Catégories
Blues Southern Blues

Tinsley Ellis : aux origines

Véritable guitar-hero du Blues, TINSLEY ELLIS est allé s’installer sur les rives du Mississippi pour composer l’essentiel de « Naked Truth », qui contient aussi trois reprises qu’on peut très facilement d’ailleurs qualifier de remerciements. Produit par ses soins, à l’exception d’une chanson par son voisin Eddie 9V, ce nouvel opus le dévoile, pour la première fois en plus de 40 ans de carrière, dans un  registre très épuré et acoustique. Une façon simple et évidente d’explorer un Folk Blues mâtiné de Country Blues avec une élégance toute naturelle.   

TINSLEY ELLIS

« Naked Truth »

(Alligator)

Habituellement plutôt échaudé à un Blues enflammé et flamboyant, c’est en toute intimité que TINSLEY ELLIS se présente cette fois avec un album qui lui tient à cœur depuis de longues années et qu’il a enfin pris le temps de réaliser. Intimiste donc, même si l’on retrouve toujours cette ardeur légendaire, « Naked Truth » est le 21ème album du bluesman et il est entièrement acoustique. Le musicien basé à Atlanta s’est imprégné d’un Folk-Blues très traditionnel, qui puise ses racines chez Muddy Waters, Robert Johnson ou encore Skip James. Une plongée dans ce que l’Amérique a de plus profond et emblématique. 

Avec ce disque, dont le titre parle de lui-même, on ne met pourtant pas bien longtemps à retrouver la vigueur et la passion de TINSLEY ELLIS à l’œuvre sur ces morceaux récemment composés, auxquels s’ajoutent trois reprises pour le moins significatives de son parcours. Enregistré dans des conditions live, le songwriter est simplement accompagné d’une Martin de 1969 offerte par son père et d’un dobro National Steel O Series de 1937, les amateurs de cordes scintillantes apprécieront… Entre slide et picking, ce n’est pas tant la technique qui impressionne ici, mais surtout ce côté sans fard et d’une extrême fluidité. 

Toujours très appliqué bien sûr, il plane cependant un air de récréation sur « Naked Truth » où la joie de jouer, et de finalement se laisser guider par les morceaux, jaillit des doigts de TINSLEY ELLIS. Il s’amuse et l’on devine son sourire. Majestueux sur les covers de Son House (« Death Letter Blues »), Willie Dixon (« Don’t Go No Further ») et du grand Leo Kottke (« The Sailor’s Grave On The Prairie »), il brille sur « Devil In The Room », qui ouvre le bal sur un rythme d’enfer. Délicat sur les instrumentaux « Silver Mountain », « Alcovy Breakdown » et « Easter Song », l’Américain est impérial de bout en bout (« Windowpane »).

Photo : Kirk West

Retrouvez la chronique de son album précédent :

Catégories
Blues Rock

Eric Sardinas : bottleneck fever

Gorgé de slide solaire et de riffs entêtants, « Midnight Junction » s’impose assez naturellement comme l’une des meilleures réalisations de Blues Rock de l’année. ERIC SARDINAS a pris son temps et ces nouveaux morceaux libèrent autant de puissance que de finesse et de mélodies. Il est aujourd’hui au sommet de son art et sa maîtrise du dobro couplée au bottleneck (et vice-versa), touche ici la perfection.

ERIC SARDINAS

« Midnight Junction »

(earMUSIC)

S’il s’est mis très jeune à la guitare dans sa Floride natale, c’est durant les années 90 qu’ERIC SARDINAS a commence à faire parler de lui du côté de Los Angeles. Repéré par un certain Steve Vai qui a fait de lui son protégé, il a même participé au fameux G3 sur deux tournées mondiales. Mais c’est le Blues qui anime sa passion pour la six-corde, notamment le dobro, et « Treat Me Right », son premier effort solo sorti en 1999 sous son nom, amorce une aventure musicale très personnelle et débridée.

Neuf longues années après « Boomerang », l’Américain refait surface avec « Midnight Junction », son sixième opus solo, et c’est un véritable All-Stars band qui l’accompagne. Interprétées par le batteur Chris Frazier (Whitesnake, Foreigner), le bassiste Koko Powell (Lenny Kravitz, Sheila E), le claviériste David Schultz (Bo Diddley, The Goo Goo Dools) et le grand harmoniciste Charlie Musselwhite, les 13 chansons sont taillées sur mesure par un ERIC SARDINAS qui rayonne littéralement.

Très roots dans le son comme dans l’approche et malgré un groupe qui joue sur du velours, le songwriter et chanteur fait preuve de virtuosité bien sûr, de feeling évidemment et affiche surtout une très grande liberté. Son Blues Rock est instinctif, électrisant et d’une authenticité qui semble même le galvaniser (« Long Shot », « Said And Done », « White Lightnin’ », « Liquor Store »). Outre les deux superbes instrumentaux (« Swamp Cooler », « Emilia »), ERIC SARDINAS reprend aussi le « Laudromat » de Rory Gallagher avec classe.

Catégories
Blues Rock Southern Blues

Eric Johanson : deep South spirit

Bâti sur un songwriting d’une finesse incroyable, « The Deep And The Dirty » révèle de manière éclatante le talent d’ERIC JOHANSON, si cela était encore nécessaire. La force impressionnante des riffs combinée à une certaine nonchalance propre à la musique de Louisiane font de ce nouvel opus l’un des meilleurs en matière de Blues Rock de cette année. Très organiques, les chansons du guitariste-chanteur traversent le temps et semblent tout droit sorties de notre inconscient. Brillant.  

ERIC JOHANSON

« The Deep And The Dirty »

(Ruf Records)

Après avoir fait ses armes aux côtés des Neville Brothers, Anders Osborne, Terrance Simien, JJ Grey ou Mike Zito, c’est très naturellement que le bluesman ERIC JOHANSON a pris son envol pour devenir depuis quelques années une valeur sûre du Blues Rock. Si ses influences viennent de Freddie King et de l’incontournable Robert Johnson, le songwriter y mêle des sonorités Soul, Heavy Rock et Americana pour s’engouffrer dans un Deep South plein d’émotions. Assez sombre, l’ensemble respire l’authenticité d’un musicien virtuose et sensible.

Produit par l’excellent Jesse Dayton, qui a sorti un album explosif avec Samantha Fish en mai dernier, « The Deep And The Dirty » a été enregistré pendant la pandémie et en condition live (une habitude pour son producteur), ce qui lui donne une saveur très roots et percutante. Le son est rugueux et le grain épais, ce qui n’empêche nullement ERIC JOHANSON de se montrer sous son meilleur jour et d’offrir à sa guitare le premier rôle. Un rôle qui la fait passer d’instants musclés à d’autres plus tendres.

Et justement, c’est sur le branchement de celle-ci sur un ampli, d’où émane le grésillement d’une puissance pour l’instant contenue, que démarre cette quatrième réalisation studio avec un « Don’t Hold Back », qui donne le ton et dévoile déjà les intentions du guitariste. Parfois très Fuzz frôlant même le Stoner, ERIC JOHANSON fait vivre son Blues avec brio (« Just Like New », « Elysian Fields », Familiar Sound »), tout en se montrant plus mordant (« Galaxy Girl », « Get Me High », « Stepping Stone »). Du grand art !