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Witchorious : dans les pages du grimoire [Interview]

WITCHORIOUS, c’est un trio composé d’Antoine Auclair (guitare) et des frère et sœur Paul (batterie) et Lucie (basse) Gaget, qui s’est forgé un univers Doom autant Metal que Rock et débordant à l’envie dans des atmosphères Stoner. En quelques années, les Franciliens ont su façonner un son et une identité très personnelle, au point de taper dans l’œil du label italien Argonauta Records. Antoine se fait porte-parole du groupe pour revenir sur ce premier album plus que réussi. Entretien.  

Photo : Cred Faallaway

– Avant de parler de ce premier album éponyme, j’aimerais que l’on revienne sur la création du groupe, qui est aussi une histoire de famille… Quel a été le déclic ?

On avait déjà joué ensemble avec Lucie, au sein de différents groupes. Au moment de créer ce nouveau projet, on a naturellement pensé à Paul pour nous rejoindre. On savait qu’il aurait beaucoup à apporter à ce nouveau projet de part ses influences et son jeu de batterie. Et puis, quand tu montes un groupe avec des gens, tu vas passer énormément de temps avec eux et ce n’est pas toujours pour rigoler, donc autant le faire avec des gens que tu aimes.

– WITCHORIOUS a vu le jour il y a cinq ans et vous aviez commencé par sortir un single avec les titres « 3 AM » et « Evil Creature ». Malheureusement, la pandémie a brisé ce premier élan. Quelle a été votre réaction à ce moment-là. Car, comme pour beaucoup, de nombreux espoirs et investissements se sont envolés…

On avait prévu d’enregistrer un EP au moment où le premier confinement est tombé. On a naturellement été déçu de devoir le repousser. Mais avec le recul, c’est ce qui nous a permis d’affirmer notre projet en travaillant davantage nos morceaux et notre identité. On en a profité pour travailler sur d’autres riffs, d’autres thèmes. C’était un moment très propice à la réflexion, notamment sur la vie avec cette ambiance de fin du monde, et de ce point de vue là, ça tombait plutôt bien. On a aussi évolué pendant ce temps, et donc on a intégré d’autres influences. Au final, l’album qu’on a produit ressemble vraiment à la proposition artistique qu’on rêvait de sortir, et je pense qu’il est beaucoup plus riche et abouti que le potentiel EP qu’on aurait pu sortir à la base. De toute façon on n’a pas eu le choix, il a fallu laisser faire le karma !

Photo : Brian Downie

– Après votre single, vous aviez donc en tête de sortir un EP de 5 titres. Finalement, vous avez revu vos ambitions à la hausse et décidé de vous lancer dans un album complet. Souvent, les groupes sortent des formats courts par manque de moyens, ou pour jauger leur following essentiellement. Cette étape ne vous a finalement pas paru nécessaire ?

C’est vrai qu’on s’est d’abord posé la question de ce qui serait le mieux stratégiquement : EP ou album ? En discutant avec les gens, les points de vue étaient tellement divergeants qu’on n’a pas trouvé de réponse, et comme chaque parcours est particulier, on a choisi de plutôt faire comme on le sentait. Avec cette histoire de pandémie, qui nous a donné un répit sur les répétitions et les enregistrements et donné beaucoup de temps pour écrire, c’est devenu limpide. Alors c’est vrai que ça a été un plus gros investissement, autant en efforts que financièrement, mais on ne regrette pas du tout. On adore écouter des albums où le propos peut être complètement développé, et on avait trop envie de faire un LP. Les conditions étaient réunies, alors on n’allait pas se priver.

– Ensuite, vous avez cherché un label, ce qui n’est jamais une mince affaire. Vous faites votre entrée sur le très bon label italien Argonauta Records, dont le catalogue est de grande qualité. Comment cette signature a-t-elle eu lieu et les avez-vous facilement convaincus ?

On trouvait le roster d’Argonauta excellent, il travaillait déjà avec quelques groupes français qu’on apprécie comme Conviction, Goatfather et Oaks. Au moment de chercher un label pour préparer la sortie de l’album, on l’a contacté et le projet l’a tout de suite emballé. On est très heureux de travailler avec Argonauta pour ce premier album. Gero, qui gère le label, est un passionné et il sait parfaitement nous conseiller.

