Alors que Gojira vient d’enflammer la cérémonie d’ouverture des Jeux Olympiques, la Philharmonie de Paris, quant à elle, n’a pas attendu les sportifs pour mettre un coup de projecteur sur le Metal à travers une exposition qui se tient depuis le 5 avril et jusqu’au 29 septembre. Le Musée de la Musique, situé à la Villette dans la capitale, propose une immersion dans ce monde finalement assez peu connu du grand public pour y dévoiler et en expliquer les principaux codes. Avec METAL, DIABOLUS IN MUSICA, on retrouve cette musique souvent mal-comprise et perçue comme subversive, à travers un chemin initiatique, qui déconstruit certaines croyances populaires.
METAL, DIABOLUS IN MUSICA
Corentin Charbonnier/Milan Garcin
Gründ/Philharmonie de Paris
Avant même d’ouvrir METAL, DIABOLUS IN MUSICA, il faut reconnaître qu’on a un bel objet entre les mains. De la sobriété de la couverture aux tranches imprimées, la conception est particulièrement soignée et on a plus qu’une envie : tourner les pages et en découvrir le contenu. Bien sûr, en se lançant dans un ouvrage aussi général, on se doute bien que l’ensemble ne saurait être complet et que la liste des chapitres est bien entendu non-exhaustive. Le Metal ne peut se résumer à 250 pages et ce n’est d’ailleurs pas le propos des auteurs, qui se veulent avant tout pédagogues.
Et puis, c’est quoi le Metal exactement ? Le terme a du apparaître au début des années 2000, où l’on pouvait soudain entendre des ‘j’écoute du Metal !’. Avant ça, les choses paraissaient bien plus simples. Il y avait le Hard Rock, le Heavy Metal, Le Thrash, le Death et quelques autres courants dérivés. Et on s’y retrouvait très bien et c’était même plus clair. Puis, chacun a commencé à vouloir se distinguer en créant d’innombrables sous-genres. Sous doute pour cette raison, METAL, DIABOLUS IN MUSICA a aussi la bonne idée de proposer une galaxie des multiples styles sur une double page dépliable bien réalisée.
Grâce à un travail iconographique très fouillé et une mise en page remarquable, on se laisse vite embarquer par la qualité des textes, plus pertinents qu’à l’habitude dans ce type d’exercice. Le regard de musiciens comme Robert Trujillo de Metallica et de sa fille Chloe, celui de Max Cavalera de Soufly, de Nergal de Behemoth ou de notre Stéphane Buriez national de Loudblast apporte également une vision différente et immersive. Et METAL, DIABOLUS IN MUSICA fait aussi de la place à deux sociologues, une doctorante, ainsi qu’au directeur des collections du Hard Rock Café. Le panel est intéressant et varié.
De la scénographie des concerts en passant par la customisation des instruments, le rapport à la musique classique et à l’art (Philharmonie oblige !), les rituels métalliques, les pochettes d’albums emblématiques, la presse spécialisée, les festivals et autres collectionneurs fétichistes, METAL, DIABOLUS IN MUSICA n’élude presque rien, survole certains sujets, c’est vrai, et a aussi tendance à insister sur la frange extrême du Metal. Mais pour qui souhaiterait une vision bien documentée et accessible, et même se replonger dans ses souvenirs et en apprendre aussi parfois un peu : c’est un volume de référence.
(En photo : Corentin Charbonnier, docteur en anthropologie co-commissaire de l’exposition ‘Metal, Diabolus in Musica’ à la Philharmonie de Paris)
264 pages – 23x27cm – 39,95€
Disponible en librairie et aux Editions des Flammes Noires
Les 12 et 13 avril derniers se tenait au château d’Avouerie à Anthisnes, près de Liège en Belgique, la deuxième édition du DARK DUNGEON FESTIVAL. Entièrement dédié au Dungeon Synth, l’évènement a rapidement affiché complet dans ce lieu aussi énigmatique que les artistes qui s’y sont produits. Je l’avoue humblement, j’ai avancé un peu dans l’inconnu, mais non sans enthousiasme et mon habituelle soif de découverte. D’ailleurs, comme pour me rassurer, un membre de l’organisation me confiait que nous étions ici ‘dans la niche des niches’ ! Alors, plutôt qu’un banal ‘live report’, je vais plutôt vous livrer quelques explications, ainsi que mes sensations sur ce style assez atypique et cette ambiance très attachante également.
