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Metal Progressif

Virtual Symmetry : une précision d’orfèvre

De crescendos en accélérations haletantes, cette quatrième réalisation de VIRTUAL SYMMETRY atteint des sommets en termes de Metal Progressif. Grâce à un chanteur hors-norme et des partenaires qui avancent à l’unisson, on en oublierait presque la grande technicité à l’œuvre sur « Veils Of Illumination ». Les huit morceaux sont si fluides qu’il est impossible de s’y perdre, même s’ils affichent une bonne longueur. On reste plutôt captivé par tant d’émotion véhiculé de main de maître par une maîtrise de chaque instant. Une prouesse musicale qui célèbre un savoir-faire et un talent d’écriture rare.

VIRTUAL SYMMETRY

« Veils Of Illumination »

(Independant)

Fondé en 2009 par Valerio Æsir Villa, multi-instrumentiste qui tient ici la guitare, VIRTAL SYMMETRY a patienté jusqu’en 2016 et « Message From Eternity » pour faire son entrée sur la scène progressive européenne. Depuis ses débuts, le registre du combo italo-suisse ne cesse de repousser ses propres limites en termes de compositions. Il faut dire que son Metal se pare de très nombreuses influences, qui viennent autant du classique que du Heavy Metal, et avec une touche cinématographique très présente. Et c’est cela qui le rend inimitable dans les atmosphères déployées et la richesse des harmonies. Un véritable travail d’orfèvre.

Deux ans tout juste après son dernier album éponyme, le quintet présente « Veils Of Illumination », où il vient lever tous les doutes quant à une éventuelle panne d’inspiration. Bien au contraire, VIRTUAL SYMMETRY est au sommet de son art et s’il reste techniquement impressionnant, il n’a pas son pareil pour développer des mélodies accrocheuses. Accueillant Andrea Gianangeli à la batterie et Ruben Paganelli aux claviers, il semble plus affûté que jamais et l’entente entre les musiciens est, elle aussi, très palpable. Et mixé et masterisé par Simone Mularoni de DGM, la production est éclatante.

Malgré la complexité des morceaux et un travail sur les arrangements aussi conséquent que soigné, les nouveaux titres n’ont rien d’étouffants, là où tellement d’autres sont souvent pompeux. VIRTUAL SYMMETRY possède une vélocité et une dynamique, qui le propulsent dans un univers profond et lourd, mais aussi une énergie qui le rend vraiment imprévisible. Les riffs sont efficaces, la rythmique virevoltante, les claviers virtuoses et Marco Pastorino au chant passe d’une tonalité à l’autre presque naturellement. Imparable, on retiendra notamment « Eightfold Path » et ses enivrantes 20 minutes. Monumental !   

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Dark Gothic Death Mélodique Doom

Tethra : positive darkness

Sombre et élégant, « Withered Heart Standing » est certainement l’album le plus élaboré et abouti des Italiens. A la fois très soutenu et aérien, ce quatrième opus s’inscrit dans une lignée Death Doom classique que TETHRA a enrichi d’une voix féminine plus lumineuse, d’un saxo captivant et de touches de piano bien senties. Sous des traits légèrement gothiques, l’ensemble est introspectif et questionne sur la solitude et la perte dans un élan pourtant positif. Rappelant subtilement Katatonia ou Paradise lost, il est difficile de ne pas succomber.

TETHRA

« Withered Heart Standing »

(Meuse Music Records)

Entre mélancolie et colère, Doom et Death, le combo transalpin poursuit son chemin entrepris avec « Drown Into The Sea Of Life » en 2013. Plus de dix ans après son premier effort, TETHRA a considérablement enrichi son univers en accentuant l’aspect gothique dans un registre mélodique et narratif. Et c’est loin d’être la seule dualité à l’œuvre sur « Withered Heart Standing », par ailleurs remarquablement produit et à l’artwork soigné. Et le travail sur les arrangements le rend également très délicat à de nombreux égards.

