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Blues Southern Blues

Tinsley Ellis : aux origines

Véritable guitar-hero du Blues, TINSLEY ELLIS est allé s’installer sur les rives du Mississippi pour composer l’essentiel de « Naked Truth », qui contient aussi trois reprises qu’on peut très facilement d’ailleurs qualifier de remerciements. Produit par ses soins, à l’exception d’une chanson par son voisin Eddie 9V, ce nouvel opus le dévoile, pour la première fois en plus de 40 ans de carrière, dans un  registre très épuré et acoustique. Une façon simple et évidente d’explorer un Folk Blues mâtiné de Country Blues avec une élégance toute naturelle.   

TINSLEY ELLIS

« Naked Truth »

(Alligator)

Habituellement plutôt échaudé à un Blues enflammé et flamboyant, c’est en toute intimité que TINSLEY ELLIS se présente cette fois avec un album qui lui tient à cœur depuis de longues années et qu’il a enfin pris le temps de réaliser. Intimiste donc, même si l’on retrouve toujours cette ardeur légendaire, « Naked Truth » est le 21ème album du bluesman et il est entièrement acoustique. Le musicien basé à Atlanta s’est imprégné d’un Folk-Blues très traditionnel, qui puise ses racines chez Muddy Waters, Robert Johnson ou encore Skip James. Une plongée dans ce que l’Amérique a de plus profond et emblématique. 

Avec ce disque, dont le titre parle de lui-même, on ne met pourtant pas bien longtemps à retrouver la vigueur et la passion de TINSLEY ELLIS à l’œuvre sur ces morceaux récemment composés, auxquels s’ajoutent trois reprises pour le moins significatives de son parcours. Enregistré dans des conditions live, le songwriter est simplement accompagné d’une Martin de 1969 offerte par son père et d’un dobro National Steel O Series de 1937, les amateurs de cordes scintillantes apprécieront… Entre slide et picking, ce n’est pas tant la technique qui impressionne ici, mais surtout ce côté sans fard et d’une extrême fluidité. 

Toujours très appliqué bien sûr, il plane cependant un air de récréation sur « Naked Truth » où la joie de jouer, et de finalement se laisser guider par les morceaux, jaillit des doigts de TINSLEY ELLIS. Il s’amuse et l’on devine son sourire. Majestueux sur les covers de Son House (« Death Letter Blues »), Willie Dixon (« Don’t Go No Further ») et du grand Leo Kottke (« The Sailor’s Grave On The Prairie »), il brille sur « Devil In The Room », qui ouvre le bal sur un rythme d’enfer. Délicat sur les instrumentaux « Silver Mountain », « Alcovy Breakdown » et « Easter Song », l’Américain est impérial de bout en bout (« Windowpane »).

Photo : Kirk West

Retrouvez la chronique de son album précédent :

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Blues

Louis Mezzasoma : bumpy Blues

On pourrait facilement énumérer les artistes qui ont forgé la culture musicale de LOUIS MEZZASOMA, c’est assez évident, mais ce serait sans compter sur l’originalité et la personnalité artistique à l’œuvre dans son répertoire. Toujours aussi variée et chaleureuse, cette quatrième réalisation du musicien du Forez l’élève un peu plus parmi les plus créatifs de l’hexagone. « Good Or Bad Time » s’écoute en boucle.

LOUIS MEZZASOMA

« Good Or Bad Time »

(Le Cri Du Charbon)

Le Stéphanois avait déjà attisé ma curiosité avec « Mercenary », son troisième album sorti en 2021. Très authentique et direct, LOUIS MEZZASOMA accueillait pour la première fois un batteur-percussionniste, alors qu’il évoluait jusqu’alors en one-man-band. Pour « Good Or Bad Time », c’est dans une formule en trio que le bluesman présente onze nouveaux titres. Alors, si son ‘Dirty Old Blues’ a pris du volume, l’intention est toujours la même,  tout comme sa démarche qui reste d’une sincérité absolue.

