Heavy Punk Metal ou Metal Fusion, je laisse à chacun la liberté de se faire son idée sur ce très bon deuxième album d’AMERICAN TERROR. Une chose est sûre, « Where We Are » ne manque ni de fraîcheur, ni d’aplomb. Corrosif et explosif, le gang de Georgie fait des étincelles dans un style bien à lui.
AMERICAN TERROR
« Where We Are »
(Independant)
Nouvel album pour le furieux combo d’Atlanta et avec « Where We Are », AMERICAN TERROR règle quelques comptes avec une mention spéciale pour la Cancel Culture. La critique est acerbe et le quatuor n’y va pas par quatre chemins. Brutal et mélodique à la fois, les Américains affichent une volonté musclée et traversent avec la même détermination plusieurs styles.
Se présentant sous une étiquette de groupe Heavy Punk Metal, l’écoute de « Where We Are » s’avère pourtant assez différente. Certes, le Punk américain n’a rien à voir avec l’européen musicalement, donc le parallèle est un peu hasardeux… sauf si l’on s’en tient aux textes, qui restent virulents et engagés. Pour ce qui est d’AMERICAN TERROR, on est plutôt face à un Metal Fusion dans la veine de RATM ou de Mordred.
Sur des rythmiques tonitruantes, des riffs massifs et piquants et un chant révolté, le quatuor flirte même avec le Nu Metal (« N.L.M. »), les 90’s (« The System »), le Funk (« Just A Victim ») et des titres carrément Indus (« Self Control », « Take Out A Bully »). AMERICAN TERROR fait une belle démonstration de force en alternant les atmosphères, tout en gardant une belle unité.
Il y a un peu plus de cinq ans, DARCY sortait « Tigre », sorte de plébiscite pour un esprit Punk Rock bien vivant. Quelques années ont passé et le son comme l’attitude ont aussi gagné en maturité. « Machine de Guerre », sous ses allures Metal et brutales, vient sonner la charge. Remontés comme jamais, les Rennais livrent un album solide, forcément politisé et surtout musicalement très abouti. Entretien avec Irvin, chanteur et guitariste, du furieux quatuor.
– Tout d’abord, je vous ai senti presque métamorphosés sur ce nouvel album, très matures et musicalement beaucoup plus techniques et carrés. C’est cette très bonne prod’, qui vous donne ce volume conséquent ?
Merci, c’est gentil ! Non, ce n’est pas spécialement la prod’. On a vraiment évolué ! Premièrement, on a investi dans du matériel et ensuite, on a changé nos manières de travailler notamment sur les structures des morceaux et le son. On savait exactement où on voulait aller, alors que sur « Tigre », on avait plus tendance à se laisser porter, c’était un instinct presque animal. Là, nos choix étaient clairs dès le départ et on s’est donné les moyens de les réaliser.
– Musicalement toujours, on sent un virage, ou une évolution, beaucoup plus Metal qu’avant. Là encore, c’est pour le côté massif et impactant ?
Ce n’est plus le même duo qui a composé cet album. « Tigre » est une composition de Clément et moi. Pour « Machines de Guerre » c’est Vincent et moi qui nous y sommes collés. Vincent est un grand mélomane, qui écoute de tout. Alors tout naturellement, il a proposé des styles différents : du Metal, du Rock, du Punk, du Grunge… C’était un beau challenge parce que, de mon coté, ça m’a sorti de ma zone de confort au chant et j’ai dû donner le meilleur de moi-même pour être au niveau des riffs qu’il m’avait proposés.
– Justement un petit mot sur cette très belle prod’ à la fois puissante et qui offre un bel équilibre entre l’instrumental et vos textes, qui sont toujours très clairs dans leur compréhension. Même si DARCY a bien sûr un message fort, c’est quelque chose à laquelle vous teniez et sur laquelle vous avez insisté à l’enregistrement ?
Oui, tout à fait ! C’est notre exigence première avec DARCY. Quand tu fais du Rock en français, tu as cette obligation de ne surtout pas mixer à l’anglaise, où la voix sera toujours un peu derrière dans le mix. Tandis que dans le Rock français, on a tendance à mettre la voix en avant pour pouvoir écouter les paroles, qu’elles soient le plus intelligible possible, malgré des guitares qui sonnent de partout. C’est sûrement dû à ce grand héritage que les producteurs aiment pousser les voix qui chantent en français. C’était notre envie et Maz (l’ingé son de l’album qui a également enregistré Tagada / No One / Lofo) et Bernard (qui a masterisé l’album) l’ont super bien réalisée !
