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Ghalia Volt : aux portes du désert

Dans une atmosphère très vintage, mêlant sonorités Country, Boogie, Rockabilly et Shuffle, le Blues GHALIA VOLT revêt une parure bien différente de ce à quoi elle nous a habitué. Toujours incisive et aussi un peu plus légère, elle livre un manifeste féministe d’une grande finesse d’écriture et d’une musicalité très colorée. Avec « Shout Sister Shout ! », la musicienne ouvre un nouveau chapitre de sa belle carrière sur de nouveaux horizons.

GHALIA VOLT

« Shout Sister Shout! »

(Ruf Records)

Une fois franchi l’océan qui sépare la capital belge de la Nouvelle-Orléans, GHALIA VOLT n’a pas perdu de temps et a rapidement pris les choses en main. Dès son premier album autoproduit en 2016, « Have You Seen My Woman », jusqu’à « One Woman Band » qu’elle a enregistré seule en live au mythique Royal Sound Studio de Memphis, la blueswoman est dorénavant une artiste reconnue sur la scène internationale et avec « Shout Sister Shout ! », c’est une nouvelle facette de sa personnalité qu’elle dévoile.

Après s’être exprimée dans un registre assez traditionnel et un Blues Rock électrisant, GHALIA VOLT s’essaie à autre chose en passant de la chaleur Southern de la Louisiane et du Tennessee à celle, nettement plus aride, de Joshua Tree dans le désert californien de Mojave. Et si les célèbres studios Rancho De La Luna sont surtout réputés pour leurs joutes Desert Rock, Stoner et Psych, c’est dans un style très marqué Hill Country Blues que la Bruxelloise présente ses nouveaux morceaux.

Sur ce cinquième opus, la songwriter n’est plus seule et est même particulièrement bien entourée. Sous la houlette de David Catching à la production et à la guitare, on retrouve le batteur Danny Frankel et le claviériste Ben Alleman. Avec Eddie 9V qui co-signe « Hope On A Rides », GHALIA VOLT forme aussi un duo complice. Jouant sur la diversité, la chanteuse montre une incroyable polyvalence et beaucoup de facilité (« Every Cloud », « No Happy Home », « Shout Sister Shout ! », « Can’t Have It All », « Po’ Boy John »). Très rafraîchissant !

Retrouvez l’artiste en interview…

… Et la chronique de l’album « One Woman Band »

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Bai Kamara Jr & The Voodoo Sniffers : la révolte par les notes

Figure atypique du monde du Blues, BAI KAMARA JR marie avec talent ses racines africaines avec l’école américaine initiée par le grand John Lee Hooker notamment. Engagé, l’artiste appuie là où ça fait mal avec des textes aussi incisifs qu’ironiques. « Travelling Medicine Man » est un voyage musical bercé par un chant accrocheur et une musique élégante.

BAI KAMARA JR & THE VOODOO SNIFFERS

« Travelling Medicine Man »

(Mig Music/UVM)

BAI KAMARA JR est un homme du monde… du monde entier. Originaire du Sierra Leone, il a grandi en Angleterre et vit depuis plus de 25 ans à Bruxelles d’où il compose un Blues d’une inspiration très américaine. Car si la base de son jeu prend racine dans le Delta avec les pionniers du genre, il est aussi et surtout teinté de rythmes et de couleurs africaines. Afro-Blues ou World Blues, c’est selon.

Entouré d’un quatuor de haut vol dont deux très bons six-cordistes, c’est donc autour de trois guitares que se forge le Blues ensoleillé de BAI KAMARA JR & THE VOODOO SNIFFERS. Et pour ce dixième album, le musicien se présente avec 13 nouveaux morceaux et il est difficile de se défaire de ce très bon « Travelling Medicine Man ». Très narratif et délicat, le style du Sierra-Léonais est aussi épicé que chaleureux.

Généreuse, cette nouvelle réalisation traverse donc bien des registres à l’instar du précédent « Salone » sorti en 2020, qui lui a valu une belle reconnaissance et un succès mondial. Mais loin de s’endormir sur ses lauriers, BAI KAMARA JR va encore plus loin dans sa quête  artistique et le résultat est brillant (« Shake It, Shake It, Shake It », « Good, Good Man », « Enemies », « Star Angel », « Mister President », « It Ain’t Easy »). Rayonnant !

