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Blues

Louis Mezzasoma : bumpy Blues

On pourrait facilement énumérer les artistes qui ont forgé la culture musicale de LOUIS MEZZASOMA, c’est assez évident, mais ce serait sans compter sur l’originalité et la personnalité artistique à l’œuvre dans son répertoire. Toujours aussi variée et chaleureuse, cette quatrième réalisation du musicien du Forez l’élève un peu plus parmi les plus créatifs de l’hexagone. « Good Or Bad Time » s’écoute en boucle.

LOUIS MEZZASOMA

« Good Or Bad Time »

(Le Cri Du Charbon)

Le Stéphanois avait déjà attisé ma curiosité avec « Mercenary », son troisième album sorti en 2021. Très authentique et direct, LOUIS MEZZASOMA accueillait pour la première fois un batteur-percussionniste, alors qu’il évoluait jusqu’alors en one-man-band. Pour « Good Or Bad Time », c’est dans une formule en trio que le bluesman présente onze nouveaux titres. Alors, si son ‘Dirty Old Blues’ a pris du volume, l’intention est toujours la même,  tout comme sa démarche qui reste d’une sincérité absolue.

Et ce nouveau line-up a même de quoi surprendre. Bien sûr, LOUIS MEZZASOMA est au chant, aux guitares, au banjo et joue de son Diddley Bow personnel, qui lui fait remonter aux origines du style. A ses côtés, pas moins de deux batteurs qui assurent aussi les chœurs : Arthur Parmentier et Hugo Etay Mora. Sur les textes du multi-cordiste, le groupe a composé ensemble les chansons sur lesquelles intervient également Brice Rivey au violon et au banjo. Un beau travail d’équipe où le songwriter semble s’épanouir.

Musicalement toujours aussi épuré, LOUIS MEZZASOMA navigue dans des atmosphères Southern, où il continue sa recherche du Blues originel qu’il parcourt pourtant avec talent. Traversant la Folk, la Country et le Rock, son jeu poursuit une même direction entre ballades et morceaux plus enlevés et électrisants, porté par un esprit roots à la fois serein et exacerbé (« Funny Boy », « Decent Man », « Lucky Tim », « Cloudy Day », « Corruption »). Aussi moderne qu’intemporel, « Good Or Bad Time » s’inscrit dans une belle tradition.

Retrouvez l’interview de LOUIS MEZZASOMA accordée à la sortie de « Mercenary » :

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Blues Contemporary Blues

Buffalo Nichols : visionnaire

CARL ‘BUFFALO’ NICHOLS fait partie de la nouvelle génération du Blues américain, qui a la volonté de marier les racines du style avec une manière d’arranger les titres en portant un regard neuf et en utilisant toutes les techniques présentes et à sa disposition. Echantillonnages, samples d’un autre temps ou boucles aérées et discrètes de percussions, « The Fatalist » est un voyage mélodieux, où le violon, la guitare acoustique et l’électronique se côtoient et font cause commune autour d’un chant saisissant et captivant.

BUFFALO NICHOLS

« The Fatalist »

(Fat Possum Records)

Ce deuxième album de BUFFALO NICHOLS a quelque chose de fascinant. Ancré dans un Blues très roots et hors du temps, il est pourtant terriblement actuel et ce malgré son aspect très épuré. Car s’il sonne si organique, « The Fatalist » regorge de samples, de synthés et de programmation, ce qui le rend assez unique en son genre. Par ailleurs, le musicien du Wisconsin s’est occupé de l’intégralité du disque, à savoir de l’enregistrement, du mix et de la production, sans oublier le chant, la guitare, le banjo et les éléments électroniques comme des bruits de nature.

Avec sa voix rauque et profonde, BUFFALO NICHOLS nous transporte dans une sorte de western moderne, d’où quelques sonorités Country et Bluegrass s’échappent délicatement. Très sombre dans ses textes, le songwriter se livre sur des sujets personnels et sociétaux qu’il fait résonner d’une façon si évidente. Jamais avare de quelques slides, il s’est forgé un univers musical incroyablement riche. Et sur « The Fatalist » encore plus que sur son premier opus éponyme, le talent du bluesman de Milwaukee se niche dans les détails… et ils sont innombrables.