– Le titre de l’album, « Machines de Guerre », est très fort. C’est plus le reflet de votre état d’esprit ou celui d’une attente dans cette société amorphe ?
C’est les deux. On a écrit cet album avec la rage et l’envie de tout casser sur notre passage, comme une machine de guerre. Mais c’est aussi une référence à l’état du monde dans lequel nous vivons, qui semble pris d’assaut par des guerres de plusieurs formes : économiques, écologiques, idéologiques, financières, climatiques, sanitaires, civiles, militaires… La guerre est partout aujourd’hui !
– Bien sûr, DARCY se distingue par ses textes et leur message. Ce qui est remarquable sur « Machines de Guerre », c’est cette fluidité mêlée à des punchlines (mot que je déteste !) bien placées et surtout tellement évidentes dans leur sens. Comment procédez-vous ? Vous accumulez les carnets de notes au quotidien, ou pas du tout ?
C’est un peu comme ça que je procède désormais, oui. Sur « Tigre », j’avais tendance à me poser devant un fichier Word, après avoir lu un article ou regardé un reportage qui m’indignait. J’écrivais pendant 15/20 min et je sortais un texte entier. Maintenant, je fonctionne par punchlines, qui me tombent dessus sans prévenir, je les tape dans mon téléphone pour ne pas les perdre, et généralement un texte prend forme autour. C’est une manière très différente de travailler pour moi, qui est moins contraignante et stressante que la première qui m’obligeait à écrire très vite pour ne pas perdre l’émotion première.
– Evidemment, il y a toujours cette opposition frontale et légitime au FN. Seulement dans les faits, il y a maintenant Zemmour, Macron qui n’est pas très loin et Pécresse pour le côté 80’s rétrograde. DARCY est un groupe spontané, qui suit aussi l’actualité sociétale et politique. J’ai envie de vous demander si vous n’avez pas déjà un nouvel album en tête avec ce qu’il se passe ? A moins que vous ayez prévu d’actualiser vos morceaux sur scène ?
Pour être honnête, on est déjà sur l’écriture du troisième album, qui est même plutôt bien entamé ! On sait déjà la couleur qu’il va avoir et il risque d’être plus violent encore que « Machines de Guerre », plus brut, avec moins de concession, et effectivement, c’est le contexte qui veut ça ! La société est de plus en plus violente, alors nous aussi…
– Une petite question en interlude : la démarche de DARCY est-elle finalement plus politique que musicale ? Vous n’avez pas 4h… 😉
Toute démarche qu’on entreprend musicalement est politique. Et hop, une copie parfaite avec une seule punchline : 20/20 !
– On l’a dit, vos textes font très souvent allusion au FN et aux Le Pen, car ils représentent beaucoup de choses même si le danger n’est pas imminent et peu probable. Mais au-delà, il y a la dénonciation de tout un système et surtout un appel à l’éveil des consciences. J’y crois comme vous, mais n’est-ce finalement pas utopique ?
D’un point de vue personnel, j’ai toujours fonctionné comme un homme de mots. Durant toute ma vie quand j’ai eu des problèmes, il n’y a que les mots qui ont su me soigner. Et je fonctionne comme ça avec tout. Dès que quelqu’un arrive à trouver les mots justes sur quelque chose que je ne comprends pas, quelque chose qui m’indigne, qui me révolte ou même qui me fait du bien, ça me fait un déclic. Tout le monde n’est pas forcément comme ça, mais si jamais on arrive à toucher une seule personne, qui ne comprend pas le danger que représente le FN avec une punchline, je considère qu’on aura gagné et que cela n’aura pas été une utopie.
– On a beaucoup parlé politique, parce que c’est tout de même l’objet principal de l’album, mais une dernière question s’impose : est-ce que ça vous arrive d’être inspirés par le programme d’un politique ou d’un parti à l’occasion ?
Je ne peux pas parler au nom du groupe, mais pour ma part, pas vraiment. Les discours ne sont même plus écrits par celles et ceux qui les scandent dans les médias ou dans les meetings. Plus rien n’est incarné, tout est pensé pour te toucher en fonction du dernier fait d’actualité. C’est devenu du marketing. Seuls des chroniqueurs ou des journalistes arrivent à me faire vriller la tête maintenant, et encore c’est assez rare.
– Il y a aussi chez DARCY ce côté très fraternel et de camaraderie au sens noble du terme, qui va clairement au-delà de l’esprit de clan. Finalement, vous êtes hyper-amicaux, tout en étant révoltés ?