Photo : Bjorn Comhaire
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Laura Cox : lumineuse et naturelle [Interview]

Et si ce troisième album de la chanteuse, guitariste et compositrice LAURA COX n’était finalement pas celui de la maturité ? Après un nombre incalculable de concerts, celle qui a toujours livré un Hard Blues teinté de Southern propose avec « Head Above Water » un disque authentique, à l’équilibre parfait et solide et montre une grande confiance, notamment vocalement. La Française a franchi un cap, c’est une évidence, en réalisant un disque plus posé et plus roots aussi. Entretien avec la virtuose.

Photo : Ugo

– Notre dernière interview date d’octobre 2020 lors d’un concert en Bretagne (salle Cap Caval à Penmarc’h – 29) et c’était le dernier avant l’interdiction. Et tu me disais que le Covid avait tué ton deuxième album. Depuis, tu as repris le chemin des concerts. Quel bilan tires-tu finalement de « Burning Bright » ?

Oui, on a été beaucoup freiné dans la promotion. L’album est sorti en novembre 2019 et ensuite, on a tourné jusqu’en mars seulement alors qu’on était en pleine lancée. C’est vrai que la vie du deuxième album a été un peu étrange. Mais on a beaucoup joué depuis l’année dernière et on a pu continuer à le faire vivre, mais tout a été un peu décalé. Le cycle des concerts a été très étrange aussi et c’est donc assez difficile d’en tirer un bilan. On l’a joué comme on a pu, mais je sens, comme les gens, qu’on a besoin d’un peu de fraîcheur, de nouvelles chansons… Et cet album va faire du bien à tout le monde !  

– J’ai eu le plaisir de te voir au dernier ‘Hellfest’, pour bien commencer la journée, et tu nous as servi un set époustouflant. Toi qui es vraiment une artiste de scène, quel souvenir en gardes-tu, surtout après des mois très compliqués pour tout le monde ?

En fait, le ‘Hellfest’, on a eu le temps de s’y préparer, car on avait été programmé fin 2019 et ensuite cela a été reporté, reporté… Donc, j’ai eu le temps de le voir venir ! Mais c’était comme un rêve. Cela faisait des années que j’en rêvais ! C’était aussi un peu étrange, car j’y vais en tant que festivalière depuis 2010 et j’avais un peu l’impression d’être chez moi, à la maison, mais cette fois, c’était de l’autre côté : du côté artiste. Et l’accueil a été bon et on s’est éclaté malgré la chaleur. C’est un super souvenir, même si tout est passé très vite, puisqu’on a joué une trentaine de minutes. Et j’espère que ce ne sera pas notre dernier !

– Juste pour conclure sur ta prestation à Clisson, comment est-ce qu’on prépare un set dans des conditions comme celles-ci, à savoir une grande exposition et un passage assez court finalement ?

C’est vrai que c’est un show qu’on a vraiment préparé différemment. On a sélectionné les chansons les plus pêchues, parce qu’on sait très bien que les gens ne s’attendent pas à avoir 30 minutes de ballades. D’habitude, le set n’est pas construit comme ça, mais on joue très rarement aussi peu de temps. On y a mis toute notre énergie, même si on n’a pas trop nuancé en envoyant principalement des titres très Rock. On voulait quelque chose de dynamique, qui arrive à maintenir le public en haleine. Il y avait aussi quelques titres du nouvel album qu’on avait joué en avant-première. Rapide et efficace, au final !

– Parlons maintenant de ce très bon « Head Above Water » que tu es allée enregistrer à nouveau au mythique Studio ICP de Bruxelles en Belgique avec Erwin Autrique et Ted Jensen. L’ambiance devait être explosive pour ce troisième album après une telle attente, non ? Ou est-ce qu’au contraire tu étais plus sereine et détendue ? Ou les trois !?

J’étais assez sereine au final. L’enregistrement du premier album (« Hard Blues Shot » – NDR) avait été un peu compliqué, car je manquais de confiance en moi et l’ambiance n’était pas non plus super, car on avait eu des soucis techniques. Maintenant, plus ça va et plus tout se passe bien. On a travaillé dans la bonne humeur en étant studieux et productif, même si on s’est aussi beaucoup amusé. Je savais que j’étais bien entourée, que l’ambiance était bonne  et puis, on n’avait pas rodé les chansons sur scène comme d’habitude, non plus. Elles étaient plus fraîches, plus spontanées, moins préparées et je pense que ce n’est vraiment pas un mal pour du Rock. Parfois, on a tendance à passer trop de temps sur une chanson et on se perd. J’ai abordé tout ça très sereinement en sachant aussi que ce ne serait pas de tout repos, parce qu’on avait deux semaines bookées et il fallait enregistrer tous les instruments additionnels que j’avais mis, les différentes pistes de guitares : il y avait quand même un peu de monde sur l’enregistrement. J’avais fait un petit planning et on était bien organisé.     