Et ce nouveau line-up a même de quoi surprendre. Bien sûr, LOUIS MEZZASOMA est au chant, aux guitares, au banjo et joue de son Diddley Bow personnel, qui lui fait remonter aux origines du style. A ses côtés, pas moins de deux batteurs qui assurent aussi les chœurs : Arthur Parmentier et Hugo Etay Mora. Sur les textes du multi-cordiste, le groupe a composé ensemble les chansons sur lesquelles intervient également Brice Rivey au violon et au banjo. Un beau travail d’équipe où le songwriter semble s’épanouir.

Musicalement toujours aussi épuré, LOUIS MEZZASOMA navigue dans des atmosphères Southern, où il continue sa recherche du Blues originel qu’il parcourt pourtant avec talent. Traversant la Folk, la Country et le Rock, son jeu poursuit une même direction entre ballades et morceaux plus enlevés et électrisants, porté par un esprit roots à la fois serein et exacerbé (« Funny Boy », « Decent Man », « Lucky Tim », « Cloudy Day », « Corruption »). Aussi moderne qu’intemporel, « Good Or Bad Time » s’inscrit dans une belle tradition.

Retrouvez l’interview de LOUIS MEZZASOMA accordée à la sortie de « Mercenary » :

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Blues

Bjørn Berge : steel got the Blues

Entre compos et covers, c’est avec un « Introducing SteelFinger Slim » un peu spécial et inattendu dans son contenu que BJØRN BERGE fait courir ses doigts d’acier sur son instrument. Si la voix inimitable et la liberté absolue dont il a fait sa réputation sont bel et bien intactes, on aurait peut-être apprécié un peu plus de titres originaux, même si sa manière de défourailler les morceaux des autres conserve toujours quelque chose d’assez mystique et de jouissif.      

BJØRN BERGE

« Introducing SteelFinger Slim »

(Blue Mood)

Fidèle à lui-même c’est seul que le Norvégien revient avec un nouvel album, son treizième, et le solitaire bluesman fait de nouveau des étincelles parant son jeu de ses plus beaux atouts. L’acier de son dobro vibre sous son toucher si singulier, passant du picking à la slide avec la dextérité qu’on lui connait et venant se joindre à cette voix profonde et unique avec laquelle BJØRN BERGE nous berce et nous envoûte depuis tant d’années. Et c’est toujours le cas avec « Introducing SteelFinger Man ».

Voix, guitare et stompbox, il n’en faut pas plus au ténébreux Scandinave pour livrer un Blues mâtiné de Rock dans une formule acoustique et métallique si particulière par sa froideur sonore. Pour autant, il se dégage beaucoup de chaleur de ce nouvel opus grâce à des morceaux simples en apparence, mais toujours très bien sentis et d’une personnalité qui fait de BJØRN BERGE l’un des rares artistes de Blues à savoir, et pouvoir, capter l’attention et captiver à chacun de ses disques.

Son timbre guttural nous embraque cette fois sur dix titres qu’il a tenu à enregistrer en une seule journée, une façon d’aller l’essentiel avec autant de spontanéité que de justesse possible. Et BJØRN BERGE sait y faire. Cependant, et même si c’est toujours aussi bien réalisé et arrangé, le fait de reprendre « Get It On » de T. Rex, « Like A King » de Ben Harper, « Spoonful » de Willie Dixon et « Black Night » de Deep Purple dans des versions certes revisitées parait un peu beaucoup sur une production studio.

Photo : Tor Nilssen
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Dark Folk Progressif

Los Disidentes Del Sucio Motel : une spontanéité si naturelle

Depuis bientôt deux décennies, les Alsaciens n’ont de cesse de faire évoluer leur style au fil des albums et des EP. Tout en gardant un pied dans un Stoner Prog souvent proche d’un post-Rock/Metal insaisissable, LOS DISIDENTES DEL SUCIO MOTEL multiplie les expériences, et celle-ci n’est peut-être pas la plus évidente. Légers, fins et presque mis à nu, ses propres morceaux s’exposent sur « Breath » dans une lumière nouvelle et flottante, où l’acoustique se revêt de cordes, comme pour mieux souffler et livrer ses mélodies dans une Dark Folk somptueuse.  