Photo : Cred Faallaway

– J’aimerais que l’on parle de l’univers de WITCHORIOUS qui, forcément, tourne autour du personnage de la sorcière qui endosse d’ailleurs de multiples rôles. Est-ce que vous pensez que cela deviendra récurrent, ou voyez-vous plutôt « Witchorious » comme un album-concept ?

On ne voit pas vraiment ce premier album comme un album-concept, mais plutôt comme un recueil de morceaux présentant notre identité. On aime bien utiliser des métaphores dans nos textes et on trouvait intéressant de développer celle de la sorcière car, pour nous, c’est une figure à la fois rebelle et oppressée, qui effraie et fascine. Ce personnage de la sorcière est présent jusque dans le nom du groupe et fait fortement partie de notre identité, je pense qu’on continuera à la faire vivre par la suite. Et puis, c’est aussi un cliché dans le genre du Stoner Doom, et ça nous amuse beaucoup d’en jouer.

– Musicalement, votre Heavy Doom oscille entre Metal et Rock et j’y vois même un certain parallèle avec Candlemass et Avatarium. Est-ce que leur parcours et leur histoire commune et respective ont pu avoir une influence dans votre processus de création et d’exploration de ce vaste registre ?

Ce sont des groupes qu’on adore, et je trouve que le Doom d’Avatarium a un côté particulièrement grandiloquent, qui m’a toujours fasciné. Les deux font clairement partie des groupes qui ont influencé certains de nos morceaux, parce qu’ils ont exactement cette démarche d’un Doom qui reste très traditionnel dans les riffs et l’approche, mais avec des structures et des esthétiques qui apportent vraiment du renouveau. Le travail vocal incroyable d’Avatarium, le ton en permanence hanté de Candlemass, ce sont des sons qu’on a directement en tête quand on écrit, quand on cherche des modèles d’ambiance… We are bewitched !

Photo : Brian Downie

– L’une des particularités de WITCHORIOUS réside aussi dans le fait que vous soyez deux au chant et surtout qu’il y ait une voix féminine et une autre masculine. C’est quelque chose qui s’est imposé dès le début ? Sans compter que cela ouvre de nombreuses possibilités…

On a toujours apprécié ajouter des chœurs. Les deux voix, et mêmes les alternances entre voix chantées et criées, nous permettent de jouer sur les nuances. C’était important pour nous de mettre les deux voix en avant sur ce projet. Cela nous permet d’avoir deux présences en travaillant sur nos différents personnages. Et c’est quelque chose qu’on aimerait travailler davantage à l’avenir.

– Un petit mot aussi sur la production de « Witchorious », qui est puissante et équilibrée, ce qui est toujours une belle performance pour un premier album. Comment s’est déroulé l’enregistrement ?

On a enregistré l’album avec Francis Caste au studio Sainte-Marthe et on est vraiment très contents du résultat. Le travail en studio nous a permis d’affirmer notre son, notre identité, et Francis, qui avait très bien compris où nous voulions aller avec ce premier album, nous a parfaitement guidés. C’était un vrai plaisir de travailler avec lui, il nous a beaucoup apporté sur la définition des ambiances. Nos morceaux étaient déjà très matures, alors il nous a fait réfléchir à l’histoire globale qu’on voulait raconter, faire en sorte que les morceaux forment un tout cohérent. Il nous a fait gagner en efficacité en nous aiguillant pour renforcer certaines structures. Il y a aussi eu un gros travail sur l’identité sonore des instruments et des voix, sur lesquels on a vraiment pris le temps d’explorer. Le but était que ça sonne hanté.

Photo : Brian Downie

– Outre la qualité sonore, il se dégage beaucoup de maîtrise de vos morceaux. Vu le soin apporté aux arrangements et à la structure des titres, j’imagine que cela est dû à un travail minutieux et de longue haleine pour apporter aussi du renouveau à un style comme le Doom ?

