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Americana Blues Rock Desert Rock

Freddy And The Phantoms : northern Americana

Avec une approche très cinématographique, FREEDDY AND THE PHANTOM nous conte ses histoires, ses réflexions et ses pensées sur des thématiques comme la liberté, la spiritualité et les nombreux désirs, plus ou moins coupables. Quoi de plus propice qu’un Blues Rock mélodique et sauvage, où l’Americana rencontre le Desert Rock pour ne faire qu’un ? Très modernes dans leurs compositions, les Danois parviennent sans mal à créer un univers particulier et « Heathen Gospels » se montre d’une incroyable variété.

FREDDY AND THE PHANTOMS

« Heathen Gospels »

(Target Group/SPV)

Ce sixième album de FREDDY AND THE PHANTOMS est une promesse, celle de partir à travers les grands espaces et l’on pense bien sûr irrémédiablement à des paysages américains. Pourtant, c’est du Danemark qu’est issue la formation. C’est même dans son propre studio situé sur la côte nord de l’île de Sealand, la principale du pays, qu’elle s’est engouffrée pour concocter ce « Heathen Gospels » aux saveurs multiples, mais dont les sonorités et les influences résonnent en écho à celles de grands noms. Bien digérées, il en ressort un style très personnel, peaufiné au fil du temps.

Ils le reconnaissent eux-mêmes, « Heathen Gospels » est le fruit d’un véritable travail collectif. Et lorsque vous disposez au sein du même du groupe trois guitaristes et que tout le monde se met au chant, il en résulte forcément une richesse musicale intense. Si l’on peut aisément ranger FREDDY AND THE PHANTOMS dans la grande famille du Blues, ce serait tout de même un peu réducteur. Les slides rayonnent, tout comme l’orgue Hammond, et il y a une touche de Desert Rock qui flotte dans l’air et qui lui donne même ce côté très Americana, porté par des textes très bien écrits.

Pour autant, la production est très européenne, ce qui n’est pas un défaut en soi, évidemment, et qui est d’ailleurs peut-être même la marque distinctive de FREDDY AND THE PHANTOMS dans cet univers très Yankee. On voyage ainsi dans un Blues Rock raffiné, très légèrement teinté de Country, de Classic Rock et dans une atmosphère souvent aride (« Heart Is A Highway », « Skeleton Man », « Blood », « Get High », « Tuesday’s Gone », « Times Files By »). Les Scandinaves réussissent le tour de force de nous embarquer dans leur Nord natal dans une atmosphère dépaysante et aventureuse.

Photo : Jacob Fox Maule
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Ethnic Metal Metal Progressif Symphonic Metal

Myrath : prophétique

Avec « Karma », MYRATH semble ouvrir un nouveau chapitre et donne même de l’élan à une carrière déjà bien remplie. Sans renier ce qui constitue son ADN, à savoir un Metal Oriental à la fois Heavy, symphonique et progressif, il met en exergue ce savoureux mélange, et même si les envolées ne manquent pas, l’efficacité paraît être la priorité de ces nouveaux titres qui, pourtant dotés d’arrangements très soignés, évitent toute fioriture. Guidé par son frontman Zaher Zorgati, le combo se montre lumineux, positif et énergique.

MYRATH

« Karma »

(earMUSIC)

Cinq ans après le très bon « Shehili » et le double DVD live au Sweden Rock et à Carthage, les Franco-Tunisiens font un retour exceptionnel. Très bien écrit, « Karma » doit cette petite métamorphose, du moins cette évolution, a une méthode de composition imposée par les circonstances, mais qui aura permis aux musiciens de se recentrer sur leurs fondamentaux et d’expérimenter aussi beaucoup. Direct, fluide et dynamique, MYRATH revient dans une forme éblouissante et cela s’entend sur les onze titres de ce sixième opus qui devraient prendre toute leur dimension sur scène.

Et le groupe commence aussi, d’une certaine manière, à s’émanciper très légèrement du Metal Oriental, dont ils sont bien sûr les fervents représentants. Musicalement, pas de bouleversements majeurs mais, en revanche, « Karma » est entièrement chanté en anglais, une première, ce qui montre à l’évidence que MYRATH se projette de plus en plus à l’international. Et ce n’est pas tout, puisque l’on retrouve le grand Jacob Hansen au mix et à la production. Le son est clair, puissant, équilibré et surtout il conserve et met en lumière les particularités du quintet.