– D’ailleurs pour rester sur l’enregistrement, beaucoup d’artistes de Blues rêvent d’aller enregistrer aux Etats-Unis ou même en Angleterre. Tu n’as pas été tenté par une aventure outre-Atlantique pour « Head Above Water » ? 

En fait, mon label (Verycords- NDR) m’a proposé de repartir à l’ICP et comme cela s’était très bien passé pour le deuxième album (« Burning Bright » – NDR), il y avait un côté rassurant aussi, car je connais bien l’ingé-son, je connais bien le matos et l’accueil est très bon. C’est un super studio ! Je me sentais bien de revenir, car je savais qu’ils nous attendaient et où on allait enregistrer aussi. A un moment, je voudrais sûrement chercher d’autres sonorités, d’autres expériences. En tout cas, pour celui-là, on le sentait bien de le faire là-bas.

– Le titre de l’album en dit long sur ton état d’esprit à travers ces onze nouveaux titres, et pourtant c’est peut-être ton album le moins rageur, ce qui ne veut pas dire le moins fougueux ! Comment tu l’expliques ? Son écriture pendant le Covid peut-être ?

C’est ça ! Pour cet album, je voulais quelque chose de moins Hard, j’en avais un peu marre de crier tout le temps ! (Rires) Pendant le Covid, je suis partie au Portugal où j’ai composé la majorité des chansons près de l’océan. Je pense que ça a joué sur l’ambiance. Je voulais un album Rock et assez énergique, mais un peu moins dans le côté sombre et Hard. C’est ce que j’ai essayé de faire et je pense aussi qu’il me ressemble un peu plus. Le travail de compos était assez différent puisque, géographiquement, je n’étais pas au même endroit donc on a beaucoup moins travaillé ensemble. Quand je suis revenue, on a tout réarrangé en répétition et Mathieu (Albiac- NDR) a aussi apporté beaucoup de riffs et d’instrumentaux sur les morceaux les plus Hard, mais pour le reste, j’ai beaucoup plus travaillé en solo.  

– Justement, je le trouve beaucoup plus Blues dans son ensemble et légèrement moins Rock dans l’approche. Il y a des aspects très roots avec notamment un banjo plus présent et de la slide aussi. Ca vient d’un désir d’explorer plus en profondeur toutes ces façons de faire sonner les cordes pour offrir un rendu peut-être moins massif ?

Oui, c’’est quelque chose que j’avais déjà un peu commencé à explorer avec le banjo, qui était beaucoup plus discret, sur les autres albums. J’ai eu envie de pousser ça un peu plus, car j’adore les instruments un peu Bluegrass. J’ai ajouté un peu de banjo, de la lap-steel et c’est quelque chose qui me plait vraiment de mixer toutes ses influences. C’est quelque chose que je pense garder comme ligne directrice pour les prochains disques. Je vais continuer à creuser dans cette direction.

Photo : Le Turk

– Pour avoir beaucoup écouté « Head Above Water », il a une sensation de road-trip qui règne sur l’album avec une dynamique qui ralentit un peu parfois, mais sans jamais s’arrêter. On fait un bon bout de route sous des cieux assez cléments et enjoués. C’était l’intention de départ ?

Oui, un peu à la façon d’un voyage. J’avais envie qu’on se plonge un peu là-dedans avec un trame directrice. Comme tu dis, il y a des plans un peu plus doux, mais j’avais envie de l’imaginer comme on le faisait à l’époque, qu’on l’écoute en entier et pas en choisissant les chansons à l’unité. Je l’ai pensé comme ça, effectivement. En tant qu’auditrice, c’est aussi comme ça que j’écoute la musique. J’aime bien écouter les albums dans leur intégralité, plutôt que de sélectionner des chansons.

– On est complètement d’accord ! Le streaming, je ne sais même pas ce que c’est…

(Rires) C’est pratique, mais ça a beaucoup moins de charme, c’est vrai. Je préfère acheter un album pour avoir le contenu physique entre les mains. Un disque, tu le regardes, tu le découvres… C’est aussi un voyage visuel et pas seulement musical.