Azgirath The Metal Statue
Les puristes ne m’en voudront certainement pas, mais comme nous sommes plusieurs à ne pas, ou très peu, connaître le Dungeon Synth, quelques précisions s’imposent d’autant qu’elles ont été recueillies auprès de spécialistes et de fans, qui se sont d’ailleurs faits une joie de m’initier. Et le plus troublant est que toutes les versions se recoupent dans les moindres détails. Apparu donc au début des années 90 et surtout par le biais d’artistes issus du Black Metal, le style est essentiellement électronique, même s’il dégage des atmosphères étonnamment organiques. Inspiré de la littérature Fantasy et de la tradition païenne avec des thématiques souvent folkloriques et ésotériques, le Dungeon Synth trouve aussi racine dans l’univers de Tolkien comme dans celui de ‘Donjons & Dragons’, avec une touche de médiéval.
Inutile de préciser que le château d’Avouerie était le lieu tout indiqué pour ce deuxième épisode du DARK DUNGEON FESTIVAL, certes très dark, mais toujours très bienveillant. Sourire de mise donc, et tenues noires exigées. Mais qu’en est-il musicalement ? Du Black Metal ? Non, pas vraiment. Nous sommes plutôt dans un mood assez soft et parfois presque contemplatif, sauf pour les Allemands de Gothmog, qui ont franchement secoué l’assemblée. Il faut imaginer que le Dungeon Synth est né de l’inspiration des musiciens qui créent les intros, les outros et les interludes d’albums de Black Metal notamment. Et on y retrouve aussi des ambiances propres à l’Ambient, au Synthwave, à la New-Wave et en cherchant bien quelques effluves New-Age se dégagent aussi. Pourtant, loin d’être franchement planant, c’est au contraire très envoûtant, voire hypnotique.
Le château d’Avouerie
Et quid de l’affiche de cette édition 2024 ? Selon le public, on a atteint des sommets, tant dans la variété que dans la qualité des artistes présents, qui s’inscrivent dans le haut du panier du genre. Alors, pour n’oublier et ne froisser personne, étaient présents : Mortiis (Norvège), Bataille (France), Depressive Silence (Allemagne), Dim (Etats-Unis), Gothmog (Allemagne), Henbane (Danemark), Hyver (France), Malfet (Etats-Unis), Mørke Og Lys (Grèce), Sombre Arcane (Etats-Unis), Weress (France), Wydraddear (France) et Örnatorpet (Suède). Un beau panel pour les adeptes de Dungeon Synth, comme pour les néophytes comme moi et l’occasion surtout de parcourir un grand nombre des tendances à l’œuvre dans ce registre si particulier. Car chaque formation se distingue et apporte sa pierre à ce bel et original édifice.
Voilà, vous l’aurez compris, je suis rentré enchanté de ces deux jours au DARK DUNGEON FESTIVAL II, avec des images et des sonorités, auxquelles je ne suis pas forcément habitué, plein la tête ! Et ce fut aussi un vrai plaisir de pouvoir échanger tranquillement avec de nombreux artistes, qui ont eu la patience de contribuer à parfaire ma connaissance et mon apprentissage au Dungeon Synth… sans compter les gens, toujours prompts à s’épancher sur cette musique qui leur tient vraiment à coeur ! On ne voit pas ce genre d’attitude dans beaucoup de festivals, croyez-moi, et c’est là où cette deuxième édition est également une réussite totale. Sans a priori, sans préjugé et sans jugement, ce fut une belle réunion de passionnés à l’état d’esprit ouvert et particulièrement chaleureux. Que cette ‘famille’ est belle !