Lorsqu’on a créé le groupe, l’idée était vraiment de faire un groupe de Doom. Si on ne peut pas nier leur influence, on ne voulait pas cloner Black Sabbath ou Monolord. Assez naturellement, d’autres influences sont venues se greffer à nos compositions. Un côté Stoner, mais aussi des influences plus modernes de post-Metal ou de Black Metal. On était aussi assez friand d’ajouter des voix et des guitares d’ambiance, des sons bizarres… On voulait vraiment garder le côté brut des morceaux joués sur scène en trio, en ajoutant un vernis de studio ensorcelé.

– Enfin, vous allez probablement partir sur la route défendre ce bel album. Avez-vous prévu une certaine scénographie, afin de restituer au mieux ses ambiances et ses atmosphères saisissantes ?

Oui bien sûr, on a déjà une quinzaine de dates de prévues et on travaille à rallonger la liste ! Pour l’instant, on a beaucoup travaillé sur la fluidité et l’efficacité du set, notre jeu de scène, comment on donne vie à nos personnages en étant le plus authentique possible. Et on essaie de rajouter des éléments au fur et à mesure. On a beaucoup d’idées qu’on voudrait tester sur les prochains mois.

Le premier album éponyme de WITCHORIOUS est disponible chez Argonauta Records.

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Slower : slayerized

Reprendre l’un des plus éminents membres du ‘Big Four’ californien avec la crème de la scène Stoner Doom, c’est l’ambition de Bob Balch de Fu Manchu accompagné de musiciens de Kylesa, Kyuss, Monolord et Lowrider. Sur des ambiances sombres et chargées, SLOWER présente sa vision d’un Slayer qui passe presqu’en mid-tempo et surtout qui se pare de voix féminines aériennes et vaporeuses, loin de la rage d’Araya et de sa bande. Le projet est ambitieux et le regard apporté sur ces cinq titres incontournables a de quoi dérouter par son approche, toute en décélération, mais non sans volume.

SLOWER

« Slower »

(Heavy Psych Sounds)

Si les fans de Slayer sont inconsolables depuis cette soirée du 30 novembre 2019, où le groupe donnait son dernier concert au Forum de Los Angeles, il se peut que l’EP de SLOWER leur apporte un peu de baume au cœur. A mi-chemin entre le Tribute et la cover, l’entreprise menée par Bob Balch a de quoi de surprendre, c’est vrai, mais aussi séduire à bien des égards. Le guitariste de Fu Manchu a décidé de réinterpréter cinq morceaux des rois du Thrash Metal dans des versions… très inédites. Loin des riffs acérés de Kerry King et de Jeff Hanneman, du chant rageur de Tom Araya et surtout des rythmiques de Dave Lombardo et de Paul Bostaph, « Slower » ne manque pourtant pas de sel.  

Il est donc question ici de Stoner et de Doom, ce qui est à l’opposé du style racé et véloce du quatuor de la Bay Area, donc pas la moindre trace de Thrash à l’horizon. Pour faire court, l’idée avec SLOWER est d’avancer dans un concept ‘slow and low’, à savoir lent et bas. Et pour mener à bien l’ensemble, Balch s’est entouré d’un super-groupe avec Amy Barrysmith (Year Of The Cobra) et Laura Pleasants (Kylesa) au chant, les bassistes Peder Bergstrand (Lowrider) et Scott Reeder (Kyuss), ainsi que le batteur Esben Willems (Monolord). Leurs reprises prennent une tournure lourde, épaisse et lancinante, tellement les structures ont été repensées et refaçonnées dans un climat Doom pesant.

Et les Américains ont choisi cinq titres parmi les plus emblématiques de Slayer : « War Ensemble », « The Antichrist », « Blood Red », « Dead Skin Mask » et « South Of Heaven ». Difficile de faire plus fédérateur… sur le papier en tout cas. Car dans les faits, les tempos sont très ralentis, même si une double grosse caisse se fait parfois délicatement entendre, et surtout, le chant exclusivement féminin donne une tout autre perspective. SLOWER s’éloigne à un tel point des versions originales qu’on peine même à les reconnaître. L’exercice est cependant très réussi, malgré la distance avec le modèle. Les thrashers de la première heure risquent de s’y perdre rapidement, tandis que les fans de Stoner Doom se régaleront.