La force de la formation milanaise est de ne pas rester emprisonnée dans une même atmosphère, mais au contraire d’y développer des variations multiples, passant d’un registre à un autre avec facilité. Pour preuve, les guests venus prêter main forte, ou plutôt même embellir ce nouvel opus de TETHRA. Mais c’est avant tout le frontman qui donne l’exemple avec une partition où il alterne un growl menaçant avec un chant clair de baryton, qui laisse entrevoir la lumière. Car « Withered Heart Standing » n’est pas si ténébreux qu’il n’y parait.

Pour offrir encore plus de relief à un propos très intime et personnel, TETHRA accueille la chanteuse Elisabetta Marchetti sur l’excellent « Days Of Cold Sleep » et « Nighttime Surrender ». Le saxophone de Corrado Bosco élève encore un peu plus « Like Water », tout comme le piano de Davide Brambilla sur « Commiato » et le violon d’Adriano Ancarani sur le flamboyant « Liminal » notamment, paré aussi de guitare acoustique. Maîtrisant parfaitement son sujet, le groupe reste très Heavy dans les guitares et impose sa signature.

Photo : Mat Stancioiu

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Blues Blues Rock Contemporary Blues International Soul

Eva Carboni : the way of the voice [Interview]

Italienne et insulaire, EVA CARBONI n’avait, a priori, pas de prédisposition naturelle pour le Blues. Et pourtant, depuis quelques disques maintenant, elle a parfaitement réussi à imposer sa voix, mais aussi un registre qui parcourt sans retenue, et va même parfois au-delà, l’univers des notes bleues. Ce mois-ci est sorti « Blues Siren », un troisième album qui, comme son nom l’indique, est captivant à plus d’un titre et il est même difficile de s’en défaire facilement. Aujourd’hui installée à Londres, la chanteuse multi-culturelle continue de façonner un chant expressif et sincère entourée d’une équipe de haut-vol. L’occasion de revenir avec elle sur son parcours et également sa vision de la musique, de ce qu’elle apporte et aussi ses intentions pour l’avenir.

– Avant de parler de ce nouvel album, « Blues Siren », j’aimerais que l’on revienne sur ton parcours. Tu es née en Sardaigne, qui n’est pas véritablement une terre de Blues. De quelle manière l’as-tu découvert et surtout comment est venue cette envie de le chanter ?

Tout d’abord, je tiens à te dire que mon père est né et a grandi en France. Alors autrefois, je parlais très bien le français. Mais aujourd’hui, je suis très rouillée ! (Sourires) Il chantait beaucoup quand il était jeune, même s’il s’est ensuite consacré à autre chose. Mais enfant, il me faisait chanter des chansons de Gilbert Bécaud et d’Edith Piaf, assise sur la table de la cuisine pendant qu’il faisait la vaisselle. Dans notre maison, on écoutait toujours beaucoup de bonne musique et dans des styles très différents… C’est comme ça que j’ai découvert Janis Joplin. J’ai alors été frappée par la foudre, alors que je n’avais seulement que 11 ou 12 ans.

– Par la suite, tu es partie pour Los Angeles où tu as obtenu ton diplôme de chant à la prestigieuse ‘Vocal Power Academy’ avec la très réputée Elisabeth Howard. En quoi cette école a-t-elle un passage obligé et est-ce là que tu as véritablement trouvé ‘ta voix’ ?

Oui, la ‘Vocal Power Academy’ est arrivée plusieurs années après. J’ai un peu vagabondé, puis j’ai rencontré Elisabeth Howard en Italie dans une masterclass, et j’en suis tombée amoureuse. Ensuite, je l’ai rejointe à Los Angeles où j’ai pu approfondir mes connaissances avec sa super méthode. J’ai aussi beaucoup travaillé sur moi et sur ma voix, en revoyant finalement tout ce que j’avais appris auparavant. Je voulais qu’elle résonne librement, sans tension et qu’elle devienne un instrument qui me permette d’exprimer tout ce que je ressentais à l’intérieur de moi. Je l’ai ensuite cultivée et soignée avec amour et curiosité.