Relativement urbain dans le traitement sonore, l’apport du violon de Jess McIntosh sur trois morceaux offre de la légèreté à « The Fatalist », qui se veut touchant et tout en émotion. Le côté très acoustique du Blues très Folk de BUFFALO NICHOLS se fond même dans un fiévreux Gospel sur le « You’re Gonna Need Somebody On Your Bond » de Blind Willie Johnson. Mêlant le passé du genre avec son futur, on assiste à une mise en œuvre très hybride, mais loin d’être synthétique. Et le poignant duo avec Samantha Rose (« This Moment ») vient clore l’album avec classe.

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Blues Rock France Southern Blues

Laura Cox : lumineuse et naturelle [Interview]

Et si ce troisième album de la chanteuse, guitariste et compositrice LAURA COX n’était finalement pas celui de la maturité ? Après un nombre incalculable de concerts, celle qui a toujours livré un Hard Blues teinté de Southern propose avec « Head Above Water » un disque authentique, à l’équilibre parfait et solide et montre une grande confiance, notamment vocalement. La Française a franchi un cap, c’est une évidence, en réalisant un disque plus posé et plus roots aussi. Entretien avec la virtuose.

Photo : Ugo

– Notre dernière interview date d’octobre 2020 lors d’un concert en Bretagne (salle Cap Caval à Penmarc’h – 29) et c’était le dernier avant l’interdiction. Et tu me disais que le Covid avait tué ton deuxième album. Depuis, tu as repris le chemin des concerts. Quel bilan tires-tu finalement de « Burning Bright » ?

Oui, on a été beaucoup freiné dans la promotion. L’album est sorti en novembre 2019 et ensuite, on a tourné jusqu’en mars seulement alors qu’on était en pleine lancée. C’est vrai que la vie du deuxième album a été un peu étrange. Mais on a beaucoup joué depuis l’année dernière et on a pu continuer à le faire vivre, mais tout a été un peu décalé. Le cycle des concerts a été très étrange aussi et c’est donc assez difficile d’en tirer un bilan. On l’a joué comme on a pu, mais je sens, comme les gens, qu’on a besoin d’un peu de fraîcheur, de nouvelles chansons… Et cet album va faire du bien à tout le monde !  

– J’ai eu le plaisir de te voir au dernier ‘Hellfest’, pour bien commencer la journée, et tu nous as servi un set époustouflant. Toi qui es vraiment une artiste de scène, quel souvenir en gardes-tu, surtout après des mois très compliqués pour tout le monde ?

En fait, le ‘Hellfest’, on a eu le temps de s’y préparer, car on avait été programmé fin 2019 et ensuite cela a été reporté, reporté… Donc, j’ai eu le temps de le voir venir ! Mais c’était comme un rêve. Cela faisait des années que j’en rêvais ! C’était aussi un peu étrange, car j’y vais en tant que festivalière depuis 2010 et j’avais un peu l’impression d’être chez moi, à la maison, mais cette fois, c’était de l’autre côté : du côté artiste. Et l’accueil a été bon et on s’est éclaté malgré la chaleur. C’est un super souvenir, même si tout est passé très vite, puisqu’on a joué une trentaine de minutes. Et j’espère que ce ne sera pas notre dernier !

– Juste pour conclure sur ta prestation à Clisson, comment est-ce qu’on prépare un set dans des conditions comme celles-ci, à savoir une grande exposition et un passage assez court finalement ?

C’est vrai que c’est un show qu’on a vraiment préparé différemment. On a sélectionné les chansons les plus pêchues, parce qu’on sait très bien que les gens ne s’attendent pas à avoir 30 minutes de ballades. D’habitude, le set n’est pas construit comme ça, mais on joue très rarement aussi peu de temps. On y a mis toute notre énergie, même si on n’a pas trop nuancé en envoyant principalement des titres très Rock. On voulait quelque chose de dynamique, qui arrive à maintenir le public en haleine. Il y avait aussi quelques titres du nouvel album qu’on avait joué en avant-première. Rapide et efficace, au final !

– Parlons maintenant de ce très bon « Head Above Water » que tu es allée enregistrer à nouveau au mythique Studio ICP de Bruxelles en Belgique avec Erwin Autrique et Ted Jensen. L’ambiance devait être explosive pour ce troisième album après une telle attente, non ? Ou est-ce qu’au contraire tu étais plus sereine et détendue ? Ou les trois !?