C’est exactement ça. Quand je chante « Ensemble la lutte peut être une fête » dans « Solution », ça résume ce que tu décris. Chanter la colère, mais dans la bonhomie. Quand j’étais étudiant et que je bloquais ma Fac, ou quand ma mère m’emmenait en manif quand j’étais gamin, il y avait toujours ce bon esprit qui prouve qu’on peut lutter avec le sourire. Et DARCY, c’est ça. Déjà entre nous, il y a une très bonne entente, l’ambiance en répétition ou dans le camion est toujours un plaisir et une raison de se lever le matin. Aller à la rencontre du public, des bénévoles, des programmateurs, des journalistes, c’est aussi une des raisons qui nous poussent à continuer la musique et la jouer partout en France.
– D’ailleurs, vous parlez plutôt d’indignité que de révolte ou de révolution. Ce n’est pas un peu fataliste finalement ?
« Indignez-vous qu’il disait » que je scande dans « Police Partout ». L’indignité est le premier pas de la révolte et de la révolution.
– Pour revenir à l’album, vous accueillez Kemar de No One Is Innocent sur « Viens chercher pogo », Niko de Tagada Jones sur « L’Etincelle Au Brasier » et Pierre de Merzhin sur « Notre Hymne ». Il reste une belle unité au sein de cette scène française qui revendique et qui appelle au changement, non ?
Un très belle unité ! Quand il y a des dates en commun, ou des festivals sur lesquels on se retrouve, je propose toujours de partager un morceau sur scène ensemble et c’est toujours fait avec un grand plaisir. Ca a été pareil pour ces duos, ils ont accepté avant même d’entendre les titres, parce qu’ils savent qu’on partage les mêmes valeurs, qu’on a un message à chanter et que ce message est toujours plus fort quand il est gueulé à plusieurs voix !
– Une petite chose en passant, êtes-vous conscients que pour que votre voix porte, il faut nécessairement entrer et presqu’infiltrer le système ? Etes-vous armés et prêts pour ça, ou seule la musique vous importe ?
Tout nous importe, mais notre seul outil, en tant que groupe, ça reste la musique. Après forcément, ça dépasse un peu. On nous a envoyé plusieurs fois des photos de pancarte « Nique son père la Marine » dans des manifs, on a nous a invités à des concerts de soutien pour le MRAP, Utopia 56 ou des scènes Antifa. Tout ça fait sens.
– Pour conclure, j’aimerais que tu me dises un mot sur le dernier morceau de l’album, « Eva », entièrement acoustique et très touchant. C’est un titre très en contraste avec le reste de l’album. Quelle est l’intention de ces paroles émouvantes, qui présente une belle tranche de vie ?
L’intention première c’est de dire que même si DARCY est avant tout un groupe qui chante la colère, il ne faut jamais oublier le reste. C’est déjà un message qu’on avait voulu faire passer avec deux titres acoustiques, qui étaient cachés en bonus tracks sur « Tigre », et là on a voulu l’assumer un peu plus en l’intégrant à la tracklist de l’album. Et c’est dingue le nombre de retours que nous avons sur ce titre. Bizarrement, c’est même la frange la plus Punk de notre public, qu’on imaginait les plus durs, qui a le plus partagé ce titre pour le moment. Comme quoi, y’a des cœurs d’artichaut qui battent sous les perfectos et les tatouages de keupons !
« Machine de Guerre » de DARCY est disponible chez AT(h)OME depuis 11 février.
S’il n’est pas question d’amour vache sur ce nouvel album des Australiens de THE NEPTUNE POWER FOUNDATION, on en est pas très loin. En effet, « Les Démons de l’Amour » est une ode et une belle déclaration de la part du tonitruant quintet de Sydney à travers un Rock psychédélique, Metal et progressif réellement addictif et aux mélodies contagieuses, le tout dans une atmosphère 70’s sauvage et solaire.
THE NEPTUNE POWER FEDERATION
« Le Demon De L’Amour »
(Cruz Del Sur Music)
A l’aube de ses 10 ans d’existence, le quintet australien surgit avec un cinquième album constitué de chansons d’amour et très justement intitulé « Les Démons de l’Amour » (en français dans le texte). Jugeant le style un peu désuet, THE NEPTUNE POWER FOUNDATION a composé de huit morceaux d’amour, certes, mais d’un point de vue féminin, sans doute celui de sa prêtresse de chanteuse Screamin’ Loz Sutch, et il est pour le moins débridé.