– Étonnamment, c’est ensuite en Angleterre aux côtés du guitariste et compositeur Mick Simpson que tu trouves l’association parfaite, puisque vous travaillez toujours ensemble. On aura pu penser que tu serais restée aux USA, berceau du Blues, et pourtant c’est à Londres, où tu vis aujourd’hui d’ailleurs, que tu t’épanouies. Tu as plus d’affinités avec le British Blues, ou c’est juste un concours de circonstance ?

Ma rencontre avec mon ami, le grand guitariste et auteur-compositeur-interprète Mick Simpson, m’a fait entrer dans une famille britannique fantastique et magique. Il m’a présenté à mon producteur Andy Littlewood, qui est aussi musicien, auteur, interprète et un compositeur incroyable avec qui je collabore depuis 2017. J’adore chanter du Blues britannique et aussi made in USA. J’aimerais d’ailleurs faire une tournée aux Etats-Unis bientôt et pouvoir rendre visite à mes amis américains.

– Tu es également compositrice et tu co-signes plusieurs chansons de « Blues Siren ». Dans quel domaine interviens-tu le plus ? On imagine que les paroles ont une place particulière dans ton univers musical…

Quand j’ai l’inspiration pour écrire une chanson, elle me vient comme une histoire à raconter. La musique et les paroles naissent pratiquement ensemble. Pour moi, c’est comme recevoir un cadeau et j’en suis très reconnaissante. Je me laisse guider par ma voix intérieure. « Blues Siren », par exemple, m’est venue alors que je réfléchissais à ma vie et à celle de tous mes merveilleux amis, qui ont rendu ce monde plus beau avec leur voix. Cette chanson, sérieuse et avec une légère ironie, contient un peu de moi, un peu de toutes les grandes reines du Blues et un peu aussi des moins connues, mais qui n’en sont pas moins de grandes chanteuses de Blues. Elles ont toutes ouvert leur cœur pour donner de douces émotions à travers leur chant.

– « Blues Siren » est ton troisième album après « Italia Square » (2019) et « Smoke And Mirrors » (2022), auxquels il faut ajouter quelques singles et l’EP « In The Name Of The Blues ». Je me suis amusé à écouter ta discographie de manière aléatoire et c’est incroyable de voir à quel point il y a une intemporalité dans ta musique au point que c’est difficile de dater tes chansons. Est-ce que c’est ce que tu cherches avant tout à travers tes disques ? Qu’ils soient hors du temps ?

Oui… Avec Andy, on suit le flux du moment. C’est aussi parce que, pour moi, le temps n’existe pas… Mais là, c’est un peu plus compliqué à expliquer ! (Sourires) Et je suis très contente que tu aies écouté toute ma discographie, merci !

– « Blues Siren » vient donc tout juste de sortir, mais il y a quelques mois tu nous as fait patienter avec l’EP « In The Name Of The Blues », qui est d’ailleurs plus Rock et plus rugueux que ton répertoire habituel. Pour quelles raisons as-tu sorti ce format-court ? Ce sont des chansons que tu avais de côté depuis un moment déjà, ou est-ce peut-être parce qu’elles ne s’intégraient pas vraiment dans ce troisième album ? Car il est assez différent, y compris dans le son…

En fait, « In the Name of the Blues » est arrivé comme un double-single avant la sortie de l’album. Et comme nous avions déjà beaucoup de chansons, c’est devenu un EP. Nous avions un tas d’idées et nous y sommes allés doucement ! Cela dit, même sur « Blues Siren », il y a beaucoup de Rock, des chansons comme « Don’t Get In My Way », « Walking A Tightrope », ou « Alive And Breathing » le sont définitivement. L’album alterne avec des morceaux aux saveurs différentes et qui vivent tous ensembles en harmonie.

– Vocalement, tu t’inscris depuis tes débuts dans la tradition des grandes chanteuses de Blues et de Soul comme Etta James ou Aretha Franklin, grâce à une voix à la fois sensuelle et puissante. Curieusement, tu vas un peu à contre-courant des chanteuses actuelles qui jouent un Blues moderne plus Rock et explosif. Est-ce que, finalement, le secret ne vient-il pas du travail que tu fais sur les atmosphères ?