J’étais assez sereine au final. L’enregistrement du premier album (« Hard Blues Shot » – NDR) avait été un peu compliqué, car je manquais de confiance en moi et l’ambiance n’était pas non plus super, car on avait eu des soucis techniques. Maintenant, plus ça va et plus tout se passe bien. On a travaillé dans la bonne humeur en étant studieux et productif, même si on s’est aussi beaucoup amusé. Je savais que j’étais bien entourée, que l’ambiance était bonne  et puis, on n’avait pas rodé les chansons sur scène comme d’habitude, non plus. Elles étaient plus fraîches, plus spontanées, moins préparées et je pense que ce n’est vraiment pas un mal pour du Rock. Parfois, on a tendance à passer trop de temps sur une chanson et on se perd. J’ai abordé tout ça très sereinement en sachant aussi que ce ne serait pas de tout repos, parce qu’on avait deux semaines bookées et il fallait enregistrer tous les instruments additionnels que j’avais mis, les différentes pistes de guitares : il y avait quand même un peu de monde sur l’enregistrement. J’avais fait un petit planning et on était bien organisé.     

– D’ailleurs pour rester sur l’enregistrement, beaucoup d’artistes de Blues rêvent d’aller enregistrer aux Etats-Unis ou même en Angleterre. Tu n’as pas été tenté par une aventure outre-Atlantique pour « Head Above Water » ? 

En fait, mon label (Verycords- NDR) m’a proposé de repartir à l’ICP et comme cela s’était très bien passé pour le deuxième album (« Burning Bright » – NDR), il y avait un côté rassurant aussi, car je connais bien l’ingé-son, je connais bien le matos et l’accueil est très bon. C’est un super studio ! Je me sentais bien de revenir, car je savais qu’ils nous attendaient et où on allait enregistrer aussi. A un moment, je voudrais sûrement chercher d’autres sonorités, d’autres expériences. En tout cas, pour celui-là, on le sentait bien de le faire là-bas.

– Le titre de l’album en dit long sur ton état d’esprit à travers ces onze nouveaux titres, et pourtant c’est peut-être ton album le moins rageur, ce qui ne veut pas dire le moins fougueux ! Comment tu l’expliques ? Son écriture pendant le Covid peut-être ?

C’est ça ! Pour cet album, je voulais quelque chose de moins Hard, j’en avais un peu marre de crier tout le temps ! (Rires) Pendant le Covid, je suis partie au Portugal où j’ai composé la majorité des chansons près de l’océan. Je pense que ça a joué sur l’ambiance. Je voulais un album Rock et assez énergique, mais un peu moins dans le côté sombre et Hard. C’est ce que j’ai essayé de faire et je pense aussi qu’il me ressemble un peu plus. Le travail de compos était assez différent puisque, géographiquement, je n’étais pas au même endroit donc on a beaucoup moins travaillé ensemble. Quand je suis revenue, on a tout réarrangé en répétition et Mathieu (Albiac- NDR) a aussi apporté beaucoup de riffs et d’instrumentaux sur les morceaux les plus Hard, mais pour le reste, j’ai beaucoup plus travaillé en solo.  

– Justement, je le trouve beaucoup plus Blues dans son ensemble et légèrement moins Rock dans l’approche. Il y a des aspects très roots avec notamment un banjo plus présent et de la slide aussi. Ca vient d’un désir d’explorer plus en profondeur toutes ces façons de faire sonner les cordes pour offrir un rendu peut-être moins massif ?

Oui, c’’est quelque chose que j’avais déjà un peu commencé à explorer avec le banjo, qui était beaucoup plus discret, sur les autres albums. J’ai eu envie de pousser ça un peu plus, car j’adore les instruments un peu Bluegrass. J’ai ajouté un peu de banjo, de la lap-steel et c’est quelque chose qui me plait vraiment de mixer toutes ses influences. C’est quelque chose que je pense garder comme ligne directrice pour les prochains disques. Je vais continuer à creuser dans cette direction.

Photo : Le Turk

– Pour avoir beaucoup écouté « Head Above Water », il a une sensation de road-trip qui règne sur l’album avec une dynamique qui ralentit un peu parfois, mais sans jamais s’arrêter. On fait un bon bout de route sous des cieux assez cléments et enjoués. C’était l’intention de départ ?