Pied au plancher, c’est « To The Stars » qui ouvre les festivités sur un groove d’enfer et un petit air vintage niché au creux de ce Metal plutôt costaud. Techniquement, MYRATH hausse le ton sans tomber dans une technicité exacerbée pour autant. Incisive et mélodique, cette nouvelle réalisation mise aussi sur les changements d’atmosphères et de tempos. On n’a pas vraiment le temps de s’ennuyer, tant « Karma » ne manque pas d’éclat (« Into The Night », « Candles Cry », « Words Are Falling », « Child Of Prophecy », « The Empire », « Carry On »). Les étoiles sont alignées…

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Metal Progressif

Caligula’s Horse : au sommet

Quand la délicatesse guide la robustesse du Metal avec autant de savoir-faire et d’inspiration, il est très difficile d’y résister. S’affirmant au fil de ses réalisations avec une créativité qui conjugue des moments éthérés avec d’autres résolument fracassants, CALIGULA’S HORSE n’a plus à chercher ou courir après une identité musicale, qui est devenue tellement évidente. « Charcoal Grace » élève encore le niveau dans des sphères où le Metal Progressif proposé n’a que très peu d’égal actuellement dans le monde.   

CALIGULA’S HORSE

« Charcoal Grace »

(InsideOut Music)

Les Australiens peuvent maudire la période du Covid. Un cinquième album, « Rise Radiant », aussi lumineux que puissant presque passé à la trappe, puis le départ du guitariste Adrian Goleby dans la foulée, ont réduit à néant les efforts dans ce (long) moment. Pas, puis très peu de scènes, CALIGULA’S HORSE s’est donc remis à l’ouvrage et même si le contenu de l’album traite du sujet qui a occupé et pollué l’esprit du quatuor, « Charcoal Grace » est de loin la production la plus ambitieuse et audacieuse du groupe depuis ses débuts. En prenant des risques, il se hisse avec force au sommet du Metal Progressif actuel… avec Soen !

Ni le changement de line-up, ni la frustration engendrée par des mois incertains n’ont remis en cause ou en question cette faculté incroyable à composer une musique dont la technique et la technicité se mettent au service de l’émotion. On reconnaît CALIGULA’S HORSE dès l’entame de « Charcoal Grace » et il ne cherche pas à révolutionner le genre, ce qui serait peine perdue. Cependant, s’il est presqu’impossible de réinventer un style déjà très riche, certains parviennent pourtant à renouveler la seule chose qui puisse l’être encore : sa beauté. Et ce sixième opus vient le démontrer avec brio sur une heure intense.

« Charcoal Grace » est un disque assez particulier puisqu’il s’articule autour de sa pièce maîtresse : le morceau-titre courant sur 24 minutes et scindé en quatre parties. Sans pour autant livrer un album-concept, CALIGULA’S HORSE impose un lien entre les morceaux, qui naviguent entre instants suspendus, charges Heavy et massives et une poésie qui croise le fer avec une énergie souvent colossale (le torturé « Golem », le rêveur « Sails », l’accrocheur « The Stormchaser », ou « Mute » et sa flûte enchanteresse). Malgré la longueur des titres, on ne s’y perd jamais, tant l’originalité du combo est unique en son genre.  

Photo : Andrew Basso
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Alternative Rock Atmospheric Post-HardCore post-Rock

Codeseven : la renaissance

Après un long sommeil, la formation de Caroline du Nord réapparait enfin avec ce « Go Let It In » d’une grande classe et bénéficiant d’une somptueuse production. Assez éloigné de la lourdeur du son de ses premières réalisations, CODESEVEN n’en a pourtant pas perdu de son identité. Moins post-HardCore, plus Rock et progressif, et jouant sur les ambiances avec habilité, technique et feeling, ce retour est exceptionnel.