LOS DISIDENTES DEL SUCIO MOTEL

« Breath »

(Klonosphere)

C’est devenu une bonne habitude et même la marque de fabrique de LOS DISIDENTES DEL SUCIO MOTEL que de sortir un format court entre deux albums. Deux ans après « Polaris », le groupe s’offre donc une petite respiration avec le bien nommé « Breath », qui présente d’ailleurs deux nouveautés dans la démarche du quintet. Tout d’abord, on a le droit ici à cinq reprises, quelque chose d’assez inhabituel, et surtout pour la première fois en version acoustique, laissant les gros amplis de côté. 

Lorsqu’une chanson est bien écrite, elle se décline sans mal sous à peu près toutes les formes. Tous les musiciens vous le diront. On peut donc, sans exagérer, dire que les morceaux de LDDSM sont très bien composés car, en mode acoustique, ils ne souffrent d’aucune lacune, tant le passage de l’électrique à l’unplugged est évident et coule de source. Pour autant, il ne faut pas imaginer que les Strasbourgeois ont simplement épuré leur jeu et leurs compos, c’est même presque l’inverse.

LDDSM est donc allé puiser dans son dernier opus pour trois morceaux, avant de remonter le temps avec « Z » issu d’« Arcane » (2013) et le titre « From 66 To 51 », qui figure sur « Soundtrack from The Motion Picture » (2010). Réarrangées et livrées dans une interprétation aussi originale que délicate, ces cinq chansons mettent en avant les guitares sèches, le piano et le violoncelle, preuve qu’elles ont une intemporalité certaine. Peut-être un peu nostalgique, on retiendra plutôt la grande qualité artistique du répertoire.

Photo : Benjamin Hincker

Retrouvez la chronique de « Polaris » :

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France Grunge Heavy Rock Stoner Rock

7 Weeks : d’une ardente authenticité [Interview]

Le malheureux timing subi par l’excellent « Sisyphus » il y a deux ans est loin d’avoir refroidi 7 WEEKS. Bien au contraire, le trio fait de nouveau sensation avec « Fade Into Blurred Lines », un album certes moins solaire que le précédent, mais qui livre une vérité musicale comme on n’en voit peu. Le Heavy Rock teinté de Stoner et un brin Grunge des Français dévoile beaucoup de fragilité dans un sens, mais elle vient renforcer une puissance émotionnelle sincère et intense, qui se fond dans des sonorités Blues très personnelles. Julien Bernard, chanteur et bassiste, revient sur le récent parcours du groupe et l’élaboration de ce sixième opus. Entretien.

Photo : Marie d’Emm

– Il y a trois ans vous commenciez la série « Sisyphus » avec un très bon album, suivi de l’EP « What’s Next ? » l’année suivante. Avec le recul, qu’en retiens-tu ? La période a été pénible et malgré tout, 7 WEEKS sort deux très belles productions…

Ca a été une période très productive, on a compensé le fait de ne pouvoir jouer l’album sur scène par des projets annexes, c’est-à-dire l’EP, des sessions live acoustiques, des livestreams, etc… On ne pouvait pas tout laisser s’arrêter, on a tenu bon et notre structuration en label indépendant autogéré nous a permis de faire ça, là où tout le monde était en ‘sommeil’. Si on avait été sur un autre label, ou une major, jamais on aurait pu le faire. Ca montre aussi qu’en cas de crise, les petits arrivent à survivre là où les grosses productions s’arrêtent. Le problème est quand ça repart, les ‘gros’ trustent tout ! (Sourires)

– Est-ce qu’après la pandémie, vous avez pu reprendre le chemin des concerts normalement et enfin défendre votre album dans les meilleures conditions ?

Oui, on a réattaqué les dates dès juillet 2021 et on a fait une belle tournée sur l’automne, puis une nouvelle série de concerts jusqu’à l’été 2022, avant de s’attaquer au nouvel album.