Je souhaite aussi terminer cette petite ‘carte postale’ de mon escapade belge depuis l’extrémité de ma belle Bretagne en remerciant Denis Halleux, Estéban Lebron-Ruiz et toute l’équipe d’AZ Live pour leur accueil, leur gentillesse et cette organisation parfaite. Un grand clin d’œil aussi à mes amis grecs de Mørke Og Lys, ainsi qu’à Wydraddear et l’ami Emilien des Editions Des Flammes Noires qui m’a permis de me joindre aux Danois, aux Allemands, aux Hollandais, aux Suédois, aux Belges, à l’Américaine, aux Français, aux Bretons même et tous les autres avec qui j’ai pu partager de très agréables moments. Merci à toutes et à tous… et à l’année prochaine !
Sombre ArcaneMørke Og LysMalfetWydraddearMortiisWeressGothmogMørke Og LysHendane
Avec 7.000 livres vendus en l’espace de quatre ans, Emilien Nohaïc est parvenu à installer LES EDITIONS DES FLAMMES NOIRES parmi les maisons incontournables de la scène Metal et plus particulièrement extrême en France. Entre traductions de livres biographiques d’artistes incontournables et récits consacrés aux scènes nationales comme celles du Black Metal finlandais, d’Arménie et de France, le Breton a également édité des romans et de beaux livres plus graphiques comme ceux de Jeff Grimal. Si le domaine est réservé, la palette n’en est pas moins large ! Moments choisis d’une longue et passionnante conversation avec un vrai passionné, qui nous en dit plus sur son travail au sein de cette entreprise en plein essor.
– Parce que tout le monde ne connait pas encore LES EDITIONS DES FLAMMES NOIRES, j’aimerais que tu nous dises quand est-ce que tu as créé la société, pour quelles raisons et combien de livres ont été publiés à ce jour ?
L’entreprise a été crée fin 2019 et le premier livre consacré à Rotting Christ est sorti en mars 2020. On vient de sortir notre quinzième livre autour de la scène Black Metal finlandaise. Nous faisons essentiellement des ouvrages autour du Metal et du Metal extrême. Cela peut être de la biographie, comme pour Behemoth très récemment, ou alors plus documentaire sur des scènes françaises et étrangères et également des beaux livres comme avec Jeff Grimal. D’ailleurs, on va en faire d’autres à l’avenir.
– Pourquoi as-tu jeté ton dévolu sur le Metal extrême, qui est plutôt un style de niche ? C’est un registre que tu affectionnes tout particulièrement, un univers qui te fascine ou c’est plus simplement pour combler un manque ?
Un peu tout ça finalement. J’écoute essentiellement et uniquement du Metal extrême comme le Black Metal et le Death Old School. Ce sont vraiment des styles que j’affectionne depuis de nombreuses années. Par ailleurs, je faisais déjà des traductions en 2015-2016 pour ‘Camion Blanc’, une autre maison d’édition, car j’avais beaucoup de temps libre à l’époque en étant prof de français à la FAC aux Etats-Unis. Et c’était aussi un désir personnel de développer des acquis dans le domaine de la traduction. En 2019, j’ai proposé le projet sur Rotting Christ, mais il y avait d’autres livres en cours et il aurait fallu attendre plusieurs années. Comme il y avait d’autres ouvrages dans le même style sur d’autres groupes du genre, je me suis dit que ce serait dommage qu’il ne sorte pas. Ça a été un déclic pour me pencher sur le travail d’entrepreneur, puisque l’Education Nationale ne me proposait rien d’intéressant. Et je me suis lancé très rapidement fin 2019. Je voulais aussi aller voir ce qui se faisait ailleurs, en dehors des groupes et des musiques plus grand public.
Au coeur des festivals, une présence devenue indispensable…
– Au départ, ton intention était d’abord de faire découvrir une musique très peu médiatisée, ou plutôt de faire découvrir de nouveaux auteurs, de belles plumes ?
Ni l’un, ni l’autre, figure-toi ! Je voulais tout d’abord faire des bouquins en français sur des groupes, dont on est tous fans dans le Metal extrême : Paradise Lost, Moonspell, Morbid Angel, etc… Ils ont tous une grosse communauté de fans dont beaucoup ne parlent pas anglais, ou n’ont pas envie de lire en anglais. Je voulais leur proposer ces livres-là et à des prix tout à fait corrects. Et le fait que cette musique ne soit pas très médiatisée n’est pas forcément un souci. Dans le Metal extrême, il y a des moyens de communication très efficaces à travers les réseaux sociaux, les webzines et les magazines, dont ‘Metallian’ qui m’a toujours soutenu. Donc, on n’a pas forcément besoin des gros médias nationaux.