CODESEVEN

« Go Let It In »

(Equal Vision Records)

Si vous aviez tendu l’oreille au milieu des années 90 jusqu’en 2004, vous avez probablement un souvenir de CODESEVEN, un quintet qui bousculât un peu les codes en s’attelant à l’élaboration d’un post-HardCore mélodique mâtiné d’Alternative Rock. Depuis « Dancing Echoes/Dead Sounds », les Américains s’étaient mis en veille, une longue pause de 19 ans. Et c’est avec le même line-up et sur le même label qu’ils sont de retour et « Go Let It In », qui mérite que l’on s’y penche de très près.

A chacun de ses albums, six avec celui-ci, le groupe s’est toujours évertué à proposer quelque chose de différent et c’est encore le cas près de deux décennies plus tard. Bien sûr, CODESEVEN n’est pas resté figé dans une époque aujourd’hui presque lointaine. Toujours aussi mélodique, il peut compter sur la voix de Jeff Jenkins, qui s’est même bonifiée avec le temps. Apportant beaucoup de douceur, tout en restant capable de se montrer plus féroce, le frontman est un vrai guide et il illumine « Go let It In ».

Très atmosphérique, ce sixième opus livre un aspect très cinématographique en combinant des sonorités électroniques mesurées avec des guitares omniprésentes, à la fois musclées et aériennes. Naviguant entre post-Rock et Space Rock avec un fond progressif, CODESEVEN fait l’équilibre entre légèreté et force sur des morceaux souvent très captivants et hypnotiques (« Fixated », « Hold Tight », « Starboard », « A Hush… Then A Riot », « Mazes And Monsters », « Suspect » et le morceau-titre). Brillant !

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Rock Progressif

Fish On Friday : une pêche miraculeuse

Brillant cette fois encore, le quatuor belgo-anglo-américain continue son aventure musicale entre un Rock Progressif fin et un Art-Rock très élaboré. Avec « 8mm », FISH ON FRIDAY avance dans une sorte de spleen très positif (si, si !) où les claviers se mêlent à la guitare, guidés par un chant à trois voix particulièrement bien mixé. Atmosphérique et aux multiples reliefs, cette nouvelle réalisation surprend et détend autant qu’elle envoûte.

FISH ON FRIDAY

« 8mm »

(Cherry Red Records)

Après le très bon « Black Rain » sorti il y a trois ans, la multinationale progressive livre « 8mm », un album d’une élégance renouvelée à laquelle elle nous a habitués depuis ses débuts. Toujours emprunt d’une certaine nostalgie dans ses textes et sa musique, FISH ON FRIDAY fait cette fois un clin d’œil aux vieux films amateurs à travers son titre bien sûr, et aussi dans son contenu qui met en valeur les mélodies, les harmonies, la créativité des musiciens et livre quelques surprises.

Fondé il y a un peu plus de 15 ans à Anvers en Belgique par le claviériste, chanteur et producteur Frank Van Bogaert (avec Williams Beckers parti depuis) et aujourd’hui accompagné du guitariste californien Marty Townsend, du bassiste anglais Nick Beggs et du Belge Marcus Weymaere à la batterie, FISH ON FRIDAY dévoile son univers si singulier sur des réalisations toujours aussi raffinées. « 8mm » ne déroge pas à la règle et le voyage est beau, tant l’envolée est constante.

Coproduit par Beggs et Van Bogaert, qui se partagent subtilement le chant, ce sixième opus accueille aussi la chanteuse Lula Beggs sur plusieurs titres, ainsi que Theo Travis (flûte et saxo). Délicate et aérienne, la légèreté apparente fait presqu’oublier la virtuosité du groupe et la grande qualité des arrangements. FISH ON FRIDAY se fend même d’une superbe reprise des Britanniques Metro (« Flames » sorti en 1977) et enchaine quelques merveilles (« 8mm », « Jump This Wall », « Silently Raging »).

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Doom Heavy metal

Cirith Ungol : la légion du chaos

La lumière ne passe que très rarement sur les réalisations de CIRITH UNGOL, ce qui ne l’empêche pas, et ne l’a d’ailleurs jamais empêché, de briller grâce à une créativité toujours très mesurée pour plus d’efficacité. Le quintet semble peser chaque note comme pour mieux respecter un style savamment élaboré depuis des décennies. « Dark Parade » est un modèle du genre, l’essence-même du Metal où le Doom et le Heavy guident une cavalcade épique torturée, qui vous happe sans crier gare. Un monument… encore !