Photo : Jérémie Noël

– Vous revenez aujourd’hui avec « Fade Into Blurred Lines » sur lequel vous vous affirmez encore plus. Quand avez-vous commencé sa composition, car on le sent très spontané ?

Les premières idées datent de début 2021, mais le travail réel sur l’album s’est fait à partir de janvier 2022. Puis à la fin août, notre clavier a décidé de ne pas repartir sur un nouvel album. On s’est donc retrouvé à trois et nous avons tout repensé et composé dans cette dynamique de trio. C’est effectivement assez spontané dans le sens où on a voulu faire ça de manière très organique, très live.

– Malgré la puissance qu’il dégage, ce nouvel album a aussi un côté encore plus personnel et aussi très intimiste. Comment combinez-vous ces deux aspects, car on vous sent aussi très libérés dans le jeu ? Et il y a l’importance accordée aux textes également…

Exactement, pour la première fois, j’ai pu déléguer la guitare, que je faisais jusque-là sur quasiment tous les albums. J’ai donc vraiment pu me concentrer sur l’écriture dans sa globalité avec mes instruments de prédilection, à savoir le chant et la basse. J’ai travaillé les textes avec une amie anglaise (Katy du groupe Lizzard) et on a été assez loin. On a pris le temps de comprendre ce que je voulais exprimer et trouver la bonne formulation, celle qui sonnerait le mieux avec la musique. Les textes sont écrits de manière à vraiment se livrer en les chantant, d’où le côté intimiste sur des morceaux comme « Mute » ou « Shimmering Blue ». De manière générale, chacun a pu se concentrer sur son instrument et sur la manière d’exprimer au mieux l’état d’esprit ou l’émotion du morceau. Et le fait de se retrouver à trois pour bosser en profondeur sur les titres a permis une musicalité qui est très expressive.

Photo : Romain Mouneix

– Pour « Fade Into Blurred Lines », vous avez enregistré l’album en condition live, ce qui lui confère un son très organique, et d’ailleurs la sincérité et l’authenticité qui s’en dégagent sont éclatantes. En quoi cela était-il important pour vous, car la production et les arrangements sont également très soignés ?

On tenait à capturer des prises live très brutes dans le jeu et le feeling pour ensuite ajouter les arrangements, sans se soucier de savoir si on pourrait les jouer sur scène. Si les prises brutes fonctionnent, les arrangements ne sont que la cerise sur le gâteau et non un cache-misère.

– Votre Heavy Rock est toujours teinté de Stoner, légèrement de Grunge et cette fois, il y a également des éléments bluesy qui viennent se greffer. Ca va dans le sens et dans le propos général de l’album ? Ou est-ce juste une volonté artistique et sonore ?

Il me semble qu’on a toujours eu cette fibre Blues, dès « Carnivora » en 2013 sur un morceau comme « Shadow Rider », par exemple. Peut-être était-elle moins ressentie, car la production des disques qui était moins organique. Cette influence-là est logique vu la musique que l’on fait. Mais c’est vrai que cet album s’y prête beaucoup. Le Blues est une forme d’expression, c’est chanter et jouer ce qu’on ressent ou ce qu’on vit de manière très crue. En ce sens-là, nous faisons du Blues sur ce disque. Simplement, nous ne sommes pas du Mississipi ou de Chicago. La forme est différente, mais pas le fond.

Photo : Jérémie Noël

– J’aimerais que tu nous dises un mot sur cette très belle pochette, ce qui est d’ailleurs une habitude chez vous. Quelle est ton interprétation de cette statue étonnante et très expressive de Don Quichotte ? Elle est d’ailleurs présente dans le clip de « Gorgo ». Et de qui est-elle l’œuvre ?