Comme je te le disais, j’aime beaucoup jouer avec ma voix et c’est souvent la chanson qui m’inspire et m’invite à la suivre. Sur certains titres, je chante ce que je suis, dans d’autres, je raconte une histoire en étant spectatrice. Cela peut se faire de manière plus intime, limpide ou explosive. Dans le monde du Blues, il y a beaucoup de chanteuses et de chanteurs fantastiques et authentiques et chacun suit ce qu’il ressent à ce moment-là. Cette diversité est belle et c’est génial qu’elle existe. Je n’aime pas me coller une étiquette et je ne pense pas que quiconque aime cela d’ailleurs. Beaucoup d’artistes, femmes et hommes, ont toujours aimé parcourir ce style à travers différentes atmosphères et expérimenter en permanence.

– D’ailleurs, si tu évolues dans un registre Blues au sens large du terme, il y a de nombreuses influences Soul et Jazzy avec un côté feutré et une certaine dramaturgie dans ton répertoire. C’est finalement cette chaleur très présente sur tes albums que tu recherches tant dans les textes que musicalement, comme une façon de capter intensément l’attention de l’auditeur ? On a presque le sentiment que tu ne veux rien manquer du vaste monde du Blues. Et en fin de compte, rien ne te résiste, non plus. C’est important pour toi de ne pas te restreindre à un seul courant ?

J’ai eu la chance d’étudier intensément de nombreux styles vocaux et chacun m’a laissé quelque chose. Au départ, le Blues ne nous est pas venu très naturellement, à nous les Européens. C’est une question de culture, bien sûr. Nous ne sommes pas nés noirs, ni en Amérique. Mais nous pouvons nous imprégner, écouter et intégrer en nous ce qui vient de ceux qui ont respiré le Blues depuis leur enfance et nous l’approprier à notre manière. Elisabeth m’avait dit une fois qu’elle avait même dû enseigner le Blues à des élèves noirs, qui avaient été adoptés par des blancs en Amérique.

– Juste avant « Blues Siren », tu as aussi sorti quelques singles comme « Winter Of 51 », « The Magic » et une version étendue incroyable de « Call My Name », toujours avec ton complice Mick Simpson. Ce sont des chansons qui n’étaient pas prévues pour un album, ou est-ce que, dans ce nouveau monde numérique, c’est aussi une façon de rester présente pour tes fans et à travers les réseaux sociaux ?

Parfois, Andy et moi essayons de tenir compagnie à nos amis et aux fans qui nous suivent avec quelques chansons, même en version single ou sur un EP. On le fait en attendant l’arrivée du nouvel album qui, comme tu le sais bien, demande parfois un peu plus de temps que prévu. « Winter Of 51 » et « Call My Name » font toutes deux partie d’un album. Pour « Call My Name », Mick avait joué un très long et très beau solo en studio. C’était si intense et touchant que nous avons décidé de le présenter dans une version augmentée. « The Magic », quant à elle, est une chanson que nous avons sortie à Noël dernier. Elle est pour moi très spéciale et sincère.

– Enfin, 2024 a été une belle et riche année pour toi avec un EP et un album complet. J’imagine que 2025 sera consacrée essentiellement à la scène, à moins que tu ne travailles déjà sur le successeur de « Blues Siren » ?

Oui, je compte désormais me consacrer intensément au live et avec un super groupe anglais. Mais… De nouvelles chansons bourdonnent déjà dans nos têtes. Je vous tiendrai au courant de tout ça plus tard ! (Sourires)

Le nouvel album d’EVA CARBONI, « Blues Siren »  est chez Mad Ears Productions et sur le site de l’artiste : https://evacarboni.com/

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Alternative Metal

Klogr : insubmersible

A l’écoute de « Fractured Realities », on peut désormais affirmer que les formations européennes sont véritablement de taille à se mesurer aux américaines, qui restent cependant maîtresses en la matière. Très Heavy et puissants, les Transalpins se font très créatifs dans l’alternance d’atmosphères lourdes, véloces et aux refrains accrocheurs. KLOGR surfe sur un groove épais et pose un mur de guitares, auquel il est difficile de résister. Et avec un frontman redoutable, le groupe se montre implacable et très efficace. 