– Vocalement aussi, on te sent plus apaisée et plus féminine aussi, dans le bon sens du terme. Si la guitare reste ton terrain de jeu favori, est-ce que tu as plus travaillé ta voix sur cet album pour qu’elle soit autant mise en avant et avec autant de variété ?

Justement, j’ai arrêté de me dire que je voulais chanter comme telle ou telle chanteuse et j’y suis allée naturellement en me disant comment est-ce que je sentais les choses. Je n’ai pris aucune référence sur les chansons et tout ça est sorti très naturellement. Je pense aussi que j’ai gagné en expérience et en confiance en moi. Et vocalement, tout a été plus simple que sur les précédents. Je pense aussi que c’est parce que je m’affirme de plus en plus.

– Un petit mot aussi sur cette pochette, presqu’iconique, sur laquelle tu arbores une belle Les Paul Junior. Il y a un petit côté ‘figurine’ légèrement en contraste avec l’album. Comment s’est effectué ce choix ? Car on connait l’importance d’une pochette d’album…

En fait, je ne pensais pas partir dans cette direction, j’avais d’autres idées en tête. On a fait un shooting et quand le photographe a regardé ses photos et regardé tout ce qui avait été fait, il s’est arrêté sur celle-ci. Il m’a dit qu’elle était simple, que la posture était bonne, qu’elle en imposait tout en restant sobre et il est parti là-dessus. Moi, je n’étais pas sûre. On en a parlé avec le label et tout le monde a été unanime. Et finalement, j’en suis contente, car cela reste simple et ça laisse aussi un peu de mystère, car les gens qui ne me connaissent pas ne savent pas forcément à quoi s’attendre. Il y a la guitare qui donne une indication, mais ça donne aussi envie d’écouter, car tu te demandes un peu quel style de musique tu vas avoir ! (Rires)

– Enfin, j’aimerais te poser une question au sujet de Joe Bonamassa qui vient de créer son label, KTBA Records, et qui enchaine les signatures. Déjà, est-ce que vous vous connaissez et est-ce qu’ensuite une telle aventure avec un grand monsieur du Blues comme lui te tenterait ? Ne serait-ce que pour bénéficier d’une exposition internationale…

On ne s’est jamais côtoyé, mais je sais qu’il a vu mon nom passer et qu’il m’a cité sur des forums par rapport à des vidéos que je postais. Je l’adore, c’est l’un de mes guitaristes préférés et techniquement peut-être même le meilleur. Mais je ne te cache pas que je suis chez Verycords depuis mes débuts, et earMusic pour l’international maintenant, et ça se passe vraiment bien. J’espère continuer avec eux, mais on pourrait collaborer avec Joe Bonamassa sous d’autres formes comme des premières parties, par exemple, se voir plus en live et en tournée. Et c’est vrai que cette visibilité côté américain serait très bienvenue.

Depuis, LAURA COX est annoncée sur la croisière « Keeping The Blues Alive At Sea Mediterranean III » du 17 au 22 août prochains entre la Grèce et la Croatie à bord du Norwegian Jade et sera entourée de grands noms du Blues… comme quoi ! 

« Head Above Water » est disponible chez Verycords/earMusic.

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Crossover Death Metal Doom Hard-Core

La Muerte : catrina metallia

Depuis ses début en 1984, LA MUERTE passe pour saugrenu et sans consistance pour certains, alors qu’il est génial et visionnaire pour d’autres. Une chose est sûre : les Belges ne laissent que peu de monde indifférent. Avec « Sortilegia », le quintet joue encore les trouble-fête avec une irrévérence qui force le respect.

LA MUERTE

« Sortilegia »

(Consouling Sounds)

Toujours aussi sauvage et incontrôlable, LA MUERTE surgit avec un huitième album où il expérimente avec toute la fureur qu’on lui connait un nombre incalculable de courants du Metal, repoussant une fois encore les frontières qu’il bafoue depuis ses débuts. Les bruxellois se refusent aux compromis, aux règles des genres en avançant de façon singulière dans un maelstrom décibélique jubilatoire.

Les vétérans de l’underground belge embrassent le Metal et le Rock avec force et conviction sans pour autant jeter leur dévolu sur quelques style que ce soit. Avec une brutalité menaçante, LA MUERTE mixe le Hard-Core avec l’Indus, le Thrash/Death avec le Stoner Psych et les bruitages avec les mélodies. Et à l’écoute de ce nouvel opus, il n’y a plus aucun doute : c’est de la « Sortilegia ».