Nous avons effectivement la chance de travailler avec Gilles Estines, qui est un ami et qui fait quasiment tous nos visuels. Il nous sort toujours des choses magnifiques. Pour cet album, on lui avait donné plusieurs pistes, dont celle d’un Don Quichotte, qui en en rapport avec le morceau « Windmills ». Après plusieurs propositions, il nous a semblé que ce visuel très fort conviendrait parfaitement au sentiment général du disque et à son titre. Pour le titre « Gorgo », on a eu cette idée de créer la statue en vrai pour la filmer dans le sable pour mieux coller au texte. Puis, on a demandé à une connaissance, Loïc Delage de Hom’ort, de s’inspirer de la pochette et il a crée ce personnage. C’est un sculpteur sur métal très doué. On adore sa statue et elle trône dorénavant dans mon jardin !

– Depuis vos débuts, vous avez produit six albums et deux EP via votre label F2M Planet, et vous gérez également vous-mêmes vos tournées. On comprend facilement votre désir d’indépendance et de liberté, mais est-ce que ce n’est pas trop contraignant dans la mesure où cela pourrait empiéter sur la création musicale ?

Ca empiète surtout sur nos vies personnelles ! (Sourires) C’est une somme de travail considérable, mais ça nous permet de faire les choses comme on l’entend. On respecte les gens qui font ça et on est respecté aussi pour ça. On ne lâche rien et on est honnête dans notre démarche.

– La sortie de « Fade Into Blurred Lines » correspond au démarrage de la première partie de votre tournée. C’est important de le livrer en live, tant qu’il est encore ‘chaud’ ?

Oui, on a hâte de rejouer. Le premier concert était un vrai soulagement après tous ces mois de travail et d’attente. Le trio fonctionne très bien en live et les nouveaux morceaux sont super à jouer.

Le nouvel album de 7 WEEKS, « Fade Into Blurred Lines » est disponible chez F2M Planet.

Retrouvez la chronique du précédent EP du groupe :

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Blues Folk/Americana

Dom Martin : across the Éire

Captivant et électrisant, le chanteur et guitariste DOM MARTIN livre un peu d’un an après le très bon « A Savage Life », un disque tout aussi poignant de vérité où l’Irlandais distille un Blues unique, qui fait le pont entre des influences américaines marquées, l’empreinte omniprésente d’un British Blues étincelant et une atmosphère celtique chaleureuse. « Buried In The Hail », s’il est plus sombre dans son approche, ne manque pourtant pas d’élégance, ni d’éclats lumineux.   

DOM MARTIN

« Buried In The Hail »

(Forty Below Records)

Le pays du trèfle, dans son intégralité, a toujours été une terre de Blues et de Folk et c’est peut-être pour cette raison que « Buried In The Hail » est probablement l’album de DOM MARTIN, qui sonne le plus irlandais. Sans doute aussi parce qu’il est le plus Folk et le plus intimiste du musicien. Toujours aussi roots, ce troisième opus studio parcourt des contrées Blues, bien sûr, mais aussi Folk et Americana, des styles qu’il affectionne tout particulièrement et qui se prêtent parfaitement à l’ambiance très acoustique à l’œuvre ici.

Enregistré dans les fameux Golden Egg Studios dans la province de Leinster et produit à Dublin, où DOM MARTIN a fait équipe avec les très réputés Chris O’Brien et Graham Murphy, « Buried In The Hail » propose des morceaux très épurés et d’une apparente légèreté. Moins électrique donc que ses précédentes réalisations, le songwriter nous embarque dans une balade irlandaise chargée d’émotion, qui commence par l’instrumental « Hello In There », où sa guitare sèche se mêle à des rires d’enfants avec une magie palpable.

C’est vrai que la douceur, la lumière et une certaine bienveillance dominent sur l’ensemble des titres, dont certains affichent clairement une ambiance celtique (« Government », « Belfast Blues », « The Fall »). DOM MARTIN se fend également d’une reprise magistrale et pleine de nostalgie du « Crazy » de Willie Nelson. En explorant les âmes et les esprits, le natif de Belfast se livre avec délicatesse et authenticité (« Buried In The Hail », « Lefty 2 Guns »), sans perdre de sa vivacité (« Daylight I Will Find », « Unhinged », « Howlin’ »). Superbe !      

