BACON BROTHERS. Tous deux compositeurs, ils se promènent dans un registre très américain entre Rock, Folk, Country et Blues et « Ballad Of The Brothers » est déjà leur douzième album. Une ode à un style assez roots, également  plein de douceur.

La production de ce nouvel opus est classique, efficace et feutrée et n’est pas sans rappeler celles de la scène de Philadelphie et de certaines icônes du Classic Rock. Cela dit, elle colle parfaitement à l’univers des BACON BROTHERS et à leur balade musicale. Assez vintage dans l’ensemble, le son de cette nouvelle réalisation est enveloppant à souhait et l’équilibre trouvé par les deux frères ne manque pas de clins d’œil. S’ils se partagent le chant et les parties de guitares, un groupe redoutable de feeling et de groove les accompagne et les couleurs sont belles.

Il y a un petit côté 70’s dans la fratrie, mais « Ballad Of The Brothers » ne tombe pas pour autant dans une nostalgie exacerbée. Au contraire, entre chansons délicates et moments plus révélés, THE BACON BROTHERS balaie un large éventail, grâce à une interprétation où le piano côtoie les guitares et les cuivres et aussi et surtout où le violoncelle de l’aîné, Michael, libère une atmosphère très Americana sur plusieurs titres. Sans réellement se prendre au sérieux, le duo fait les choses très sérieusement et avec une passion plus que palpable. Vibrant et très convaincant.

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Blues Country folk

Sue Foley : interprète d’une sororité rayonnante

C’est par-delà le temps et le monde que SUE FOLEY a décidé de célébrer de grandes guitaristes, plus ou moins connues, mais qui ont marqué par leur talent, leur inspiration et leur technique la place et la présence des femmes dans des registres, où elles se faisaient bien trop discrètes. La songwriter a donc décidé d’emprunter leur chemin, du Mexique à la France en passant par les Etats-Unis, pour leur témoigner son respect et les faire aussi briller de la plus belle des manières. Une reconnaissance saisissante de beauté.

SUE FOLEY

« One Guitar Woman »

(Stony Plain Records)

Blueswoman (très) reconnue et accomplie, SUE FOLEY mène depuis trois décennies une carrière ponctuée de brillantes réalisations en solo, ainsi que de très belles collaborations. Humble et créative, c’est en effectuant des recherches sur ses consœurs pionnières de la guitare que lui est venue l’idée de cet album en forme d’hommage. A travers les époques et les styles, la Canadienne basée à Austin, Texas, remet en lumière ces femmes qui ont marqué l’histoire de son instrument de prédilection et dans une configuration franchement exceptionnelle.

SUE FOLEY ne se contente pas d’un simple tribute. Avec « One Guitar Woman », elle relève plusieurs défis, et non des moindres. Le premier a été d’enregistrer les 12 morceaux en acoustique et avec la même guitare : une flamenco à cordes en nylon, histoire de pouvoir monter en puissance à l’envie. Elle s’est aussi littéralement fondue dans la personnalité unique de ces musiciennes, tout comme dans leur registre. Et elle navigue avec la même habileté et le même feeling dans la Country, la Folk, le Classique, le Flamenco et bien sûr le Blues.

Somptueusement produit, « One Guitar Woman » traverse les chansons de Maybelle Carter, Elisabeth Cotten, Sister Rosetta Tharpe, la Française Ida Presti, Tejano Lydia Mendoza, Geeshie Wiley, Elvie Thomas… SUE FOLEY passe par toutes les ambiances et toutes les sonorités avec une rare authenticité et beaucoup de sincérité. Et si l’on trouve deux instrumentaux, il est impensable de ne pas saluer sa prestation vocale. Là encore, l’adaptation est remarquable et la justesse irréprochable. Grandes parmi les grandes, elle fait jamais autant partie de cette belle sororité.