Dévastateur, le groupe entame les hostilités avec le morceau-titre qui laisse présager de la radicalité du contenu à suivre. Sombre et possédé, LA MUERTE se montre brutal (« Snake In My Hand », « Brother Stan »), véloce et plus mélodique (« Pontiac Firebird », « Longue Misère ») et massif et tendu (« You Will Return », « Keep Your Secret »). Sur une production puissante et équilibrée, l’Alternatif prend ici tout son sens.

Photo : Lightbox Revelation
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Power Rock Rock/Hard

Trust : mélodies assassines

Dans la même veine que les derniers albums, « Propaganda » vient confirmer l’envie du groupe de jouer une musique qui respire et envoûte, mais dont la rage qui l’anime depuis ses débuts reste intacte. Non, TRUST ne vieillit pas mal et n’a pas retourné sa veste. Le groupe rugit encore et toujours, sort les griffes et refuse les concessions pour demeurer créatif et inspiré.

TRUST

« Propaganda »

(Verycords)

Chroniquer un album de TRUST dans notre beau pays, et surtout pour en dire du bien, relève presque de la bravoure. Mais quand on aime : on distribue ! Depuis son ’retour’ avec « Dans Le Même Sang » en 2018, le groupe phare de la scène Rock française divise ses fans de la première heure, restés dans la nostalgie du premier album, de « Répression » ou de « Marche Ou Crève ». Et ça peut même se comprendre. Cependant, Bernie et Nono, eux, ne sont pas restés la tête dans le formol et c’est une chance.

C’est vrai que « Dans le Même Sang », suivi de « Fils de Lutte » l’année suivante, avait montré un autre visage de TRUST, essentiellement musicalement d’ailleurs puisque les textes ont conservé cette verve, cette attaque et ce mordant uniques. Ensuite, « Re-Ci-Div » est venu enfoncer le clou. Mais comment ont-ils pu ? Comment ont-ils osé ? Réinterpréter de tels classiques dans des versions Rock aux ambiances presque bluesy a relevé du sacrilège pour beaucoup. La belle affaire, puisqu’ils sont bons… et surtout à eux !

Ce qu’il faut retenir des dernières productions du groupe, c’est sans doute le fait que tout soit enregistré en condition live et en très peu de temps. Capter ainsi l’instant où la magie opère pour libérer cette énergie et cette spontanéité qui font toute la force de TRUST sur scène. Et c’est très précisément ce que l’on ressent à l’écoute de « Propaganda », douze morceaux instinctifs, solides, calmes aussi et fluides. On ne chasse pas le naturel. Et cette fois encore, c’est le grand Mike Fraser qui a mixé l’ensemble avec le talent qu’on lui connait.

Alors, et si chacun se fera son idée, que faut-il retenir de ce douzième album studio ? Bernie, Nono, Izo Diop, David Jacob et Christian Dupuy ont à nouveau investi les studios ICP près de Bruxelles et on retrouve donc le son des récentes réalisations, entre une chaleur un brin feutrée et des déflagrations brutes. Toujours aussi acérées et tranchantes, les paroles tapent dans le mille, taillent dans le gras et personne n’est épargné. TRUST ne fait pas de prisonniers et c’est même pour ça qu’on l’aime.

Sur une rythmique sans faille, le duo de guitaristes fait des merveilles entre riffs costauds et accrocheurs et des solos aériens, fins et étincelants signés Nono (« Le Jour Se Lèvera », « La Première Pierre », « Petite Elle »). TRUST a beau faire des infidélités à son Hard Rock d’antan, on retrouve sa patte, sa rage et son intensité («  Tout Ce Qui Nous Sépare », « Guerre Lasse », « Rassure tes chiens », « L’Europe des 27 »). Au chant, Bernie se fait moins hurleur ou crieur, mais il reste très vindicatif. Et ses mots résonnent même plus forts, de manière plus incisive encore, car la mélodie domine.

Enfin, avec un titre comme « Propaganda » et de pareilles pochettes (elles sont bien deux !), on pouvait s’attendre à un album très politique, d’autant que l’époque s’y prête encore et toujours. Pourtant, ce nouvel opus revêt un aspect beaucoup plus sociétal dans son contenu. Le constat est même accablant, mais tellement vrai, et Bernie se montre cinglant comme à son habitude (« Salaud d’Pauvre », « Les vagins Impatients », « Dimanche Au Bord Du Gouffre », « Ma Vie »). Peut-être trop contenu musicalement pour certains, TRUST régale encore et se réinvente brillamment. Allez, lâchez les chiens…