Oui, un peu à la façon d’un voyage. J’avais envie qu’on se plonge un peu là-dedans avec un trame directrice. Comme tu dis, il y a des plans un peu plus doux, mais j’avais envie de l’imaginer comme on le faisait à l’époque, qu’on l’écoute en entier et pas en choisissant les chansons à l’unité. Je l’ai pensé comme ça, effectivement. En tant qu’auditrice, c’est aussi comme ça que j’écoute la musique. J’aime bien écouter les albums dans leur intégralité, plutôt que de sélectionner des chansons.

– On est complètement d’accord ! Le streaming, je ne sais même pas ce que c’est…

(Rires) C’est pratique, mais ça a beaucoup moins de charme, c’est vrai. Je préfère acheter un album pour avoir le contenu physique entre les mains. Un disque, tu le regardes, tu le découvres… C’est aussi un voyage visuel et pas seulement musical.

– Vocalement aussi, on te sent plus apaisée et plus féminine aussi, dans le bon sens du terme. Si la guitare reste ton terrain de jeu favori, est-ce que tu as plus travaillé ta voix sur cet album pour qu’elle soit autant mise en avant et avec autant de variété ?

Justement, j’ai arrêté de me dire que je voulais chanter comme telle ou telle chanteuse et j’y suis allée naturellement en me disant comment est-ce que je sentais les choses. Je n’ai pris aucune référence sur les chansons et tout ça est sorti très naturellement. Je pense aussi que j’ai gagné en expérience et en confiance en moi. Et vocalement, tout a été plus simple que sur les précédents. Je pense aussi que c’est parce que je m’affirme de plus en plus.

– Un petit mot aussi sur cette pochette, presqu’iconique, sur laquelle tu arbores une belle Les Paul Junior. Il y a un petit côté ‘figurine’ légèrement en contraste avec l’album. Comment s’est effectué ce choix ? Car on connait l’importance d’une pochette d’album…

En fait, je ne pensais pas partir dans cette direction, j’avais d’autres idées en tête. On a fait un shooting et quand le photographe a regardé ses photos et regardé tout ce qui avait été fait, il s’est arrêté sur celle-ci. Il m’a dit qu’elle était simple, que la posture était bonne, qu’elle en imposait tout en restant sobre et il est parti là-dessus. Moi, je n’étais pas sûre. On en a parlé avec le label et tout le monde a été unanime. Et finalement, j’en suis contente, car cela reste simple et ça laisse aussi un peu de mystère, car les gens qui ne me connaissent pas ne savent pas forcément à quoi s’attendre. Il y a la guitare qui donne une indication, mais ça donne aussi envie d’écouter, car tu te demandes un peu quel style de musique tu vas avoir ! (Rires)

– Enfin, j’aimerais te poser une question au sujet de Joe Bonamassa qui vient de créer son label, KTBA Records, et qui enchaine les signatures. Déjà, est-ce que vous vous connaissez et est-ce qu’ensuite une telle aventure avec un grand monsieur du Blues comme lui te tenterait ? Ne serait-ce que pour bénéficier d’une exposition internationale…

On ne s’est jamais côtoyé, mais je sais qu’il a vu mon nom passer et qu’il m’a cité sur des forums par rapport à des vidéos que je postais. Je l’adore, c’est l’un de mes guitaristes préférés et techniquement peut-être même le meilleur. Mais je ne te cache pas que je suis chez Verycords depuis mes débuts, et earMusic pour l’international maintenant, et ça se passe vraiment bien. J’espère continuer avec eux, mais on pourrait collaborer avec Joe Bonamassa sous d’autres formes comme des premières parties, par exemple, se voir plus en live et en tournée. Et c’est vrai que cette visibilité côté américain serait très bienvenue.

Depuis, LAURA COX est annoncée sur la croisière « Keeping The Blues Alive At Sea Mediterranean III » du 17 au 22 août prochains entre la Grèce et la Croatie à bord du Norwegian Jade et sera entourée de grands noms du Blues… comme quoi ! 

« Head Above Water » est disponible chez Verycords/earMusic.

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Blues France

Louis Mezzasoma : une inspiration très actuelle [Interview]

Elevé dans le chaudron, LOUIS MEZZASOMA fait partie de cette nouvelle génération, qui a parfaitement digéré la culture et l’Histoire du Blues pour être à même d’en proposer sa propre version. Créatif et audacieux, le Stéphanois a livré il y a quelques mois un troisième album, « Mercenary », aussi surprenant qu’envoûtant. Rencontre avec ce musicien pluri-cordistes très inspiré et à l’approche très personnelle du Blues.