Sur ce nouvel opus, les cultes obscurs, les meurtres et des histoires d’hypnotisme sont au menu de la vision très Rock et Metal qu’ont les Australiens. A grand renfort de riffs musclés, de lourdes rythmiques et d’une indomptable frontwoman, THE NEPTUNE POWER FOUNDATION offre un album à la fois démoniaque et ensorceleur dans un univers musical très 70’s, proche d’un proto-Metal façon Led Zep et Black Sabbath.
L’aspect Psych, Prog et vintage rend ces nouvelles compos entêtantes, bourrées de tension et dégageant une énergie folle. Il faut dire que les deux guitaristes rayonnent tout autant que leur diablesse de chanteuse, qui livre une prestation exceptionnelle en illuminant littéralement « Les Démons de l’Amour » (« My Precious One », « Loving You Is Killing Me », « Stay With Three »). THE NEPTUNE POWER FOUNDATION donne des preuves d’amour exaltées.
Âmes sensibles, prenez un peu de recul et éloignez les enfants. THE VILLAINZ ne fait pas dans la dentelle et s’en moque. Diabolique ? Provocateur ? Déluré ? Le quatuor phocéen est tout cela à la fois, et même plus encore. Entre Power Rock et Stoner Punk, le combo livre un premier album mature et sans concession, avec un titre qui parle de lui-même. Du plaisir en somme…
THE VILLAINZ
« Sexy & Arrogant »
(Wormholedeath Records)
Avec THE VILLAINZ, ça ne rigole pas. Ou plutôt si, mais dans un univers assez subversif et souvent hors-cadre. Mené par le sulfureux duo composé de Jess (chant) et Nic K. (guitare, chant), les Marseillais expriment en musique leur passion, et sans doute aussi une certaine addiction, pour le sexe, l’alcool et l’horreur. Accompagnés par les turbulents Tom C. (basse) et Kris C. (batterie), la machine est déjà bien huilée et rugit de plaisir.
Depuis sa création en 2016 et un premier EP éponyme l’année suivante, THE VILLAINZ n’a pas dévié d’un iota de son identité première à la fois énigmatique et exubérante. Leurs prestations scéniques sont chaudes comme la braise, grâce aussi à la présence incendiaire d’une frontwoman qui n’a pas froid aux yeux et qui ensorcèle pour mieux séduire. Et sur « Sexy & Arrogant », un sommet est atteint par le groupe.
Si certains y verront une sorte de foutoir punkisé, mais les nouvelles compos et surtout la production de ce premier album confirment plutôt la qualité instrumentale, dotée de paroles un peu limites dans un ensemble qui est un coup de fouet percutant et procure bien des récréations (« Bloody Milk », « No Apologies », « You make Me Hot », « I’m Such A Bitch »). THE VILLAINZ exulte et exalte avec fougue et sensualité dans un Stoner Punk décapant.
OPERATION BLOCKHEAD a fait du chemin depuis ses débuts en 2005. Depuis son premier album en 2010, le groupe n’a eu de cesse de peaufiner son Punk Rock teinté de Hard Rock avec une énergie et un dynamisme à toutes épreuves. « The Desolation Flag », quatrième effort du groupe, trouve son équilibre dans une formule power trio hyper-efficace.
OPERATION BLOCKHEAD
« The Desolation Flag »
(Independant)
Sur leur quatrième album, les Suisses d’OPERATION BLOCKHEAD n’ont toujours pas choisi entre le Metal et le Punk Rock, même si ce dernier registre domine tout de même les nouvelles compos du désormais trio. Car le combo évolue en comité restreint sur « Desolation Flag ». Sur de grosses guitares, une rythmique survoltée et un chant assuré, le trio nous emporte dans un univers à la fois déjanté et plein d’humour.
Ainsi, Gregory Eisenring (guitare, chant), Jonathan Stark (basse) et Andy Furter (batterie) montrent toute l’efficacité de la formule en power trio. L’explosivité et une énergie communicative guident « The Desolation Flag » du début à la fin. OPERATION BLOCKHEAD joue sur la positivité de son côté Punk… version américaine, il va sans dire, et plutôt côte ouest d’ailleurs.
Musicalement, l’aspect Hard Rock des Helvètes se révèle surtout dans la puissance des morceaux qu’à travers leur composition. Les racines du combo se situent entre Offspring et la Bay Area dans l’intention, et OPERATION BLOCKHEAD tire remarquablement son épingle du jeu, grâce à une dynamique de chaque instant. Sûr de son jeu, le combo s’affirme avec une touche bien à lui et nul doute que ses concerts seront enflammés.