– Quels sont tes critères pour décider d’éditer un livre et comment cela se passe-t-il ? Tu reçois un manuscrit ou une idée que tu peux éventuellement développer avec l’auteur ?
Ça, c’est valable uniquement pour les auteurs francophones. Pour les traductions, il faut que le bouquin me plaise, le groupe est assez secondaire finalement. Mais pour le français, il faut d’abord que la relation se passe bien avec l’auteur, puisque je suis seul à gérer tout ça. Il faut aussi qu’il y ait un bon accompagnement, c’est-à-dire que je puisse les aider et les guider et surtout que le projet m’intéresse. Par exemple, si on prend Pierre Avril qui travaille sur une série sur le Black Metal, son projet était très intéressant, notamment sur sa dimension. En revanche, quand il est arrivé, il m’a proposé 800 pages illisibles, qui partaient dans tous les sens. Je lui ai donc dit que je ne pouvais pas faire ce genre de livre, parce que c’était tout simplement imbuvable. Il a bien compris les choses. Je lui ai proposé de faire cinq chapitres répartis sur cinq livres différents. Et plutôt que d’avoir les pochettes d’albums, les mêmes logos, les mêmes photos présentes partout sur Internet, je lui ai proposé que ce soit un même artiste qui illustre chaque livre en intégralité. Et Maxime Taccardi a eu la gentillesse de travailler avec nous pour le premier et il a réalisé une quarantaine d’illustrations. Pour le deuxième, Von Kowen a interprété à sa manière les classiques gothiques de Gustave Doré. Et ça donne des livres qui sont concentrés sur des sujets très précis du Black Metal. L’idée est d’avoir un seul artiste qui va illustrer l’un des livres, ce qui apporte une cohérence et une âme à chaque fois. C’est très intéressant, car on a un travail différent sur les livres. Finalement, pour tous les livres, le travail est particulier et se distingue des autres.
– Récemment, tu as sorti la biographie de Behemoth, qui est donc une traduction. Dans ce cas-là, il y a des droits d’auteurs et j’imagine qu’il faut les obtenir ou peut-être même les acheter ? Comment cela se négoce-t-il ?
Effectivement, c’est un milieu très mercantile. Tout est monnayable. Donc à partir du moment où tu as les budgets, tu peux avoir globalement qui tu veux. Sans entrer dans les détails, pour Behemoth, c’était un véritable plaisir et un honneur de pouvoir avoir un groupe comme ça. Ils ont commencé très, très bas et aujourd’hui, ils sont au sommet de leur art et en tête d’affiche de tous les gros festivals. Ils seront d’ailleurs à la Philharmonie à Paris le 4 avril 2024. C’est un groupe qui est véritablement impressionnant. Qu’on n’aime pas leur musique, on peut le comprendre, mais leur parcours est exceptionnel. Pour la traduction, il a donc fallu acheter les droits, et c’est un budget ! Je n’ai pas le droit justement de donner les montants, car les négociations ont été compliquées. Et ce n’est pas Behemoth en tant que tel, ce sont les détenteurs des droits sur les livres. Dans certains cas, les groupes ne touchent pas forcément d’argent sur les ventes des livres, car le texte ne leur appartient pas. Et puis, ce n’est même pas non plus forcément l’auteur qui détient les droits. Ça peut être une maison d’édition, des agents… il y a des cas qui peuvent être assez complexes. Je n’ai pas traité avec Behemoth en tant que personne morale en direct, mais avec leur label américain ‘Metal Blade Records’, qui les produit depuis très longtemps.
– LES EDITIONS DES FLAMMES NOIRES publient les livres d’un ou de plusieurs auteurs, comme pour « Furie Arménienne », par exemple. Est-ce qu’il t’est déjà arrivé d’être à l’origine d’un projet, d’être le commanditaire en quelque sorte d’un ouvrage ?