CIRITH UNGOL

« Dark Parade »

(Metal Blade Records)

CIRITH UNGOL, c’est une aventure qui démarre discrètement dans la ville de Ventura en Californie, bastion que le groupe n’a d’ailleurs jamais quitté. Tirant bien sûr son nom de l’œuvre de J.R.R. Tolkien, c’est en 1972 que les premières notes résonnent pour donner vie à un premier album neuf ans plus tard, « Frost And Fire ». S’en suivront les classiques « King Of The Dead »(1984), « One Foot In Hell » (1986) et « Paradise Lost » (1991) qui sont les bases fondatrices du son si particulier des Américains. La légende est marche et, malgré un coup d’arrêt jusqu’en 2020 et un retour avec « Forever Black », elle est restée terriblement vivante.

Malheureusement, ou heureusement selon ses membres, CIRITH UNGOL est toujours resté dans l’ombre underground d’un style auquel il a pourtant donné ses plus belles lettres de noblesse de l’autre côté de l’Atlantique. Précurseur du Doom (avec d’autres) et délivrant un registre épique que d’autres prendront d’ailleurs à leur compte, le quintet est peut-être celui qui incarne le mieux le Heavy Metal dans sa forme primale et originelle. Extrêmement pointilleux et perfectionniste, il n’y a pas trace de superflu et encore moins d’esbroufes techniques sur les disques des Californiens, et « Dark Parade » s’inscrit bien sûr dans cette lignée.

Si certains considèrent, peut-être à juste raison, que CIRITH UNGOL est une formation vintage au son prisonnier des années 80, une écoute très attentive de ce sixième album s’impose. La production est massive, d’un équilibre parfait, avec des guitares idéalement réparties, offrant ça et là une multitude détails qui donnent du coffre et surtout une énergie et une vélocité très maîtrisées et si évidentes (« Relentless », « Sailor on the Seas of Fate », « Looking Glass », « Dark Parade », « Distant Shadows »). Les riffs sont imparables, la rythmique ronronne, les solos tranchent et la voix de Tim Baker ensorcelle ! What else ?     

Photo : Peter Beste
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Blues Rock

Eric Sardinas : bottleneck fever

Gorgé de slide solaire et de riffs entêtants, « Midnight Junction » s’impose assez naturellement comme l’une des meilleures réalisations de Blues Rock de l’année. ERIC SARDINAS a pris son temps et ces nouveaux morceaux libèrent autant de puissance que de finesse et de mélodies. Il est aujourd’hui au sommet de son art et sa maîtrise du dobro couplée au bottleneck (et vice-versa), touche ici la perfection.

ERIC SARDINAS

« Midnight Junction »

(earMUSIC)

S’il s’est mis très jeune à la guitare dans sa Floride natale, c’est durant les années 90 qu’ERIC SARDINAS a commence à faire parler de lui du côté de Los Angeles. Repéré par un certain Steve Vai qui a fait de lui son protégé, il a même participé au fameux G3 sur deux tournées mondiales. Mais c’est le Blues qui anime sa passion pour la six-corde, notamment le dobro, et « Treat Me Right », son premier effort solo sorti en 1999 sous son nom, amorce une aventure musicale très personnelle et débridée.

Neuf longues années après « Boomerang », l’Américain refait surface avec « Midnight Junction », son sixième opus solo, et c’est un véritable All-Stars band qui l’accompagne. Interprétées par le batteur Chris Frazier (Whitesnake, Foreigner), le bassiste Koko Powell (Lenny Kravitz, Sheila E), le claviériste David Schultz (Bo Diddley, The Goo Goo Dools) et le grand harmoniciste Charlie Musselwhite, les 13 chansons sont taillées sur mesure par un ERIC SARDINAS qui rayonne littéralement.