Retrouvez aussi la chronique de son dernier album solo, « Pinky’s Blues » :

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Country folk Pop Rock

Sheryl Crow : she’s still the boss

Ce qu’il y a de rassurant avec SHERYL CROW, c’est qu’après une telle carrière, qui a fait d’elle une icone de la musique américaine, elle reste attachée à un style qui lui ressemble tellement et qui rassemble toujours. Country Rock, Pop Folk avec ce charmant zeste bluesy, elle reste authentique et ce même quand elle se retrouve produite par Mike Elizondo (Dr. Dre, Maroon 5), qui n’a pas saisi l’essence de l’artiste et qui l’enrobe de sonorités en plastique, façon centre commercial. Peu importe, on perçoit toujours cette spontanéité et cette personnalité attachante sur un « Evolution », qui mérite bien plus qu’une écoute.

SHERYL CROW

« Evolution »

(Big Machine Label Group)

Elle avait pourtant juré par ses grands dieux qu’on ne l’y reprendrait plus. Qu’enregistrer des disques était dorénavant de l’histoire ancienne pour elle, alors que le très bon « Threads » et sa voie lactée d’invités aussi nombreux que prestigieux venait tout juste de sortir. C’était en 2019. Seulement, se mettre sur pause alors qu’on est tout juste intronisé au légendaire ‘Rock And Roll Hall Of Fame’ l’an dernier a du paraître impossible et insurmontable pour une SHERYL CROW qui a encore des choses à dire, à chanter et à composer… et pas seulement à travers quelques singles distillés en streaming dans les méandres goulus du numérique.

Peut-être aussi que c’est un œil jeté à ses neuf Grammy Awards, qui l’a convaincu de reprendre sa guitare et de s’assoir au piano pour se mettre à l’écriture de ce onzième album ? Car, et c’est peu le dire, « Evolution » est un bon album, qui livre également son lot de surprises, plus ou moins bonnes, mais où l’on retrouve une compositrice toujours aussi sincère, authentique et dont les chansons demeurent aussi fluides et qu’accrocheuses. Pop avec toujours ce fond de Country Folk, le tout enveloppé d’un Soft Rock, SHERYL CROW fait ce qu’elle a toujours fait et en parfaite osmose avec son temps et son époque.

Ce qui peut surprendre à l’écoute d’« Evolution » dans son ensemble, c’est que, finalement, les singles sortis en amont n’en sont pas vraiment le reflet. Le très stonien « Alarm Clock » passe tout seul, le morceau-titre (avec Tom Morello !) est trop produit et froid et le distant « Digging In The Dirt » de et avec Peter Gabriel dénote du reste. Mais SHERYL CROW a suffisamment de métier pour livrer quelques pépites, dont elle a le secret (« Do It Again », « Love Life », « You Can’t Change The Weather », « Waiting In The Wings »). La chanteuse du Missouri garde le sens de la formule, avec des refrains entêtants, et se montre imparable.

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Southern Rock

Blackberry Smoke : une tradition intacte

Pionnier de cette nouvelle génération de formations Southern à s’être émancipée d’un certain public pour en conquérir d’autres, BLACKBERRY SMOKE prouve, s’il était encore nécessaire, qu’il est ce grand représentant d’une musique typiquement sudiste qui vit, bouillonne et rayonne dorénavant comme au temps des Lynyrd Skynyrd, Allman Brothers Band, 38 Special et autres Molly Hatchet. « Be Right Here » est entraînant, joyeux, électrique, brut et d’une ferveur aussi palpable que confiante. Une réussite totale !

BLACKBERRY SMOKE

« Be Right Here »

(3 Legged Records/Thirty Tigers)

Avec « Your Hear Georgia » en 2021, BLACKBERRY SMOKE avait laissé beaucoup de fans sur leur faim, tant la déception fut grande. Cela n’a pas remis en question la grande qualité de ses prestation scéniques et encore moins celle de sa discographie, mais cela avait dévoilé certaines limites créatives. Cela dit, on peut aussi se dire qu’il ne s’agissait que d’un simple coup de mou, comme cela arrive chez la majorité des groupes. Car « Be Right Here » vient remettre quelques pendules à l’heure, et avec la manière. Techniquement imparable, le groove et les mélodies sont au rendez-vous, au même titre que l’inspiration et le feeling.