Non, sauf quand je fais les démarches pour avoir les droits sur un livre dans une autre langue. Je fais part de mon intérêt et je fais une proposition avec aussi un pourcentage sur les ventes derrière. Ensuite, on négocie. Mais je ne fais pas d’appel à projet à proprement parler. J’ai déjà beaucoup de travail et de publications à sortir, et je n’ai pas encore le besoin d’en arriver là. De temps en temps, j’ai aussi des propositions intéressantes sur lesquelles je m’appuie.
« The Stoner Freaks Anthology », une bible pour tous les fans…
– En plus de l’édition, il t’arrive aussi d’être le distributeur d’un livre que tu n’as pas publié, comme c’est le cas pour « The Stoner Freaks Anthology ». On fait appel à toi pour ton réseau, ou c’est surtout pour développer ton activité ?
C’est un peu des deux. C’est vrai aussi qu’entre « The Stoner Freaks Anthology » et le Black Metal, plusieurs mondes les séparent ! En fait, les auteurs avaient lancé le projet avec un crowdfunding, qui avait cartonné et qui leur a permis de lancer l’impression de 750 exemplaires sur le premier volume. Quelques mois plus tard et parce qu’il y avait une grosse demande, ils m’ont proposé de reprendre le projet, de le publier sous le nom des FLAMMES NOIRES, mais sans toucher au texte et au prix. On a donc dû trouver des compromis avec l’imprimeur pour que ce soit viable avec un volume de livres assez conséquent pour que ce soit rentable aussi. On en a fait 1.000 exemplaires, qui sont partis sur un an et demi/deux ans. Il s’est donc vendu au total à plus de 1.700 exemplaires très rapidement. Sur le deuxième volume, ils ne voulaient pas gérer la logistique des envois et la réception, ce que je comprends bien. Pour l’anecdote, quand le premier volume est arrivé chez moi, cela représentait trois tonnes de livres ! C’est conséquent quand tu vis en appartement ! Et quand tu vois que tout est parti, c’est quelque chose qui fait vraiment très plaisir d’autant qu’il s’est passé la même chose sur le deuxième !
– L’été vient de s’achever avec de nombreux festivals Metal sur lesquels tu étais régulièrement en tant qu’exposant. C’est important d’aller au contact des fans de Metal et de pouvoir directement leur parler des livres des EDITIONS DES FLAMMES NOIRES ?
Complètement, parce qu’aujourd’hui sur les réseaux sociaux et même sur Internet plus largement, c’est difficile d’émerger et de se faire une petite place. On est noyé dans la masse et rien de concret ne se produit derrière. Et surtout, je ne vends que des objets physiques et c’est donc important d’avoir une relation physique avec les gens. Il faut qu’ils puissent le prendre dans les mains, le regarder, le feuilleter et toujours sans obligation d’achat. Les festivals sont nécessaires pour aller vers les gens, car ils ne viendront pas forcément vers toi. Il y a un choix devenu très important et très différent, et qui va bien au-delà des livres avec notamment du merchandising en tout genre, les vinyles et même les cassettes, par exemple.
L’histoire du Black Metal finlandais…
– Tu travailles essentiellement en faisant de la VPC et tu es donc présent sur les festivals, ainsi que dans quelques librairies. Quels sont les principaux obstacles que tu rencontres au niveau de la distribution ?
Une fois encore, c’est un peu plus compliqué que ça en a l’air. Au début, tout passait par moi et le site internet (lien en bas d’interview – NDR), où il y a l’ensemble du catalogue avec une grande variété d’ouvrages comme des romans également. Les principaux obstacles viennent du fait que l’auteur soit connu, ou pas, et que les ventes aient un volume suffisant, parce que cela coûte très cher. Pour le moment, je n’ai pas encore atteint le niveau de vente nécessaire ou de catalogue pour que ce soit intéressant pour les distribuer un peu partout. En 2024, il va y avoir du changement, car j’ai signé les contrats de distribution des livres avec la société Geodif, qui appartient à Gallimard (groupe Eyrolles – NDR). Et ça fait vraiment plaisir ! Ce sont donc eux qui vont gérer les stocks, assurer de la promotion des livres et de leur mise à disposition dans les librairies indépendantes, ainsi que les FNAC, Cultura, les points Leclerc, etc… C’est une super évolution et qui s’est faite en très peu de temps.