Très roots dans le son comme dans l’approche et malgré un groupe qui joue sur du velours, le songwriter et chanteur fait preuve de virtuosité bien sûr, de feeling évidemment et affiche surtout une très grande liberté. Son Blues Rock est instinctif, électrisant et d’une authenticité qui semble même le galvaniser (« Long Shot », « Said And Done », « White Lightnin’ », « Liquor Store »). Outre les deux superbes instrumentaux (« Swamp Cooler », « Emilia »), ERIC SARDINAS reprend aussi le « Laudromat » de Rory Gallagher avec classe.

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France Grunge Heavy Rock Stoner Rock

7 Weeks : d’une ardente authenticité [Interview]

Le malheureux timing subi par l’excellent « Sisyphus » il y a deux ans est loin d’avoir refroidi 7 WEEKS. Bien au contraire, le trio fait de nouveau sensation avec « Fade Into Blurred Lines », un album certes moins solaire que le précédent, mais qui livre une vérité musicale comme on n’en voit peu. Le Heavy Rock teinté de Stoner et un brin Grunge des Français dévoile beaucoup de fragilité dans un sens, mais elle vient renforcer une puissance émotionnelle sincère et intense, qui se fond dans des sonorités Blues très personnelles. Julien Bernard, chanteur et bassiste, revient sur le récent parcours du groupe et l’élaboration de ce sixième opus. Entretien.

Photo : Marie d’Emm

– Il y a trois ans vous commenciez la série « Sisyphus » avec un très bon album, suivi de l’EP « What’s Next ? » l’année suivante. Avec le recul, qu’en retiens-tu ? La période a été pénible et malgré tout, 7 WEEKS sort deux très belles productions…

Ca a été une période très productive, on a compensé le fait de ne pouvoir jouer l’album sur scène par des projets annexes, c’est-à-dire l’EP, des sessions live acoustiques, des livestreams, etc… On ne pouvait pas tout laisser s’arrêter, on a tenu bon et notre structuration en label indépendant autogéré nous a permis de faire ça, là où tout le monde était en ‘sommeil’. Si on avait été sur un autre label, ou une major, jamais on aurait pu le faire. Ca montre aussi qu’en cas de crise, les petits arrivent à survivre là où les grosses productions s’arrêtent. Le problème est quand ça repart, les ‘gros’ trustent tout ! (Sourires)

– Est-ce qu’après la pandémie, vous avez pu reprendre le chemin des concerts normalement et enfin défendre votre album dans les meilleures conditions ?

Oui, on a réattaqué les dates dès juillet 2021 et on a fait une belle tournée sur l’automne, puis une nouvelle série de concerts jusqu’à l’été 2022, avant de s’attaquer au nouvel album.

Photo : Jérémie Noël

– Vous revenez aujourd’hui avec « Fade Into Blurred Lines » sur lequel vous vous affirmez encore plus. Quand avez-vous commencé sa composition, car on le sent très spontané ?

Les premières idées datent de début 2021, mais le travail réel sur l’album s’est fait à partir de janvier 2022. Puis à la fin août, notre clavier a décidé de ne pas repartir sur un nouvel album. On s’est donc retrouvé à trois et nous avons tout repensé et composé dans cette dynamique de trio. C’est effectivement assez spontané dans le sens où on a voulu faire ça de manière très organique, très live.

– Malgré la puissance qu’il dégage, ce nouvel album a aussi un côté encore plus personnel et aussi très intimiste. Comment combinez-vous ces deux aspects, car on vous sent aussi très libérés dans le jeu ? Et il y a l’importance accordée aux textes également…

Exactement, pour la première fois, j’ai pu déléguer la guitare, que je faisais jusque-là sur quasiment tous les albums. J’ai donc vraiment pu me concentrer sur l’écriture dans sa globalité avec mes instruments de prédilection, à savoir le chant et la basse. J’ai travaillé les textes avec une amie anglaise (Katy du groupe Lizzard) et on a été assez loin. On a pris le temps de comprendre ce que je voulais exprimer et trouver la bonne formulation, celle qui sonnerait le mieux avec la musique. Les textes sont écrits de manière à vraiment se livrer en les chantant, d’où le côté intimiste sur des morceaux comme « Mute » ou « Shimmering Blue ». De manière générale, chacun a pu se concentrer sur son instrument et sur la manière d’exprimer au mieux l’état d’esprit ou l’émotion du morceau. Et le fait de se retrouver à trois pour bosser en profondeur sur les titres a permis une musicalité qui est très expressive.