KLOGR

« Fractured Realities »

(Zeta Factory)

Pour un peu, on les aurait presqu’oublié. Sept longues années après « Keystone » et quelques remaniements de personnels plus tard, KLOGR refait surface plus percutant encore qu’auparavant. Le quatuor sort son quatrième effort et se montre plutôt ambitieux en se livrant à l’exercice de l’album-concept, ce qui est assez inhabituel dans son registre. Les Italiens ont repris cette année un travail entamé durant la pandémie et cette interruption lui a fait le plus grand bien s’il en juge par la qualité de « Fractured Realities ».

A travers les dix titres, on suit Lila, le personnage central d’une histoire axée sur les défis et les troubles émotionnels alimentés par notre société. KLOGR développe au fil du disque une réflexion qui met en parallèle et en relief le profit devenu la priorité et le bien-être de l’individu. Et dans sa démarche, il va même plus loin puisqu’un projet vidéo accompagne les morceaux autour de clips interconnectés. « Fractured Realities » prend ici tout son sens. Et musicalement, l’Alternative Metal du quatuor est explosif tout eh restant très mélodique.

Sur une grosse production et des nappes de claviers discrètes et bien distillése, KLOGR s’affirme avec force, grâce à des riffs massifs et percutants. A la guitare et au chant, Gabriele Rustichelli affiche beaucoup de détermination, escorté d’une paire basse/batterie compacte et d’un six-cordiste, Alessandro Crivellari, dont l’emprise est nette. « Fractured Realities » est sans conteste la meilleure réalisation du combo (« Early Wounds », « Gravity Of Fear », « Face Of The Unknown », « One Of Eight », « Lead Wings »). Brillant !

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Funeral Doom Metal

Ghostheart Nebula : obscur et vibratoire

Avec « Blackshift », les Transalpins prennent possession d’un Doom qui vient s’articuler autour de nombreux courants. Sur des variations très maîtrisées, ils se sont forgés une identité artistique singulière, qui englobe l’aspect Funeral et Black pour évoluer dans des sphères astrales, où la douceur et la brutalité font cause commune. La présence d’une nouvelle chanteuse éclaircit aussi cette galaxie métallique peu ordinaire. Technique et épais, l’espace musical de GHOSTHEART NEBULA s’étend dans une production très texturée aux mélodies assez éthérées, mais massives.

GHOSTHEART NEBULA

« Blackshift »

(Meuse Music Records)

Décidemment, Meuse Music Records a du nez et l’Italie semble être un beau terrain de jeu pour le label belge. Avec ce deuxième album de la formation milanaise, c’est un voyage cosmique pour lequel on embarque avec ce « Blackshift », long d’une heure et aux reliefs aussi incertains qu’inattendus. D’une incroyable diversité, le Funeral Doom Death de GHOSTHEART NEBULA peut s’avérer complexe, mais ce qui en ressort surtout, c’est un travail en commun remarquable et la visibilité d’un réel esprit de groupe.

« Blackshift » commence par présenter l’arrivée au chant de Lucia Amelia Emmanuelli, dont la douceur féminine vient faire la balance avec le growl profond et ténébreux de Maurizio Caverzan, qui conserve tout de même le lead sur l’ensemble. Les huit nouveaux morceaux de GHOSTHEART NEBULA sont d’une bonne longueur et le sextet en joue pour poser des atmosphères à la fois pesantes et aériennes en alternant d’énormes blasts typiquement Black Metal avec des sonorités propres au Dungeon Synth.

On navigue ici dans un océan sombre et saisissant et sur un propos philosophique nihiliste (« Sunya », « The Opal Tide », « Naught, I », « Traces », « Orphan Of Light »). A noter également les présences de Diego Cavallotti (ex-Lacuna Coil) et Øystein Garnes Brun (Borknagar) venus poser leur empreinte sur deux titres. GHOSTHEART NEBULA s’engouffre avec force dans une immense tristesse, mais aussi sur des chemins plus lumineux ouverts par sa chanteuse. Authentique et puissant, il domine son sujet avec beaucoup de hauteur.