Photo : Will Carter

Retrouvez la chronique de l’album précédent :

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Blues Contemporary Blues folk

Ashley Sherlock : elementary

Rayonnant et positif, ce premier album de l’Anglais ASHLEY SHERLOCK est une vraie petite merveille. Aussi à son aise en électrique qu’en acoustique, le musicien de Manchester combine avec talent des élans musclés très Rock avec des instants suspendus où le Blues et la Folk se tiennent côte à côte dans une chaleur et une communion qui font de « Just A Name » un magnifique disque.

ASHLEY SHERLOCK

« Just A Name »

(Ruf Records)

Il n’aura fallu que deux EP (l’un éponyme en 2019 et « If You’re Listening » en 2021) à ASHLEY SHERLOCK pour taper dans l’œil de Ruf Records et se joindre à son beau catalogue. Il faut dire que le songwriter a fait les choses dans les règles, à l’ancienne, en écumant les scènes intensément pour aguerrir son jeu et bien mesurer l’impact de ses compositions. Et le résultat est là avec ce resplendissant « Just A Name ».

Accompagné de Charlie Kay (basse) et Danny Rigg (batterie), c’est donc en trio que se présente le chanteur et guitariste avec un Blues Rock accrocheur, qui laisse cependant beaucoup de respiration. Entre riffs appuyés et accords plus délicats, ASHLEY SHERLOCK propose un univers très varié et assez éloigné des standards classiques notamment dans les sonorités, qui balaient un large spectre.

Le registre est résolument britannique dans le style et le Mancunien y a injecté de multiples influences, dont certaines assez étonnantes. « Just A Name » évolue dans un périmètre dans lequel se côtoient le Blues bien sûr, mais aussi le Rock, le Hard version acoustique et une Folk façon Jeff Buckley, jusque dans sa voix tout en nuances. ASHLEY SHERLOCK signe ici et déjà un grand album.

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folk

Innessa : une touchante simplicité

La musique d’INNESSA ne manque pas de charme et l’Alternative Folk proposée par la chanteuse, guitariste et compositrice s’ouvre à bien des horizons. Avec « Golden Wreath », la Russe installée en Australie partage un univers assez singulier à la fois slave et celtique, Pop et acoustique… Un moment suspendu.

INNESSA

« Golden Wreath »

(Independant)

Variée et lumineuse, la Folk d’INNESSA montre autant de finesse et de délicatesse que de caractère. Arrivée en Australie depuis sa Russie Natale il y a quelques années maintenant, la chanteuse a déjà sorti trois albums et s’affirme au fil de ses productions. Avec « Golden Wreath », elle présente de multiples visages grâce à une voix limpide, douce et tout en poésie.

Si l’âme slave de la songwriter plane sur « Golden Wreath », d’autres sonorités plus étonnantes viennent alimenter la belle diversité de ce quatrième opus. Très personnel sur le morceau-titre, le style d’INNESSA sait aussi se faire acoustique (« Hollow »), Pop (« Wild Horses », « We », « Strange World »), cinématographique (« Wings ») et très envoûtant (« Wave »).

Autofinancé et très bien produit, l’artiste a apporté un soin tout particulier aux arrangements qui restent  sobres et épurés, mais non sans beaucoup de richesse, comme les interventions de violon notamment. D’une belle naïveté sur « Beneath The Azure Skies », INNESSA nous entraîne aussi dans des ambiances celtiques (« Shallop »), avec une flûte enchanteresse. Très réussi !

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Blues Folk/Americana Soul / Funk

Eric Bibb : la lumière d’un sage

C’est la résonance d’un peuple opprimé qu’ERIC BIBB a voulu faire entendre sur « Ridin’ », où le musicien se fait l’écho de siècles de lutte des Afro-Américains avec un positivisme incroyable chevillé au corps et aux cordes. Précieux et précis, ce disque est autant un voyage qu’une réflexion sur les mouvements populaires actuels et passés, le tout distillé à travers des chansons sensibles et émouvantes et en évitant toute noirceur. Un modèle d’optimisme et d’une incroyable sobriété musicale.