Photo : Romain Mouneix

– Pour « Fade Into Blurred Lines », vous avez enregistré l’album en condition live, ce qui lui confère un son très organique, et d’ailleurs la sincérité et l’authenticité qui s’en dégagent sont éclatantes. En quoi cela était-il important pour vous, car la production et les arrangements sont également très soignés ?

On tenait à capturer des prises live très brutes dans le jeu et le feeling pour ensuite ajouter les arrangements, sans se soucier de savoir si on pourrait les jouer sur scène. Si les prises brutes fonctionnent, les arrangements ne sont que la cerise sur le gâteau et non un cache-misère.

– Votre Heavy Rock est toujours teinté de Stoner, légèrement de Grunge et cette fois, il y a également des éléments bluesy qui viennent se greffer. Ca va dans le sens et dans le propos général de l’album ? Ou est-ce juste une volonté artistique et sonore ?

Il me semble qu’on a toujours eu cette fibre Blues, dès « Carnivora » en 2013 sur un morceau comme « Shadow Rider », par exemple. Peut-être était-elle moins ressentie, car la production des disques qui était moins organique. Cette influence-là est logique vu la musique que l’on fait. Mais c’est vrai que cet album s’y prête beaucoup. Le Blues est une forme d’expression, c’est chanter et jouer ce qu’on ressent ou ce qu’on vit de manière très crue. En ce sens-là, nous faisons du Blues sur ce disque. Simplement, nous ne sommes pas du Mississipi ou de Chicago. La forme est différente, mais pas le fond.

Photo : Jérémie Noël

– J’aimerais que tu nous dises un mot sur cette très belle pochette, ce qui est d’ailleurs une habitude chez vous. Quelle est ton interprétation de cette statue étonnante et très expressive de Don Quichotte ? Elle est d’ailleurs présente dans le clip de « Gorgo ». Et de qui est-elle l’œuvre ?

Nous avons effectivement la chance de travailler avec Gilles Estines, qui est un ami et qui fait quasiment tous nos visuels. Il nous sort toujours des choses magnifiques. Pour cet album, on lui avait donné plusieurs pistes, dont celle d’un Don Quichotte, qui en en rapport avec le morceau « Windmills ». Après plusieurs propositions, il nous a semblé que ce visuel très fort conviendrait parfaitement au sentiment général du disque et à son titre. Pour le titre « Gorgo », on a eu cette idée de créer la statue en vrai pour la filmer dans le sable pour mieux coller au texte. Puis, on a demandé à une connaissance, Loïc Delage de Hom’ort, de s’inspirer de la pochette et il a crée ce personnage. C’est un sculpteur sur métal très doué. On adore sa statue et elle trône dorénavant dans mon jardin !

– Depuis vos débuts, vous avez produit six albums et deux EP via votre label F2M Planet, et vous gérez également vous-mêmes vos tournées. On comprend facilement votre désir d’indépendance et de liberté, mais est-ce que ce n’est pas trop contraignant dans la mesure où cela pourrait empiéter sur la création musicale ?

Ca empiète surtout sur nos vies personnelles ! (Sourires) C’est une somme de travail considérable, mais ça nous permet de faire les choses comme on l’entend. On respecte les gens qui font ça et on est respecté aussi pour ça. On ne lâche rien et on est honnête dans notre démarche.

– La sortie de « Fade Into Blurred Lines » correspond au démarrage de la première partie de votre tournée. C’est important de le livrer en live, tant qu’il est encore ‘chaud’ ?

Oui, on a hâte de rejouer. Le premier concert était un vrai soulagement après tous ces mois de travail et d’attente. Le trio fonctionne très bien en live et les nouveaux morceaux sont super à jouer.

Le nouvel album de 7 WEEKS, « Fade Into Blurred Lines » est disponible chez F2M Planet.