– Aujourd’hui, LES EDITIONS DES FLAMMES NOIRES sont focalisées sur les musiques extrêmes. Est-ce que tu envisages à l’avenir de t’ouvrir à d’autres registres, voire d’éditer des ouvrages d’un tout autre genre littéraire ?
Oui, non et pas du tout, en fait ! (Rires) Ma ligne éditoriale est très simple : il faut que ça parle de Metal et de Metal extrême. Si tu me proposes un bouquin sur Led Zeppelin, je te dirai d’emblée que je ne suis pas intéressé, car ça ne rentre pas dans ma ligne éditoriale justement. Ce n’est pas que je n’aime pas le groupe, c’est tout simplement que ce n’est pas ce que je veux. Et il y a d’autres maisons qui font ça très bien et qui le feront mieux que moi. Si quelqu’un vient avec un projet sur Nightwish, par exemple, qui est un groupe un peu plus grand public, et que c’est bien fait, que c’est intéressant, que ça se lit bien et qu’il y a plein de belles photos : je serai partant, alors que Nightwish n’est pas un groupe que j’apprécie. Il faut que ça reste dans cette optique-là. Le plus important est la pertinence par rapport à la ligne que je me suis fixée.
L’histoire des Norvégiens d’Ulver, le petit dernier…
– Il y a une chose de remarquable avec les livres que tu édites, c’est l’importance et le soin apportés à la mise en page et surtout à l’iconographie. Tu les places au même niveau que l’écriture dans le sens où un bon texte se doit d’être accompagné de visuels de qualité ?
Il faut que je prenne du plaisir avec mes bouquins et si je n’en prends pas, ça ne sert à rien. C’est aussi simple que ça. Les images et les photos permettent d’illustrer un texte et de prendre des respirations aussi. Si tu prends le livre sur Behemoth, l’image et le texte sont placés au même niveau, car ils sont complémentaires. L’image raconte aussi beaucoup de choses, qui ne sont pas forcément perceptibles dans le texte. C’est super de pouvoir visualiser ce que tu lis. Mes livres sont loin d’être parfaits, car il y a toujours des petites coquilles qui traînent, une mise en page qui peut être un peu trop tassée parfois ou des choix qui ne sont pas toujours judicieux. On apprend et on s’améliore au fur et à mesure. On apprend aussi de ses erreurs, tout simplement pour grandir. Je n’avais aucune expérience en commençant et j’ai appris en faisant les choses, en étant attentif aux détails. Pour les visuels, il faut toujours trouver le juste milieu, car il faut que ça respire. Et puis, étant aussi amateur de livre et de cette musique, j’ai envie de m’y retrouver et d’avoir envie de le lire. Cela nécessite également une prise de distance avec le temps, pour regarder les choses dans leur globalité. Et puis, chaque livre a sa propre identité et c’est exactement ce qui me plait. La recherche d’équilibre est toujours centrale finalement. Et cela n’empêche d’ailleurs absolument pas d’aborder un groupe sous des angles très différents, car il y a tout un monde derrière et autour des musiciens.
– Depuis la création de la maison d’édition, t’est-il déjà arrivé de refuser un manuscrit ou un projet et pour quelles raisons ?