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Modern Metal

Never Obey Again : insoumission assumée

Bien Heavy et pas trop sophistiqué étant donné le registre, NEVER OBEY AGAIN a trouvé le bon équilibre entre des titres où pourraient régner les machines et une dominante Metal bien musclée et massive. Avec « Trust », les Milanais affichent un Modern Metal efficace et racé. Jouant autant sur les émotions que sur le côté rageur de leurs compos, ils occupent le terrain depuis peu de temps et ne semblent pas prêts à lâcher l’affaire de sitôt. Une confirmation à coups de marteau.

NEVER OBEY AGAIN

« Trust »

(Scarlet Records)

Un an presque jour pour jour après la sortie de « The End Of An Era », NEVER OBEY AGAIN revient déjà à la charge et ses intentions sont claires. Encore plus aguerrie, la formation menée par sa charismatique chanteuse Carolina Bestelegni livre un deuxième album explosif, direct et compact. Même si le Modern Metal des Italiens comporte beaucoup d’éléments Electro, ce sont bel et bien les deux guitares et la paire basse/batterie qui occupent l’espace sonore et donne à « Trust » son aspect organique.

NEVER OBEY AGAIN colle à son époque et, malgré les claviers et les boucles synthétiques, on parle encore ici de Metal. Et de ce côté-là, le travail des deux six-cordites offre beaucoup d’intensité et de puissance à ces nouveaux morceaux. Certes, on pense à Halestorm, Evanescence, Spiritbox et In This Moment, mais la frontwoman du quintet apporte justement une touche personnelle, grâce à une palette vocale assez impressionnante. Capable de nous emporter sur de belles harmonies, elle sait aussi montrer les crocs.

Sur une production massive, « Trust » se déroule façon montagnes russes entre riffs acérés et lourds et une rythmique véloce, qui ne manque pas de férocité. Avec beaucoup de profondeur, la chanteuse du groupe fait une belle démonstration de force entre refrains clairs et mélodiques et de sauvages screams aux accents parfois MetalCore (« Never Feel, Never Fear », « I Wish », « Control », « Lost… »). Le spectre est large et Alessandro Tuvo et Alex Pedrotti imposent un mur su son implacable. NEVER OBEY AGAIN grandit vite !

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Metal Progressif

DGM : conceptuel

Les maîtres incontestés du Metal Progressif italien ont décidé d’occuper le terrain et on ne les arrête plus. A raison de deux sorties en quelques mois seulement, on pourrait les croire à court d’imagination, ou plus simplement quelque peu rassasiés, mais il n’en est rien. DGM n’entend pas ralentir la cadence et lorsqu’on écoute ce nouvel effort, on peut se dire qu’ils en ont encore sous le pied… et pour un bon moment ! Captivant du début à la fin, « Endless » est assez inédit pour la formation dans son contenu et c’est ce qui fait tout son attrait.  

DGM

« Endless »

(Frontiers Music)

L’adjectif qui revient sans doute le plus souvent au sujet des Transalpins est ‘impressionnant’. Et sur « Endless », ils le sont encore. Un an à peine après le très bon « Life », ils livrent un album-concept. Etonnamment, c’est même le premier de leur discographie longue de douze opus et il s’agit aussi peut-être d’un des plus variés du quintet. Certes, on y retrouve toujours la patte de DGM, à savoir un style très dynamique aux envolées époustouflantes, mais il se distingue également par un nombre assez conséquent de passages acoustiques et purement Rock Progressif. Et là encore, ils excellent.

Orchestré par le maestro qu’est le guitariste et compositeur Simone Mularoni, « Endless » est bien entendu une réalisation très vive, éclairée par des mélodies et une technique d’une justesse incroyable. Si d’autres, dans le même style, donnent parfois l’impression d’en faire trop, c’est rarement le cas avec DGM, qui a su imposer son style depuis ses débuts. On retrouve donc cette atmosphère propre à ses productions, faite de ponts multiples, de breaks surprenants, de duels entre les claviers et la guitare et les apparitions toujours bien senties de la flûte qui offrent un petit côté intemporel dans cette vélocité très moderne.