Retrouvez la chronique du précédent EP du groupe :

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Heavy Stoner Rock Stoner Metal

Ohmwork : un écho lumineux

Sur une production terriblement organique et entièrement dirigée par le combo, OHMWORK propose avec « In Hindsight », l’un des albums les plus novateurs et intéressants en termes de Heavy Stoner Rock de cette année. La fusion à l’œuvre chez les trois musiciens est plus que palpable et donne lieu à un déferlement de puissance, de riffs épais et massifs soutenus par une paire basse/batterie renversante. Ajoutez à cela un frontman véritablement habité et l’ensemble se fait ensorceleur et ravageur.   

OHMWORK

« In Hindsight »

(Rob Mules Records)

C’est toujours assez difficile de définir le style du power trio norvégien et ça fait plus de dix ans que ça dure, depuis son premier album « Storm Season ». Non pas qu’il faille à tout prix mettre une étiquette sur OHMWORK, mais préciser de quoi on parle n’est pas dépourvu d’intérêt, non plus. Alors pour faire simple, il s’agit de Stoner Rock avec une grosse dose d’un Metal lourd, efficace et mélodique et parfois même aux frontières du Doom. Autant dire que le groupe possède solides arguments.

Faisant suite à « Pareidolia » (2021), « In Hindsight » va plus loin dans l’expérimentation et notamment sur la texture des guitares, parfois même acoustiques. Très Heavy dans l’approche, OHMWORK repousse les limites de son Stoner en faisant cohabiter le Rock et le Metal avec beaucoup d’habileté. Accrocheurs, les morceaux sont rapidement immersifs et dégagent une incroyable énergie portée par la voix de son chanteur. Les Scandinaves vivent réellement leur musique, ce qui explique la grande proximité sonore.

Tout en progression, ce sixième opus montre une évolution constante au fil des titres, gravés dans une modernité musicale très audacieuse. Anders L. Rasmussen (guitare, chant, orgue), Heige Nyrud (basse) et Espen A. Solli (batterie) en appelle pourtant à des influences un brin Old School comme socle à des accélérations et des montées en puissance musclées (« 17 Years », « Turmoil », « Relentlessly Closer », « The Web », « Adrift » et ses sept minutes et le fracassant morceau-titre). OHMWORK sait où il va et ne prend aucun détour.

Photo : Espen Solli
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Metal Progressif Sludge

Baroness : des émotions non-figées

Entièrement autoproduit et sortant sur son propre label, ce sixième album de BARONESS tient plus que jamais son rang en refusant clairement d’adopter un chemin linéaire, ce qui le rend beaucoup plus créatif et novateur que la plupart des formations actuelles. « Stone » surprend, s’aventure là où on ne l’attend pas et élargit encore un peu plus le monde du Metal.

BARONESS

« Stone »

(Aloraxan Hymns)

Depuis 20 ans, BARONESS séduit de plus en plus, ou sombre dans un marasme musical irrécupérable, c’est selon. Bien sûr, les fans du Sludge Metal des débuts peuvent être déçus et peinent à s’y retrouver, même si l’on décèle toujours des riffs bien sentis, véloces et bien musclés. A chaque disque, le quatuor fait sa mue, se remet en question et explore de nouveaux cieux en se réinventant avec beaucoup d’élégance et de savoir-faire. Et avec « Stone », le processus suit son cours.

Quatre ans après « Gold And Grey » qui avait déjà donné la ligne artistique que BARONESS entendait suivre, « Stone » vient enfoncer le clou à l’instar d’Opeth dont le parcours reste aussi exemplaire. Mais cela ne vaut bien sûr que pour la démarche des deux groupes, pas pour leur musique. Les Américains prennent donc une direction plus progressive, sans pour autant donner le Prog à proprement parler. Ce nouvel opus regroupe de très nombreux courants et c’est cela toute sa force.

Agressif sur « Beneath The Rose », « The Choir » et « The Dirge », plus flexible sur « Last World » et son incroyable solo, tout comme sur « Shine », BARONESS se montre d’une grande diversité dans les atmosphères. Folk sur l’intro de « Magnolia » et plus nerveux sur « Under The Wheel », il montre la même habileté peu importe l’univers dans lequel il évolue. Délicat et audacieux, le gang de Georgie affiche une confiance, une assurance et une maîtrise totale sur ce « Stone » monumental.

Photo : Ebru Yildiz