Photo : Nanou

– Tout d’abord, comment en arrive-t-on à incarner et ressentir autant le Blues lorsqu’on a à peine 30 ans et que l’on vient de Saint-Etienne, qui n’est pas vraiment le berceau du genre ?

A vrai dire, je ne me pose pas la question, je le fais ! Cette musique, c’est moi, c’est qui je suis. Il se trouve que cette musique s’appelle le Blues. Pour moi, c’est très important d’être soi-même, certains se sont trouvés en adéquation avec eux-mêmes en faisant de la poterie, du fromage de chèvre ou je-ne-sais-quoi. Pour moi, c’est sortir ce que j’ai au fond de mes tripes, au fond de moi-même. C’est ça, le blues. Je crois que je suis une espèce d’énergumène qui a tendance à foncer, à ne rien lâcher. C’est comme ça que j’ai fait ma place et que je continue de le faire.

Pour parler un petit peu de ma ville, oui, Saint-Etienne n’est pas vraiment le berceau du Blues, mais j’ai eu la chance de voir passer pas mal de monde dans le coin. Aussi bien des locaux que des artistes internationaux. Il faut reconnaître qu’on a quelques lieux encore bien friands de bon Blues.

– Ce troisième album marque un cap dans le son et aussi dans tes compositions. On a presque l’impression qu’il y a eu un déclic, une sorte de maturité atteinte. C’est aussi ton sentiment ?

Pour moi, ce nouvel album est vraiment un beau sommet atteint. J’écris mes chansons quand l’inspiration vient et non sur commande. Au fur et à mesure, on a arrangé et structuré le “guitare/voix” initial. Cet album n’est pas issu d’un déclic, mais bien d’une progression, d’une évolution et d’une affirmation de ma part, qui s’est faite au fil des années, à jouer, à écouter de la musique, à faire des concerts et à voir d’autres artistes en live… et petit à petit trouver ma place. Il s’agit vraiment d’un album produit pour lequel on a eu une vraie préparation, qui nous a permis d’être prêts pour le studio et d’aller chercher le son dans les détails. Je suis vraiment très fier de cet album « Mercenary ».

– Les textes de « Mercenary » sont très personnels et plein d’émotion. Très souvent, les bluesmen s’inspirent de leur vie pour chanter le Blues. C’est ce que l’on ressent chez toi : une authenticité et une sincérité évidente. Qu’est-ce qui t’inspire ? Ton vécu ou est-ce que tout est fictif ?

Toutes les chansons sont inspirées d’histoires vécues. Je me permets, pour l’écriture, de narrer et de romancer, mais sans donner tous les détails de ce qui m’est arrivé. Ainsi, l’auditeur peut se faire sa propre interprétation de la chanson et éventuellement s’y projeter et voyager.

L’inspiration vient de mes rencontres, de voyages, des concerts que j’ai pu faire, mais aussi de ce que je peux ressentir à un moment donné. Certaines chansons viennent d’une expression, d’une phrase que j’ai entendue et qui m’a parlé, inspiré.

Pour faire le lien avec l’actualité, car l’album a été enregistré en Juillet 2020 en pleine pandémie. L’enfermement n’est, dans mon cas, vraiment pas propice à l’inspiration. C’est bien l’ouverture vers le monde, les autres et les différentes cultures qui sont sources de création.

D’autre part, je me rends compte (pour le côté stylistique), petit à petit, que j’aime beaucoup la musique de film (et notamment de western), et en effet mes chansons ont toujours eu tendance à nous plonger dans une atmosphère et un climat, que l’on peut retrouver dans le cinéma.

Photo : Cédric Masle

– Même s’il y a du monde sur ce nouvel album, tu as longtemps joué seul dans une configuration d’homme-orchestre. Qu’est-ce qui est le plus plaisant et le plus satisfaisant au final : être seul à la manœuvre ou jouer en groupe, ce qui grossit également le son ?