Au chant, Marco Basile confirme qu’il est l’un des meilleurs chanteurs de la ‘Botte’. Irrésistible, il alterne les moments calmes et intenses avec une aisance bluffante. S’il aura fallu plus de 30 ans à DGM pour réaliser son premier album-concept, alors que c’est presque la norme en matière de Prog, le groupe se montre à la hauteur de l’exercice avec un déroulé très narratif, qui tient en haleine et se montre limpide dans son interprétation. Sur près d’une heure, on retiendra quelques moments forts comme « The Great Unknow », « Solitude », « From Ashes » et le magistral « … Of Endless Echoes », long de 14 minutes.   

(Photo : Matteo Ermeti)

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Death Metal Doom Post-Metal Sludge

For The Storms : la noirceur des embruns

Faire tenir l’équilibre entre une lourdeur presque insoutenable et la légèreté du vide, c’est l’ambition et la réussite de FOR THE STORMS sur ce nouvel effort qui va puiser, dans un post-Metal doomesque aux mélodies saisissantes, une robustesse teintée de résistance assez fascinante. « Losing What’s Left Of Us » n’est pas un album facile, de ceux qu’on écoute par hasard. Non, il provoque immédiatement un magnétisme incroyable et on se fait happer sur plus d’une heure par les fulgurances Death et Sludge qui trouvent leur finesse dans l’épaisseur d’un propos haletant.

FOR THE STORMS

« Losing What’s Left Of Us »

(Meuse Music Records)

Dans le registre post-Doom/Death, « Losing What’s Left Of Us » est probablement l’album le plus complet qu’il m’ait été donné d’écouter. FOR THE STORMS ne contente pas de jouer sa musique, il la vit pleinement et de ce chaos apparent naît une quantité de nuances, qui sont autant d’émotions fortes distillées et exprimées avec une sincérité, qui libère forcément quelques frissons. Le Metal du quatuor est forgé avec une fermeté et une audace magistrale dans un ensemble à la fois mouvant et fluide et dont on découvre les nombreux détails au fil des écoutes. Car on y retourne inéluctablement et de manière quasi-inconscience.

La force d’attraction de FOR THE STORMS va chercher si loin qu’il est même étonnant que les Italiens n’aient sorti que « The Grieving Path », il y a trois ans, avant cet imposant deuxième album. On pourrait penser qu’ils peaufinent et affinent leur style de longue date, et pourtant la jeune formation lombarde (2019) fait preuve d’une maturité et d’une créativité incroyable. Fracassant et ténébreux un moment, délicat et souple l’instant suivant, la construction de l’édifice ne doit rien au hasard. Divisé en trois chapitres différenciés par les deux interludes qui viennent distinctement les scinder, l’ascension se fait graduellement.

Car, si cette progression musicale se déroule en plusieurs parties, elle s’articule avec une facilité qui rend « Losing What’s Left Of Us » très lisible. Sur des morceaux d’une bonne longueur, FOR THE STORMS développe à travers ses textes, en jouant aussi sur des passages presque silencieux tant ils sont éthérés, une réflexion assez sombre sur nos tourments et notre appréhension de l’avenir dans un nihilisme insistant. Très aérienne et massive, cette nouvelle réalisation est également un cri immense et une ode à un espoir à retrouver. On ne s’y perd jamais, on se laisse simplement guider par cette beauté profonde et captivante.

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Metal Progressif Rock Progressif

Kingcrow : l’art du dépassement

Toujours impérial sur les parties instrumentales et doté d’un frontman exceptionnel, KINGCROW a la particularité de toujours s’inscrire parfaitement dans son temps. Très actuel et parfois futuriste dans l’approche, le Metal Progressif des Transalpins se renouvelle tout en imposant un son très organique et puissant sur des envolées hypnotiques et entraînantes. Avec « Hopium », ils déploient un savoir-faire exceptionnel sur des morceaux aux structures parfois étonnantes et aux refrains toujours captivants.