ERIC BIBB

« Ridin’ »

(Dixiefrog)

La captivante voix de velours d’ERIC BIBB opère toujours comme par magie sur ce superbe « Ridin’ », et cela fait même cinq décennies et près de 40 albums que l’Américain installé à Londres régale de son jeu plein de finesse et si expressif. Teinté de Folk, d’Americana et d’un brin de Country, le bluesman a aussi conservé dans son répertoire ses racines Soul et Gospel, qui rendent cette nouvelle réalisation d’une grande et apaisante douceur. 

Librement inspiré de la peinture d’Eastman Johnson (« A Ride For Liberty » – 1862), la pochette de « Ridin’ » évoque sans détour l’espoir, la détermination et le courage de la communauté afro-américaine au fil du temps. C’est donc sur la base de ce concept qu’ERIC BIBB a bâti son nouvel opus où il exprime sa conception d’un racisme systémique et la façon de le purger du monde. Le songwriter est un humaniste, ainsi qu’un passeur.

Musicalement aussi, le songwriter ne s’interdit rien et nous promène dans des contrées funky, groovy et chaloupées dans un Blues dépouillé et très acoustique. Inspiré et délicat, il aspire à transmettre son espérance dans un voyage plein d’amour et de volonté. Et histoire de faire briller « Ridin’ » encore un peu plus, ERIC BIBB accueille les stellaires contributions de Taj Mahal, Jontavious Willis, Russell Malone et Habib Koité. Indispensable !      

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Musique celtique Musique traditionnelle

Denez : l’art de la Gwerz

Nul besoin de comprendre la langue bretonne pour être submergé par la beauté et la profondeur de la voix de DENEZ. Après s’être produit a cappella, dans des formules traditionnelles plus classiques et aussi après avoir habillé son chant de musique Electro, c’est dans une orchestration très acoustique que le maître de la Gwerz arrête le temps sur « Ur Mor A Zaeloù », un nouvel album vibrant, à la fois vif et délicat, dont il est difficile d’échapper à la résonance libératrice.   

DENEZ

« Ur Mor A Zaeloù »

(Arsenal Productions/Coop Breizh)

Impalpable, sinueuse et intemporelle, la Gwerz est cette plainte éternelle faite d’une humanité et d’un humanisme absolus, dont DENEZ s’est fait le chantre au fil de ses albums. « Ur Mor A Zaeloù » est le douzième opus du chanteur de Santec, dans le Finistère. Et cette fois encore, il transporte, fait frissonner et même trembler, tout en offrant une chaleur libre et fluide perceptible sur ces dix nouveaux morceaux où la modernité s’entremêle dans une tradition forte et fière. S’il est toujours question de douleur, c’est aussi parce que l’espoir se fait l’étendard de cette poésie.

Enregistré dans l’église de Lanvellec en Trégor, « Ur Mor A Zaeloù » célèbre le chant sacré de DENEZ, dont il émane une spiritualité, au-delà de toute religiosité, à même de toucher toutes les cultures, toutes les époques et tout à chacun. Messagère d’évènements tragiques, tourmentés et finalement immuables, le Gwerz magnifie le chant sacré, incantatoire et d’une incroyable puissance de DENEZ. Fortement ancré dans son héritage breton et plus largement celtique, ce nouveau chapitre de son répertoire est tout en symboles.

Dans cet univers très épuré, le chanteur est accompagné de violoncelle, violon, bandonéon, cornemuse, veuze et d’un chœur d’enfants pour un voyage musical très acoustique, marqué par une simplicité et une intense émotion de chaque instant. Faisant souvent écho aux drames actuels du monde, DENEZ s’approprie des textes traditionnels en breton, mais livre également ses propres compositions (« Kanañ A Ran », « Naonegezh Kiev »). Sans être prophétique, il reste un passeur incontournable de mélodies et de nos trésors.