Ce qui est génial, c’est d’être seul à la manœuvre et de jouer en groupe. En effet, quand j’ai démarré en one-man-band, j’avais l’avantage de pouvoir amener mes chansons dans la direction que je souhaitais, et de me laisser porter par les émotions, le feeling du moment, notamment en fonction de la réaction avec le public. Nous avons fait quelques dizaines de concerts sous la nouvelle formule guitare/batterie, qui reste une formule réduite et dans laquelle je reste maître des changements harmoniques. La batterie me suit dans mes idées et surtout donne de l’épaisseur et de l’impact au son. Pour moi, cette idée de manœuvre est surtout valable pour la partie live, pour suivre les différentes improvisations et changement de structure s’il y en a. Pour un album, on se doit de fixer les choses et de les planifier, que ce soit seul ou en groupe.

– Justement sur « Mercenary », tu es accompagné du batteur et percussionniste Gaël Bernaud qui apporte de la puissance aux morceaux, ainsi que de l’harmoniciste Jean-Marc Henaux et des cuivres de Sylvère Décot et d’Anthony Tournier qui offrent tous beaucoup de chaleur et de diversité. C’est un large panorama dans lequel on voyage énormément. De quelle école ou famille du Blues te sens-tu le plus proche ou l’héritier ?

L’arrivée de Gaël Bernaud au sein du groupe devient vraiment officielle avec ce nouvel album. Faire un album, c’est pour moi l’occasion de présenter des nouveaux titres, mais aussi de proposer quelque chose que l’on ne trouvera pas dans le live, ou du moins pas de la même manière. C’est le moment de faire une recherche approfondie dans le son, et aussi de faire appel à d’autres musiciens. C’est pourquoi nous avons invité aux trompettes, Sylvère Décot et Anthony Tournier sur le titre « RustyMan », et Jean-Marc Henaux sur quatre autres chansons. Diversifier les instruments permet de la variété et surtout d’éviter la monotonie. J’ai toujours présenté des titres assez différents entre ballades et chansons bien énervées. Pour répondre enfin à la question, je pense venir de plusieurs familles de Blues assez différentes, mais avec une grosse influence par le Country-Blues notamment par mon jeux de fingerpicking. On va dire que mes techniques de jeu sont issues d’un Blues rural, plutôt originaire du sud des Etats-Unis. Cependant, mes manières d’amplifier les guitares font aussi le lien avec le Rock.

– On retrouve aussi cette diversité dans tes instruments que ce soit la guitare, le banjo, le dobro ou la cigar-box. Est-ce que tu les vois comme des vecteurs d’ambiances très distincts et avec lequel es-tu le plus familier et le plus inspiré ?

Les changements d’instruments à cordes et leurs différents accordages sont vraiment une source d’inspiration pour la composition de mes chansons. Et en effet ils apportent des ambiances très différentes, même si il y a un univers bien ciblé. Ma cigar-box est vraiment jouée sur des morceaux Rock, alors que ma guitare folk va plus être utilisée sur des ballades Country-Blues. Je réalise que mon dobro, joué en open D et au bottleneck, est peut être le plus polyvalent et me permet une amplitude de style entre ballade lancinante, Blues primitif ou Rock. C’est aussi l’instrument que j’ai le plus utilisé sur tous mes albums. Pour tout te dire, sur « Mercenary », j’ai utilisé sept guitares (ou instrument à cordes) différentes : folk, dobro, demi-caisse, électrique, 12 cordes, cigar-box et banjo

Photo : Nanou

– Ton Blues s’inspire beaucoup des pionniers du genre, or il n’est jamais nostalgique ou passéiste, notamment dans le son. Comment alimentes-tu ton jeu à travers des influences si anciennes, même si elles sont intemporelles ?

Malgré le genre qui ne date pas de la veille, j’écoute beaucoup d’artistes de Blues et de styles proches (Folk, Country, Rock…) d’aujourd’hui, dont certains que j’ai vu en live. Le Blues, c’est notre histoire personnelle. Peut être que si je chantais le Blues des autres, ou un Blues à l’honneur des pères du genre, je serais nostalgique ou passéiste. Mais je joue mon Blues, donc les histoires sont d’actualité, du moins de mon actualité.