BLACKBERRY SMOKE retrouve ici son Southern Rock, le vrai, celui qui est gorgé de Country, de Blues et d’Americana. Et ce retour à une authenticité dissoute sur le précédent album donne cette belle sensation de liberté retrouvée, cette légitimité qui fait la force des Américains et qui les a très justement désignés comme le renouveau du Rock Yankee, après des années 70 désormais lointaines. Etonnamment, même le producteur Dave Cobb (Chris Stapleton, Jason Isbell), grand habitué et faiseur de disques très mainstream, est parvenu à rendre au groupe, avec « Be Right Here », ce son live et spontané, qui le rend si identifiable.

Enregistré entre Nashville et Savannah en Georgie, ce huitième opus dégage une sincérité que cette apparente simplicité rend immédiatement positive. Au chant, Charlie Starr surfe sur un groove roots et enthousiaste et donne brillamment le change à Paul Jackson avec qui il forme un somptueux duo de guitaristes. De « Dig A Hole » à « Barefoot Angel”, en passant par « Don’t Mind If I Do », « Little Bit Crazy », « Like I Was Yesterday » ou les plus délicats « Other Side Of The Light », et « Whatchu Know Good », BLACKBERRY SMOKE n’a pas à se forcer pour exceller dans un registre qu’il incarne autant qu’il le respire… à pleins poumons !

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Folk/Americana

Colline Hill : gravir les émotions

Ce quatrième album de COLLINE HILL vient souligner toute la force d’une voix aussi légère que puissante, qui glisse avec harmonie dans un style qui va bien plus en profondeur que la simple Folk. En surface, la sobriété des chansons semble s’effacer derrière la narration. Or c’est justement cette belle complicité entre la guitare et le chant qui libère une lumière dans laquelle une certaine universalité du propos rejoint avec élégance notre quotidien. « In-Between » interroge et hypnotise avec beaucoup d’émotion.

COLLINE HILL

« In-Between »

(Hill & Lake Productions)

Elle aurait pu choisir l’art de la Gwerz de sa Bretagne natale, mais c’est vers l’Americana que COLLINE HILL s’est tournée pour conter ses histoires. Car dans ce style si spécifique à la culture américaine, le storytelling compte autant, sinon parfois plus, que la musique en elle-même. Majoritairement interprété en guitare/voix avec en héritage direct la Folk, la Country et le Blues, le registre va comme un gant à la chanteuse désormais installée en Belgique, après l’Irlande, un pays plus enclin à la culture musicale des Etats-Unis que la France.

Déjà présente et très bien mise en valeur sur « Shelter », son précédent mini-album sorti en 2019, c’est bel et bien la plume de COLLINE HILL qui nous guide. Soutenus par une guitare qui semble épurée de prime abord, ses textes nous transportent littéralement au cœur de cette Amérique oubliée et dont les récits résonnent tout au long de « In-Between ». La richesse de l’écriture réside justement dans cette apparente simplicité que seule l’Americana révèle au grand jour. Et la Morbihannaise en possède tous les codes.

Superbement réalisé par Géraldine Capart qui a parfaitement saisi l’univers et la musicalité de l’artiste, « In-Between » suit sur un chemin plein de poésie et si touchant de réalité. Parler d’authenticité ou de sincérité dans le chant et le jeu de COLLINE HILL est un doux euphémisme, tant la finesse et la délicatesse de sa voix captent toute l’attention (« What If », « Life’s A Ride », « Out Of The Blue », « Kate », « Mary Jane », « Winters »). Pourtant loin des Appalaches et du Midwest, la compositrice nous invite à un voyage dépaysant et si familier.