KINGCROW

« Hopium »

(Season Of Mist)

KINGCROW est probablement l’une des formations les plus créatives de la scène progressive italienne, et son évolution depuis 1996 est même remarquable. Fondé par les frères Diego (guitare, claviers) et Manuel Thundra Cafolla (batterie), il rejoint aujourd’hui Season Of Mist pour un huitième et très attendu album, puisque « The Persistance » date déjà de 2018. Six longues années donc à peaufiner son Metal/Rock Progressif, afin de livrer « Hopium », qui s’inscrit déjà parmi les meilleurs et plus aboutis disques de sa belle discographie.  

Si KINGCROW s’appuient sur une technique hors-pair et une production, cette fois encore, irréprochable et dense, c’est surtout sur les ambiances et la profondeur des émotions qu’ils mettent l’accent. Au chant, Diego Marchesi repousse ses limites, parfaitement soutenu par des chœurs, qui offrent encore plus de relief et de sensations à ces nouvelles compositions. Si les claviers sont souvent dominants, les riffs et des solos de guitares tirent remarquablement bien leur épingle du jeu dans un équilibre parfait.

Entre Rock et Metal, les mélodies déployées tout au long de « Hopium » oscillent entre une noirceur et une luminosité qui ont fait les beaux jours du quintet. Véloce et virevoltante, la rythmique varie les tempos à l’envie et les deux guitaristes (Ivan Nastasi et Diego Cafolla), en plus de se compléter, multiplient les directions dans un ensemble envoûtant et une dynamique redoutable (« Kintsugi », « Parallel Mines », « Losing Game », « Night Drive » et le génial « Hopium »). KINGCROW place la barre très haut et rayonne.

Photo : Riccardo Nifosì

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Blues Desert Rock folk Psych

Black Snake Moan : une incandescente narration

Dans un psychédélisme qui puise dans des ambiances ancestrales et très roots dans le ton, le Blues Folk de BLACK SNAKE MOAN fait corps avec un Desert Rock pour éclore dans un registre original et lumineux. Souvent aride, on passe pourtant par les rives du Mississippi entre rituels et mélodies enchanteresses. De cette intemporalité onirique émane un univers parfois chamanique construit sur une multitude de cultures musicales différentes, qui finissent par ne faire qu’une sur ce « Lost In Time » solaire et envoûtant.

BLACK SNAKE MOAN

« Lost in Time »

(Area Pirata Records/Echodelick Records)

Avec sa voix douce et chaude portée par une légère réverb’, BLACK SNAKE MOAN (un nom qui rend hommage au grand pionnier du Blues Blind Lemon Jefferson) nous embraque dans un voyage immersif entre mystères et spiritisme. Avec « Lost In Time », son troisième album, il traverse le temps et l’espace en nous guidant avec un style fait de Blues, de Folk, de Psych, de Desert Rock et doté une touche western, le tout n’étant pas sans rappeler une certaine époque des Doors. Et au fil des titres, les paysages défilent… 

A la tête de BLACK SNAKE MOAN se trouve l’Italien Marco Contestabile, compositeur, multi-instrumentiste (guitare, batterie, percussions, basse et claviers) et chanteur. C’est aussi lui qui a brillamment arrangé et produit de manière si organique ce nouvel opus. Car ce qui séduit sur « Lost In Time », c’est la proximité du son qui se dégage de ce one-man-band hors-norme. Très spirituel dans l’approche, le musicien se promène dans des songes hypnotiques, des atmosphères captivantes et des lieux variés. 

Sur des morceaux relativement courts d’environ trois minutes, excepté les très bons « Shade Of The Sun » et « Cross The Border », BLACK SNAKE MOAN nous emmène dans les déserts amérindiens, sur la terre des anciens Etrusques comme dans des prairies luxuriantes. On suit les étoiles entre lumière et obscurité sur un rythme délicat et parfois flottant (« Dirty Ground », « Come On Down », « Sunrise », « Goin’ Back », « Put Your Flowers », « West Coast Song »). Une épopée qui a des allures de rêves mystique.

Photo : Stefano Dili