Je vais me faire engueuler en disant ça mais perso, les vieux albums comme Robert Johnson, c’est génial pour le collectage, pour l’Histoire, pour les chansons, pour le jeu de guitare, mais c’est très dur à écouter, le son n’est vraiment pas fou. Le parti-pris pour notre album était de garder l’authenticité de la musique et des instruments, mais de traiter le son de façon moderne. On a utilisé des bons vieux micros vintage à l’ancienne avec les bons préamplis. On a fait des vraies prises de sons de batterie en s’acharnant sur le choix et les réglages de la caisse claire en fonction de chaque morceau. J’ai chanté dans un micro fait dans un obus de la seconde guerre mondial, les guitares étaient branchées dans des amplis à lampes bien crades que l’on a poussé à fond. Jusque-là, ça aurait pu marcher pour un groupe de Blues traditionnel, mais le traitement du son, lui par contre, a fait la différence. On a joué sur les effets, tordu les sons. Je pense aussi que certains arrangements comme des guitares additionnelles, des banjos et les chœurs ont eu eux aussi leur importance pour donner ce côté moderne.

– Enfin, le Blues est une musique de communion et de partage. Comment vis-tu la situation actuelle et comment envisages-tu ton retour sur scène ?

Mal… Jouer, faire des concerts c’est ma raison de vivre, c’est ma passion, mais aussi mon gagne-pain et on est en train de nous enlever tout ça. Le statut est assez précaire, mais c’est un choix pour faire ce que l’on aime. On doit faire de nombreux sacrifices pour y arriver… C’est assez dur de devoir rester en stand-by en attendant mois après mois de pouvoir reprendre. Pour vivre de la musique live, ça implique de faire des dizaines de concerts par an et chaque concert est dur à programmer, c’est un travail de longue haleine qui se fait entre six mois et un an et demi à l’avance. Depuis plus d’un an, on reporte, annule et reporte des événements déjà reportés, et c’est sans parler des lieux, des salles de spectacle et des festivals qui ferment. Je ne parle pas des Zénith ou des artistes qui passent à la TV régulièrement. Je parle des scènes alternatives trop souvent oubliées par les médias, des petits et moyens festivals, qui survivent grâce aux organisateurs et aux nombreux bénévoles qui se battaient, et se battent toujours, pour offrir de la culture, de la joie, de la convivialité et du bonheur.

Et oui, le Blues est une musique de partage, une échappatoire à la dureté de la vie pour faire place à de l’expression et de la joie. J’espère que nous sommes dans la dernière ligne droite et que nous allons pouvoir présenter ce nouvel album, « Mercenary », sur les planches très rapidement…

« Mercenary » est disponible depuis le 5 mars chez Le Cri Du Charbon.

Retrouvez la chronique de l’album :

https://rocknforce.com/louis-mezzasoma-des-emotions-essentielles/

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Louis Mezzasoma : des émotions essentielles

Sensible, furieux et aussi à son aise dans un Blues épuré que dans un registre plus Rock et musclé, LOUIS MEZZASOMA joue comme le Blues comme il le vit… avec émotion et authenticité. Complet et plein d’émotion, « Mercenary » est une vraie bouffée d’air frais, dont l’atmosphère est franchement addictive.

LOUIS MEZZASOMA

« Mercenary »

(Le Cri Du Charbon)

Sorti il y a quelques semaines déjà, il eût été dommage de passer à côté de ce très bon album de LOUIS MEZZASOMA. Après deux premiers disques, le Stéphanois se présente avec « Mercenary », petite pépite de morceaux Blues se baladant entre un style Old Time (assez Dirty d’ailleurs !) et des sonorités plus modernes et tranchantes. Accompagné par Gaël Bernaud (batterie, percussions, harmonica), le duo fait des étincelles.

Avec un début d’album électrique sur l’endiablé « Kick Some Ass », on sent déjà qu’on ne va pas s’ennuyer. Et c’est le cas ! Alternant avec maestria guitares, dobro, cigar-box et banjo, LOUIS MEZZASOMA fait preuve de variété et d’éclectisme. Rappelant les ambiances de Chicago, du Delta et du sud des Etats-Unis, le Français s’est construit un univers musical très personnel entre titres électriques et acoustiques.

L’excellente production de « Mercenary » sert des morceaux sensibles, très organiques et personnels (« Flat Land », « Who U R », « Valley Of Shadows »). Subtil et intimiste au fil de l’album, LOUIS MEZZASOMA illumine de son talent et de sa dextérité ce troisième opus très abouti. Que les riffs soient rugueux ou au contraire plus légers, on plonge littéralement dans ce Blues intemporel avec délectation (« Home Alone », « Rusty Man », « Truly Sorry »).