Oui, j’en refuse régulièrement, car cela ne correspond, une fois encore, pas à la ligne éditoriale. On me propose du polar, de la science-fiction ou autre et je refuse, car cela ne m’intéresse pas. Et puis, il y a aussi le côté affectif. Il faut que je me sente en confiance avec l’auteur. C’est un bon point de départ, parce qu’on va s’engager sur plusieurs années et si le courant ne passe pas, ça peut vite devenir compliqué. Après, il y a forcément des moments de crispation, d’incompréhension et de malentendu. C’est normal, puisque qu’on parle de relations humaines. Il faut ensuite que ce soit bien pensé, viable et pertinent. Le parcours de l’auteur est aussi très important, car il apporte un témoignage sur quelque chose qu’il a vécu et/ou qu’il connait très bien. Ecrire un livre demande énormément de travail sur la longueur et beaucoup jettent aussi l’éponge. Des idées, on en a tous, mais les concrétiser est plus compliqué, car ça demande de la pugnacité, de l’engagement et de l’acharnement. Et puis, il faut aussi être en capacité de se voir dire non à de nombreuses reprises pour des raisons qui ne sont d’ailleurs pas toujours légitimes. Il faut savoir faire des choix et ensuite les assumer. Ce que j’ai vraiment appris, c’est que rien n’est jamais simple…. Et comme j’aime bien me faire chier, je suis plutôt heureux ! (Rires)
– Enfin, est-ce que lorsqu’on est éditeur, on a des désirs d’écriture ?
Au début, peut-être un petit peu, mais aujourd’hui pas du tout. Et puis, je n’ai pas le temps. Plus tard sans doute, j’aurais envie de me faire plaisir avec des groupes dont on ne parle peut-être pas assez. Pour le moment, je suis débordé et je n’ai pas la tête pour ça. J’ai déjà fait beaucoup de chroniques de livres, car j’ai tenu un blog pendant un moment, mais très éloigné du Metal. D’ailleurs, je préfère parler de présentation plutôt que de chroniques, et il s’agissait essentiellement de littérature américaine.
3.000 ans d’Histoire et pourtant la scène Metal arménienne est parmi les plus discrètes au monde. La petite taille du pays explique bien des choses, mais on doit surtout cette faible exposition aux chaotiques évènements endurés par son peuple. Maxence Smaniotto et François Martin se sont penchés sur ce carrefour des cultures et cette « Furie Arménienne » n’est pas une légende, comme l’explique ce nouvel ouvrage aux Editions des Flammes Noires.
FURIE ARMENIENNE
La scène Metal d’Arménie et de sa diaspora
Maxence Smaniotto & François Martin
(Editions des Flammes Noires)
Pour beaucoup, le monde musical de l’Arménie se limite à Charles Aznavour et à d’autres artistes (plus musclés) de sa diaspora comme Serj Tankian de System Of The Down et même la chanteuse Cher pour les plus érudits. Et pourtant, ce petit pays, régulièrement mis à mal par de nombreux conflits géopolitiques, résiste tant bien que mal en s’efforçant aussi de faire vivre sa scène Metal. Enclavés entre la Turquie, l’Azerbaïzan, la Georgie et l’Iran, les musiciens font même mieux que résister.
Maxence Smaniotto et François Martin entreprennent ici, et de bien belle manière, de dresser une sorte d’état des lieux des forces en présence. Et leur récif regorge d’anecdotes bien sûr, mais revient aussi sur la situation du pays à travers son Histoire, son évolution, le tout complété par de nombreux témoignages recueillis auprès des groupes en activité dont le courage, la détermination et l’abnégation sont exemplaires et passionnés. « Furie Arménienne » honore son titre.
L’Arménie fait toujours face à des luttes contre lesquelles elles s’élèvent avec ténacité. Forcément, ce combat est aussi mené artistiquement à travers le Metal et le Rock… point de Reggae à l’horizon, donc ! Les acteurs ne manquent pas et d’autres comme Sakis Tolis de Rotting Christ, Gauthier Serre d’Igorrr ou Tommy Talamanca de Sadist livrent leurs commentaires sur un vécu marquant. D’autres, plus illustres encore, se sont aussi immergés dans le pays… et pas des moindres.
De l’époque soviétique à aujourd’hui, le Metal arménien a évidemment changé et s’est beaucoup émancipé, même s’il reste toujours très confidentiel sur la scène mondiale et même européenne. « Furie Arménienne » nous plonge dans un univers, parfois irréaliste, d’une nation qui ne manque ni de ressource et encore moins de volonté. D’ailleurs, l’interview de Ian Gillian de Deep Purple offre un regard plein d’espoir aussi pour la suite. Captivant et très bien documenté.